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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/24270/2022

AARP/346/2024 du 30.09.2024 sur JTDP/24/2024 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LSTUP;DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LEI
Normes : LStup.19.al1; LStup.19b.al1; LEI.116.al1.leta; LEI.116.al2; CP.47; CP.49; CP.52
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24270/2022 AARP/346/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 30 septembre 2024

 

Entre

A______, domicilié c/o B______, ______, comparant par Me C______, avocate,

B______, domiciliée ______, comparant par Me Isabelle BÜHLER GALLADE, avocate, SPIRA + ASSOCIEES rue De-Candolle 28, 1205 Genève,

appelants,

 

contre le jugement JTDP/24/2024 rendu le 11 janvier 2024 par le Tribunal de police,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

.


EN FAIT :

A. Saisine de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR)

a.a. En temps utile, A______ et B______ appellent du jugement JTDP/24/2024 du 11 janvier 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) :

S'agissant de A______ :

·         a classé la procédure du chef de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]) pour la période du 16 novembre 2015 au 11 janvier 2017 et du chef d'infraction à l'article 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) pour la période du 16 novembre 2019 au 11 janvier 2021 ;

·         l'a reconnu coupable d'infraction à l'article 19 al. 1 let. c et d LStup, d'infraction à l'article 19a ch. 1 LStup et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) ;

·         l'a acquitté du chef d'infraction à l'article 19 al. 1 let. c LStup en lien avec la remise de stupéfiants à B______ (art. 19b al. 1 LStup) et à la vente de stupéfiants au policier en civil ;

·         l'a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, sous déduction de deux jours-amende, correspondant à deux jours de détention avant jugement, à CHF 10.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans) et à une amende de CHF 200.- ;

S'agissant de B______ :

·         l'a reconnue coupable d'incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux (art. 116 al. 1 let. a aLEI [dans sa version antérieure au 1er juillet 2023]) et d'infraction à l'article 19a ch. 1 LStup ;

·         l'a condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, à CHF 50.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : deux ans) et à une amende de CHF 200.-.

Les frais de la procédure préliminaire et de première instance ont été mis à charge à raison de la moitié pour A______ et d'un quart pour B______.

a.b A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement du chef d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c et d LStup, frais à charge de l'État.

a.c. B______ entreprend partiellement ce jugement, concluant, principalement, à son acquittement de l'infraction à l'art. 116 al. 1 let. a aLEI, subsidiairement, qu'il soit fait application du cas de peu de gravité de l'art. 116 al. 2 aLEI et à son exemption de peine, et, encore plus subsidiairement, à sa condamnation à une amende, avec suite de frais.

a.d. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

b.a. Selon l'ordonnance pénale du 16 novembre 2022, il est reproché à A______ :

·         d'avoir, à Genève, entre le 16 novembre 2015 et le 16 novembre 2022, persisté à séjourner sur le territoire suisse, alors qu'il était dépourvu des autorisations nécessaires et d'un passeport valable indiquant sa nationalité ;

·         de s'être, à Genève, à tout le moins entre 2018 et 2022, adonné au trafic de stupéfiants, en vendant du cannabis à D______ depuis trois ou quatre ans contre la somme totale de CHF 7'200.- ;

·         d'avoir, à Genève, à tout le moins entre le 16 novembre 2019 et le 16 novembre 2022, consommé régulièrement des stupéfiants.

b.b. Selon l'ordonnance pénale du 18 novembre 2022, il est reproché à B______ :

·         d'avoir, à Genève, a minima depuis le début de l'année 2022, jusqu'au 15 novembre 2022, hébergé A______, ressortissant gambien, à son domicile, alors que ce dernier n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires pour séjourner en Suisse, ce qu'elle savait ;

·         d'avoir, à Genève, à tout le moins entre le début de l'année 2022 et le 15 novembre 2022, consommé régulièrement de la marijuana.

