Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/428/2024 du 12.09.2024 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/1440/2024-CS DCSO/428/24 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 12 SEPTEMBRE 2024 |
Plainte 17 LP (A/1440/2024-CS) formée en date du 29 avril 2024 par A______.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 13 septembre 2024
à :
- A______
______
______ (GE).
- B______
______
______ (France).
- Succession de feu C______
c/o Office cantonal des faillites
Faillite n° 2024 1______.
A. a. Par jugement du 18 janvier 2024, le Tribunal de première instance a ordonné la liquidation, selon les règles de la faillite, de la succession répudiée de C______, décédée le ______ juillet 2023.
b. Par courrier du 24 janvier 2024, l'Office cantonal des faillites (ci-après: l'Office) a demandé à [la banque] D______ de procéder au bouclement du compte bancaire de la défunte, de lui verser le solde du compte et de lui communiquer les extraits du compte des douze derniers mois.
c. Par courrier du 16 avril 2024, l'Office a avisé A______, fille de la défunte ayant répudié la succession, que divers prélèvements avaient été effectués après le décès sur le compte de la défunte auprès de D______, pour un montant total de 12'198 fr. 20. Ce montant était porté à l'inventaire des actifs de la succession, en tant que créance de la masse à l'encontre de A______, laquelle était invitée à faire savoir de quelle manière elle entendait rembourser cette somme. Un courrier identique a été envoyé à l'autre héritier ayant répudié la succession, soit le fils de la défunte B______.
B. a. Par acte posté le 29 avril 2024, A______ a porté plainte contre le courrier de l'Office du 16 avril 2024, qu'elle a reçu le 18 avril. Elle contestait avoir effectué un quelconque prélèvement sur le compte de sa mère, précisant qu'elle n'avait jamais disposé d'une procuration. Elle a conclu à l'annulation du courrier de l'Office, à ce qu'il soit constaté qu'elle n'avait aucune dette envers la masse en faillite et à ce que l'inscription d'une créance envers elle soit retirée de l'inventaire.
b. Dans son rapport du 27 mai 2024, l'Office a conclu au déboutement de la plainte. Le courrier de l'Office du 16 avril 2024 n'était pas une mesure sujette à plainte, pas plus que l'inventaire, qui était une mesure interne de l'administration de la faillite. Le fait d'inventorier une créance ne préjugeait pas de son existence.
c. Le rapport de l'Office a été transmis à la plaignante le 4 juin 2024. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).
1.1.2 A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). De pratique constante, la plainte n'est ainsi recevable que si elle permet d'atteindre un but concret sur le plan de l'exécution forcée, mais non si la mesure critiquée est irrévocable, lors même qu'une cause de nullité est alléguée (ATF 99 III 58 consid. 2, JT 1974 II 71 et les arrêts cités). Le plaignant doit être matériellement lésé par les effets de la décision attaquée et avoir un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 120 II 5 consid. 2a, JT 1995 I 189).
Un intérêt est digne de protection s'il est direct, c'est-à-dire directement lié à l'objet de la contestation. Il faut qu'il y ait effectivement un préjudice porté de manière immédiate à la situation personnelle du plaignant. Cet intérêt doit, par ailleurs, être actuel et réel, et non pas hypothétique, la plainte n'étant pas destinée à faire trancher des questions en dehors d'un cas concret (Gillieron, Commentaire LP, 140 ss ad art. 17 LP; ATF 119 III 81). En particulier, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur des plaintes formulées dans le seul but de faire constater qu'un organe de poursuite a, agissant ou en omettant d'agir, violé ses obligations (ATF 99 III 58).
1.1.3 Par "mesure" de l'office au sens de l'art. 17 LP, il faut entendre tout acte d'autorité accompli par l'office ou par un organe de la poursuite en exécution d'une mission officielle dans une affaire concrète. L'acte de poursuite doit être de nature à créer, modifier ou supprimer une situation du droit de l'exécution forcée dans l'affaire en question. En d'autres termes, il doit s'agir d'un acte matériel qui a pour but la continuation ou l'achèvement de la procédure d'exécution forcée et qui produit des effets externes (ATF 142 III 643 consid. 3.1 et les arrêts cités; arrêts du Tribunal fédéral 5A_727/2017 et 5A_728/2017 du 8 janvier 2018, destinés à la publication, consid. 4.2.1).
La jurisprudence a notamment considéré que l'invitation faite par l'office à un créancier d'avoir à lui restituer une somme touchée à tort est une simple déclaration de volonté dépourvue de caractère officiel; elle ne constitue pas une décision susceptible de plainte au sens de l'art. 17 LP. L'office qui entend se retourner contre celui qui a bénéficié indûment d'un versement ne peut ainsi se borner à le sommer de restituer les fonds reçus; si l'intéressé refuse de s'exécuter bénévolement, l'office en est réduit à agir contre lui par la voie judiciaire et intenter l'action en enrichissement illégitime (ATF 123 III 335 consid. 1 et les arrêts citées).
