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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24397/2019

ACPR/512/2022 du 29.07.2022 sur ONMMP/832/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;ASSURANCE-VIEILLESSE; SURVIVANTS ET INVALIDITÉ;PRIME D'ASSURANCE;ORGANE(PERSONNE MORALE);HOMME DE PAILLE
Normes : CPP.310; LAVS.87; CP.29; DPA.6

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24397/2019 ACPR/512/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 29 juillet 2022

 

Entre

A______, sise ______[GE],

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 16 mars 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 28 mars 2022, la A______ (ci-après : A______) recourt contre l'ordonnance du 16 mars 2022, expédiée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur les faits visés par la procédure P/24397/2019 à l'égard de B______.

La recourante conclut à ce qu'il soit constaté que les éléments constitutifs des art. 87 ss LAVS sont remplis, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Les époux C______ et B______ sont respectivement associé gérant président et associée gérante – chacun avec signature individuelle – de la société D______ SÀRL, en liquidation, sise à E______, dont la faillite a été prononcée le ______ 2020. Selon l'extrait du Registre du commerce, cette société avait notamment pour but la production de manifestations et de représentations culturelles, ainsi que de dispenser des formations et des cours de théâtre.

b. Le 26 novembre 2019, l'Office des poursuites a dénoncé C______ au Ministère public, lui reprochant d'avoir, en sa qualité d'employeur (au nom de D______ SÀRL), contrevenu à l'obligation de renseigner (art. 324 ch. 5 CP) et violé son obligation de verser les mensualités de la saisie sur salaire de son débiteur, à savoir C______ lui-même (art. 159 CP).

c. Le 2 décembre 2019, le Ministère public a informé C______ qu'une procédure préliminaire, portant le numéro P/24397/2019, était ouverte contre lui et lui a demandé de lui faire parvenir ses éventuelles observations.

d. Le 30 janvier 2020, la A______ a dénoncé B______ et C______ au Ministère public, leur reprochant d'avoir, en leur qualité d'organes de D______ SÀRL, en liquidation, retenu sur les salaires versés durant diverses périodes entre 2015 et 2017 la part de cotisations incombant aux salariés sans la verser à la caisse de compensation (art. 87 LAVS).

À l'appui de la dénonciation figurent de nombreux documents, dont il ressort que, dans ses diverses communications (par écrit, e-mail ou téléphone) avec la A______, la société D______ SÀRL, en liquidation, était toujours représentée par C______. En outre, selon les attestations des salaires des employés pour 2014 à 2017, B______ n'a touché de salaire que pour l'année 2014, tandis que C______ a perçu le sien chacune de ces années.

e. Pour les faits visés par cette seconde dénonciation, le Ministère public a ouvert une procédure P/1______/2020, qu'il a ensuite jointe, le 12 février 2020, à la procédure P/24397/2019, sous ce dernier numéro.

f. Le 26 juin 2020, le Ministère public a informé C______ qu'une procédure préliminaire était ouverte contre lui pour détournement de retenues sur les salaires (art. 159 CP) et infraction à l'art. 87 LAVS. Le même jour, il a informé B______ qu'une procédure préliminaire était ouverte contre elle pour la première de ces infractions puis, le 3 septembre 2021, également pour inobservation par un tiers des règles de la procédure pour dettes (art. 324 ch. 5 CP) et infraction à l'art. 87 al. 4 LAVS.

g. Dans ses déterminations du 24 septembre 2021, C______ a conclu au classement de la procédure à son encontre, respectivement au prononcé d'une peine pécuniaire avec sursis s'agissant de l'art. 87 al. 4 LAVS. Pour cette infraction, il ne contestait pas avoir utilisé une partie des salaires retenus afin de s'acquitter de certaines dettes ou factures, plutôt que de reverser cette somme à la A______. Il avait fondé D______ SÀRL en 2005. Depuis plusieurs années, cette société rencontrait divers problèmes financiers et juridiques (dépenses imprévues ou à double, cotisations dues à la A______, crise du Covid-19 et fermeture de son école), qu'il avait tenté de résoudre (arrangements de paiement, réduction de l'effectif, gestion financière plus stricte, plus de salaire personnel dès janvier 2018, plan de paiement, déménagement en Grande-Bretagne pour réduire les dépenses), sans toutefois parvenir à éviter la faillite. Le 17 mars 2021, la A______ avait rendu une décision en réparation du dommage (art. 52 LAVS), lui réclamant à titre personnel le paiement de CHF 208'572.10. Il avait formé opposition, expliquant ne pas s'opposer à la réparation dans son principe, mais souhaiter trouver un arrangement en vue d'un paiement échelonné.

