Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/254/2024 du 07.06.2024 ( PLAINT ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/406/2024-CS DCSO/254/2024 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 6 JUIN 2024 |
Plainte 17 LP (A/406/2024-CS) formée en date du 2 février 2024 par A______, représenté par Me Damien Cand, avocat.
* * * * *
Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 10 juin 2024
à :
- A______
c/o Me CAND Damien
Gillioz Dorsaz & Associés
Rue du Général-Dufour 11
Case postale 5840
1211 Genève 11.
- B______
______
______ (France).
- Office cantonal des poursuites.
- Ministère public.
A. a. A______ est avocat à C______ (France).
b. Par accord transactionnel et reconnaissance de dette signé le 17 mai 2019 par les deux intéressés, B______ a reconnu devoir à A______ la somme de 8'120'000 euros à titre d'indemnité pour plusieurs années d'activité déployée à son service exclusif, sans rémunération. Cet accord mettait fin à un litige survenu entre les parties portant sur la rémunération due par la première à la seconde. L'accord prévoyait notamment que les parties convenaient de la possibilité pour l'une d'entre elles de saisir le président du Tribunal de Grande Instance de C______ pour qu'il puisse, sur simple requête, conférer au présente acte force exécutoire en vertu de l'art. 1567 du Code de procédure civile. En outre, il prévoyait que l'ensemble des biens immobiliers propriété de B______ à C______ et à D______ [France] étaient cédé, sans bénéfice de discussion, à A______ afin que leur prix de vente vienne en imputation du montant reconnu.
Cet acte a été enregistré le 4 février 2021 sur requête de A______ par le notaire E______ à F______ [France].
c. Sur requête de A______, le Tribunal de première instance de Genève (ci-après le Tribunal), par ordonnance du 30 août 2021, a autorisé le séquestre des avoirs détenus par B______, "domicilié chemin 1______ no. ______, [code postal] G______ (France)" auprès de H______ (ci-après la banque ou H______) à concurrence de 8'707'890 fr., notamment les comptes 2______, 3______ et 4______. La créance invoquée à l'appui du séquestre reposait sur l'accord transactionnel et reconnaissance de dette du 17 mai 2019 dont le Tribunal a reconnu la force exécutoire en Suisse par décision séparée du même jour.
d. A teneur du procès-verbal de séquestre n° 5______, du 2 septembre 2021, l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a exécuté le séquestre auprès de H______ le 31 août 2021. La banque a répondu le même jour qu'elle prenait note de la mesure ordonnée et se prononcerait sur sa portée une fois qu'elle serait devenue définitive.
e. A______ a requis le 8 septembre 2021 la poursuite de B______, domicilié "chemin 6______ no. ______, [code postal] C______", en validation du séquestre.
f. L'Office a établi le 22 septembre 2021 un commandement de payer, poursuite n° 7______, sommant B______, "domicilié chemin 1______ no. ______, [code postal] G______ (France)" de verser à A______ le montant de 8'707'890 fr. plus intérêt à 5% l'an dès le 18 décembre 2019.
g. Agissant selon les voies de l'entraide internationale, l'Office a requis le Procureur près le Tribunal de Grande instance de C______ de procéder à la notification du procès-verbal de séquestre n° 5______ et du commandement de payer n° 7______ à B______, au chemin 1______ no. ______, [code postal] G______.
A teneur du procès-verbal de renseignement judiciaire établi le 15 janvier 2022 par la gendarmerie nationale, compagnie départementale de C______, les opérations de notification se sont déroulées de la manière suivante :
"Le 29 octobre 2021, nous déposons une convocation dans la boîte aux lettres de Monsieur B______ dont l'adresse est no. ______ chemin 1______ à G______ [code postal]. Le 3 novembre 2021, l'intéressé nous contacte avec un numéro inconnu. Il nous informe ne plus se trouver sur le territoire national car il n'a plus de visa. Il nous déclare se trouver Algérie. Durant cet appel il nous demande de prendre attache avec son avocat pour les procédures le concernant. Nous prenons donc attache avec Me A______, avocat au barreau de C______ [code postal]. Son numéro est le 8__.__.__.__.__. Ce dernier nous confirme que son client se trouve en Algérie mais il n'a pas son adresse. Nous précisons avoir pris contact avec le service urbanisme de la mairie de G______ [code postal]. Ce dernier nous informe que B______ n'était plus propriétaire de la propriété au no. ______ chemin 1______ à G______ [code postal]. En effet, la maison est vendue depuis le 30/04/2021 à Monsieur I______ né le ___/___/1968 à C______ [code postal]".
