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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3732/2023

DCSO/228/2024 du 31.05.2024 ( PLAINT ) , REJETE

Recours TF déposé le 17.06.2024
Résumé : Recours au TF interjeté le 17 juin 2024 (5A_388/2024)
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3732/2023-CS DCSO/228/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU VENDREDI 31 MAI 2024

 

Plainte 17 LP (A/3732/2023-CS) formée en date du 10 novembre 2023 par A______, représenté par Me Stéphanie FONTANET, avocate.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me FONTANET Stéphanie

Fontanet & Associés

Grand-Rue 25

Case postale 3200

1211 Genève 3.

- Faillite de feu B______

p.a. Office cantonal des faillites
Faillite n° 2022 1______.

 

 


EN FAIT

A. a. L'Office des faillites de la République et Canton de Neuchâtel (ci-après l'Office neuchâtelois) est en charge de la liquidation, selon les règles de la faillite, de la succession répudiée de B______, décédé le ______ 2020 à Neuchâtel.

b. Dans le cadre de cette liquidation, l'Office neuchâtelois a délégué à l'Office cantonal des faillites de la République et Canton de Genève (ci-après l'Office genevois ou l'Office) la réalisation, par voie d'enchères publiques, d'un bien immobilier propriété du défunt situé à Genève, soit la parcelle n° 2______ de la Commune de C______, sise chemin 3______ no. ______.

c. Par courrier du 9 octobre 2023, A______ s'est adressé à l'Office genevois pour manifester son intérêt à acquérir la parcelle n° 2______ de la Commune de C______, de gré à gré, au prix de 2'000'000 fr., offre rejetée par l'Office.

d. L'Office a procédé à la vente aux enchères du bien immobilier, estimé à 6'500'000 fr., le 31 octobre 2023.

e. Les conditions de vente prévoyaient (art. 14) qu'immédiatement après la troisième criée et avant l'adjudication, l'adjudicataire devait verser un acompte de 1'625'000 fr., montant qui pouvait également être viré par avance sur le compte bancaire de l'Office. Si ce montant n'était pas versé, son offre serait considérée comme non avenue et les enchères continueraient, l'offre immédiatement inférieure étant à nouveau criée trois fois, conformément à l'art. 60 al. 2 ORFI. Si aucun autre enchérisseur ne surenchérissait, l'immeuble serait adjugé à l'avant-dernier enchérisseur. Ce dernier restait lié par son offre tant que l'immeuble n'était pas adjugé à plus offrant.

f. A______ a versé un acompte de 1'725'000 fr. sur le compte de l'Office préalablement à la vente.

g. Il a participé aux enchères, de même que cinq autres personnes, dont D______ SA. Il était assisté de son notaire.

h. Après une offre de A______ à 4'300'000 fr., seule D______ SA a continué à enchérir contre lui – quarante-deux fois – et a acquis le droit à l'adjudication de l'immeuble au prix de 6'105'000 fr., après avoir surenchéri à une ultime offre de A______ de 6'100'000 fr.

i. D______ SA n'ayant pas été en mesure de verser le montant de l'acompte de 1'625'000 fr., l'Office a adjugé l'immeuble à A______ au montant de sa dernière offre, soit 6'100'000 fr., aucune offre supérieure n'ayant été articulée après reprise des enchères.

j. A l'issue de la vente, A______ s'est adressé oralement au préposé à l'enchère pour manifester sa désapprobation avec son déroulement, le qualifiant de "complete fraud".

k. Par courrier du 31 octobre 2023, l'Office a fixé à A______ un délai au 5 janvier 2024 pour régler le solde du prix de 4'621'125 fr. 45 (prix total de 6'346'125 fr. 45 composé du prix d'adjudication en 6'100'000 fr., d'intérêts moratoires à 5 % sur le solde du prix de vente en 37'570 fr. 15 et des frais à charges de l'adjudicataire en 208'555 fr. 30).

l. Par courriel du 2 novembre 2023, A______ a reproché à l'Office de ne pas avoir vérifié avant la vente que D______ SA serait en mesure de régler l'acompte, ce qui aurait empêché qu'elle surenchérisse indument de 4'300'000 fr. à 6'105'000 fr., sans avoir les moyens d'acquérir le bien. Il avait ainsi subi un préjudice correspondant à la différence entre ces deux montants et aux frais engendrés dans la même proportion.

m. L'Office a répondu par retour de courriel qu'il n'entendait pas modifier sa décision et que A______ pouvait former une plainte auprès de l'autorité de surveillance s'il s'y estimait fondé.

