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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2826/2023

DCSO/27/2024 du 01.02.2024 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Suspension provisoire de la poursuite; effets sur la saisie en cours
Normes : LP.85a
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2826/2023-CS DCSO/27/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 1ER FEVRIER 2024

 

Plainte 17 LP (A/2826/2023-CS) formée en date du 11 septembre 2023 par A______, représentée par Me Guillaume FAUCONNET, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 6 février 2024
à :

-       A______

c/o Me FAUCONNET Guillaume

Dayer Ahlström Fauconnet

Quai Gustave-Ador 38

Case postale 6293

1211 Genève 6.

- ETAT DE GENEVE - SERVICE DES CONTRAVENTIONS

Chemin de la Gravière 5

Case postale 104

1211 Genève 8.

- B______ SA
______
______ [LU].

- C______

c/o Me MIZRAHI Cyril
DROITS EGAUX AVOCATS
Avenue Vibert 9
1227 Carouge GE.

- ETAT DE GENEVE, ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

Service du contentieux
Rue du Stand 26
Case postale 3937
1211 Genève 3.

- D______ – E______

c/o F______ Sàrl
Recouvrement et Service juridique
______

______ [NE].

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. Le 27 décembre 2022, C______ a requis la continuation de la poursuite ordinaire n° 1______ dirigée contre A______, en paiement de 35'841 fr. 03 plus intérêts et frais.

b. Le 13 janvier 2023, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a adressé à A______ un avis de saisie dans la poursuite précitée pour le 31 janvier 2023.

c. A______ a été interrogée par l'Office sur sa situation financière le 27 février 2023. Elle a indiqué, fiches de salaire à l'appui, réaliser un revenu mensuel moyen de quelque 1'800 fr. auprès de la société G______ SA et ne pas avoir d'autres revenus ni d'autres comptes bancaires, hormis un compte à la banque H______.

A la suite de cette audition, le minimum vital de la poursuivie a été calculé, en 1'724 fr. par mois. L'Office a ensuite adressé à l'employeur un avis de saisie de salaire portant sur toute somme supérieure à ce montant.

Par courriels du 16 mars 2023, la société G______ SA a informé l'Office que A______ ne travaillait plus pour la société depuis le mois d'avril 2022. Les fiches de salaire produites par l'intéressée étaient des faux documents selon G______ SA.

d. Le 24 avril 2023, A______ a été réauditionnée par l'Office. Elle a indiqué qu'elle était désormais sans emploi et sans revenu, son seul et unique employeur ayant été G______ SA de novembre 2022 à février 2023.

e. A la suite d'une demande auprès de divers établissements bancaires, l'Office a reçu un courrier de la banque I______, faisant état de l'existence d'un compte bancaire en EUR de la débitrice présentant un solde de 855 fr. 86 à la date du 4 mai 2023. Un relevé de compte auprès de la banque H______ pour la période du 2 novembre 2022 au 5 mai 2023 a mis en évidence des salaires versés par la société J______ SA ainsi que des avances pour frais de voyage. Interrogée sur les relevés de compte fournis par A______ à l'Office en février 2023, banque H______ a répondu qu'ils n'avaient pas été émis par leur établissement. Il manquait des écritures et les soldes n'étaient pas conformes.

f. Le 14 juin 2023, l'Office a avisé l'employeur de A______ de l'exécution d'une saisie de son salaire à hauteur de toute somme supérieure à 1'200 fr.

g. A______ ayant ensuite remis à l'Office les justificatifs de son loyer, la saisie de salaire a été portée à toute somme supérieure à 2'420 fr. par mois.

h. Le 3 août 2023, l'Office a établi un procès-verbal de saisie dans la série n° 2______, à laquelle participent, à titre définitif, la poursuite engagée par C______ n° 1______ ainsi que cinq autres poursuites. Aux termes de ce procès-verbal de saisie, le salaire de A______ était saisi à hauteur de 1'200 fr. par mois pour la période du 14 juin au 2 août 2023 et à hauteur de 2'420 fr. à compter du 3 août 2023. Le compte auprès de la banque I______ était également saisi.