B. Faits ressortant du dossier de première instance

a. A______ a été interpellé le 15 novembre 2022 dans le cadre d'une opération de lutte contre le trafic de stupéfiants (cf. rapport d'arrestation du même jour).

b. Le 15 novembre 2022, consécutivement à l'arrestation de A______, l'appartement, sis chemin 1______ no. ______, [code postal] E______ [GE], loué par B______, compagne du précité, a été perquisitionné, ce qui a, notamment, permis la découverte :

·         de 20,1 grammes brut (pièces 1, 3 à 8) et de 30,9 grammes net (pièce 2) de cannabis ainsi qu'un morceau de résine de cannabis de 2,1 grammes net (pièce 9);

·         de 12 pilules d'ecstasy (4,2 grammes brut) (pièce 12) ;

·         de CHF 500.- et EUR 100.- (pièce 10) ;

·         d'un trousseau de clefs devant la porte, dans une chaussure à l'extérieur (pièce 13).

c. Le même jour, A______, B______ et D______ ont été entendus en qualité de prévenus par la police.

c.a. A______ a contesté le trafic de stupéfiants. Il consommait du cannabis, mais n'en vendait pas. La drogue et l'argent trouvés chez B______ provenaient de sa consommation personnelle, respectivement de son travail.

Il n'avait pas de résidence fixe. On l'invitait ou il dormait dans la rue. Il logeait parfois chez B______, avec laquelle il entretenait une relation depuis trois ans. Il n'y avait que quelques habits et n'y vivait pas. Il n'y allait que de temps en temps. Elle laissait la clef de l'appartement dans une chaussure.

Ultérieurement, il a expliqué qu'il résidait au chemin 1______ no. ______ depuis le début de leur histoire.

c.b. À la police, B______ a déclaré que, dès sa rencontre avec A______ en 2019, il était venu souvent chez elle. Ils s'étaient rapprochés au début de l'année 2022 et mis en couple. Il vivait depuis régulièrement chez elle, mais il avait un autre logement, peut-être aux F______, où elle n'était jamais allée. Elle ne recevait pas d'argent de son compagnon et il n'avait pas la clef de chez elle. La clef était cachée dans les chaussures et il pouvait accéder à son appartement "à sa guise". Elle savait qu'il vendait de la drogue et qu'il ne disposait pas d'une autorisation de séjour, ce qu'elle aurait aimé régulariser.

Une partie de la drogue trouvée chez elle constituait sa propre consommation (pièces 2, 7 à 9). Le reste ne lui disait rien ou n'était pas à elle (pièces 1, 3 à 6, 10 à 12).

c.c. D______, voisine de palier de B______, a déclaré que A______ lui vendait occasionnellement du cannabis depuis trois ans, étant précisé qu'elle avait d'autres dealers. Ses achats auprès du précité étaient difficilement quantifiables. Elle estimait avoir dépensé environ CHF 200.-/mois.

Confrontée au fait que cela revenait à la somme de CHF 7'200.- depuis sa rencontre avec A______, elle a répondu que cela lui paraissait beaucoup. Il l'avait très souvent "dépannée" gratuitement d'un joint ou deux (un gramme par joint environ).

A______ et B______ étaient en couple et vivaient ensemble depuis environ trois ans.

d. Lors de l'audience du 20 février 2023 par-devant le MP, B______ a déclaré que A______ venait "sporadiquement" chez elle et elle lui laissait les clefs dans une chaussure à l'extérieur. Durant la période pénale, ils étaient en couple, de sorte qu'il venait de manière plus fréquente chez elle, mais elle ne pouvait pas dire avec quelle régularité. Ils étaient déjà ensemble lorsqu'elle avait appris qu'il n'avait pas de papiers. Elle était amoureuse et voulait régulariser la situation en se mariant. Cela ne s'était pas fait en raison de son burnout en mars 2020 et du COVID-19.

e.a. Devant le TP, A______ a persisté dans ses explications.

e.b. B______ a souhaité revenir sur ses déclarations faites devant la police. Elle se trouvait en état de choc et certains raccourcis avaient été faits. Elle n'avait pas dit que A______ pouvait accéder "à sa guise" à son appartement, mais qu'elle laissait des clefs à l'extérieur lorsqu'elle savait qu'il venait. Son compagnon n'était pas là tout le temps, notamment pas pendant le Ramadan et pas non plus en son absence, notamment quand elle se rendait en Valais pour visiter sa famille.

e.c. D______ a, en substance, indiqué que A______ ne lui avait pas vendu de cannabis. Il l'avait "dépannée" en lui en remettant gratuitement, peut-être sur une période d'un mois, car son dealer était absent, soit à environ dix reprises pour CHF 20.- ou CHF 50.- ou l'équivalent de deux ou quatre joints. Pour le contacter, elle toquait à la porte de B______. Il n'était pas toujours là.

