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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3779/2023

DCSO/28/2024 du 01.02.2024 ( PLAINT ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.02.2024
Normes : CC.2.al2
Résumé : Recours au TF interjeté le 14 février 2024 par le débiteur (5A_117/2024).
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3779/2023-CS DCSO/28/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 1ER FEVRIER 2024

 

Plainte 17 LP (A/3779/2023-CS) formée en date du 12 novembre 2023 par A______.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

______

______.

- B______ et C______

c/o Me HARYCH Vadim

Banna & Quinodoz

Rue Verdaine 15

Case postale 3015

1211 Genève 3.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 26 mars 2019, B______ et C______, en qualité de bailleurs, ont conclu avec A______ et D______, locataires, un contrat de bail à loyer portant sur une villa située à E______ (Genève).

b. Les parties sont en litige à tout le moins depuis le mois de novembre 2020, en lien notamment avec le paiement du loyer.

c. Par jugement du 29 avril 2021, motivé le 17 mai 2021, le Tribunal des baux et loyers a notamment condamné A______ et D______ à payer 22'000 fr. et 11'000 fr., plus intérêts, à B______ et C______. Ce point du dispositif du jugement du Tribunal des baux et loyers a été confirmé par la Cour de justice, aux termes de son arrêt du 31 janvier 2022.

d. Le 19 octobre 2023, B______ et C______ ont requis la poursuite de A______, en paiement de 22'000 fr. et 11'000 fr. réclamés au titre de prétentions selon jugement du 29 avril 2021.

e. Le commandement de payer, poursuite n° 1______, a été notifié le 2 novembre 2023 à A______, qui a formé immédiatement opposition totale à la poursuite.

B. a. Par acte posté le 12 novembre 2023, A______ a formé plainte auprès de la Chambre de surveillance contre le commandement de payer précité. Il considère que les créances en question sont inexactes, infondées et contestées car elles se basent sur un jugement qui a été annulé par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice. A______ fait valoir que B______ et C______ ont engagé à son encontre de précédentes poursuites également infondées, de sorte qu'il y avait d'annuler le commandement de payer querellé.

b. Dans leur détermination du 20 décembre 2023, les époux B______/C______ ont conclu à l'irrecevabilité de la plainte, subsidiairement à son rejet. Les griefs soulevés par A______ concernaient le fond de la créance et ne relevaient pas de la procédure de plainte. De plus, les conditions restrictives pour admettre la nullité d'une poursuite pour abus de droit n'étaient pas réalisées. En effet, B______ et C______ avaient engagé la procédure d'exécution forcée pour recouvrer des sommes qu'ils estiment leur être dues, à la suite d'un jugement devenu exécutoire. Ils avaient d'ailleurs agi en mainlevée définitive de l'opposition devant le Tribunal de première instance, par acte déposé le 27 novembre 2023.

c. L'Office s'en est rapporté à justice quant au bien-fondé de la plainte.

d. Par courrier du 15 janvier 2024, A______ s'est plaint du comportement des poursuivants et a sollicité l'octroi de l'effet suspensif à la plainte.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

Dans la mesure où le grief invoqué par le plaignant entraînerait, dans l'hypothèse où il serait bien fondé, la nullité de la poursuite litigieuse, la Chambre de surveillance serait en tout état tenue d'entrer en matière même en l'absence d'une plainte recevable (art. 22 al. 1 2ème phrase LP).

2. 2.1.1 Sont nulles les poursuites introduites en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, tel qu'il résulte de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1).

La nullité d'une poursuite pour abus de droit (art. 2 al. 2 CC) ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, ou encore lorsqu'il reconnaît, devant l'office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1; 115 III 18 consid. 3b; arrêts 5A_1020/2018 du 11 février 2019; 5A_317/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.1, in Pra 2016 p. 53 n° 7; 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3).

La procédure de plainte des art. 17 ss LP ne permet pas d'obtenir l'annulation de la poursuite en se prévalant de l'art. 2 al. 2 CC, dans la mesure où le grief pris de l'abus de droit est invoqué à l'encontre de la réclamation litigieuse, la décision à ce sujet étant réservée au juge ordinaire. En effet, c'est une particularité du droit suisse que de permettre l'introduction d'une poursuite sans devoir prouver l'existence de la créance (ATF 113 III 2 consid. 2b; cf. ég., parmi plusieurs: arrêts 5A_838/2016 du 13 mars 2017 consid. 2.1).

