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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2865/2023

DCSO/126/2024 du 28.03.2024 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2865/2023-CS DCSO/126/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 28 MARS 2024

 

Plainte 17 LP (A/2865/2023-CS) formée en date du 12 septembre 2023 par A______.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

Avocat

______

______.

- B______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______, avocat inscrit au barreau de Genève, a requis la poursuite de B______ pour une note d'honoraires du 25 mars 2020 de 9'005 fr. 95, relative à une procédure de divorce, et des frais de la Commission du Barreau de 200 fr.

b. La poursuite a conduit à l'établissement, le 27 février 2023, d'un procès-verbal de saisie, valant acte de défaut de biens n° 1______ pour un montant total de découvert de 10'673 fr. 52.

Il ressort de ce document que l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a convoqué le débiteur pour un interrogatoire le 27 février 2023.

Il en est ressorti que B______ est chauffeur de taxi indépendant et réalise un bénéfice net de 3'400 fr. par mois en moyenne (selon bilan et avis de taxation 2021). Son épouse ne travaille pas et ne bénéficie d'aucun revenu. Ils sont les parents de deux enfants mineurs : C______, née le ______ 2014, et D______, né le ______ 2017. Des allocations familiales en 622 fr. sont versées à la famille. Le débiteur verse une contribution d'entretien mensuelle de 400 fr. Les primes d'assurance-maladie de la famille ne sont pas payées. Le loyer du logement de la famille est de 1'772 fr., sous déduction d'une allocation logement de 416 fr. 65. La famille du débiteur perçoit des prestations d'assistance publique.

Dans le cadre de ses investigations, l'Office a obtenu les comptes 2021 de l'entreprise individuelle du débiteur, sa déclaration fiscale et des extraits de ses comptes bancaires.

Il a également interrogé l'épouse du débiteur dans le cadre de poursuites qui la concernent.

L'Office a établi le minimum vital de B______ et de sa famille à 3'752 fr. 45 comme suit : montant de base mensuel d'entretien pour un couple avec charge d'entretien : 1'700 fr., montant de base pour deux enfants de moins de dix ans : 800 fr. (dont à déduire des allocations familiales de 622 fr.); contribution d'entretien : 400 fr.; loyer et charges 1'772 fr. (dont à déduire une allocation logement de 416 fr. 65); assurance RC et impôts du véhicule : 119 fr. 10 (quand bien même ces montants sont déjà comptabilisés dans les comptes de l'entreprise individuelle ou déjà compris dans le montant de base d'entretien).

c. Sur la base de l'acte de défaut de biens n° 1______ du 27 février 2023, A______ a requis, le 22 août 2023, une nouvelle poursuite, sans notification préalable d'un commandement de payer.

d. Sans procéder à une nouvelle audition du débiteur, la précédente remontant à six mois environ, l'Office a établi le 4 septembre 2023 un procès-verbal de saisie, valant acte de défaut de biens n° 2______, pour une créance de 10'673 fr. 52 et 45 fr. 90 de frais de poursuite, soit un montant total de découvert de 10'719 fr. 42.

Ce document a été notifié à A______ le 6 septembre 2023.

B. a. Par acte expédié le 12 septembre 2023 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre l'acte de défaut de bien n° 2______, concluant à son annulation.

A l'appui de la plainte, il a soutenu que l'Office avait retenu le chiffre d'affaires et le bénéfice réalisés par le débiteur en 2021, soit une année affectée par la pandémie de COVID-19, dont les résultats n'étaient plus pertinents. Selon les statistiques fédérales et cantonales, un chauffeur de taxi réaliserait un revenu mensuel net de 4'500 fr., montant repris par la jurisprudence du Tribunal fédéral pour estimer les revenus des parties en matière de droit de la famille. En outre, l'Office n'avait pas suffisamment investigué la situation financière de l'épouse du débiteur, notamment par la production d'extraits de comptes bancaires, en Suisse et à l'étranger.

b. Invité à se prononcer sur la plainte, B______ a déposé le 4 octobre 2023 un lot de pièces, sans formuler d'observations.

c. Dans ses déterminations du 18 octobre 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte au motif qu'après avoir procédé à un nouvel interrogatoire du débiteur et obtenu les comptes 2022 de ce dernier, il avait constaté que ces revenus n'avaient pas évolués en 2022. Par ailleurs, rien dans les éléments apportés par le plaignant ne permettait de retenir un revenu concret supérieur à celui déterminé par l'Office, sauf à retenir un revenu hypothétique, ce qui n'était pas admissible en matière de droit des poursuites. Finalement, l'Office réfutait le grief d'absence d'investigation de la situation de l'épouse du débiteur car il l'avait instruite spécifiquement dans le cadre de poursuites visant celle-ci.

d. Les parties ont été informées par avis de la Chambre de surveillance du 20 octobre 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital).

Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c; ATF 112 III 79 consid. 2) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (ci-après conférence des préposés; BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées chaque année par l'autorité de surveillance (ci-après : NI; publiées au recueil systématique des lois genevoises :
RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

2.1.2 Les revenus pris en considération sont les revenus réels du débiteur. L'Office ne peut en effet fixer le montant saisissable en se fondant sur un revenu hypothétique (ATF 115 III 103 consid. 1.c = JdT 1991 II 108; arrêt du Tribunal fédéral 5A_490/2012 du 23 novembre 2012 consid. 3; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, n° 17 ad art. 93 LP).