f.a. Au cours de la procédure, B______ a, entre autres, produit une demande d'autorisation de séjour en vue du mariage déposée le 29 novembre 2022 par A______ – dont il ressort que ce dernier vivait avec elle au chemin 1______ no. ______ – ainsi que les pièces y relatives, en particulier un "formulaire O" daté du 18 novembre 2022 où l'adresse précitée est indiquée et un lot de photographies illustrant le couple notamment "chez [lui], E______ 2019-2022".

f.b. A______ a, quant à lui, produit notamment :

·         une attestation en vue de la préparation du mariage établie le 14 avril 2023 par l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), valable six mois, certifiant son autorisation de séjour en Suisse durant la procédure préparatoire ;

·         une lettre de Me C______ à l'OCPM datée du 3 janvier 2024 par laquelle était sollicitée la prolongation de l'autorisation précitée, dans la mesure où la procédure préparatoire en vue du mariage était toujours en cours.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 du Code de procédure pénale [CPP]).

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

Il n'avait pas vendu, mais remis à titre gratuit une quantité minime de cannabis à sa voisine, ce qui n'était pas punissable en application de l'art. 19b LStup.

c. Selon son mémoire d'appel, B______ persiste dans ses conclusions.

Elle avait accueilli, par amour et sans contrepartie financière, son compagnon de manière sporadique et discontinue, lequel était désormais temporairement autorisé à vivre en Suisse en vue de leur mariage. S'il était retenu, par impossible, qu'elle avait facilité son séjour, son comportement était objectivement et subjectivement moins grave que le cas typique et commandait l'application des art. 116 al. 2 aLEI et/ou art. 52 CP.

d. Dans sa réponse, le MP persiste dans ses conclusions.

L'art. 19 al. 1 let. c LStup incluait la remise à titre gratuit et l'art. 19 al. 1 let. d LStup s'appliquait car l'appelant ne possédait pas en vue de sa consommation personnelle.

D. Situation personnelle/financière et antécédents

a. A______, né le ______ 1981, est ressortissant gambien, sans formation.

Il n'est pas marié et n'a pas d'enfant.

À teneur de son casier judiciaire, il a été condamné, le 16 septembre 2015, par le MP pour séjour illégal et contravention à la LStup (période pénale : janvier 2010 au 16 septembre 2015) à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, à CHF 30.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans) ainsi qu'à amende de CHF 1'000.-.

b. B______, née le ______ 1975, est ressortissante suisse. Elle n'est pas mariée et n'a pas d'enfant. Elle est au bénéfice de plusieurs diplômes, dont une maîtrise en science de l'éducation.

Elle est actuellement au chômage et perçoit des indemnités mensuelles s'élevant à quelque CHF 5'000.- (décembre 2023 : CHF 5'203.45, janvier 2024 : CHF 4'957.05).

Son loyer est de CHF 1'992.-, charges incluses, et la prime de son assurance-maladie de CHF 392.-.

Elle n'a pas d'antécédent.

E. Bien qu'invitée à le faire par la Cour de céans dans un délai de 20 jours par courrier du 18 avril 2024 (dit délai ayant été prolongé au 27 mai 2024 à la demande de l'appelant), Me C______, défenseure d'office de A______, n'a pas déposé d'état de frais et d'honoraires pour ses diligences durant la procédure d'appel.

L'avocate a été indemnisée pour 19 heures et 40 minutes d'activité en première instance.

EN DROIT :

1. Les appels sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe "in dubio pro reo", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait (ATF 145 IV 154 consid. 1.1).

2.2.1. Quiconque, sans droit, aliène ou prescrit des stupéfiants, en procure de toute autre manière à un tiers ou en met dans le commerce (let. c) ou possède, détient ou acquiert des stupéfiants ou s'en procure de toute autre manière (let. d) est passible d'une peine de droit (art. 19 al. 1 LStup).

L'aliénation correspond au transfert à un tiers de la possession de stupéfiants, peu importe la cause, soit notamment la vente, l'échange, la donation, la consignation ou le prêt. L'aspect financier ne joue pas de rôle dans l'application de la norme, faute pour le texte légal de se limiter à la vente (S. GRODECKI / Y. JEANNERET, Petit commentaire LStup : dispositions pénales, Bâle 2022, n. 25 ad art. 19).

