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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/1529/2022

ACPR/499/2022 du 26.07.2022 sur ONMMP/196/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PLAINTE PÉNALE;CONCURRENCE DÉLOYALE;INFRACTIONS CONTRE LE PATRIMOINE;SECRET D'AFFAIRES
Normes : CPP.310; CP.31; CP.162; CP.158; LCD.23

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/1529/2022 ACPR/499/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 26 juillet 2022

 

Entre

A______ SA, sise ______[GE], comparant par Me Antoine BOESCH, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8-10, case postale, 1211 Genève 4,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 24 janvier 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 7 février 2022, A______ SA recourt contre l'ordonnance du 24 janvier 2022, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

La recourante conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public d'ouvrir une instruction portant sur les faits visés par sa plainte.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. A______ SA est une société active dans le commerce, la production, la représentation et l'exportation de produits bruts ou manufacturés et les services de tout genre dans le domaine de la santé. B______ en était son administrateur, respectivement son administrateur président, entre le 1995 et le 10 février 2021.

Elle est détenue à 75 % par la société C______ SA, laquelle a un but analogue à la première citée.

B______ a également été directeur de C______ SA de 1995 au 19 novembre 2021.

a.b. D______ SA est inscrite au Registre du commerce de Genève depuis le ______ 2021 et est également active dans le même domaine.

E______ en est l'administrateur président, et F______, un administrateur.

Ils sont, respectivement, fils et frère de B______.

b. Le 17 janvier 2022, A______ SA a déposé plainte contre B______ et E______ et D______ SA pour violation des art. 4 let. a et c, 5 let. b, 6 et 23 al. 1 de la Loi fédérale contre la concurrence du 19 décembre 1986 (RS 241; ci-après: LCD), ainsi que toutes autres infractions susceptibles d'avoir été commises, y compris celle de gestion déloyale (art. 158 CP).

Elle a expliqué que B______, engagé formellement par C______ SA, travaillait "concrètement" pour A______ SA depuis sa création en 1993. E______, également engagé par C______ SA, œuvrait pour A______ SA, depuis le 1er septembre 2017. Les deux hommes avaient engagé G______, le 24 août 2020, en tant qu'assistante chez C______ SA. L'activité de A______ SA consistait essentiellement dans la distribution de produits achetés à la société H______ SA (ci-après: H______ SA), avec laquelle un contrat de distribution avait été conclu pour différents pays d'Afrique. Selon un accord tacite, A______ SA avait, pour ces territoires, l'exclusivité de la distribution des produits en question. Concrètement, chaque mois, H______ SA lui allouait une certaine quantité de produits à distribuer, qu'elle achetait systématiquement. Dans le cadre de leur travail, B______ et E______ étaient en relation avec H______ SA et les clients/acheteurs de A______ SA en Afrique. Dès fin 2019, B______ avait annoncé à A______ SA son intention de prendre sa retraite anticipée et, le 30 avril 2021, avait démissionné pour le 30 septembre 2021. Dans ce contexte, début mai 2021, E______ avait expliqué qu'il entendait tout naturellement poursuivre son travail auprès de A______ SA pour y "reprendre le flambeau" de son père, souhaitant même avoir davantage accès aux aspects financiers/bancaires des opérations de fonctionnement de la société. Puis, le 28 mai 2021, E______ avait démissionné pour le 31 juillet 2021. Le 23 juillet 2021, G______ avait donné, à son tour, son congé pour le 31 août 2021.

Dès juillet 2021, A______ SA avait subi une baisse très importante des demandes d'offres de ses clients/acheteurs réguliers d'Afrique. Entre janvier et juillet 2021, elle avait facturé en moyenne pour environ USD/EUR 1'704'285.-, par mois. Puis USD/EUR 0.- pour les mois d'août et septembre 2021. Pour ces deux mois, elle n'avait plus reçu aucune allocation de produits de H______ SA de sorte qu'aucune commande n'avait eu lieu. Sur son insistance, en octobre 2021, H______ SA lui avait de nouveau alloué des produits.

Le 8 septembre 2021, après avoir reçu, par erreur, un courriel envoyé à l'adresse "____@D______.ch", destiné à G______, par une société avec laquelle elle-même avait l'habitude de travailler en Afrique, elle avait compris que G______ travaillait pour D______ SA, société qui vendait "rigoureusement" les mêmes produits qu'elle, provenant de H______ SA ainsi que d'autres de ses fournisseurs historiques. Dite société avait pour administrateur E______ et F______. Selon "le cours ordinaire des choses" B______, F______ étant "très vraisemblablement un prête-nom", et E______ devaient avoir planifié la création de D______ SA, dès juin, début-juillet 2021. Le courriel en question avait "disparu du serveur principal" quelques minutes après son envoi. Il avait délibérément été effacé par la seule personne pouvant le faire en sa qualité d'administrateur unique du site, B_____.