B. a. Par acte expédié le 10 novembre 2023 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre le procès-verbal d'adjudication concluant principalement à son annulation partielle, en ce sens que le prix de l'adjudication devait être réduit à 4'300'000 fr., subsidiairement à son annulation complète et à l'organisation de nouvelles enchères.

Il invoquait en substance une violation de l'art. 60 ORFI et des conditions générales de vente par l'Office dans la conduite de la vente litigieuse, une décision arbitraire de l'Office dans l'adjudication de l'immeuble au prix de 6'100'000 fr. et une attitude contraire à la bonne foi de D______ SA qui avait surenchéri de près de 2'000'000 fr., tout en sachant qu'elle ne remplissait pas les conditions d'adjudication, faute d'être en mesure de régler l'acompte réclamé par l'Office. Il a allégué le fait que "M. E______ [le fils de feu B______] et Mme F______ [représentante de D______ SA] ont longuement discuté lors de la vente aux enchères le 31 octobre 2023. Ils semblaient visiblement bien se connaître" (allégué 7). Il a également prétendu que D______ SA avait déjà tenté par le passé d'acquérir le bien litigieux auprès de l'Office (allégué 9, dont il demandait que l'Office se prononce à son propos).

Il a assorti sa plainte d'une requête d'effet suspensif en ce sens qu'il devait être dispensé de verser le prix d'adjudication réclamé par l'Office jusqu'à droit jugé, nonobstant le délai fixé par l'Office au 5 janvier 2024, sans perte du bénéfice de l'adjudication et sans que le solde du prix réclamé ne produise d'intérêts.

b. Par ordonnance du 15 novembre 2023, la Chambre de surveillance a octroyé l'effet suspensif à la plainte dans la mesure où l'Office avait réclamé au plaignant le paiement d'un coût d'acquisition de l'immeuble excédant le prix d'adjudication de 4'300'000 fr. plus les intérêts et les frais relatifs à un tel prix.

c. Dans ses observations du 6 décembre 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte.

Il a en substance soutenu que la teneur de ses conditions générales étaient conformes au système prévu par l'art. 60 al. 2 ORFI et n'avaient pas été contestées par le plaignant. Elles avaient été correctement appliquées lors de la vente litigieuse. En réalité, le plaignant s'en prenait au comportement d'un autre enchérisseur qu'il accusait de manœuvres dolosives dans le seul but de faire monter les enchères et de les manipuler. Il lui appartenait par conséquent d'agir en dommages-intérêts contre D______ SA s'il s'y estimait fondé. L'Office contestait en tous les cas que D______ SA aurait demandé à acquérir le bien immobilier de gré à gré avant les enchères; il contestait également qu'une telle démarche aurait constitué un indice du comportement frauduleux de D______ SA; en réalité, c'était le plaignant qui avait tenté d'obtenir la vente de gré à gré en sa faveur du bien immobilier pour un prix de 2'000'000 fr. avant la vente aux enchères. L'Office exposait par ailleurs qu'il n'aurait pu déceler des manœuvres dolosives au moment de la vente. Le plaignant ne s'était pour sa part pas opposé à la participation de D______ SA à la vente pendant celle-ci, alors qu'il alléguait qu'il aurait été manifeste qu'elle faussait les enchères. Il n'avait en tout état pas rendu vraisemblable l'existence de telles manœuvres. A cet égard, le seul fait de ne pas être en mesure de payer l'acompte entre la troisième criée et l'adjudication n'était pas suffisant pour soupçonner une manipulation des enchères. Finalement, le plaignant avait été d'accord de surenchérir jusqu'au montant atteint par les enchères et il n'aurait sans doute pas contesté la vente s'il s'était vu adjuger le bien sur sa propre dernière offre, en l'absence de la dernière surenchère de D______ SA.

d. Le plaignant a demandé à pouvoir se déterminer sur les observations de l'Office, ce que la Chambre de surveillance a autorisé.