Ce rapport de notification a été retourné le 24 février 2022 à l'autorité requérante par le Procureur de C______ et reçu le 7 mars 2022 par l'Office.
h. Sur cette base, l'Office a contacté le numéro de téléphone mentionné dans le rapport comme étant celui du conseil français de B______. Son interlocuteur l'a invité à lui envoyer, à l'adresse de courriel J______@gmail.com, une procuration type permettant à un tiers de prendre possession d'un acte de poursuites.
i. La procuration a été retournée à l'Office, remplie, signée et datée du 15 mars 2022, par courriel du 15 mars 2022 émanant de l'adresse B______@gmail.com et désignait K______, rue 9______ no. ______, [code postal] L______ [VD], Suisse, en qualité de représentant autorisé à recevoir des actes de poursuite pendant une période de six mois dès la date de la signature de la procuration. La mention selon laquelle "le bénéficiaire de la présente procuration est autorisé à faire opposition au commandement de payer qui lui est notifié pour le compte du poursuivi" a été expressément tracée dans le texte de la procuration.
Elle était accompagnée d'une photocopie du passeport de B______.
j. L'Office a établi le 16 mars 2022 un nouveau commandement de payer, poursuite 7______, à notifier à B______, domicilié "chemin 6______ no. ______, [code postal] C______".
K______ s'est présenté le 16 mars 2022 au guichet de l'Office pour en prendre possession en se légitimant au moyen de l'autorisation d'établissement C en Suisse de K______, citoyen français, domicilié rue 9______ no. ______ à [code postal] L______.
La mention "notification à une autre personne, K______, avec procuration" a été apposée au dos du commandement de payer par l'Office.
k. Aucune opposition n'a été formée au commandement de payer.
l. A______ a requis le 28 avril 2022 de l'Office la continuation de la poursuite n° 7______ contre B______, domicilié "c/o Monsieur M______, chemin 6______ no. ______, [code postal] C______".
m. Procédant à des vérifications sur internet, l'Office a découvert que M______ était membre du comité de direction d'une société canadienne, N______ INC, aux côtés de A______.
n. Dans le cadre d'un échange de courriels avec H______ le 12 mai 2022, l'Office a été informé par la banque que B______ était incarcéré en Algérie depuis juin 2019.
En outre, la banque ne connaissait pas l'adresse de courriel B______@gmail.com pour son client.
o. L'Office a établi le 12 mai 2022 un procès-verbal de saisie confirmant qu'il avait envoyé le 3 mai 2022 à H______ l'avis conversion du séquestre en saisie définitive, portant sur les avoirs de B______ détenus auprès de la banque. Ceux-ci n'étaient pas détaillés, ni chiffrés dans le procès-verbal qui portait la mention "la relation concernée a été annoncée par H______ au MROS (Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent) auprès de l'Office fédéral de la police (FedPol). H______ est toujours dans l'attente d'une réponse concernant le dépôt d'un séquestre pénal". En revanche, l'Office a joint au procès-verbal de saisie une évaluation du portefeuille 10______ ouvert au nom de B______, comportant un extrait du compte courant faisant état de liquidités à hauteur de 3'654'213 euros.
Le procès-verbal de saisie a été établi en mentionnant l'adresse suivante du débiteur : "chemin 6______ no. ______, [code postal] C______".
p. Le 22 mai 2022, l'Office a souhaité s'assurer auprès de B______, à l'adresse de courriel B______@gmail.com, qu'il pouvait lui communiquer le procès-verbal de saisie en le remettant à son fondé de procuration, à l'instar du commandement de payer, ou s'il souhaitait le recevoir par pli recommandé avec accusé de réception.
B______ a répondu par retour de courriel, une heure plus tard, qu'il maintenait la procuration en faveur de K______ et qu'il était inutile de transmettre un recommandé.
q. L'Office a rendu le 30 mai 2022 une décision, reçue le 1er juin 2022 par A______, à teneur de laquelle il déclarait nuls le commandement de payer, poursuite n° 7______, et la notification dudit commandement de payer, rejetait la réquisition de continuer la poursuite, annulait le procès-verbal de saisie du 12 mai 2022 et décidait de procéder à une nouvelle tentative de notification du commandement de payer directement en mains du débiteur en Algérie.