2.1.2 C’est au regard de l’ensemble des circonstances de la cause qu’il faut examiner si le recours à l’institution du droit de l’exécution forcée est constitutif, dans un cas particulier, d’abus manifeste de droit. Si elle ne dispose pas à cet égard d’une compétence plus étendue que l’Office, l'Autorité de surveillance se trouve généralement dans la situation de pouvoir identifier et élucider les cas d’abus manifeste de droit mieux que lui, car, contrairement à lui, elle n’intervient pas que sur la base d’une simple réquisition (notamment de poursuite) mais dispose des éléments fournis dans le cadre de la plainte et de son instruction ; elle est par ailleurs tenue de prendre en considération les faits ressortant devant elle, en vertu de son devoir d’établir les faits d’office (art. 20a al. 2 ch. 2 LP), les parties pouvant au surplus être requises de collaborer. Il peut donc y avoir abus manifeste de droit sans que l’Office ait été en mesure de le détecter lorsqu’il a donné suite à la réquisition d’établir et notifier un commandement de payer.

2.2 En l'espèce, le plaignant fait valoir que les montants réclamés par les intimés dans le cadre de la poursuite litigieuse ne seraient pas dus. Ce faisant, il s'en prend au fond des prétentions invoquées en poursuite, soit à leur existence et à leur montant. Comme relevé ci-dessus, ces questions relèvent toutefois de la compétence exclusive du juge (en l'occurrence du juge civil), avec pour conséquence que les autorités de poursuite, parmi lesquelles la Chambre de céans, ne sauraient se prononcer à leur sujet.

Il suffira donc de constater sur ce point que, fondées ou non, les prétentions déduites en poursuite sont invoquées en relation avec un contrat ayant effectivement lié le plaignant aux intimés, à savoir un contrat de bail à loyer. Elles ne paraissent par ailleurs ni manifestement inexistantes, ni exagérées ou disproportionnées qu'il faille admettre que les poursuivants ne visent pas véritablement à les recouvrer mais poursuivent en réalité un autre but. On relèvera à ce sujet que les sommes réclamées se réfèrent à un jugement du Tribunal des baux et loyers, partiellement confirmé par la Cour de justice, et que les intimés ont déjà engagé une procédure judiciaire tendant à obtenir la mainlevée de l'opposition formée par le plaignant à la poursuite, ce qui tend à soutenir le sérieux de leur démarche. Le plaignant ne peut donc tirer aucun argument en faveur du caractère abusif de la poursuite de la nature et du montant des sommes réclamées.

Le plaignant fait valoir que les intimés ont déjà engagé précédemment des poursuites à son encore, ce qui serait révélateur d'une volonté de le tourmenter. A cet égard, la Chambre de céans relève que le plaignant, qui n'a produit aucune pièce en relation avec ces précédentes poursuites, n'a fourni aucune indication sur la nature et le montant des précédents commandements de payer, de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer s'il s'agit notamment des mêmes prétentions que celles à l'origine de la poursuite litigieuse. Dans le contexte d'une relation contractuelle de durée, il est en soi plausible que les intimés aient déjà recouru à la voie de l'exécution forcée pour recouvrer d'autres prétentions qu'ils estimaient dues. La simple existence de précédentes poursuites est à elle seule insuffisante pour admettre le caractère abusif de la poursuite querellée.

Eu égard à ce qui précède, il ne peut ainsi être retenu que les intimés auraient engagé la poursuite litigieuse dans un but étranger à celui de l'exécution forcée, en particulier pour tourmenter le plaignant. La poursuite n'est donc pas nulle et la plainte sera en conséquence rejetée.

3. Au vu de l'issue de la procédure, la requête d'effet suspensif formée le 15 janvier 2024 n'a plus d'objet.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 12 novembre 2023 par A______ contre le commandement de payer, poursuite n° 1______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Messieurs Luca MINOTTI et Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.