Le 28 septembre 2021, A______ SA avait, à nouveau, reçu, par erreur, un courriel destiné à G______ chez D______ SA, provenant d'un de ses transporteurs partenaires habituels. Le message comprenait, en annexe, des documents établis entre D______ SA et une cliente de A______ SA.

Elle reprochait ainsi à "B______ et E______, au bénéfice de D______ et/ou en qualité d'organes de cette dernière, [d'avoir] détourné aussi bien les fournisseurs que les clients de A______; en définitive MM. B______ et E______ [avaient] purement et simplement œuvré pour substituer D______ à A______, dans la chaîne menant des anciens fournisseurs aux anciens clients de cette dernière, pour le même assortiment de produits, en passant par les mêmes transitaires et ma (sic) même société de vérification". Les prénommés "n'auraient jamais pu réaliser cet exploit sans la connaissance détaillée, acquise durant de longues années au service de A______, des fournisseurs, des clients, des partenaires, des procédures, des pratiques, des produits etc. de A______. En d'autres termes, il aurait été strictement impossible pour D______ d'évincer si totalement et rapidement A______ et se substituer à cette dernière comme elle l'a fait, sans la connaissance intime des affaires de A______ qu'avaient acquise MM. B______ et E______ – qui [avaient] poussé l'audace jusqu'à débaucher Mme G______. Tout ceci rel[evait] manifestement de comportements prohibés par le LCD. Dans la mesure où MM. B______ et E______ étaient encore employés de A______ (et, pour le premier, administrateur de A______, et directeur de C______) au moment où ils [avaient] nécessairement dû travailler activement non seulement à la création de D______ et de son site, mais au détournement des fournisseurs et clients de A______, leurs actes rel[evaient] également d'une violation des leurs obligations à ce titre, notamment des art. 321a CO et 717 CO".

B______ et E______ avaient parfaitement conscience du caractère illicite de leurs actes comme en témoignaient notamment les circonstances dans lesquelles chacun avaient démissionné ou, encore, l'intervention de B______ pour effacer immédiatement le courriel reçu le 8 septembre 2021.

La mise en demeure adressée à D______ SA de mettre un terme à ses activités, ayant été vaine, le 20 octobre 2021, – dénonçant les faits précités – elle avait saisi la Chambre civile de la Cour de Justice d'une requête en mesures provisionnelles fondée essentiellement sur les dispositions de la LCD, assortie de conclusions sur mesures superprovisionnelles – ouverte sous le numéro de cause C/1______/2021 –. Par arrêt ACJC/1398/2021 du 27 octobre 2021, la Chambre civile, statuant sur mesures superprovisionnelles, a rejeté la requête.

À l'appui de sa plainte, A______ SA a produit divers documents, notamment le contrat de distribution "Distribution Agreement" conclu avec H______ SA, à teneur duquel cette dernière "reserves the right to make direct or indirect sales of Products to customers" (se réserve le droit de faire des ventes directes ou indirectes des produits à des clients).

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public relève que les violations à l'art. 23 LCD étaient poursuivies sur plainte. Au plus tard le 28 septembre 2021, A______ SA avait connaissance des faits fondant sa plainte pénale dès lors celle déposée le 17 janvier 2022 était tardive.

D. a. Dans son recours, A______ SA considère que les agissements dénoncés constituaient "des délits continus ou ceux résultant d'une succession d'actes semblables" de sorte que le délai de plainte n'avait en réalité pas encore commencé à courir. En effet, B______ et E______ continuaient à commettre des infractions à la LCD, tant et aussi longtemps qu'ils exploitaient "l'affaire, les connaissances, les réseaux" développés et entretenus par A______ SA par le biais de D______ SA.

Par ailleurs, elle reproche au Ministère public de ne pas avoir évoqué l'infraction de gestion déloyale ni a fortiori expliqué les raisons pour lesquelles il l'avait écartée, ainsi que toute autre pertinente. S'agissant de cette infraction, l'activité délictuelle de B______ avait débuté bien avant l'inscription de D______ SA au Registre du commerce le ______ 2021. Quand bien même le prénommé n'apparaissait pas formellement audit Registre, il était, selon toute vraisemblance, intervenu activement dans sa création et surtout dans le détournement des fournisseurs, clients et autres intervenants au réseau de A______ SA, "qu'il connaissait parfaitement depuis bien plus longtemps que son fils".