À l'appui de ses déterminations, C______ a produit divers documents, dont les attestations des salaires des employés pour 2018 à 2020, le journal d'écritures par employé, un extrait du compte bancaire de D______ SÀRL, en liquidation, et sa correspondance avec la A______. L'attestation des salaires pour 2018 est une liste manuscrite, signée au nom de C______ par un employé de la société. Le nom de B______ n'apparaît sur aucune de ces attestations de salaires.

h. Dans ses déterminations du 12 novembre 2021, B______ a sollicité le classement de la procédure à son égard, au motif que, bien qu'officiellement inscrite en qualité d'organe de D______ SÀRL, en liquidation, elle n'avait jamais officié en tant que tel, dans la mesure où la gestion administrative ne lui avait jamais incombé. Cette gestion était assurée par son mari, C______, en qui elle avait pleine confiance, puisqu'il avait obtenu une licence en économie de l'Université de F______. Pour sa part, elle était chargée de travailler avec les enseignants, d'élaborer le programme d'études et d'enseigner aux plus jeunes élèves de l'école de théâtre gérée par la société. Son rôle d'enseignante s'était considérablement réduit après la naissance de son premier enfant, en novembre 2010, et s'était complètement arrêté à l'arrivée du second. Après 2016, elle n'était plus intervenue dans la société, préférant prendre soin de sa famille. Elle ignorait que les cotisations dues sur les salaires des employés n'étaient pas versées et que son époux avait fait l'objet d'une saisie sur salaire.

C. a. Dans sa décision querellée, le Ministère public retient que les documents produits par la A______ à l'appui de sa dénonciation démontraient que tous les courriers qui lui avaient été adressés par D______ SÀRL, en liquidation, étaient signés par C______. Par ailleurs, il ne ressortait pas des allégations du prénommé que son épouse avait été chargée, d'une manière ou d'une autre, de la gestion de la société. Ainsi, les éléments au dossier ne permettaient pas de retenir que B______ avait connaissance des cotisations sociales impayées, de la saisie sur les gains de son époux ou des demandes de l'Office des poursuites quant aux revenus de ce dernier.

b. Par ordonnance pénale du même jour, le Ministère public a déclaré C______ coupable de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice (art. 169 CP), d'infraction à l'art. 87 al. 4 LAVS et d'inobservation par le débiteur des règles de la procédure de poursuite pour dettes (art. 323 ch. 2 CP) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende avec sursis ainsi qu'à une amende de CHF 2'000.-.

S'agissant de l'art. 87 al. 4 LAVS, l'ordonnance pénale retient que C______ avait admis ne pas avoir versé l'intégralité des cotisations dues à la A______. Un remboursement postérieur dans le cadre de la liquidation de la faillite n'aurait pas pour effet d'exclure de facto sa responsabilité pénale. En outre, C______ s'était engagé à plusieurs reprises auprès de la A______ à rembourser les cotisations impayées, mais n'avait jamais respecté ses engagements dans la durée.

C______ n'a pas formé opposition à cette ordonnance pénale, qui est entrée en force.

D. a. À l'appui de son recours, la A______ reproche au Ministère public de s'être uniquement basé sur les déclarations de B______ et de son époux, lui-même prévenu, qui n'étaient pas étayées par les pièces au dossier. À aucun moment B______ ou C______ ne lui avaient annoncé que ce dernier gérait seul la société. Ce n'était pas parce que B______ n'avait pas signé des courriers qu'elle n'avait pas géré cette société. Une telle conclusion était hâtive et ne reposait sur aucun fondement. Elle constituait en outre une différence de traitement avec C______, condamné par ordonnance pénale. En acceptant son mandat d'associée gérante, avec signature individuelle, pendant les périodes litigieuses, B______ avait accepté les devoirs et responsabilités qui y étaient associés, notamment en matière de paiement des cotisations sociales.