i. Par courriel du 1er septembre 2023, le conseil de A______ a communiqué à l'Office une ordonnance du Tribunal de première instance du 31 août 2023, ordonnant la suspension provisoire de la poursuite n° 1______ dans le cadre de l'action en annulation de la poursuite introduite à l'encontre de C______, en application de l'art. 85a LP. Dès lors que le solde des cinq autres poursuites participant à la série n° 2______ s'élevait à environ 18'800 fr. et que l'Office avait déjà encaissé 11'177 fr. 50, il se justifiait de lever la saisie à compter de la fin du mois de septembre, vu la suspension prononcée.

j. Par courriel du même jour, l'Office a répondu qu'une suspension provisoire de la poursuite n'excluait pas en soi l'exécution d'une saisie et ne commandait pas la levée de la saisie en cours. La suspension provisoire faisait en revanche obstacle à la distribution des sommes encaissées. Par conséquent, la saisie devait se poursuivre jusqu'à sa péremption, aucune distribution ne pouvant en revanche être opérée pendant la suspension.

B. a. Par acte déposé le 11 septembre 2023 à la Chambre de surveillance, A______ a formé plainte contre la décision de l'Office du 1er septembre 2023, refusant de suspendre la saisie sur salaire exécutée à son encontre. Elle a notamment produit une copie de l'action en annulation de la poursuite, par laquelle elle concluait à ce que le Tribunal de première instance constate l'inexigibilité de la poursuite n° 1______ à hauteur de 22'513 fr. 02.

b. Dans son rapport du 21 septembre 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Conformément à la jurisprudence de la Chambre de surveillance, la suspension provisoire de la poursuite ne commandait pas la levée de la saisie en cours. Le caractère conservatoire des prélèvements opérés par l'Office sur les revenus du débiteur n'entrait pas en conflit avec la mesure provisionnelle de la suspension provisoire de la poursuite. Les droits du créancier poursuivant étaient ainsi sauvegardés jusqu'à droit jugé sur le fond dans la procédure en annulation de la poursuite au sens de l'art. 85 aLP. Les droits de la poursuivie l'étaient également, dès lors que son minimum vital était garanti tout au long de la saisie.

c. Aux termes de sa détermination du 19 septembre 2023, société D______ – E______ [raison individuelle], créancier participant à la saisie, a conclu, sous suite de dépens, au rejet de la plainte, subsidiairement à ce que la poursuite n° 1______ soit retirée de la série n° 2______.

d. C______ a conclu au rejet de la plainte.

e. Les déterminations de l'Office et des autres parties ont été communiquées à A______ le 17 octobre 2023.


 

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Selon l’art. 85a LP, le débiteur poursuivi peut agir « en tout temps » au for de la poursuite pour faire constater que la dette n’existe pas ou plus ou qu’un sursis a été accordé (al. 1). Le juge ordonne la suspension provisoire de la poursuite par voie de saisie « avant la réalisation ou, si celle-ci a déjà eu lieu, avant la distribution des deniers » si, après avoir « d’entrée de cause » entendu les parties et examiné les pièces produites, il estime que la demande est très vraisemblablement fondée (al. 2 ch. 1) ; s’il s’agit d’une poursuite par voie de faillite, il ordonne la suspension provisoire « après la notification de la commination de faillite » (al. 2 ch. 2 LP). Il statue ensuite au fond (al. 3).

2.1.2 Selon la jurisprudence rendue par l'ancienne Commission de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, une suspension provisoire de la poursuite n'exclut pas l'exécution d'une saisie, ni ne commande la levée d'une saisie en cours, y compris s'agissant d'une saisie de revenus (DCSO/443/2006 du 29 juin 2006 consid. 2e; DCSO/322/2008 du 24 juillet 2008 consid. 2b).

L’effet d’une saisie consiste notamment en une interdiction faite au débiteur de disposer des biens saisis sans la permission du préposé (art. 96 al. 1 LP). S’il s’agit d’espèces, billets de banque, titres au porteur, effets de change ou autres titres transmissibles par endossement, objets de métaux précieux ou autres objets de prix, l’Office les prend sous sa garde à titre de mesure de sûreté, de telles mesures pouvant aussi être prises s’il s’agit d’autres biens meubles, qui sont cependant en principe laissés provisoirement en mains du débiteur (art. 98 LP).