A l'appui de cette décision, l'Office exposait avoir d'importants doutes sur la validité du processus de notification du commandement de payer au débiteur sur la base des indications fournies par le créancier. Il souhaitait procéder à une nouvelle notification sur la base des informations obtenues dans l'intervalle, à savoir que le débiteur était incarcéré en Algérie depuis 2019. Il lui semblait en effet, après avoir enquêté, que la notification du commandement de payer, à laquelle il avait procédé en mains de K______, fondé de procuration, le 16 mars 2022, avait pu être faite en réalité en mains d'une personne agissant pour le compte du prétendu créancier, se faisant passer pour le débiteur. L'Office se prévalait à cet égard de divers indices dont notamment le fait qu'il était douteux que B______ ait disposé d'un téléphone ainsi que d'une adresse de courriel qu'il aurait pu librement utiliser en prison, que le créancier avait indiqué trois adresses différentes du débiteur à C______ sur les actes destinés à l'Office alors que le débiteur ne disposait plus d'aucune adresse dans cette ville et était incarcéré en Algérie, que H______ ne connaissait aucune adresse de courriel du débiteur correspondant à B______@gmail.com, que l'adresse de courriel J______@gmail.com correspondait à une agence immobilière dont A______ était le gérant. Compte tenu de ces circonstances, l'Office a décidé de procéder à la notification du commandement de payer directement en mains du débiteur à l'adresse de l'établissement où il était détenu en Algérie.
r. Cette décision n'ayant pas été contestée par A______, l'Office s'est adressé à lui le 14 juillet 2022 afin qu'il lui communique les coordonnées de l'établissement pénitentiaire où était détenu B______ de manière à ce qu'il puisse, dans un premier, lui demander de désigner un représentant en Suisse autorisé à recevoir les actes de poursuite pour lui, en application de l'art. 60 LP. Le créancier a répondu le 18 juillet 2022 que le courrier destiné à des détenus en Algérie devait être envoyé au "Ministère de la justice, administration pénitentiaire, attn détenu ..., no. ______, place 11______, O______ [code postal] P______ [Algérie]".
s. L'Office a envoyé le 20 juillet 2022 à B______, à l'adresse susmentionnée, un formulaire de déclaration en application de l'art. 60 LP, l'invitant, soit à faire élection de domicile chez un représentant pour la notification des actes de poursuites, soit à déclarer accepter directement la notification de tous les actes de poursuite.
Ce formulaire a été transmis le 21 juillet 2022 à l'Office fédéral de la justice en vue de sa notification par voie diplomatique à B______.
t. L'Office a reçu le 11 octobre 2022 en retour la déclaration en application de l'art. 60 LP et les documents de notification en Algérie, confirmant leur remise à B______.
La déclaration en application de l'art. 60 LP, signée par B______ et datée du 11 août 2022, comportait le texte manuscrit suivant : " Je vous confirme être l'auteur de l'envoi et de la procuration envoyée le 15 mars 2022, que je maintiens K______ comme représentant. La procuration que j'ai donnée est toujours valable. Le soussigné déclare faire élection de domicile chez M. K______ demeurant Rue 9______ no. ______, [code postal] L______, Genève, Suisse". B______ a tracé la rubrique du formulaire selon laquelle il souhaitait la notification directe de tous les actes de poursuite.
u. Par courrier du 7 novembre 2022, reçu le 8 novembre 2022 par A______, l'Office a informé ce dernier avoir reçu la réponse de B______ qui confirmait la procuration en faveur de K______ pour recevoir les actes de poursuite qui lui étaient destinés.
L'Office précisait toutefois qu'au vu des circonstances du dossier, il se devait de procéder à des investigations complémentaires afin de s'assurer de la validité de cette procédure d'exécution. Il demandait notamment au débiteur de lui communiquer une copie de la requête de séquestre déposée auprès du Tribunal et ayant donné lieu à l'ordonnance de séquestre du 30 août 2021.