En effet, l'organe qui n'exerçait pas lui-même la gestion et l'administration restait tenu de surveiller ces tâches. Cela impliquait pour lui de se faire renseigner régulièrement sur la marche des affaires, de vérifier les comptes et de demander tout renseignement complémentaire nécessaire. Même le membre exclu ou maintenu à l'écart de la gestion restait tenu de surveiller les personnes qui géraient la société jusqu'à ce qu'il soit relevé de ses fonctions. De plus, un organe responsable était lié par un devoir de diligence qui l'obligeait à fournir tous les efforts pouvant être attendus de lui dans le cadre de l'exercice de ses fonctions. Selon le Tribunal fédéral [aucun arrêt n'est toutefois cité à cet appui], l'homme de paille violait son devoir de diligence dès qu'il acceptait d'être organe au sens formel, étant donné qu'il était conscient qu'il ne serait pas en mesure d'effectuer, ou qu'il n'effectuerait simplement pas, les tâches attribuées à son rôle.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Il ne s'était pas fondé uniquement sur les déclarations de B______ et de son époux, mais également sur les nombreuses pièces figurant au dossier. La qualité d'organe de la prénommée ne suffisait pas à fonder sa culpabilité. La différence de traitement avec C______ s'expliquait par le fait que les éléments recueillis permettaient de retenir que des infractions avaient été commises intentionnellement par ce dernier, ce qu'il avait du reste admis, contrairement à son épouse, pour laquelle la condition de l'intention n'avait pas été établie. Enfin, aucun acte d'instruction ne semblait à même de démontrer que B______ avait connaissance des actes reprochés à son époux.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner d'un assureur social (caisse de compensation) qui s'est vu reconnaître la qualité de partie sui generis (art. 104 al. 2 CPP) dans les procédures menées pour violation de l'art. 87 LAVS (art. 79 al. 3 LPGA) et qui, dans cette mesure, a qualité pour agir (art. 382 al. 1 CPP ; cf. ACPR/21/2022 du 17 janvier 2022 consid. 1.3 ; ACPR/648/2020 du 16 septembre 2020 consid. 1.2).

2.             La recourante reproche au Ministère public d'avoir refusé d'entrer en matière sur une partie des faits dénoncés le 30 janvier 2020, soit ceux concernant la mise en cause.

2.1.       Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage in dubio pro duriore. Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1). Le ministère public dispose, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; 138 IV 86 consid. 4.1.2).

2.2.       L'art. 87 al. 4 LAVS punit d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus, à moins qu'il ne s'agisse d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus lourde, celui qui, en sa qualité d'employeur, aura versé à un salarié des salaires dont il aura déduit les cotisations et qui, au lieu de payer les cotisations salariales dues à la caisse de compensation, les aura utilisées pour lui-même ou pour régler d'autres créances.

2.2.1. Les infractions définies à l'art. 87 LAVS sont des infractions intentionnelles, qui peuvent également être commises par dol éventuel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_662/2018 du 5 septembre 2018 consid. 2.1.3 ; G. WEISSBRODT, Les dispositions pénales LAVS, in Rémy Wyler [éd.], Panorama III en droit du travail, 2017, 407 ss, p. 411). Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'accommode du résultat au cas où celui-ci se produirait (art. 12 al. 2 CP).

2.2.2. L'art. 79 al. 1 LPGA – applicable par renvoi de l'art. 1 al. 1 LAVS – dispose que la partie générale du CP ainsi que l'art. 6 DPA sont applicables.

Selon l'art. 29 CP, un devoir particulier dont la violation fonde ou aggrave la punissabilité et qui incombe uniquement à la personne morale, à la société ou à l'entreprise en raison individuelle est imputé à une personne physique lorsque celle-ci agit notamment en qualité d'organe d'une personne morale ou de membre d'un tel organe (let. a) ou en qualité de dirigeant effectif qui n'est ni un organe ou un membre d'un organe, ni un associé ou un collaborateur (let. d).