Au regard des effets d’une saisie, il n’y a pas de raison qu’un droit patrimonial ne soit pas saisi ou cesse de l’être lorsqu’une suspension provisoire de la poursuite est ordonnée en application de l’art. 85a al. 2 LP. Lorsqu’une saisie est déjà intervenue, le contraire impliquerait un retour à un stade antérieur de la poursuite, en particulier à celui qui précède l’exécution d’une saisie, donc bien davantage qu’une suspension de la poursuite. Un tel résultat ne serait pas celui que cette mesure provisionnelle tend à produire, qui est celui de faire obstacle à la réalisation ou, à défaut, à la distribution des deniers, en attendant que le juge ait statué au fond sur l’inexistence apparaissant déjà très vraisemblable de la dette ou sur l’octroi hautement vraisemblable d’un sursis. Quoique ordonnée en considération du fait que la demande d’annulation ou de suspension de la poursuite est très vraisemblablement fondée (art. 85a al. 2 LP), ladite mesure provisionnelle vise à prévenir que la procédure d’exécution forcée considérée ne franchisse des étapes nouvelles ayant des effets difficilement réversibles, comme la réalisation de biens saisis ou la distribution de deniers, mais pas à affaiblir la position du créancier poursuivant en le privant de la garantie qu’il aurait obtenue ou pourrait obtenir grâce à l’exécution d’une saisie ou d’un inventaire (DCSO/443/2006 du 29 juin 2006 consid. 2e).

2.1.3. Les saisies de revenus ordonnées en vertu de l’art. 93 LP ne sont pas soumises à un régime spécifique à cet égard. En cas de saisie de revenus, l’avis à l’employeur constitue une mesure de sûreté (art. 99 LP ; DCSO/310/05 consid. 5 du 26 mai 2005). Le prélèvement sur les revenus du débiteur et le cas échéant le versement à l’Office de la retenue opérée ne sont pas privés de leur caractère conservatoire et n’entrent pas en conflit avec la mesure provisionnelle qu’est la suspension provisoire de la poursuite, qui s’oppose en revanche à la distribution des sommes ainsi encaissées par l’Office.

La suspension provisoire de l’art. 85a al. 2 LP a des effets comparables à ceux de la saisie provisoire de l’art. 83 LP, qui peut être requise et intervenir, y compris sous la forme d’une saisie de revenus, alors que seule la mainlevée provisoire de l’opposition a été accordée, le créancier étant seulement empêché de requérir la réalisation (DCSO/443/2006 du 29 juin 2006 consid. 2e).

2.2 En l'espèce, au vu de la jurisprudence mentionnée ci-dessus, confirmée par la Chambre de céans aux termes d'une décision DCSO/11/2018 du 11 janvier 2018, c'est à bon droit que l'Office a refusé de lever la saisie en cours.

Cette solution tient adéquatement compte des intérêts en présence, à l'instar de la saisie provisoire. La poursuivie est en effet protégée par le fait que ses revenus ne peuvent être saisis que dans la mesure de sa quotité disponible, autrement dit à l’exclusion de son minimum vital (art. 93 al. 1 LP) et pendant une durée limitée à une année, étant observé qu'en l'occurrence la procédure en annulation de la poursuite est soumise à la procédure simplifiée, vu la valeur litigieuse indiquée, inférieure à 30'000 fr.

Mal fondée, la plainte sera rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 lit. a OELP) et il n'est pas alloué de dépens (art. 62 al. 2 OELP), de sorte que les conclusions de l'intimé tendant à la condamnation de la plaignante à ses dépens seront rejetées, le caractère téméraire ou de mauvaise foi de la plainte n'ayant été ni allégué ni rendu vraisemblable.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 11 septembre 2023 par A______ contre la décision de l'Office cantonal des poursuites du 1er septembre 2023 dans la série n° 2______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Messieurs Luca MINOTTI et Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente : La greffière :

 

Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.