B. a. Par acte expédié le 18 novembre 2022 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre la décision contenue dans le courrier du 7 novembre 2022 de l'Office de procéder à des investigations complémentaires. Il concluait à l'annulation de cette décision et à ce que l'Office soit enjoint à continuer la procédure de poursuite. Il faisait grief à l'Office d'abuser de son pouvoir d'appréciation en procédant à des investigations complémentaires et en prolongeant indûment le processus d'exécution forcée, provoquant un retard injustifié. En l'espèce, l'Office avait désormais obtenu l'aval direct du destinataire des actes de poursuite pour une remise en mains de K______, suite à une notification conforme au droit de la déclaration en application de l'art. 60 LP au débiteur.
b. Dans ses observations du 23 décembre 2022, l'Office a maintenu sa volonté de procéder à des investigations complémentaires et contesté abuser de son pouvoir d'appréciation ou empêcher l'avancement de la procédure d'exécution forcée. Il concluait par conséquent au rejet de la plainte. En substance, il estimait avoir suffisamment d'éléments en mains pour considérer qu'il n'avait pas d'assurance que le débiteur avait bien reçu les actes de poursuites et que les communications qui provenaient prétendument de ce dernier étaient bien de lui. En outre, il avait des doutes sur la validité de la poursuite, en ce sens que le créancier ne cherchait en réalité pas à simplement à se faire payer par le débiteur. A cet égard, l'Office s'étonnait que la procuration remise à K______ indique expressément qu'il n'était pas autorisé à faire opposition alors que si le débiteur était convaincu de devoir payer son créancier, il lui suffisait de donner instruction à sa banque de le payer. L'Office faisait également état d'une information provenant de H______ selon laquelle des personnes étaient venues à ses guichets, le 21 novembre 2021, dont une se faisant passer pour B______ pour retirer les fonds déposés.
c. Dans une réplique du 20 janvier 2023, A______ s'est prononcé sur les divers objets de doutes de l'Office qui l'avaient conduit à rendre la décision entreprise et à les contester.
S'agissant de la dénonciation MROS par la banque, elle n'avait vraisemblablement pas eu de suite, aucune information n'ayant été communiquée depuis lors par le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent; le plaignant invitait à toute bonne fin la Chambre à interpeller ledit bureau afin de déterminer si une mesure de blocage et/ou l'ouverture d'une procédure avaient été ordonnées.
L'Office ne pouvait remettre en cause la validité de la notification des actes envoyés au débiteur en Algérie et la procuration conférée à K______. Il n'y avait notamment pas lieu d'exiger une légalisation de la signature du débiteur sur la déclaration en application de l'art. 60 LP du 22 août 2022 puisqu'il n'y avait aucune raison de douter que les autorités algériennes avaient bien remis ce document à l'intéressé et que celui-ci l'avait bien rempli.
Le plaignant ne niait pas que l'adresse de courriel J______@gmail.com correspondait à une entité proche de lui, mais que les messages envoyés à cette adresse avaient bien été retransmis au débiteur. En outre, il admettait connaître M______, qui était d'ailleurs également bien connu du débiteur.
Enfin, s'agissant du fait que H______ aurait reçu la visite de personnes ayant tenté de se faire passer pour le débiteur et retirer les avoirs en compte, il était inconnu du plaignant et il contestait avoir participé à une telle opération.
d. Par décision DCSO/203/23 du 11 mai 2023, la Chambre a invité l'Office à procéder à la notification des actes de poursuite conformément à la procuration et la déclaration en application de l'art. 60 LP signées par B______, dans la mesure déterminée par les considérants.
d.a La Chambre a considéré en premier lieu que l'Office ne pouvait se voir reprocher un déni de justice dès lors qu'il avait été actif et qu'il avait rendu une décision contre laquelle le plaignant avait pu former une plainte.
d.b Elle a en deuxième lieu nié l'existence d'un retard injustifié dans la notification du commandement de payer compte tenu des circonstances exceptionnelles du cas d'espèce, dont le plaignant était d'ailleurs responsable. En fournissant délibérément des indications erronées à l'Office aux fins d'obtenir une notification des actes de poursuites par des canaux qui n'avaient aucune chance d'atteindre le débiteur, détenu en Algérie, le créancier n'avait pu qu'éveiller la suspicion de l'Office et contraindre celui-ci à des vérifications inhabituelles et longues, mais justifiées. Le plaignant en était d'ailleurs conscient puisqu'il n'avait pas contesté la décision de l'Office du 30 mai 2022 annulant, à raison, tous les actes de poursuite effectués jusque-là. Eu égard à l'importance que revêtait le commandement de payer et les exigences qualifiées s'agissant de sa notification, l'Office ne pouvait se satisfaire de la situation en l'occurrence.