Il a déposé sa réplique le 21 décembre 2023, dans laquelle il a reproché à l'Office de refuser d'aborder, dans ses observations, le comportement abusif de D______ SA et d'avoir, contrairement à ses propres conditions générales, accepté qu'une personne incapable de payer le prix annoncé soit admise à enchérir. Il rappelait qu'il n'était pas le seul à avoir été choqué par ce qui s'était passé lors de la vente, un certain G______ ayant également manifesté sa surprise. L'Office ne pouvait pas non plus lui reprocher de ne pas avoir attaqué les conditions générales, le problème ne se situant pas à ce niveau. Finalement, le fait qu'il avait proposé d'acquérir le bien de gré à gré au prix de 2'000'000 fr. avant la vente aux enchères était non pertinent.

e. L'Office a dupliqué le 10 janvier 2024, persistant à soutenir qu'il avait respecté les conditions générales de vente, non contestées par le plaignant, et qu'il ne voyait pas comment il aurait pu annuler séance tenante les enchères entre la criée du prix de 4'300'000 fr. et l'adjudication. L'unique problème consistait dans le prétendu comportement frauduleux d'un autre enchérisseur, lequel n'avait pas été rendu vraisemblable. L'Office rappelait finalement que la vente était organisée dans l'intérêt des créanciers et non dans celui d'un acheteur.

En dernier lieu, l'Office relevait que le plaignant lui avait versé le montant de 4'300'000 fr. et que la plainte était ainsi devenue sans objet.

f. Le plaignant a tripliqué le 26 janvier 2024, persistant dans ses conclusions et argumentation. Il contestait finalement que sa plainte aurait été vidée de son objet par le paiement du solde du prix.

g. La Chambre de surveillance a informé les parties, par avis du 14 février 2024, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est a priori recevable.

Le plaignant agissant en invalidation d'une vente aux enchères forcées pour des manœuvres illicites ou contraires aux mœurs, son action doit au demeurant respecter les conditions de l'art. 230 al. 1 et 2 CO, soit être déposée dans un délai de dix jours dès l'adjudication litigieuse (art 132a al. 1 LP, applicable à la réalisation d'immeuble par renvoi de l'art. 143a LP), ce qui est le cas en l'espèce.

Le fait que le plaignant ait payé, pour préserver ses intérêts, l'intégralité du prix réclamé par l'Office n'influe pas sur le sort de la plainte, la possibilité de contester la validité de la vente au sens de l'art. 230 CO étant toujours ouverte.

2. Le plaignant reproche à l'Office de ne pas avoir respecté l'art. 60 al. 2 ORFI et les conditions de vente, d'avoir laissé libre cours à des manœuvres de manipulation des enchères déployées par D______ SA et d'avoir décidé de lui adjuger l'immeuble au prix de 6'100'000 fr. atteint en raison des manœuvres dolosives de D______ SA et non pas de 4'300'000 fr. atteint avant des dernières.

2.1.1 Les biens de la masse en faillite sont réalisés par les soins de l'Office aux enchères publiques ou de gré à gré si les créanciers le jugent préférable (art. 256 al. 1 LP).

L'Office arrête les conditions des enchères (art. 134 al. 1 et 259 LP). Le prix de l'adjudication est payé comptant ou à terme, étant précisé que dans ce dernier cas le terme ne peut excéder six mois (art. 136, 137 et 259 LP). L'objet à réaliser est adjugé après trois criées au plus offrant (art. 258 al. 1 LP). Si le paiement n'est pas effectué dans le délai, l'adjudication est révoquée et l'Office ordonne immédiatement de nouvelles enchères (art. 143 et 259 LP).

En application de l'art. 60 al. 2 ORFI, si les conditions de vente exigent le paiement comptant en espèces ou la prestation de sûretés, l'immeuble n'est adjugé qu'après le paiement ou la fourniture des sûretés; à ce défaut, les enchères sont continuées, l'offre immédiatement inférieure est à nouveau criée trois fois et l'immeuble est adjugé, s'il n'est pas fait une offre supérieure.

