Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/324/2025 du 12.06.2025 ( PLAINT ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/3914/2024-CS DCSO/324/25 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 12 JUIN 2025 |
Plainte 17 LP (A/3914/2024-CS) formée en date du 25 novembre 2024 par A______, représentée par B______ C______.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :
- A______
c/o B______, C______
Société de recouvrement
______
______ [GE].
- F______
______
______ [ZH].
- D______
______
______ [GE].
- Office cantonal des poursuites.
A. a. A______ a fait notifier à D______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour un montant 70'730 fr. en capital.
b. Le commandement de payer étant devenu exécutoire, elle a requis la continuation de la poursuite le 4 octobre 2024.
c. Elle participe, dans le cadre des opérations de saisie, à la série n° 2______, aux côtés de [la caisse maladie] E______, dont deux poursuites sont parvenues au stade de la saisie, pour un montant total en capital de 3'094 fr. 60.
d. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office), a dressé le 13 novembre 2024 le procès-verbal de la saisie du salaire de D______ effectuée dans la série n° 2______ auprès de son employeur, F______ AG, à concurrence de toute somme supérieure à 2'240 fr. par mois, du 9 mai au 24 septembre 2025. Une saisie antérieure était déjà en cours d'exécution auprès de cet employeur.
L'Office a déterminé la quotité saisissable du salaire du débiteur en tenant compte d'un revenu net mensuel de 3'871 fr. 20. Il en a déduit les charges incompressibles suivantes : montant de base mensuel d'entretien : 1'200 fr.; repas pris à l'extérieur : 169 fr. 40; frais de transports : 70 fr.; frais de logement : 800 fr.; soit un total de 2'239 fr. 40.
Dans la rubrique "remarques" du procès-verbal, l'Office a mentionné qu'il avait été dressé "selon constat antérieur, le débiteur ne donnant pas suite aux courriers", que le débiteur a été "rendu attentif aux conséquences pénales pouvant découler de fausses déclarations" et que le débiteur ne possédait pas de véhicule, information vérifiée auprès de l'Office cantonal des véhicules. La date figurant sur l'annexe "exécution" au procès-verbal a été arrêtée au 24 septembre 2024, soit la date à laquelle aurait dû avoir lieu l'interrogatoire du débiteur et où l'employeur a été avisé de la saisie.
B. a. Par acte expédié le 25 novembre 2024 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre le procès-verbal de saisie du 13 novembre 2024, concluant à ce qu'une saisie de toute somme supérieure à 1'200 fr. par mois soit exécutée sur le revenu du débiteur afin de le contraindre à se rendre aux convocations de l'Office et de fournir les renseignements nécessaires pour exécuter la saisie.
A l'appui de la plainte, elle s'interrogeait sur la manière dont l'Office avait pu rendre le débiteur attentif aux conséquences pénales de fausses déclarations s'il ne s'était pas rendu aux auditions de l'Office. Le fait que le débiteur assumait toujours des frais de logement, de repas pris à l'extérieur et de transport n'avait pas pu être vérifié. L'Office cantonal des véhicules ne détenait que l'information selon laquelle le véhicule était assuré et par qui. Finalement, la saisie "idem" n'avait pas été effectuée conformément aux directives de la direction de l'Office.
b. La plainte a été enrôlée sous numéro de cause A/3914/2024.
c. Dans ses observations du 5 décembre 2024, E______ a souligné ne soulever aucun grief contre l'activité de l'Office.
d. Dans ses déterminations du 11 décembre 2024, l'Office a conclu au rejet de la plainte.
Il a exposé avoir reconvoqué le débiteur qui s'était finalement présenté le 3 décembre 2024. Il était ressorti de son interrogatoire et des pièces obtenues que ses revenus et ses charges correspondaient bien toujours à ceux mentionnés dans le procès-verbal entrepris, à l'exception de ses frais de repas à l'extérieur qui avaient été calculés pour une activité à 100 % alors que le débiteur ne travaillait qu'à 70 %. L'Office a par conséquent arrêté cette charge à 200 fr. 20 (soit 70 % de 286 fr.), de sorte que le minimum vital devait être fixé à 2'270 fr. 20.
Il a modifié la saisie en conséquence le jour-même, avec notification d'un nouveau procès-verbal de saisie daté du 11 décembre 2024, "annulant et remplaçant celui du 13 novembre 2024". L'annexe "exécution" du procès-verbal mentionnait la date du 24 septembre 2024.
e. Les parties ont été informées par avis du 10 janvier 2025 que la cause était gardée à juger, sous réserve de mesures d'instruction complémentaires.
