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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4564/2022

ACPR/507/2022 du 27.07.2022 sur SEQMP/803/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);PREUVE FACILITÉE;SOUPÇON;LIEN DE CAUSALITÉ;CONNEXITÉ
Normes : CPP.263

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4564/2022 ACPR/507/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 27 juillet 2022

 

Entre

 

A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me C______, avocat, ______, Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de séquestre rendue le 23 mars 2022 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 25 avril 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 23 mars 2022, notifiée le 22 avril suivant, par laquelle le Ministère public a ordonné le séquestre, en mains de la prison de B______, de EUR 800.- et CHF 1'920.-.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à la levée immédiate du séquestre.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 28 février 2022, A______ a été arrêté dans le cadre d'une opération visant à lutter contre le trafic de stupéfiants.

À la police, il a expliqué avoir, durant l'été 2021, dans le cadre de son métier de chauffeur D______, accepté la course d'un client dénommé "F______". Durant le trajet, celui-ci lui avait proposé de faire des courses pour lui, contre rémunération, ce qu'il avait fait à plusieurs reprises. Par la suite, F______ lui avait demandé de transporter des "sachets remplis de poudre", qu'il ignorait être de la drogue. Comme il devait subvenir aux besoins de son épouse, E______, et de leurs quatre enfants et que sa situation financière était difficile, il avait fini par accepter la proposition.

Une quantité de 369.5 grammes d'héroïne a été découverte dans son véhicule.

b. Le lendemain, le Ministère public a ouvert une instruction contre A______ pour infraction à l'art. 19 al. 1 et 2 LStup, désignant parallèlement MC______ en qualité de défenseur d'office.

c. Au terme de l'audience tenue le même jour, le Ministère public a également requis – et obtenu du Tribunal des mesures de contrainte (ci-après: TMC) – la mise en détention provisoire de A______.

Ce dernier a eu la possibilité d'appeler son épouse, devant le Procureur, pour l'informer de la situation.

C. a. Le 23 mars 2022, le Ministère public a rendu l'ordonnance querellée.

Il en ressort que lors d'un contrôle opéré à la prison de B______ le 4 précédent, A______ avait reçu de son épouse un colis contenant une veste, dans laquelle se trouvaient les sommes de EUR 800.- et CHF 1'920.-. Leur origine étant considérée comme "particulièrement suspecte", en particulier au vu des difficultés économiques alléguées par A______, la mise sous séquestre s'avérait "la seule mesure susceptible de permettre la mise en sûreté des objets et valeurs pouvant être utilisés comme moyens de preuve utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités restitués au lésé confisqués, ces derniers étant en lien de connexité avec la ou les infraction(s) reprochée(s) confisqués en vue d'exécution d'une créance compensatrice (sic)".

b. Entre le 2 mars et le 1er avril 2022, E______ a sollicité à trois reprises une autorisation de visite à B______, lesquelles ont toutes été refusées par le Ministère public.

c. Le 23 mars 2022, la police a entendu E______.

La situation depuis l'arrestation de A______ était difficile, la famille n'ayant plus de source de revenus. L'avocat de son mari lui avait fait part de la nécessité de fournir des habits à ce dernier. Elle lui avait donc apporté une veste, ignorant que de l'argent s'y trouvait. Si elle avait remarqué les liasses, elle les aurait gardées pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants. Elle ne connaissait pas la provenance de cet argent et n'avait pas eu de contact avec son époux en dehors de la discussion téléphonique survenue en présence du Procureur. Elle avait déposé de l'argent à l'intention de A______, produisant deux reçus de la prison de B______ d'une valeur totale de CHF 150.-.

d. Le 13 avril 2022, A______ a déclaré à la police que la situation financière de son ménage se portait "bien". Il travaillait depuis cinq ans pour D______ et conduisait également pour des clients privés. Ses revenus avaient diminué à cause de la pandémie de Covid-19, mais il réussissait à s'en sortir financièrement. Durant cette période, il touchait, en sus de sa rémunération, environ CHF 3'100.- d'APG et CHF 1'400.- d'allocations familiales.

Il avait environ CHF 3'000.- d'économies à son domicile. Cette somme se composait d'euros et de francs suisses, avec une plus grande proportion de la deuxième devise. L'argent, provenant de courses effectuées pour des clients privés et de pourboires, était caché dans la poche d'une veste grise. Il s'agissait des sommes séquestrées. Sa femme ignorait que cet argent se trouvait dans cette veste.