2.1.3 Bien qu’à teneur de l'art. 91 al. 1 LP, le débiteur soit tenu d'indiquer tous les biens qui lui appartiennent, même ceux qui ne sont pas en sa possession, l'Office doit adopter un comportement actif et une position critique dans l'exécution de la saisie, de sorte qu'il ne peut s'en remettre, sans les vérifier, aux seules déclarations du débiteur quant à ses biens et revenus. Afin de pourvoir au meilleur désintéressement possible des créanciers, l'Office doit procéder avec diligence, autorité et souci de découvrir les droits patrimoniaux du poursuivi. Il est doté à cette fin de pouvoirs d'investigation et de coercition étendus (Gilliéron, Commentaire de la LP, n. 12 ad art. 91 LP). Il doit donc interroger le poursuivi sur la composition de son patrimoine, sans se contenter de vagues indications données par ce dernier, ni se borner à enregistrer ses déclarations. Il doit les vérifier en exigeant, et en obtenant, les justificatifs correspondants. Si le créancier mentionne des pistes concernant les biens saisissables du débiteur, l'Office doit les creuser. Les investigations doivent être particulièrement poussées lorsque le débiteur est indépendant; elles devront notamment porter sur le genre d'activité, la nature et le volume des affaires. L'Office l'interroge sur le genre d'activité qu'il exerce, ainsi que sur la nature et le volume de ses affaires; il estime le montant du revenu en ordonnant d'office les enquêtes nécessaires et en prenant tous les renseignements jugés utiles; il peut en outre se faire remettre la comptabilité et tous les documents concernant l'exploitation du débiteur, qui est tenu de fournir les renseignements exigés. Lorsque l'instruction menée par l'office n'a révélé aucun élément certain, il faut tenir compte des indices à disposition. Si le débiteur ne tient pas de comptabilité régulière ou que les éléments comptables fournis ne sont pas fiables, le produit de son activité indépendante doit être déterminé par comparaison avec d'autres activités semblables, au besoin par appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_976/2018 du 27 mars 2019; arrêt du Tribunal fédéral 7B.212/2002 du 27 novembre 2002; ATF 126 III 89; 121 III 20, JdT 1997 II 163; 120 III 16, JdT 1996 II 179; 83 III 63; Ochsner, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n. 25ss et 82 ss ad art. 93 LP et les références citées; Mathey, La saisie de salaire et de revenu, thèse Lausanne 1989, p. 188 ch. 394, p. 191 ch. 402 ss et p. 195 ch. 414 avec les références de jurisprudence).

Lorsque l'instruction complète de l'Office conduit à des résultats totalement insuffisants pour déterminer le revenu du débiteur, notamment parce que les déclarations du débiteur et de son employeur sont en complète contradiction, ou qu'elles sont incompatibles avec des pièces ou le train de vie affiché par le débiteur, il faut abandonner la saisie de gain pour s'orienter vers la saisie d'une créance litigieuse fondée sur des indications sérieuses fournies par le créancier. Faute de telles indications et en l'absence d'indices permettant de retenir l'existence d'un revenu du débiteur, aucune saisie, que ce soit de gain ou de créance litigieuse, ne sera possible (ATF 115 III 103 = JdT 1991 II 108; Ochsner, op. cit., n° 39 et 40 ad art. 93).

2.2 En l'espèce, l'Office a investigué la situation du débiteur, notamment en l'interrogeant et en exigeant les pièces habituelles pour un indépendant (comptabilité, extraits bancaires, déclaration fiscale). Il a également investigué spécifiquement la situation de l'épouse du débiteur, puisqu'elle fait elle-même l'objet de saisies. Les résultats de l'entreprise du débiteur n'ont pas évolué depuis l'exercice 2021 sur lequel l'Office s'était fondé pour rendre le premier acte de défaut de biens, élément que l'Office a vérifié dans le cadre de la présente procédure en interrogeant à nouveau le débiteur et en se faisant remettre sa comptabilité 2022. Le grief d'investigation insuffisante formulé par le plaignant est ainsi infondé.

Le fait que les statistiques sur les revenus des chauffeurs de taxi mentionnent des revenus supérieurs à ceux du débiteur peut être un indice, mais n'est pas en soi suffisant pour retenir un revenu plus élevé que celui concrètement constaté par l'Office. Cela reviendrait à retenir un revenu hypothétique ce que n'autorise pas la LP.

Le fait que le chiffre d'affaires devrait être meilleur aujourd'hui que lors de la crise sanitaire liée au COVID-19 est une hypothèse probable, mais dont aucun indice ne permet de corroborer qu'elle se serait réalisée en l'occurrence. Les revenus dans la profession font par ailleurs l'objet d'une forte pression avec l'apparition de concurrents tels que E______ [service de taxis privés], susceptible d'entraîner leur érosion par rapport aux statistiques auxquelles se réfère le plaignant.

En tout état, le plaignant ne propose aucun indice, ni aucune piste permettant de douter des chiffres avancés par le débiteur et retenus par l'Office. Il n'invoque pas un niveau de vie incompatible avec les revenus déclarés. Ayant défendu le débiteur dans le cadre d'un divorce, au cours duquel sa situation financière a été instruite, le plaignant était en outre bien placé pour connaître sa situation financière et disposer d'indices solides en cas de dissimulation de ses revenus; or, il n'invoque rien de tel. Les investigations de l'Office conduisent plutôt à un constat inverse puisqu'il en ressort que le débiteur doit ponctuellement recourir à l'assistance publique pour compléter ses revenus, ce qu'illustrent les décomptes bancaires produits. Or, l'Hospice général procède à des enquêtes lorsqu'il octroie ses prestations.

2.3 La plainte est en conclusion insuffisamment étayée et sera rejetée.

3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 12 septembre 2023 par A______ contre le procès-verbal de saisie du 4 septembre 2023 valant acte de défaut de biens n° 2______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur
Denis KELLER, juges assesseurs ; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.