L'adjudication n'intervient que si le montant à payer immédiatement ou les sûretés exigées par les conditions de vente sont fournis. A défaut, les enchères ne sont pas annulées, mais se poursuivent avec l'offre immédiatement inférieure, pour autant que l'auteur de cette dernière offre la maintienne. Ce dernier n'est en effet pas lié par son offre. L'administration de la faillite peut néanmoins insérer dans les conditions générales de vente une clause selon laquelle l'enchérisseur dont l'offre a été couverte par une offre plus élevée n'est délié de son obligation que lorsque la surenchère a été acceptée par le directeur des enchères (Häberlin, Commentaire ORFI, Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse, 2012, n° 11 ad art. 60 ORFI; Gilliéron, op. cit., n° 15 ad art. 259 LP).

En l'occurrence, les conditions générales de vente prévoient qu'immédiatement après la troisième criée et avant l'adjudication, l'adjudicataire devra verser un acompte qui ne porte pas intérêts de 1'625'000 fr. (chiffres 11, 12 et 14). Si l'enchérisseur ne verse pas l'acompte, son offre est considérée comme non avenue et les enchères continuent, l'offre immédiatement inférieure étant à nouveau criée trois fois (art. 60 al. 2 ORFI). Si aucun autre enchérisseur pouvant verser directement l'acompte ne surenchérit, l'immeuble est adjugé à l'avant-dernier enchérisseur. Chaque enchérisseur reste lié par son offre tant que l'immeuble n'est pas adjugé à plus offrant.

2.1.2 La vente aux enchères se déroule sous la responsabilité de l'office, par le préposé, un substitut ou un collaborateur, par lequel elle est en principe dirigée. Il appartient au directeur des enchères de s'assurer du bon déroulement de celles-ci et d'en tenir un procès-verbal. Il lui incombe en particulier de vérifier la recevabilité des offres faites par les participants aux enchères. Notamment, selon l'art. 58 al. 2 ORFI, l'office peut, avant de prononcer l'adjudication, exiger que ceux qui misent en qualité de représentants d'un tiers ou d'organes d'une personne juridique justifient de leurs pouvoirs (arrêt du Tribunal fédéral A_445/2023 du 2 octobre 2023 consid. 4.1.2).

Les modalités de la réalisation par l'Office peuvent être attaquées par une plainte visant l'adjudication (art. 132a LP applicable à la vente aux enchères forcée d'immeuble selon l'art. 143a LP).

La plainte vise la constatation de la nullité ou l'annulation de l'adjudication, à la restitution des prestations déjà échangées et à l'organisation d'une nouvelle vente. Elle ne peut tendre à une substitution d'acquéreur par exemple (Gilliéron, Commentaire de la fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 50 et 51 ad art. 132a LP et n° 28 ad art. 143a LP).

2.1.3.1 Le but des enchères en cas de réalisation forcée est d'établir autour de la chose à vendre une concurrence, qui doit être libre et loyale, et d'obtenir ainsi de celle-ci un prix aussi rapproché que possible de sa valeur réelle. Si cette concurrence est faussée par des manœuvres, le résultat de la vente est altéré. En particulier, une convention passée avant les enchères influe d'une manière illégale ou contraire aux mœurs sur le résultat de celles-ci lorsque son but est d'influer défavorablement sur le résultat de la mise et d'attribuer à l'un des cocontractants ou à un tiers la différence entre le prix d'adjudication et la véritable valeur de l'objet (ATF 109 II 123, JdT 1984 I 319; 82 II 23, JdT 1956 I 206, consid. 1; 51 III 16, JdT 1925 II 112, consid. 2).

2.1.3.2 Les enchères dont le résultat a été altéré par des manœuvres illicites ou contraires aux mœurs peuvent être attaquées, dans les dix jours par tout intéressé. Dans les enchères forcées, l'action en annulation est portée devant l'autorité de surveillance (art. 230 al. 1 et 2 CO), sous la forme d'une plainte (Vuilliéty, Commentaire Romand, CO I, n° 21 ad art. 230 CO).

Constituent des manœuvres illicites ou contraires aux mœurs : une convention, dont le but est d'influer défavorablement sur le résultat des enchères et d'attribuer à l'un des contractants ou à un tiers la différence entre le prix d'adjudication et la véritable valeur du droit patrimonial mis aux enchères; des arrangements en vue d'écarter des amateurs; un pactum de non licitando aux termes duquel les enchérisseurs se sont engagés, moyennant indemnité, à ne pas enchérir au-dessus d'une somme déterminée; un arrangement entre amateurs supprimant leur intérêt à acquérir le droit patrimonial mis aux enchères et, par conséquent, à participer aux enchères (arrêt du Tribunal fédéral 5A_464/2023 du 31 août 2023 consid. 3.1.1).