D. a. Dans son recours, A______ allègue avoir effectué plusieurs courses avant son arrestation, pour des clients privés ou par l'intermédiaire de l'application D______. L'argent retrouvé dans sa veste correspondait au solde des rémunérations ainsi obtenues, après le paiement des dépenses courantes et nécessaires au ménage. Son origine étant licite, le montant saisi n'avait aucun lien de causalité avec les infractions reprochées, et les sommes ne pouvaient pas être séquestrées sur la base de l'art. 263 al. 1 let. a ou c CPP. Le séquestre portait en outre atteinte à son minimum vital et enfreignait de la sorte le droit fédéral.

b. Dans ses observations, le Ministère public qualifie "d'obscure" l'origine des sommes séquestrées, remettant en cause les explications données par A______ à cet égard. Ce dernier avait caché l'existence de cet argent, tout en laissant croire que sa famille allait au-devant de difficultés financières. En réalité, la situation de l'intéressé était plutôt confortable, bénéficiant d'aides étatiques et de revenus liés à son activité D______, en sus de la rémunération pour des transports privés "sans doute non-déclarée". Il était douteux que le reste de l'argent ait servi aux besoins courant du ménage alors que l'existence de telles sommes était inconnue de son épouse. Le minimum vital n'avait pas à être pris en compte sur le produit d'un trafic de stupéfiants. Quand bien même les sommes en question ne provenaient pas directement d'un tel trafic, elles pouvaient être séquestrées en vue du prononcé d'une créance compensatrice.

c. A______ persiste dans ses conclusions.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 105 al. 2 et 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste le bien-fondé du séquestre.

2.1. Selon l'art. 263 al. 1 CPP, des objets et valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, notamment lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves (let. a), qu'ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités (let. b), qu'ils devront être restitués au lésé (let. c) ou qu'ils devront être confisqués (let. d). L'art. 71 al. 3 CP, permet par ailleurs à l'autorité d'instruction de placer sous séquestre, en vue de l'exécution d'une créance compensatrice, des éléments du patrimoine de la personne concernée, à savoir, notamment, l'auteur de l'infraction (arrêts du Tribunal fédéral 1B_213/2013 du 27 septembre 2013 consid. 4.1; 1B_583/2012 du 31 janvier 2013 consid. 2.1 et les références citées).

2.2.1. À l'exception des cas où le séquestre est ordonné en couverture des frais ou en vue de l'exécution d'une créance compensatrice, l'autorité pénale doit établir un lien de connexité entre l'objet ou les valeurs séquestrées et l'infraction poursuivie, lequel existe lorsque l’objet ou les valeurs séquestrés sont en relation directe avec l’infraction, qu’ils aient servi ou étaient destinés à la commettre, à convaincre l’auteur de la commettre ou à le récompenser, ou qu’ils en soient le produit (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 24 et 24a ad art. 263).

Pour un séquestre au sens de l'art. 263 al. 1 let a CPP (dit probatoire; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, CPP, Code de procédure pénale, Bâle 2016, n. 6 ad art. 263), il n'y a pas lieu de se montrer trop exigeant quant au lien de connexité avec l'infraction: il suffit que l'objet du séquestre ait un rapport avec l'infraction (ATF 137 IV 189 consid. 5.1.1 p. 195 s.) et présente une utilité potentielle pour l'enquête en cours (arrêt du Tribunal fédéral 1B_103/2012 du 5 juillet 2012 consid. 2.1). 

2.2.2. Tant le séquestre en couverture de frais (ou à fin de garantie) au sens de l’article 263 al.1 let.b (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, op. cit., n. 13 ad art. 263) que celui prévu par l'art. 71 al. 3 CP nécessitent de tenir compte d'une éventuelle atteinte au minimum vital du prévenu (cf. art. 268 al. 3; ATF 141 IV 360 consid. 3.4 p. 366).

2.3. En l'espèce, le recourant est, notamment, soupçonné d'avoir transporté des stupéfiants contre rémunération.

Si l'ordonnance querellée cite pêle-mêle et sans cohérence syntaxique le texte de l'art. 263 al. 1 CPP, elle retient néanmoins que les valeurs saisies seraient en lien de connexité avec les infractions reprochées, ce qui suffit à fonder un séquestre au sens de la disposition précitée, sans qu'il ne soit besoin d'examiner si la mesure porte atteinte au minimum vital du prévenu.

Le recourant allègue que les sommes saisies – qui se trouvaient dans une veste déposée par son épouse à la prison – seraient le fruit de son activité indépendante, sans lien avec le trafic de stupéfiants dont il est soupçonné.

Il appartiendra à l'instruction d'apporter des éventuels éclaircissements, mais, à ce stade de l'instruction, les soupçons que ces sommes proviennent, au contraire, du trafic de stupéfiants reproché sont suffisantes. Le fait que l'épouse du recourant ignorât, selon leurs dires à tous les deux, l'existence de ces valeurs, cachées dans la veste du second, conforte plutôt le soupçon qu'elles proviennent d'une activité illicite puisque, dans le cas contraire, elles auraient servi à l'entretien du ménage.

3.             Mal fondé, le recours est, partant, rejeté.

4.             Le recourant, bien qu'au bénéfice de l'assistance juridique succombe. Il supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4 et 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 [arrêts qui rappellent que l'autorité de deuxième instance est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de recours, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire]), fixés en totalité à CHF 800.- (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

5.             Il n'y a pas lieu d'indemniser à ce stade le défenseur d'office (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/4564/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

800.00