d.c La Chambre a finalement constaté que l'Office n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation en décidant de procéder à de nouvelles investigations le 7 novembre 2022 et ne s'était pas écarté des exigences légales en matière de procédure d'exécution forcée. Il devait toutefois désormais aller de l'avant, aucun indice au dossier ne l'autorisant à douter de la notification valable des actes de poursuite au débiteur. Seule l'apparition de nouvelles informations permettant de remettre en cause la réalité de l'arrière-plan économique de la procédure de recouvrement, ainsi que la validité de la procuration et de la déclaration en application de l'art. 60 LP signées par le débiteur, voire de la poursuite, l'autorisaient à ne pas continuer la procédure d'exécution forcée.
Pour parvenir à cette conclusion, la Chambre a notamment retenu qu'il ressortait des pièces de la procédure que le débiteur avait été atteint par le formulaire de déclaration en application de l'art. 60 LP. Il y avait peu de doute qu'il n'ait pas rempli personnellement et signé ce document : les mentions manuscrites étaient d'une écriture similaire à celle de la procuration du 15 mars 2022; la signature était la même; elle correspondait par ailleurs à celle figurant sur le passeport du débiteur dont la photocopie était annexée à la procuration précitée. Il était certes étonnant que le débiteur ait tracé, sur la procuration du 15 mars 2022, l'autorisation délivrée au fondé de procuration de former opposition au commandement de payer, semblant par-là priver celui-ci de la possibilité de défendre pleinement ses intérêts; cet élément était toutefois insuffisant pour remettre en cause la validité du document. Il en allait de même de la mention biffée par B______ sur la déclaration en application de l'art. 60 LP qui impliquait qu'il ne souhaitait pas de notifications directes en ses mains des actes de poursuite alors que cela pouvait paraître dans son intérêt. Il y avait donc en l'espèce un ensemble d'éléments désormais suffisant permettant à l'Office de considérer que le débiteur avait manifesté clairement et librement sa volonté de ne pas se voir notifier directement les actes de poursuite et que ceux-ci devaient l'être à K______. En tous les cas, suite à la notification survenue en Algérie, l'Office ne disposait plus d'indices suffisants – même si certaines circonstances du dossier restaient inexplicables – lui permettant de penser que ce n'était pas le débiteur qui avait rempli et signé librement ce formulaire.
Il n'y avait pas non plus d'indices selon lesquels la poursuite serait abusive parce que l'institution aurait été détournée de sa seule finalité d'exécution forcée de dettes d'argent. La poursuite était fondée sur une créance documentée dont le créancier tentait d'obtenir le paiement par le biais d'un séquestre puis d'une poursuite en validation. Un éventuel arrière-plan économique douteux de la créance, du titre de créance et de l'opération de recouvrement n'était pas suffisamment perceptible, quand bien même la manière d'engager la poursuite par le plaignant avait pu soulever les plus légitimes interrogations.
d.d S'agissant de problématiques relevant du blanchiment, il n'appartenait pas à l'Office de se substituer aux devoirs de dénonciation et d'investigation de la banque détentrice des avoirs et du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent MROS, ce dernier ayant été formellement saisi de ce cas.
e. A______ a repris contact par courriel du 5 juin 2023 avec l'Office afin de connaître ses intentions suite à la décision de la Chambre de surveillance.
f. S'en est suivi un échange de courriels au cours duquel l'Office a affirmé procéder à des "vérifications", ce qui a conduit A______ à le menacer du dépôt d'une nouvelle plainte à l'autorité de surveillance.
g. L'Office a répondu à cette menace par courrier du 20 juillet 2023 expliquant qu'il procédait à des vérifications compte tenu de la teneur de la décision de la Chambre de surveillance du 11 mai 2023 qui réservait des informations nouvelles permettant de remettre en cause réalisé de l'arrière-plan économique de la procédure de recouvrement, ainsi que la validité de la procuration et de la déclaration en application de l'art. 60 LP signées par le débiteur.
h. Par courrier du 22 octobre 2023, A______ s'est opposé à ce qu'il fallait assimiler à de nouvelles investigations – dont il ignorait la nature – qui ne s'inscrivaient pas dans la lecture qu'il faisait de la décision de la Chambre de surveillance. A défaut de reprise de la poursuite, dans un délai échéant le 27 octobre 2023, il déposerait une nouvelle plainte.
i. L'Office a répondu à A______ par la notification d'une décision, le 27 octobre 2023, dans laquelle il expliquait qu'il avait entrepris des démarches de vérification des signatures figurant dans les actes revenus d'Algérie. Il avait ainsi pu constater qu'elles ne correspondaient pas aux spécimens figurant sur le carton de signatures déposé auprès de H______ et que ses doutes quant à la validité de la procuration conférée à K______ n'avait pu être levés. Ses tentatives de prendre contact directement avec un conseil algérien de B______ avaient également échoué. L'Office avait par conséquent décidé d'entreprendre une notification directe du commandement de payer au débiteur en Algérie.