Le pactum de licitendo, soit l'accord par lequel le vendeur et/ou le maître des enchères, dans le but d'enfler l'offre, incitent un ou plusieurs participants à enchérir, en les assurant qu'une éventuelle adjudication n'emportera aucun effet obligatoire pour eux est également contraire aux mœurs et illicite au sens de l'art. 230 CO. Il en va de même de l'engagement d'un homme de paille dont l'intervention dans la vente permet d'augmenter artificiellement le prix d'adjudication (Vuilliéty, op. cit., n° 12 ad art. 230 CO).

L'action en annulation prévue par l'art. 230 CO permet exclusivement l'annulation de l'adjudication, avec effet ex tunc, et entraîne la restitution des prestations que les parties auraient déjà échangées. L'action ne permet pas d'adapter l'adjudication ou le prix. Une répétition des enchères est ordonnée (Vuilliéty, op. cit., n° 35 ad art. 230 CO).

2.1.3.3 La procédure en annulation de la vente aux enchères est conduite selon les règles applicables à la plainte. Elle doit respecter les exigences minimales de procédure prévues par l'art. 20a LP et le droit cantonal (Gilliéron, op. cit., n° 36 ad art. 143a LP).

En application de l'art. 20a al. 2 ch. 2 LP, l'autorité de surveillance constate les faits d'office. Elle peut demander aux parties de collaborer.

La maxime inquisitoire découlant de cette disposition implique que l'autorité cantonale dirige la procédure, définisse les faits pertinents et les preuves nécessaires, ordonne l'administration de ces preuves et les apprécie d'office. Elle ne peut se contenter d'attendre que les parties lui demandent d'instruire ou lui fournissent spontanément les preuves idoines; elle doit d'elle-même établir les faits pertinents dans la mesure qu'exige l'application de la loi. L'autorité cantonale ne doit toutefois procéder de son chef pour élucider les faits que dans les cas où il est, pour des raisons objectives, douteux que les parties aient présenté l'état de faits de manière complète. Les parties ont non seulement le droit, mais également le devoir de collaborer à l'établissement des faits dans certaines circonstances; il en va ainsi du plaignant qui saisit l'autorité de surveillance dans son propre intérêt ou lorsqu'il s'agit de faits que la partie est la mieux à même de connaître ou qui ont trait à sa situation personnelle, surtout lorsqu'elle sort de l'ordinaire (Gilliéron, op. cit., n° 33 ad art. 20a LP; Erard, Commentaire Romand, Poursuites et faillites, 2005, n° 9 ad art. 20a LP; et les arrêts cités : ATF 123 III 328, JdT 1999 II 26; 119 II 305-306, JdT 1994 I 217-218; 112 III 79, JdT 1988 II 63).

2.2.1 En l'espèce, le plaignant conclu principalement à la modification du prix d'adjudication. Une telle conclusion n'est admissible ni dans le cadre d'une plainte au sens de l'art. 132a LP, ni dans le cadre de l'action en annulation de la vente aux enchères de l'art. 230 CO, de sorte que seule la conclusion subsidiaire en annulation de l'adjudication sera admise comme cadre des débats.

2.2.2 Les enchères se sont déroulées conformément à l'art. 60 ORFI et aux conditions générales de vente, que l'Office a appliqués à la lettre. Il n'avait notamment pas à vérifier avant la troisième criée que l'enchérisseur était à même de verser le montant requis de l'avance, contrairement à ce que soutient le plaignant. Le fait que ce mode de procéder serait inopportun relève de la critique des conditions générales de vente, lesquelles n'ont pas été remises en cause par le plaignant. Quant aux conséquences du non-versement de l'avance par D______ SA, l'Office a également respecté la teneur de l'art. 60 ORFI et des conditions générales en reprenant les enchères au niveau de l'offre immédiatement inférieure, soit celle du plaignant à 6'100'000 fr. Le grief de violation de l'art. 60 ORFI et des conditions générales de vente par l'Office dans l'organisation et la conduite des enchères n'est par conséquent pas fondé.