Selon l'art. 6 DPA, lorsqu'une infraction est commise notamment dans la gestion d'une personne morale, les dispositions pénales sont applicables aux personnes physiques qui ont commis l'acte (al. 1). Le chef d'entreprise, l'employeur, le mandant ou le représenté qui, intentionnellement ou par négligence et en violation d'une obligation juridique, omet de prévenir une infraction commise par le subordonné, le mandataire ou le représentant ou d'en supprimer les effets, tombe sous le coup des dispositions pénales applicables à l'auteur ayant agi intentionnellement ou par négligence (al. 2). Lorsque le chef d'entreprise, l'employeur, le mandant ou le représenté est une personne morale, une société en nom collectif ou en commandite, une entreprise individuelle ou une collectivité sans personnalité juridique, l'al. 2 s'applique aux organes et à leurs membres, aux associés gérants, dirigeants effectifs ou liquidateurs fautifs (al. 3).

L'art. 29 CP, tout comme l'art. 6 al. 1 DPA, qui est son pendant en droit pénal administratif, ne modifient pas le principe selon lequel la personne physique à qui l'infraction est imputée au sein de l'entreprise doit avoir elle-même commis l'acte réprimé, en agissant fautivement et intentionnellement, voire par négligence lorsque celle-ci est réprimée (pour l'art. 29 CP : L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS [éds], Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 6, 19 et 26 ad art. 29 ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 6P.101/2001 du 28 novembre 2001 consid. 5a, in SJ 2002 I 129 [art. 172 aCP] ; pour l'art. 6 al. 1 DPA : A. GARBARSKI / A. MACALUSO, La responsabilité de l'entreprise et de ses organes dirigeants à l'épreuve du droit pénal administratif, PJA 2008 833 ss, p. 835).

2.2.3. Le Tribunal fédéral a eu à connaître d'une affaire de détournement de retenues sur les salaires (art. 159 CP) – disposition similaire à l'art. 87 al. 4 LAVS, dont elle se distingue toutefois en ce que le travailleur doit en outre avoir subi un dommage (G. WEISSBRODT, op. cit., p. 424 s.) – dans laquelle la prévenue, unique associée gérante de l'entreprise, avait été qualifiée de "femme de paille", puisqu'elle œuvrait en réalité comme secrétaire-réceptionniste alors que la société était véritablement dirigée par d'autres. Appelé à examiner si une omission pouvait lui être reprochée dans ce cadre, le Tribunal fédéral a considéré que, pour qu'un dirigeant puisse être considéré comme (co)auteur d'une infraction intentionnelle, il fallait qu'il en ait effectivement connu et voulu (au moins par dol éventuel) les faits constitutifs. En l'occurrence, la prévenue ignorait que des cotisations perçues sur des salaires ne parvenaient pas à leur destinataire, de sorte qu'elle n'avait pas participé comme auteur à l'infraction en cause, qui ne punissait que l'intention. Une condamnation n'aurait éventuellement pu entrer en ligne de compte que si, après avoir appris que les retenues n'étaient pas reversées à l'assurance, elle n'avait pas agi de manière à empêcher la réalisation de l'infraction ou à remédier à ses conséquences (arrêt du Tribunal fédéral 6P.101/2001 précité consid. 4b et 5).

2.3.       En l'espèce, on relèvera, à titre liminaire, que la recourante invoque, dans la partie "en droit" de ses écritures, les art. 87 à 89 LAVS, qu'elle reproduit dans leur intégralité, sans toutefois préciser laquelle de ces dispositions (dont la dernière a d'ailleurs été abrogée avec effet au 1er janvier 2022 [RO 2021 758]) pourrait selon elle entrer en ligne de compte. Dans la partie "en fait" de son mémoire, elle dit reprocher aux mis en cause de ne pas lui avoir reversé les cotisations retenues sur les salaires des employés, ce qui correspond à l'hypothèse visée par l'art. 87 al. 4 LAVS, infraction retenue par le Ministère public à l'encontre de C______ dans son ordonnance pénale. Seule cette dernière disposition sera dès lors examinée ici.