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours et confirme son ordonnance. Plus aucune activité continue ni de répétition d'actes illicites n'avaient eu lieu après le 1er août 2021, période à partir de laquelle les quantités de produits allouées par H______ SA à A______ SA avaient été nulles. A______ SA avait eu connaissance de ces actes et de l'identité des auteurs dès le 8 septembre 2021, et avec certitude le 28 suivant, de sorte que le délai de la plainte était échu au plus tard.

Au surplus, les infractions à la LCD ne semblaient, d'emblée, pas réalisées dans la mesure où rien n'indiquait : que la relation avec les clients de A______ SA faisait l'objet de contrats qui auraient été rompus en dehors des délais contractuels; que B______ et E______ auraient incité G______ à trahir des secrets de son employeur précédent; et que B______ et E______ avaient exploité des informations obtenues de manière indue, ceux-ci les ayant obtenues de manière légitime, étant employés de A______ SA.

S'agissant de la violation de l'art. 158 CP, rien ne démontrait que B______ avait violé ses devoirs durant son mandat d'administrateur de A______ SA dès lors qu'il avait occupé ce poste jusqu'en février 2021 et que les preuves apportées par la société indiquaient que les diminutions de son chiffre d'affaires avaient commencé au plus tôt en mars 2021.

c. A______ SA réplique que "l'exploitation" réprimée dans les art. 5 let. b et 6 LCD existait et se poursuivait pendant toute la durée nécessaire à un tiers pour développer cette même activité ab ovo, sans le bénéfice des relations et connaissances, propres à A______ SA et sur lesquelles s'étaient appuyées "MM. B______/D______".

D______ SA avait : usurpé la place de A______ SA tant dans ses relations avec ses fournisseurs que ses clients, permettant à cette première de reprendre "comme tel" le commerce de A______ SA en Afrique, visant "rigoureusement tous les partenaires commerciaux de A______" (art. 4 let. a LCD); incité B______ et E______, en leur qualité d'anciens employés et administrateur de A______ SA, à trahir les secrets de fabrication et d'affaires de A______ SA (art. 4 let. c LCD); violé les art. 5 let. b et 6 LCD "soit pour elle ses organes (y compris M. F______, qui n'a, lui jamais eu accès à un quelconque des secrets d'affaires de A______ ni au produit du travail de cette dernière)"; B______ et E______ s'étaient quant à eux rendus coupable de l'infraction à l'art. 162 CP, soit de violation du secret de fabrication ou secret commercial.

Enfin, concernant l'art. 158 CP, B______ en sa qualité de directeur de C______ SA, actionnaire à 75 % de A______ SA jusqu'en novembre 2021, ne pouvait impunément collaborer ou permettre que A______ SA soit vidée de sa substance. De plus, l'usurpation de la place de A______ SA par D______ SA ne s'était pas faite du jour au lendemain et, selon toute vraisemblance, cela devait au moins avoir été planifié avant le départ de B______ comme administrateur.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Selon l’art. 310 al. 1 let. b CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière lorsqu’il ressort de la plainte qu'il existe des empêchements de procéder, par exemple lorsque le délai pour déposer plainte prévu par l'art. 31 CP n'a pas été respecté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5).

2.1. À l'exception de la qualité pour déposer plainte qui est réglée spécifiquement à l'art. 23 al. 2 LCD, l'introduction et le retrait d'une poursuite pénale contre l'auteur d'un acte de concurrence déloyale suivent les conditions formelles des art. 31 ss CP (V. MARTENET / P. PICHONNAZ (éds), Commentaire romand : Loi contre la concurrence déloyale, Bâle 2017, n. 31 ad rem. lim. aux art. 23-27).

L'art. 162 CP punit, sur plainte, celui qui aura révélé un secret de fabrication ou un secret commercial qu'il était tenu de garder en vertu d'une obligation légale ou contractuelle; ainsi que celui qui aura utilisé cette révélation à son profit ou à celui d'un tiers.

Le délai de plainte court du jour où l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction et – l'art. 31 CP ne le précise pas, mais cela va de soi – de l'acte délictueux, c'est-à-dire des éléments constitutifs objectifs, mais également subjectifs de l'infraction (arrêts du Tribunal fédéral 6B_451/2009 du 23 octobre 2009 consid. 1.2 et 6B_396/2008 du 25 août 2008 consid. 3.3.3). Cette connaissance doit être suffisante pour que l'ayant droit puisse considérer que des poursuites auraient de fortes chances de succès et ne l'exposeraient pas au risque d'être lui-même poursuivi pour dénonciation calomnieuse ou diffamation (ATF 126 IV 131 consid. 2; 121 IV 272 consid. 2a); de simples soupçons ne suffisent pas, mais il n'est pas nécessaire que l'ayant droit dispose déjà de moyens de preuve (ATF 121 IV 272 consid. 2a; ATF 101 IV 113 consid. 1b et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 6S.33/2007 du 20 avril 2007 consid. 5).