C. a. Par acte expédié le 17 décembre 2024 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une nouvelle plainte contre le procès-verbal de saisie modifié du 11 décembre 2024, reprochant à l'Office d'y avoir fait figurer des informations contradictoires et l'invitant à "y remettre de l'ordre" car "tout sembl[ait] avoir été fait à la va-vite afin de ne pas se faire taper sur les doigts". Elle relevait que le procès-verbal mentionnait, d'une part l'"exécution d'une saisie" le 13 novembre 2024 suite à la "révision de la situation du débiteur", mais on ne savait pas où ni comment, et, d'autre part, l'"exécution de la saisie" en date du 24 septembre 2024, "selon un constat antérieur" dont on ne connaissait pas la date.
b. La plainte a été enrôlée sous numéro de cause A/4229/2024.
c. L'Office des poursuites a conclu préalablement à la jonction de la cause issue de cette plainte avec la cause A/3914/2024. Sur le fond, il a conclu au rejet de cette nouvelle plainte dans la mesure de sa recevabilité. Il soulignait qu'aucun grief sur le fond de la saisie n'avait été soulevé. Il a précisé que la date du 13 novembre 2024 correspondait à la date du premier procès-verbal annulé et non pas à une date d'exécution de saisie.
d. Les parties ont été avisées le 23 janvier 2025 que la cause était gardée à juger sous réserve de mesures d'instruction complémentaires.
1. Aux termes de l'article 70 LPA, applicable à la procédure devant la Chambre de surveillance en vertu des articles 9 al. 4 LaLP et 20a al. 3 LP, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre des procédures se rapportant à une situation identique ou à une cause juridique commune.
En l'espèce, les deux plaintes portent sur un même procès-verbal de saisie, avant et après modification, et émanent de la même créancière. Le contexte de fait et les principes juridiques applicables sont similaires. La jonction se justifie par conséquent et sera ordonnée.
2. Déposées en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), les plaintes sont recevables à ces égards.
3. 3.1 En cas de plainte, l'office peut procéder à un nouvel examen de la décision attaquée et la modifier jusqu’à l’envoi à l'autorité de surveillance de sa réponse à la plainte; si l'office prend une nouvelle mesure, il la notifie sans délai aux parties et en donne connaissance à l’autorité de surveillance (art. 17 al. 4 LP).
La plainte a un effet dévolutif, c'est-à-dire que la mesure attaquée devient de la compétence de l'autorité de surveillance, qui peut soit annuler une décision de l'Office, soit astreindre ce dernier à accomplir l'acte refusé (art. 21 LP). Mais cet effet dévolutif est limité tant que le délai pour porter plainte n'est pas échu (ATF 97 III 3, JdT 1971 II 108) et, en cas de plainte, jusqu’à l’envoi par l’Office à l'autorité de surveillance de sa réponse à la plainte (art. 17 al. 4 LP). L'Office peut en effet procéder à un nouvel examen de la décision attaquée pendant ce laps de temps et la modifier (art. 17 al. 4 LP). Si l'Office prend une nouvelle mesure, il la notifie sans délai aux parties et en donne connaissance à l’autorité de surveillance (art. 17 al. 4 LP deuxième phrase).
Si l'Office a reconsidéré sa décision alors qu'une plainte était pendante, l'autorité de surveillance déclarera la plainte sans objet si le plaignant a obtenu le plein des conclusions formulées dans la plainte par la nouvelle décision de l'Office. Si tel n'est pas le cas, l'autorité de surveillance reste saisie dans la mesure où le plaignant n'a pas obtenu satisfaction par la nouvelle décision de l'Office (ATF 126 III 85, SJ 2000 I 449; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 60, 61, 64 à 66 ad art. 17 LP).
3.2 En l'espèce, l'Office a modifié la décision entreprise par la première plainte dans le délai qui lui avait été imparti pour déposer ses observations devant la Chambre de céans, de sorte qu'il a valablement modifié le procès-verbal de saisie litigieux.
Celui-ci ne donnant pas entièrement satisfaction aux griefs articulés par la plaignante contre le premier procès-verbal de saisie, sa première plainte n'est pas devenue totalement sans objet et sera examinée dans la mesure pertinente.
4. 4.1.1 Bien qu’à teneur de l'art. 91 al. 1 LP, le débiteur soit tenu d'indiquer tous les biens qui lui appartiennent, même ceux qui ne sont pas en sa possession, l'Office doit adopter un comportement actif et une position critique dans l'exécution de la saisie, de sorte qu'il ne peut s'en remettre, sans les vérifier, aux seules déclarations du débiteur quant à ses biens et revenus. Afin de pourvoir au meilleur désintéressement possible des créanciers, l'Office doit procéder avec diligence, autorité et souci de découvrir les droits patrimoniaux du poursuivi. Il est doté à cette fin de pouvoirs d'investigation et de coercition étendus. Il doit donc interroger le poursuivi sur la composition de son patrimoine, sans se contenter de vagues indications données par ce dernier, ni se borner à enregistrer ses déclarations. Il doit les vérifier en exigeant, et en obtenant, les justificatifs correspondants. Si le créancier mentionne des pistes concernant les biens saisissables du débiteur, l'Office doit les creuser (arrêt du Tribunal fédéral 7B.212/2002 du 27 novembre 2002; Gilliéron, Commentaire de la LP, n° 12 et ss ad art. 91 LP; ATF 83 III 63).