Cette décision n'a pas été contestée par A______.
C. a. Par acte expédié le 1er février 2024 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une nouvelle plainte contre l'Office, lui reprochant un retard injustifié et un abus de pouvoir d'appréciation. Il concluait à ce qu'il soit ordonné à l'Office de continuer immédiatement la poursuite n° 7______ en validation du séquestre n° 5______, sans procéder à des investigations ou démarches supplémentaires.
b. Dans ses observations du 7 mars 2024, l'Office s'en est rapporté à justice tant sur la recevabilité que sur le fond de la plainte.
Il a exposé avoir constaté, tardivement, que l'encre utilisée pour remplir les différents actes revenus d'Algérie n'était pas la même sur tous les documents, ce qui l'avait interpellé et conduit à effectuer des vérifications supplémentaires. Après avoir demandé à H______, le 13 juin 2023, le carton de signatures et la copie du passeport déposés par B______, il avait constaté que la signature qui y figurait ne ressemblait pas du tout à celle figurant sur les documents revenus d'Algérie. Il avait alors requis le 26 juin 2023 la banque de fournir d'autres documents contenant du texte manuscrit et des signatures provenant de B______, ce que celle-là avait refusé en se prévalant du secret bancaire. L'Office avait soumis en août 2023 à des experts graphologues les spécimens d'écritures et de signatures qu'il avait pu réunir, lesquels n'avaient toutefois pu en tirer aucune conclusion ne s'agissant que de copies. L'Office avait finalement tenté de prendre contact avec l'avocat défendant les intérêts de B______ en Algérie; le pli recommandé n'avait toutefois pas pu être distribué.
Sur la base de ces explications, l'Office contestait avoir commis un déni de justice. Il tentait sans désemparer de faire avancer l'exécution forcée et la dernière tentative de notification du commandement de payer était toujours en cours. En outre, le plaignant n'avait pas contesté sa décision du 27 octobre 2023 visant à tenter une notification directe des actes de poursuite au débiteur en Algérie. Il estimait que son activité était conforme à la décision de la Chambre de surveillance du 11 mai 2023 car il avait découvert un élément nouveau permettant de douter de la validité des actes revenus d'Algérie, soit la différence notable des signatures figurant sur ces actes et celles apposées les documents bancaires fournis par [la banque] H______.
c. Les parties ont été informées par avis du 7 mars 2024 de la Chambre de surveillance que la cause était gardée à juger.
1. Déposée dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est à ces égards recevable. Elle n'est soumise à aucun délai en tant qu'elle se fonde sur les griefs de retard injustifié ou de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).
2. 2.1.1 Il y a retard non justifié, au sens de l'art. 17 al. 3 LP, lorsqu'un organe de l'exécution forcée n'accomplit pas un acte qui lui incombe – d'office ou à la suite d'une requête régulière – dans le délai prévu par la loi ou dans un délai raisonnable compte tenu de l'ensemble des circonstances (Cometta/Möckli, Basler Kommentar, SchKG I, 2ème édition, 2010, n° 31-32 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, Kurz Kommentar, SchKG, 2ème édition, 2014, n° 32 ad art. 17 LP; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 55 ad art. 17 LP).
2.1.2 A réception d'une réquisition de poursuite, l'Office vérifie que celle-ci est conforme aux prescriptions de l'art. 67 al. 1 et 2 LP ainsi que, sur la base des indications données par le créancier et de ses propres vérifications, sa compétence à raison du lieu. Si la réquisition de poursuite répond aux exigences de l'art. 67 al. 1 et 2 LP et n'est pas nulle pour un autre motif, l'Office rédige (art. 69 al. 1 LP) et notifie (art. 71 al. 1 LP) sans attendre le commandement de payer. Ces dispositions constituent des prescriptions d'ordre imposant à l'Office d'agir sans délai, "aussi vite que possible"; leur éventuelle violation est toutefois sans effet sur la validité du commandement de payer (GILLIERON, Commentaire LP, n° 14 ad art. 71 LP; Malacrida/Roesler, Kurz Kommentar, SchKG, n° 3 ad art. 71 LP).