Les différents actes visés par l'art. 19 al. 1 LStup constituent des infractions indépendantes (ATF 142 IV 401 consid. 3.3.2 ; 133 IV 187 consid. 3.2 ; 119 IV 266 consid. 3a), mais également des phases successives d'un même comportement. Il faut dès lors retenir, pour une transaction donnée, que ces différents actes forment un ensemble de faits (ATF 137 IV 33 consid. 2.3.1). L'acquisition et la détention de stupéfiants sont, en principe, subsidiaires à la vente ultérieure (arrêt du Tribunal fédéral 6B_971/2017 du 23 juillet 2018 consid. 4.5.2).

2.2.2. Celui qui se borne à préparer des stupéfiants en quantités minimes, pour sa propre consommation ou pour permettre à des tiers de plus de 18 ans d’en consommer simultanément en commun après leur en avoir fourni gratuitement, n’est pas punissable (art. 19b ch. 1 LStup). Dix grammes de stupéfiants ayant des effets de type cannabique sont considérés comme une quantité minime (ch. 2).

2.3.1. L'appelant conteste avoir vendu du cannabis à D______.

Un faisceau d'indices sérieux indique toutefois le contraire.

2.3.2.1. L'appelant a été interpellé après avoir été identifié par la police via son raccordement, dans le cadre d'une mission antidrogue, comme un potentiel dealer.

La consommatrice D______ a d'emblée indiqué à la police qu'elle lui avait acheté du cannabis occasionnellement depuis leur rencontre trois ans plus tôt.

La compagne de l'appelant a également déclaré avoir toujours eu connaissance de ce qu'il se livrait, en tant que dealer, au trafic de stupéfiants.

La perquisition de l'appartement de cette dernière a permis la découverte de cannabis et d'ecstasy, dont, a minima, une partie appartenait à l'appelant.

2.3.2.2. Les éléments précités, en particulier les premières déclarations de la consommatrice D______, suffisent à établir que l'appelant lui a bien vendu du cannabis.

Du reste, même à imaginer qu'il lui a remis gratuitement le cannabis, comme elle l'a expliqué devant la première juge, ce comportement tombe également sous le coup de l'art. 19 al. 1 let. c LStup, faute d'élément dans le dossier permettant d'étayer la thèse soutenue par la défense d'une consommation commune (art. 19b LStup).

Il réside néanmoins un doute sur la quantité exacte aliénée, de sorte qu'il convient de tenir compte de la version la plus favorable au prévenu et retenir la quantité minimale évoquée par la cliente par-devant le TP, soit au maximum l'équivalent de CHF 200.- sur une période d'un mois, soit 20 joints d'un gramme (20 grammes).

2.3.3. Au vu de ce qui précède et dans les limites du considérant précédent, les faits tels que décrits dans l'ordonnance pénale du 16 novembre 2022 (1er tiret) sont établis.

2.3.4. L'appelant sera reconnu coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c LStup.

L'infraction à l'art. 19 al. 1 let. d LStup sera écartée, l'ordonnance pénale, dont la teneur lie la Cour de céans (art. 9 CPP), ne visant pas la détention. Il n'y a toutefois pas lieu d'acquitter formellement l'appelant de ce chef en tant qu'il s'agit d'une absorption (en ce sens : ATF 144 IV 35 consid. 3.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1199/2022 du 28 août 2023 consid 4.1.1 ; AARP/441/2023 du 14 décembre 2023 consid. 4.2.2).

2.3.5. En conséquence, l'appel de A______ est très partiellement admis sur ce point. Le jugement entrepris sera modifié en ce sens.

2.4.1. Selon l'art. 116 al. 1 let. a aLEI, quiconque en Suisse ou à l'étranger, facilite l'entrée, la sortie ou le séjour illégal d'un étranger ou participe à des préparatifs dans ce but est passible d'une peine de droit.

L'infraction vise en particulier tous les actes qui sont de nature à compliquer le prononcé ou l'exécution par les autorités de décisions en matière de droit des étrangers. Il en va ainsi de celui qui héberge un étranger sans autorisation pendant une certaine durée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_430/2020 du 26 août 2020 consid. 3.1). Le logement est alors susceptible de devenir une cachette pour l'étranger en situation irrégulière, lui permettant ainsi de se soustraire à l'intervention des autorités administratives (ATF 130 IV 77 consid. 2.3.2). La mise à disposition d'un logement pour seulement quelques jours ne suffit pas, car un tel comportement n'est pas de nature à entraver l'action administrative. À défaut de mention expresse de la négligence, l'incitation au séjour illégal, qui constitue un délit, ne peut être commise qu'intentionnellement ; le dol éventuel suffit (arrêts du Tribunal fédéral 6B_426/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4 et 6B_128/2009 du 17 juillet 2009 consid. 2.2).