4.1.2 La question de savoir si et dans quelle mesure les investigations menées par l'Office sont défectueuses et leur résultat inexact doit être examinée au regard des éléments qui ont été critiqués par le créancier dans une plainte déposée dans le délai de dix jours dès la communication du procès-verbal de saisie (ATF
127 III 572 consid. 3c, JdT 2001 II 78; ATF 86 III 53 consid. 1, JdT 1961 II 12).
4.1.3 Sous réserve de griefs devant conduire à la constatation de la nullité d'une mesure, invocables en tout temps (art. 22 al. 1 LP), l'intégralité des moyens et conclusions du plaignant doit être à tout le moins sommairement exposée et motivée dans le délai de plainte, sous peine d'irrecevabilité. La motivation peut être sommaire mais doit permettre à l'autorité de surveillance de comprendre les griefs soulevés par la partie plaignante ainsi que ce qu'elle demande. L'invocation de nouveaux moyens en cours de procédure n'est pas admise dans le cadre de l'examen d'une plainte au sens de l'article 17 LP (ATF 142 III 234 consid. 2.2; 126 III 30 consid. 1b; 114 III 5 consid. 3, JdT 1990 II 80; arrêt du Tribunal fédéral 5A_237/2012 du 10 septembre 2012 consid. 2.2; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 32, 33 et 44 ad art. 17 LP).
4.2 En l'espèce, la plaignante a reproché à l'Office, dans sa première plainte, de ne pas avoir procédé à une nouvelle audition du débiteur dans le cadre de la saisie litigieuse et de se reposer sur des informations non confirmées récemment et récoltées à une date inconnue.
L'Office a finalement pu procéder à une nouvelle audition du débiteur et réactualiser sa situation. Il n'en est pas ressorti d'éléments modifiant fondamentalement la saisie, hormis le nombre de repas pris à l'extérieur. Cette correction a été effectuée par l'Office dans le nouveau procès-verbal dressé.
S'agissant des autres griefs de la plaignante, qui relèvent plus de la polémique que de l'argument sérieusement développé, ils sont insuffisamment motivés pour être recevables ou sans portée, de sorte que, dans la mesure de leur recevabilité, ils auraient été rejetés faute de substance. En tout état, elle ne fournit aucune piste qui pourrait permettre de découvrir des biens du débiteur qui auraient échappé à l'Office, notamment un véhicule, alors que ce dernier a procédé aux recherches d'usage au vu du profil du débiteur.
S'agissant de la deuxième plainte, elle est à la limite de la compréhensibilité et devrait être déclarée irrecevable pour ce seul motif. En tout état, à ce que l'on peut en tirer, la plaignante semble mélanger date d'établissement du procès-verbal de saisie et date d'exécution de la saisie de sorte que la plainte sera en tout état rejetée faute de pouvoir la comprendre. Cela étant, il faut concéder à la plaignante que ces notions sont souvent difficiles à distinguer. S'agissant de la date d'exécution de la saisie, la pratique des Offices n'est pas toujours très lisible, mais est imposée par la loi. Elle correspond normalement au jour de convocation du débiteur pour son interrogatoire et à l'envoi de l'avis de saisie aux personnes détenant des biens du débiteur, notamment son employeur en cas de saisie de salaire. L'Office ne retient que la date d'exécution initiale de la saisie. S'il réauditionne le débiteur, complète son instruction et modifie la saisie ou procède à un nouvel avis de saisie à un tiers, la date d'exécution n'en est pas modifiée. L'immutabilité de cette date est justifiée par le fait qu'elle fixe le point de départ de délais du droit des poursuites, notamment le délai de participation à la saisie (art 110 al. 1 LP), de sorte, pour la sécurité du droit, il ne saurait y avoir plusieurs dates différentes d'exécution. La date figurant sur l'annexe "exécution" du procès-verbal de saisie ne correspond ainsi pas à celle du dernier acte d'instruction de l'Office, même si l'on pourrait s'attendre à l'y voir figurer.
Il résulte de ce qui précède que les deux plaintes sont rejetées dans la mesure de leur recevabilité.
5. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
Préalablement :
Ordonne la jonction des causes A/4229/2024 et A/3914/2024 sous ce dernier numéro de cause.
Au fond :
Rejette les plaintes de A______ des 25 novembre et 17 décembre 2024 contre les procès-verbaux de saisie, série n° 2______, des 13 novembre et 11 décembre 2024, dans la mesure de leur recevabilité.
Siégeant :
Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.
Le président : Jean REYMOND |
| La greffière : Elise CAIRUS |
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.