Une fois le commandement de payer établi conformément à l'article 69 alinéa 2 LP, la durée de la procédure de notification proprement dite dépend en partie de circonstances sur lesquelles l'Office n'a pas de prise, telles la présence du débiteur ou d'un tiers habilité à recevoir le commandement de payer à sa place au moment de la notification, de l'éventuelle absence de collaboration du débiteur, de sa diligence, d'éventuelles difficultés à le localiser, etc. L'Office n'en est pas moins tenu de poursuivre de manière diligente et sans désemparer ses efforts en vue de la notification, dans le respect des articles 64 et suivants LP.
2.1.3 En application de l'art. 66 al. 2 LP, lorsque le débiteur demeure à l'étranger, il est procédé à la notification par l'intermédiaire des autorités de sa résidence.
Aux termes de l'art. 60 LP, lorsque la poursuite est dirigée contre un détenu qui n'a pas de représentant, le préposé lui accorde un délai pour en constituer un, à moins que l'autorité tutélaire n'ait à y pouvoir. La poursuite demeure suspendue jusqu'à l'expiration de ce délai. L'art. 60 a pour finalité de permettre à toute personne détenue visée par une poursuite, dont par définition la liberté d'action et les forces psychiques sont amoindries, de veiller à la sauvegarde de ses intérêts en constituant un représentant vis-à-vis de l'Office (ATF 108 III 3 consid. 2, JdT 1984 II 22; Foëx/Jeandin, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 1 ad a art. 60 LP).
2.1.4 Un commandement de payer est un acte de poursuite qui doit faire l'objet d'une communication revêtant la forme qualifiée de la notification (art. 72 LP). La notification consiste en la remise de l'acte en mains du poursuivi ou, en l'absence de ce dernier, en mains d'une personne de remplacement désignée par la loi et aux lieux prévus par la loi (art. 64, 65 et 66 LP).
2.2 En l'espèce, l'Office a découvert, suite à la décision rendue le 11 mai 2023 par la Chambre de céans, un élément non négligeable permettant de douter de la validité des actes revenus d'Algérie. Celui-ci correspondait à une "information permettant de remettre en cause la réalité de l'arrière-plan économique de la procédure de recouvrement, ainsi que la validité de la procuration et de la déclaration en application de l'art. 60 LP signées par le débiteur" au sens de la décision susmentionnée. Ce d'autant plus qu'il vient s'ajouter à une longue série d'autres éléments problématiques survenus dans le cadre de la poursuite litigieuse. L'Office est par conséquent fondé à reprendre ses investigations en vue d'une notification sûre des actes de poursuite. Il n'a donc pas abusé de son pouvoir d'appréciation ni tardé en faisant ce choix qui, certes, ralenti considérablement le cours de l'exécution forcée, ce qui ne saurait toutefois lui être imputé. Il apparaît de surcroît légitime que l'Office procède à des investigations particulièrement poussées lorsqu'il a toutes les raisons de soupçonner qu'une poursuite qu'il diligente participerait, de près ou de loin, à la commission d'un acte pénalement relevant.
La plainte est par conséquent rejetée.
3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
4. L'ensemble des éléments réunis par l'Office dépasse désormais les simples doutes et autorise des soupçons de la commission d'une infraction en Suisse – au-delà du blanchiment qui a déjà été dénoncé, vraisemblablement sans suite –, notamment l'usage d'un faux. Une dénonciation pénale s'impose par conséquent (art. 302 al. 1 et 2 CPP, 33 al. 1 LACPP).
* * * * *
La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte déposée le 1er février 2024 par A______ contre l'Office pour retard injustifié et abus du pouvoir d'appréciation dans le cadre de poursuite n° 7______ contre B______, en validation du séquestre n° 5______.
Au fond :
La rejette.
Ordonne la communication de la présente décision au Ministère public pour valoir dénonciation de faits pouvant constituer un délit ou un crime.
Siégeant :
Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur
Denis KELLER, juges assesseurs ; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.
Le président : Jean REYMOND |
| La greffière : Véronique AMAUDRY-PISCETTA |
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.