L'Office n'est par ailleurs pas compétent pour annuler la vente ou pour écarter des offres sur la base de soupçons de manipulation des enchères, seule l'autorité de surveillance, saisie d'une plainte, pouvant le faire (cf. Vuilliéty, op. cit., n° 31 ad art. 230 CO). Le plaignant ne pouvait par conséquent reprocher à l'Office de ne pas être intervenu pour empêcher les offres de D______ SA et de ne pas avoir décidé de réduire le prix d'adjudication à 4'300'000 fr.

En conclusion, les critiques du plaignant contre la manière dont l'Office a conduit les enchères sont infondées et il n'y a pas lieu d'en envisager l'annulation en application de l'art. 132a LP.

2.2.4 Reste à examiner si D______ SA a conduit des manœuvres dolosives qui permettraient l'annulation de la vente en application de l'art. 230 CO par l'autorité de surveillance.

Le plaignant invoque trois indices, à savoir que D______ SA aurait tenté avant la vente aux enchères d'acquérir le bien immobilier par une vente de gré à gré, que la représentante de D______ SA aurait eu des contacts avec le fils du défunt pendant la vente et que D______ SA n'avait pas été en mesure de régler l'avance requise entre la troisième criée et l'adjudication.

Le premier indice est vraisemblablement inexistant, l'Office contestant avoir été approché par D______ SA; seul le plaignant a tenté d'obtenir la vente du bien par une vente de gré à gré avant sa mise aux enchères. Le fait que D______ SA aurait souhaité obtenir une vente de gré à gré n'est par ailleurs pas un indice d'une volonté frauduleuse; au contraire, ce serait le signe d'une volonté réelle d'acquérir le bien et non pas d'influer sur la vente sans volonté d'acquérir le bien réalisé.

Le second indice est plus pertinent, mais bien ténu pour soutenir une accusation d'entente illicite en vue de manipuler les enchères et d'obtenir un prix excessif. Sur la base d'une simple impression générée chez le plaignant par un contact entre deux personnes au cours de la vente – de surcroît au vu et au sus de tous – il est difficile de construire l'hypothèse d'une entente illicite en vue de manœuvres destinées à influencer la vente au détriment du plaignant. Ce dernier n'expose aucune circonstance permettant de soutenir une proximité particulière entre D______ SA et/ou sa représentante, d'une part, et le fils de B______, d'autre part.

Quant au troisième indice, il n'est pas significatif, le plaignant ne donnant aucune indication sur les raisons du non-paiement de l'avance requise par D______ SA, lequel pourrait découler du fait qu'elle ne s'était pas munie des moyens de paiement idoines par ignorance des conditions générales.

La plainte est ainsi insuffisamment étayée pour conduire à une annulation de la vente sur la base des seuls allégués et offres de preuve très restreints du plaignant. L'annulation d'une vente aux enchères pour manœuvres illicites et contraires aux mœurs est une démarche suffisamment exceptionnelle et dans le seul intérêt du plaignant pour qu'il puisse être exigé de lui – conformément aux principes rappelés ci-dessus – qu'il déploie une argumentation et des moyens substantiels en vue d'atteindre le but recherché, sans se reposer sur l'autorité de surveillance pour découvrir des circonstances permettant d'étayer ce qui ne sont en l'état que des conjectures.

Finalement, l'existence d'une manipulation du prix d'adjudication est, en l'occurrence, peu probable au vu du prix atteint qui est inférieur à l'estimation de l'immeuble retenue par l'Office.

En conclusion, l'action en annulation de la vente aux enchères fondée sur l'art. 230 CO sera également écartée faute d'indices et d'offres de preuves suffisants de manœuvres entachant la vente litigieuse.

2.2.5 En définitive, la plainte sera intégralement rejetée.

3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte du 10 novembre 2023 de A______ contre la vente aux enchères du 31 octobre 2023 de la parcelle n° 2______ de la Commune de C______, dans le cadre de la liquidation de la succession de feu B______ (faillite n° 2022 1______).

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; M. Anthony HUGUENIN et M. Luca MINOTTI, juges assesseurs ; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.