Quiconque accueille un étranger en situation irrégulière à huit ou neuf reprises, de façon discontinue, c'est-à-dire à chacune d'elles pour une nuit seulement, sur une période de deux mois et une semaine, ne commet pas l'infraction (arrêt du Tribunal fédéral 1B_128/2009 du 20 mai 2009 consid. 2). En revanche, la condition de la durée est remplie pour l'hébergement d'un étranger en situation irrégulière sur une période continue de trois mois et demi, période considérée comme "assez longue" (ATF 130 IV 77 consid. 2.3.3).

2.4.2. Dans les cas de peu de gravité, la peine peut consister en une amende (art. 116 al. 2 aLEI). La notion de "peu de gravité" est juridiquement indéterminée. Cette qualification doit néanmoins reposer sur un examen de l'ensemble des circonstances objectives et subjectives. Le juge dispose en la matière d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_430/2020 du 26 août 2020 consid. 3.1).

2.4.3. L'application de l'ancien droit, justifiée dans la mesure où il est plus favorable à l'appelante, est acquise à celle-ci (art. 2 al. 2 CP cum art. 391 al. 2 CPP).

2.4.4. Il est non contesté que l'appelante avait connaissance, bien avant le début de la période pénale (2022), de ce que son compagnon ne disposait pas des autorisations nécessaires pour séjourner sur le territoire suisse, situation qu'elle voulait régulariser.

2.4.5. L'appelante plaide qu'elle l'a logé de manière sporadique et discontinue pendant la période pénale, de sorte que la condition de la durée ferait défaut.

2.4.6. À la police, l'appelante a pourtant déclaré que, depuis leur rencontre en 2019, et, à plus forte raison, depuis le début de l'année 2022, son ami vivait régulièrement chez elle et qu'il accédait "à sa guise" à son appartement grâce à une clef dissimulée.

Cette version est corroborée tant par les dires de la témoin D______ que par ceux de l'appelant. La première a indiqué que le couple vivait ensemble depuis près de trois ans et qu'il lui suffisait de toquer à la porte d'en face pour contacter l'appelant. Le second a, certes, commencé par affirmer qu'il ne dormait que sporadiquement chez son amie, mais il a ensuite admis qu'il résidait avec elle depuis le début de leur romance. On relève qu'il y gardait des habits, de la drogue et de l'argent.

Il ressort encore de la demande d'autorisation de séjour en vue du mariage du 28 novembre 2022 et des pièces produites, en particulier des photographies illustrant le couple "chez [lui]" entre 2019 et 2022, qu'ils vivaient tous les deux à E______.

2.4.7. Partant, il est établi que l'appelante a hébergé son compagnon, sans papiers, durant la période pénale, et a, ainsi, facilité son séjour (art. 116 al. 1 let. a aLEI).

Il sied de préciser qu'au vu de la durée de la période pénale, même dans l'hypothèse d'un séjour sporadique et discontinu, la même conclusion s'imposerait, dans la mesure où les quelques jours tolérés selon la jurisprudence auraient été dépassés.

2.4.8. L'appelante a agi à tout le moins par dol éventuel puisqu'elle connaissait la situation administrative de son compagnon et a accepté de l'héberger malgré tout.

2.4.9. La défense plaide le cas de peu de gravité (art. 116 al. 2 aLEI).

L'appelante a accueilli, par amour, son compagnon avec qui elle entretenait une relation depuis plusieurs années et n'en a tiré aucun avantage pécuniaire. Le cas d'espèce se distingue de celui d'un logeur, employeur ou marchand de sommeil qui profiterait financièrement de la détresse d'un ressortissant étranger.

Toutefois, pèse lourd dans la balance et exclut l'application du cas de peu de gravité le fait que, durant une période pénale relativement longue de 11 mois, qui n'a pris fin que par l'intervention des autorités, elle logeait son petit-ami tout en ayant connaissance du fait qu'il s'adonnait, en tant que dealer, au trafic de stupéfiants.

Le cas de peu de gravité ne peut, par conséquent, pas être admis.

L'obtention d'un permis de séjour provisoire en vue du mariage est sans conséquence sur ce qui précède, d'autant moins que la demande est postérieure à la période pénale.