1.2 En l'espèce, la plainte respecte la forme écrite et a été déposée en temps utile, de sorte qu'elle est recevable à cet égard.
1.3. Par son courrier du 16 avril 2024, l'Office s'est borné à inviter la plaignante à restituer une somme qui, selon son analyse, devrait revenir à la masse en faillite de la succession répudiée de C______.
Dans la mesure où la plaignante conteste avoir effectué des prélèvements sur le compte de sa mère après le décès, la masse en faillite qui entend se prévaloir de cette créance devra agir par la voie judiciaire à l'encontre de la plaignante et/ou de son frère. En toute hypothèse, il n'appartient pas à la Chambre de surveillance de trancher des questions de droit matériel portant sur le bien-fondé de cette créance, ce qui reviendrait à empiéter sur le domaine de compétence (exclusif) du juge civil.
Il s'ensuit que l'acte attaqué, à savoir la lettre de l'Office du 16 avril 2024, constitue une simple déclaration de volonté de l'Office dépourvue de caractère officiel et, partant, non sujette à plainte.
2. La plaignante conteste également l'inscription par l'Office, dans l'inventaire de la succession, d'une créance à son encontre.
2.1 L'art. 221 LP prescrit à l'office des faillites, dès qu'il a reçu communication de l'ouverture de la faillite, de procéder à l'inventaire des biens du failli. Il ne s'agit pas, par l'inventaire, de déterminer si un actif existe et s'il tombe dans le patrimoine du failli mais uniquement de donner une vision d'ensemble de ce patrimoine et d'en assurer la conservation (Vouilloz, in CR LP, 2005, n. 3 ad art. 221 LP). L'office doit porter à l'inventaire l'ensemble des éléments du patrimoine du failli, quelle que soit leur nature et leur lieu de situation, et que leur appartenance au failli soit contestée ou non. Il en va notamment ainsi des créances du failli, que celles-ci soient ou non contestées, exigibles ou liquides (Lustenberger, in BaK SchKG II, 2010, n. 21 ad art. 221 LP). Les litiges relatifs à l'existence ou au montant d'un droit supposé tombé dans le patrimoine du failli ne relèvent pas de la compétence de l'administration de la faillite – ni de celle de l'autorité de surveillance – mais de celle du juge civil (Lustenberger, op. cit., n. 21a ad art. 221 LP).
L'établissement de l'inventaire est une mesure interne de l'administration de la faillite, qui n'a aucun effet sur la situation juridique des tiers (ATF 114 III 21 consid. 5b; 90 III 18 consid. 1). En particulier, le fait de porter à l'inventaire un actif ne faisant pas déjà partie de la masse n'a pour effet ni de le soumettre à la mainmise de l'administration de la faillite ni de trancher la question de son appartenance à la masse (Lustenberger, op. cit., n. 14 ad art. 221 LP; Vouilloz, op. cit., n. 14 et 15 ad art. 221 LP). Il en découle que les tiers n'ont en principe pas qualité pour porter plainte contre l'inscription d'un actif à l'inventaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_352/2008 du 13 novembre 2008, consid. 2.3.3; DSCO/255/2015 du 20 août 2015, consid. 1.3 et 1.4; Schober, in Kommentar SchKG, 4ème édition, 2017, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], N 12 ad art. 221 LP).
2.2 En l'occurrence, on ne voit pas en quoi les intérêts dignes de protection de la plaignante seraient touchés par l'inscription à l'inventaire de la créance litigieuse. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, cette inscription demeure en effet sans aucune portée sur l'existence et le montant de la prétention inventoriée, laquelle est contestée, ou sur sa titularité. La plaignante a la position d'un tiers, qui n'est pas susceptible de porter plainte contre l'inventaire. La plainte doit ainsi être déclarée irrecevable en tant qu'elle est dirigée contre l'inscription, dans l'inventaire de la succession, d'une prétention contre la plaignante, faute de lésion d'un intérêt digne de protection de cette dernière.
3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 lit. a OELP).
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PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :
Déclare irrecevable la plainte formée le 29 avril 2024 par A______ contre le courrier de l'Office cantonal des faillites du 16 avril 2024.
Déclare irrecevable ladite plainte en tant qu'elle porte sur l'inscription à l'inventaire de la succession répudiée de C______ d'une créance contestée à l'encontre de A______.
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Messieurs Luca MINOTTI et Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.
La présidente : La greffière :
Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.