Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision
AARP/243/2025 du 27.06.2025 sur JTDP/1492/2024 ( PENAL ) , ADMIS
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE P/8718/2024 AARP/243/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale d'appel et de révision Arrêt du 27 juin 2025 |
Entre
A______, domiciliée c/o Association B______ ‒ Madame C______, ______, comparant par Me Dina BAZARBACHI, avocate, BAZARBACHI LAHLOU & ARCHINARD, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,
appelante,
contre le jugement JTDP/1492/2024 rendu le 9 décembre 2024 par le Tribunal de police,
et
LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
Vu le jugement JTDP/1492/2024 rendu le 9 décembre 2024 par le Tribunal de police, qui a reconnu A______ coupable de mendicité (art. 11A al. 1 let. c ch. 2 de la loi pénale genevoise [LPG]) et l'a condamnée à une amende de CHF 100.-, avec peine privative de liberté de substitution d'un jour, ainsi qu'aux frais de la procédure en CHF 490.-, émolument de jugement compris ;
Vu l'appel formé en temps utile par A______, attaquant le jugement dans son ensemble ;
Vu la mise en œuvre d'une procédure écrite, avec l'accord des parties ;
Attendu, en fait, que, selon l'ordonnance pénale n° 1______ du Service des contraventions (SDC) du 29 février 2024, valant acte d'accusation, il est reproché à A______ d'avoir mendié, le 23 janvier 2024 à 16h05, à la hauteur du Boulevard du Pont-d'Arve no. ______ à Genève, aux abords de l'établissement public "D______", faits qualifiés d'infraction à l'art. 11A al. 1 let. c LPG ;
Que, selon le rapport de contravention établi par la police le 5 février 2024, celle-ci, dans le cadre d'une patrouille pédestre, a constaté que A______, dans les circonstances qui précèdent, s'adonnait à la mendicité en alpaguant toutes les personnes marchant à proximité d'elle en vue de récupérer quelques deniers, alors qu'elle se trouvait devant l'établissement public en question ; la police lui avait demandé de quitter les lieux, tout en la déclarant en contravention sur-le-champ ;
Que A______, après opposition à l'ordonnance pénale décernée à son encontre, n'a pas comparu à l'audience du TP du 27 août 2024, lors de laquelle elle a été représentée par son conseil, qui a présenté ses moyens de droit, concluant à l'acquittement de sa mandante, celle-ci renonçant à toute indemnisation ;
Que, dans le cadre de son appel, A______ a conclu, principalement, à la constatation de la nullité de l'ordonnance pénale querellée, avec renvoi de la cause au SDC, si mieux n'aime à son acquittement ; elle n'a pris aucune conclusion chiffrée en indemnisation au sens des art. 429 et 436 du Code de procédure pénale (CPP), après y avoir été invitée ;
Que le Ministère public a conclu au rejet de l'appel à l'appui de son mémoire de réponse, développant son argumentation au fond, le grief de nullité de l'ordonnance, soulevé tardivement, étant irrecevable de son point de vue ;
Que le SDC a conclu à l'irrecevabilité du grief de nullité soulevé (cf. art. 80 al. 2 et art. 353 al. 1 let. k CPP) et au rejet de l'appel, se référant au jugement attaqué ;
Que le TP s'est référé à son jugement ;
Que la cause a été gardée à juger à compter du 21 mars 2025 ;
Considérant en droit, l'art. 11A al. 1 let. c ch. 2 LPG qui punit quiconque aura mendié aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation commerciale, notamment les magasins, hôtels, cafés, restaurants, bars et discothèques ;
Que cette disposition vise la mendicité passive, soit précisément le comportement reproché à l'appelante ;
Que le Tribunal fédéral a été amené à se prononcer récemment sur la conformité de la législation en cause dans toute une série d'arrêts visant cette forme de mendicité poursuivie dans le canton : notre Haute autorité a pris une position univoque retenant la problématique en regard du principe de la légalité des délits et des peines, la norme n'étant pas suffisamment précise pour envisager une répression égalitaire des cas d'espèce (cf. par exemple arrêt du Tribunal fédéral 6B_216/2024 du 19 mars 2025 consid. 7.4 à 7.6) ; se posait également la question de la violation du principe de la proportionnalité, réalisée lorsque le contrevenant n'avait pas été averti, avant d'être sanctionné (cf. arrêt du Tribunal fédéral, ibidem, consid. 8.6 et ss), ce qui devait conduire à l'annulation de la condamnation ne respectant pas les droits fondamentaux, le vice n'étant pas susceptible d'être guéri, respectivement à l'acquittement (voir aussi ATF 149 I 248 consid. 5.4.6 et ss) ;
Qu'en l'espèce, à lecture du rapport de contravention du 5 février 2024, il n'est pas possible de déterminer où se trouvait précisément l'appelante lorsqu'elle s'est adonnée à la mendicité ; les termes "devant l'établissement public en question" du rapport de police ou "aux abords de l'établissement public" tels que retenus dans l'ordonnance pénale, ne permettent pas de déterminer dans quel périmètre exact l'appelante était postée, à tout le moins ils n'autorisent pas à dire qu'elle se trouvait à moins d'un ou deux mètres de l'entrée de l'établissement concerné ;
Que, pour ce motif déjà, l'appel sera admis et l'acquittement de A______ prononcé ;
Qu'à titre superfétatoire, l'on ignore – même s'il ressort du dossier que l'appelante avait déjà mendié par le passé et été punie en conséquence – si un avertissement lui a été donné, ce qui n'apparaît pas être le cas, puisqu'elle a été déclarée en contravention sur-le-champ ;
Que l'entier des frais de la cause sera laissé à la charge de l'État (art. 428 al. 1 CPP a contrario) ;
Qu'il n'y a pas matière à indemnisation, vu l'absence de conclusions en ce sens (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_472/2012 du 13 novembre 2012).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1492/2024 rendu le 9 décembre 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/8718/2024.
L'admet.
Annule ce jugement.
Et statuant à nouveau :
Acquitte A______ d'infraction à l'art. 11A al. 1 let. c ch. 2 de la loi pénale genevoise (LPG).
Laisse l'entier des frais de la procédure à la charge de l'État (art. 426 et 428 CPP).
Notifie le présent arrêt aux parties.
Le communique, pour information, au Tribunal de police ainsi qu'à l'Office cantonal de la population et des migrations.
La greffière : Linda TAGHARIST |
| Le président : Vincent FOURNIER |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.