2.4.10. L'appel de B______ est rejeté sur ce point et le jugement entrepris confirmé.

3. 3.1. L'aliénation de stupéfiants est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 19 al. 1 let. c LStup).

Le séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et la facilitation du séjour illégal (art. 116 al. 1 let. a aLEI) sont passible d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.

La consommation de stupéfiants est passible d'une amende (art. 19a al. 1 LStup).

3.2. Le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir. La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 CP).

3.3.1. La culpabilité de l'appelant est moyenne à sérieuse. Il a séjourné sans autorisation en Suisse pendant plus de cinq ans, alors qu'il savait que sa situation était irrégulière et qu'il avait déjà été condamné pour des faits similaires. Il a profité de sa présence pour s'adonner au trafic de stupéfiants en vendant du cannabis (drogue dite douce) à plusieurs reprises sur une période d'un mois. Il a fait fi des dispositions régissant le droit des étrangers et participé activement au trafic de stupéfiants contre lequel les autorités s'échinent à lutter, en adoptant le rôle de dealer dans le cadre d'un trafic de stupéfiants local. Les quantités vendues sont toutefois faibles.

Ses mobiles sont égoïstes et résultent de son propre intérêt à demeurer dans un pays où il ne bénéficie pas d'autorisation (séjour illégal) et de l'appât du gain (LStup).

Sa collaboration est contrastée. Il a d'emblée reconnu le séjour illégal ainsi que la consommation de stupéfiants, mais persiste à en contester la vente.

Sa prise de conscience n'a pas débuté. Il n'a exprimé aucun regret.

Il a un antécédent pour des faits de même typicité.

Il y a concours d'infractions, facteur aggravant.

Sa situation personnelle explique une partie de ses agissements (LEI), mais ne les justifie pas. Il lui appartenait de régulariser son statut, ce d'autant que sa compagne était suisse et qu'ils avaient le projet de se marier déjà depuis 2020.

3.3.2. Au vu de ce qui précède, la peine pécuniaire prononcée en première instance sera confirmée, soit 60 jours-amende pour réprimer la vente de stupéfiants plus 30 jours-amende pour sanctionner le séjour illégal (peine hypothétique : 60 jours ; les peines prononcées dans plusieurs procédures pénales en raison de l'effet de césure ne peuvent dépasser la peine maximale prévue par la loi pour l'infraction en question [ATF 145 IV 449 consid. 1], soit 180 jours-amendes ici [art. 49 al. 1 CP]).

Le montant du jour-amende sera arrêté à CHF 10.- pour tenir compte de la situation financière de l'appelant.

Le sursis, dont la durée du délai d'épreuve de trois ans est adéquate, est acquis à l'appelant (art. 391 al. 2 CPP).

3.3.3. L'appelant sera, en sus, condamné à une amende de CHF 200.- pour la consommation de stupéfiants. Une peine privative de liberté de substitution de deux jours sera prononcée en cas de non-paiement.

3.4.1. La faute de l'appelante est moyenne. Elle a logé durant près de onze mois son compagnon, alors qu'elle savait qu'il ne bénéficiait pas d'autorisation pour vivre en Suisse. Sa culpabilité doit néanmoins être nuancée par le fait qu'elle était amoureuse.

Sa situation personnelle, notamment sa relation avec l'appelant, explique, ainsi, ses agissements, mais ne les justifie pas. Il lui appartenait d'attendre la régularisation de la situation de son petit-ami avant de le loger.

L'appelante ne cesse de se retrancher derrière de fausses excuses (séjour sporadique notamment) pour justifier ses agissements.

Sa prise de conscience est, partant, inexistante.

Elle n'a pas d'antécédent, ce qui est un facteur neutre.

3.4.2. Au vu de ce qui précède, la peine prononcée en première instance soit, une peine pécuniaire de 30 jours-amende, sera confirmée.

Le montant du jour-amende sera arrêté à CHF 50.- pour tenir compte de la situation financière de l'appelante.

Le sursis, dont la durée du délai d'épreuve de deux ans est adéquate, est acquis à l'appelante (art. 391 al. 2 CPP).

3.4.3. L'appelante sollicite une exemption de peine (art. 52 CP).

Dans le prolongement des développements supra (cf. consid. 2.4.8. et 3.4.1.), les faits, en particulier au vu de la durée de la période pénale, n'apparaissent pas, quant à la faute de l'appelante et aux conséquences de ses agissements, d'une gravité significativement moindre que le cas typique du comportement réprimé, de sorte qu'elle ne saurait être exemptée de peine (ATF 138 IV 13 consid. 9).