La plainte pénale est déposée à raison d'un état de fait délictueux déterminé (cf. art. 30 ss. CP). Il s'ensuit que la poursuite pénale ne peut être exigée que pour les infractions qui ont déjà été commises. Ce n'est qu'en cas de délits continus que la jurisprudence admet qu'une plainte s'étende aux faits qui perdurent après le dépôt de la plainte. Or, la concurrence déloyale ne constitue pas un délit continu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_123/2016 du 9 décembre 2016 consid. 4.1. et 4.2.).

2.2. En l'occurrence, il ressort des éléments au dossier que, à tout le moins le 28 septembre 2021 – date à laquelle A______ SA a reçu le second courriel adressé à G______ chez D______ SA –, la recourante connaissait de manière suffisante les faits fondant sa plainte. Dès cette date, elle savait que D______ SA était dirigée et employait d'anciens employés à elle; travaillait avec les mêmes fournisseurs et produits qu'elle et distribuait ces derniers dans les mêmes zones géographiques. Déposée le 17 janvier 2022, la plainte doit donc être considérée comme tardive.

Au surplus, au vu de la jurisprudence en matière de concurrence déloyale, qui est claire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_123/2016 précité), l'on ne saurait considérer que le délai de plainte n'a pas commencé à courir pour les faits dénoncés. La recourante ne peut donc pas être suivie lorsqu'elle estime que lesdits faits constituent un délit continu et que celui-ci perdure pendant toute la durée nécessaire à un tiers pour développer la même activité ab ovo, sans les connaissances obtenues par les mis en cause auprès d'elle.

Par ailleurs, au regard du développement qui précède (cf. consid. 2.2. 1er § supra), on ne saurait non plus voir dans l'infraction visée par l'art. 162 al. 1 CP – invoquée pour la première fois dans la réplique – un délit continu, qui perduerait aussi longtemps que les mis en cause utiliseraient à leur profit les informations dont ils ont eu connaissance dans le cadre de leur relation de travail avec la recourante. En effet, selon la jurisprudence le terme "utilisation" doit être vu comme équivalent à celui "d'exploitation" de l'art. 6 LCD. Il s'agit donc d'un acte ponctuel et déterminé, et non d'un délit continu, de sorte que l'infraction est commise dès le moment où le secret est utilisé (arrêt du Tribunal pénal fédéral du 9 juillet 2013 SK.2013.23 consid. 5.1 et 5.3).

Par conséquent, c'est à raison que le Ministère public considère qu'il existe un empêchement de procéder pour les infractions poursuivies sur plainte (art. 310 al. 1 let. b CPP), celle-ci ayant été déposée tardivement.

3. Reste à examiner la question de la violation de l'art. 158 CP par B______.

3.1. Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière lorsqu’il ressort de la plainte que les éléments constitutifs d’une infraction ne sont pas réalisés (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées).

Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale, et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le procureur doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 9 ad art. 310).

3.2. L’art. 158 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, en vertu de la loi, d’un mandat officiel ou d’un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d’autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu’ils soient lésés (al. 1). La peine sera aggravée si l’auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (al. 3).

3.3. En l'occurrence, aucun élément au dossier ne permet de retenir que B______ ait contribué à la création de D______ SA, y occuperait une position dirigeante ou déploierait une quelconque activité, et ce, même du temps où il œuvrait pour la recourante, ni même pour C______ SA. Il ressort plutôt des éléments produits que l'intéressé a cessé son activité professionnelle auprès de A______ SA afin de prendre sa retraite anticipée, intention déjà évoquée plusieurs années avant sa démission. Ce constat n'est pas modifié par le seul lien de parenté que l'intéressé entretient avec les administrateurs de D______ SA – père de E______ et frère de F______ –. Il n'est pas non plus renversé du fait que, selon la recourante, B______ aurait été à l'origine de la suppression, sur son serveur, du courriel du 8 septembre 2021 dans la mesure où cette allégation n'est corroborée par aucun autre élément probant.

Cette infraction n'est donc manifestement pas réalisée par B______, faute d'élément permettant de considérer un quelconque lien avec D______ SA.

Partant, c'est à juste titre que le Ministère public n'est pas entré en matière sur la plainte de A______ SA.

4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ SA aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Daniela CHIABUDINI et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/1529/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'000.00