Contrairement à ce que soutient la recourante, le Ministère public ne s'est pas uniquement fondé, pour rendre son ordonnance querellée, sur la version des faits présentée par la mise en cause et son époux, mais également sur les nombreuses pièces figurant au dossier, dont certaines produites par la recourante elle-même. Ces moyens de preuve viennent confirmer les déclarations de la mise en cause, selon lesquelles elle n'avait jamais été chargée de la gestion administrative de la société – rôle dévolu à son époux –, mais s'était limitée à occuper la fonction d'enseignante au sein de l'école de théâtre gérée par la société, puis s'était consacrée à temps plein à l'éducation de ses enfants à partir de 2016.

En effet, il ressort des documents produits par la recourante que son unique interlocuteur au sein de D______ SÀRL, en liquidation, a toujours été C______, lequel a régulièrement cherché à obtenir des sursis et des arrangements de paiement, expliquant les difficultés rencontrées par la société. Les attestations des salaires successives confirment que la mise en cause a cessé de travailler pour la société dès 2015, contrairement à son mari, qui a continué de percevoir son salaire jusqu'en 2017. Les documents produits par C______ permettent ensuite de constater qu'il avait accès aux comptes bancaires de la société et qu'il était chargé de transmettre à la recourante les attestations de salaires de ses employés. Ces documents, couplés aux explications du prénommé, démontrent en outre qu'il était directement impliqué dans la gestion de la société, qu'il dirigeait au quotidien, prenant lui-même les décisions qui s'imposaient face aux problèmes financiers et opérationnels. Il n'apparaît pas que la mise en cause ait, dans ce cadre, joué un quelconque rôle décisionnel ou contribué à la marche des affaires de la société.

Dans ces circonstances, le Ministère public pouvait valablement considérer que la mise en cause n'avait pas elle-même utilisé les cotisations salariales à d'autres fins que celle de les reverser à la recourante et qu'elle ignorait même jusqu'à l'existence de ces cotisations salariales impayées. Bien qu'organe formel de la société, aucun élément ne permet de retenir ou même de soupçonner qu'elle avait personnellement connaissance des éléments constitutifs de l'art. 87 al. 4 LAVS, ni qu'elle avait voulu – ne serait-ce que par dol éventuel – leur réalisation. L'infraction a été commise par son mari, qui occupait seul, dans les faits, le rôle d'organe dirigeant de la société et qui a seul réalisé l'ensemble des éléments constitutifs objectifs et subjectifs (au sens de l'art. 29 CP et/ou 6 al. 1 DPA), ce qui a du reste conduit à sa condamnation.

Enfin, les développements de la recourante sur le devoir de diligence incombant à tout organe, même à l'homme de paille au rôle purement passif, peuvent certes jouer un rôle dans l'appréciation de la notion de négligence grave au sens de l'art. 52 LAVS (réparation du dommage par l'employeur, subsidiairement ses organes ; voir par ex. ATAS/394/2018 du 9 mai 2018). Cet argument est toutefois dénué de pertinence en droit pénal, matière qui reste dominée par le principe de culpabilité individuelle, qui suppose que l'auteur remplisse lui-même les conditions objectives et subjectives – ici : l'intention et non la simple négligence – de l'infraction (arrêt du Tribunal fédéral 6P.101/2001 précité consid. 5a). Si ce principe connaît certaines exceptions, notamment à l'art. 6 al. 2 et 3 DPA, la recourante ne prétend toutefois pas que les conditions en seraient ici remplies, ce qui supposerait d'abord que la mise en cause puisse être qualifiée de supérieure hiérarchique de son époux (cf. A. GARBARSKI / A. MACALUSO, op. cit., p. 836 ss) et, ensuite, qu'elle se soit trouvée dans une position de garant lui imposant d'empêcher la réalisation de l'infraction (cf. ATF 142 IV 315 consid. 2.2.2). Tel n'est manifestement pas le cas en l'occurrence.

Il n'apparaît dès lors pas que les probabilités d'une condamnation de la mise en cause du chef de l'art. 87 al. 4 LAVS auraient été supérieures ou même équivalentes à celles d'un acquittement, de sorte que le Ministère public pouvait à juste titre refuser d'entrer en matière sur les faits dénoncés par la recourante.

Le grief est rejeté.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             Compte tenu du fait que la recourante, qui succombe, est une autorité publique au sens de l'art. 104 al. 2 CPP, les frais de la procédure seront laissés à la charge de l'État (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 1 ad art. 428).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la A______ ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).