3.4.4. L'appelante sera condamnée à une amende de CHF 200.- pour la consommation de stupéfiants. Une peine privative de liberté de substitution deux jours sera prononcée en cas de non-paiement.

4. Les appelants, qui succombent dans une large mesure, supporteront 8/10 des frais de la procédure d'appel, soit 4/10 chacun, dont un émolument d'arrêt de CHF 1'500.-. Le solde (2/10) sera laissé à la charge de l'État pour tenir compte de l'admission très partielle de l'appel de A______.

Vu l'issue de la procédure d'appel, la répartition des frais de la procédure préliminaire et de première instance sera confirmée (art. 428 al. 3 CPP).

5. Malgré l'invitation qui lui a été faite, la défenseure d'office de l'appelant n'a pas déposé d'état de frais pour la procédure d'appel. Il sera, partant, statué ex aequo et bono. L'activité de la précitée en appel a consisté pour l'essentiel en la rédaction d'un mémoire de huit pages, dont quatre pages de développement, le reste du volume déployé (annonce, déclaration d'appel et correspondance) étant couvert par le forfait.

La rémunération sera arrêtée à CHF 1'037.80 correspondant à quatre heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 800.-) plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 160.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% (CHF 77.80).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit les appels formés par A______ et B______ contre le jugement JTDP/24/2024 rendu le 11 janvier 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/24270/2022.

Admet très partiellement l'appel de A______.

Rejette l'appel de B______.

Déclare A______ coupable d'infraction à l'article 19 al. 1 let. c LStup, d'infraction à l'article 19a ch. 1 LStup et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI).

Confirme le jugement en tant qu'il :

"Classe la procédure l'encontre de [A______] du chef de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) pour la période du 16 novembre 2015 au 11 janvier 2017 et du chef d'infraction à l'article 19a ch. 1 LStup pour la période du 16 novembre 2019 au 11 janvier 2021 (art. 329 al. 5 CPP).

(…)

Acquitte A______ du chef d'infraction à l'article 19 al. 1 let. c LStup en lien avec la remise de stupéfiants à B______ (art. 19b al. 1 LStup) et à la vente de stupéfiants au policier en civil.

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, sous déduction de deux jours-amende, correspondant à deux jours de détention avant jugement (art. 34 et art. 51 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 10.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 200.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de deux jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Déclare [B______] coupable d'incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux (art. 116 al. 1 let. a aLEI) et d'infraction à l'article 19a ch. 1 LStup.

Condamne B______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 50.-.

Met B______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à deux ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit B______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne B______ à une amende de CHF 200.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de deux jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Ordonne le séquestre, la confiscation et la destruction de la drogue figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 2______ du 15 novembre 2022 et sous chiffres 1 à 5, 7 à 9, 11 et 12 de l'inventaire n° 3______ du 15 novembre 2022 (art. 263 al. 1 CPP et 69 CP).

Ordonne la restitution à A______ du téléphone, du spray au poivre et des valeurs figurant sous chiffres 2 à 4 de l'inventaire n° 2______ du 15 novembre 2022, ainsi que de la carte micro SD, des valeurs et du trousseau de clés figurant sous chiffres 6, 10 et 13 de l'inventaire n° 3______ du 15 novembre 2022 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne A______ à 1/2 et B______ à 1/4 des frais de la procédure qui s'élèvent à CHF 1'432.-, y compris un émolument de jugement de CHF 600.- (art. 426 al. 1 CPP).

Laisse 1/4 des frais de la procédure à la charge de l'Etat.

Fixe à CHF 5'459.05 l'indemnité due à Me C______, défenseure d'office de A______ (art. 135 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Secrétariat d'Etat aux migrations, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

(…)

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 900.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de A______ et de B______ à hauteur de 2/3 pour A______ et d'1/3 pour B______."

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'735.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP).

Met 4/10èmes de ces frais, soit CHF 694.-, à la charge de chaque appelant et laisse le solde à la charge de l'État.

Arrête à CHF 1'037.80, TVA incluse, le montant des frais et honoraires de Me C______, défenseure d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal pénal, au Secrétariat d'État aux migrations et à l'Office de la population et des migrations.

 

La greffière :

Aurélie MELIN ABDOU

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'332.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

160.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'735.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

4'067.00