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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3106/2023

DCSO/6/2024 du 11.01.2024 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : LP.22.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3106/2023-CS DCSO/6/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 11 JANVIER 2024

 

Plainte 17 LP (A/3106/2023-CS) formée en date du 25 septembre 2023 par A______ et B______.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       B______
A______

______

______.

- C______

c/o Me F______

G______ Sàrl

______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. Par contrat du 10 octobre 2020, D______ et C______ ont remis à bail à B______ et A______ une villa individuelle sise Chemin 1______ no. ______ à E______ [GE].

Par avis officiel du 5 mai 2023, les bailleurs ont déclaré résilier le bail pour son échéance contractuelle du 14 octobre 2025. Cette résiliation a été dans un premier temps contestée par les locataires.

Par courrier du 12 juin 2023, ces derniers ont toutefois informé les bailleurs de leur décision de restituer la villa de manière anticipée pour le 31 juillet 2023. Dans leur réponse du 13 juin 2023, les bailleurs ont accepté de libérer les locataires de leurs obligations à compter du 1er août 2023.

Un litige est cependant apparu entre les parties concernant, notamment, l'usage et l'entretien du jardin, l'accessibilité de la villa pour les visites et l'état des lieux de sortie. Dans ce cadre, les bailleurs ont saisi le 11 septembre 2023 la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une demande en paiement, en libération de la garantie et en mainlevée de l'opposition dirigée contre les locataires, concluant notamment à ce que ceux-ci soient condamnés à leur payer un montant total de 9'651 fr. 20, soit 5'600 fr. de perte de loyer, 3'877 fr. 20 de frais d'avocat avant procès et 174 fr. de dommages à la propriété.

b. Par réquisitions du 7 septembre 2023, C______ a engagé à l'encontre de B______ et de A______ deux poursuites séparées, réclamant à chacun le paiement d'un montant de 9'651 fr. 20 allégué être dû au titre de "dommage pour perte de loyer (5'600 CHF); frais de défense nécessaire (3'877.20 CHF); dommage à la propriété (174 CHF)."

c. Les commandements de payer, poursuites nos 2______ (débiteur : B______) et 3______ (débitrice : A______), ont été établis le 15 septembre 2023 par l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) et notifiés le 20 septembre 2023 aux poursuivis, qui ont tous deux formé opposition.

B. a. Par acte adressé le 25 septembre à la Chambre de surveillance, B______ et A______ ont formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre les commandements de payer notifiés le 20 septembre 2023, concluant à la constatation de la nullité des poursuites nos 2______ et 3______, motif pris de leur caractère à leur sens abusif.

b. Dans ses observations du 17 octobre 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte, relevant que les poursuites litigieuses s'inscrivaient dans le contexte d'un litige civil opposant les parties et que les éléments du dossier ne permettaient pas de retenir que les poursuivants auraient entendu faire un usage abusif des voies d'exécution forcée.

c. Par détermination du 29 septembre 2023, C______ a également conclu au rejet de la plainte, faisant valoir que les circonstances exceptionnelles permettant de constater la nullité pour abus de droit d'une poursuite n'étaient pas réunies en l'espèce.

d. En l'absence de réplique spontanée de la part des plaignants, la cause a été gardée à juger le 8 novembre 2023.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

Dans la mesure où le grief invoqué par les plaignants entraînerait, dans l'hypothèse où il serait bien fondé, la nullité des poursuites litigieuses, la Chambre de surveillance serait en tout état tenue d'entrer en matière même en l'absence d'une plainte recevable (art. 22 al. 1 2ème phrase LP).

2. 2.1 Sont nulles les poursuites introduites en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, tel qu'il résulte de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1).

La nullité d'une poursuite pour abus de droit (art. 2 al. 2 CC) ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, ou encore lorsqu'il reconnaît, devant l'office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1; 115 III 18 consid. 3b; arrêts 5A_1020/2018 du 11 février 2019; 5A_317/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.1, in Pra 2016 p. 53 n° 7; 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3).

La procédure de plainte des art. 17 ss LP ne permet pas d'obtenir l'annulation de la poursuite en se prévalant de l'art. 2 al. 2 CC, dans la mesure où le grief pris de l'abus de droit est invoqué à l'encontre de la réclamation litigieuse, la décision à ce sujet étant réservée au juge ordinaire. En effet, c'est une particularité du droit suisse que de permettre l'introduction d'une poursuite sans devoir prouver l'existence de la créance (ATF 113 III 2 consid. 2b; cf. ég., parmi plusieurs: arrêts 5A_838/2016 du 13 mars 2017 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, les plaignants font pour l'essentiel valoir que les montants réclamés par l'intimée dans le cadre des poursuites litigieuses ne seraient pas dus. Ce faisant, ils s'en prennent au fond des prétentions invoquées en poursuite, soit à leur existence et à leur montant. Comme relevé ci-dessus, ces questions relèvent toutefois de la compétence exclusive du juge (en l'occurrence du juge civil), avec pour conséquence que les autorités de poursuite, parmi lesquelles la Chambre de céans, ne sauraient se prononcer à leur sujet.

Il suffira donc de constater sur ce point que, fondées ou non, les prétentions déduites en poursuite sont invoquées en relation avec un contrat ayant effectivement lié les plaignants à l'intimée, qu'elles ne paraissent pas si manifestement inexistantes, exagérées ou disproportionnées qu'il faille admettre que la poursuivante ne vise pas véritablement à les recouvrer mais poursuit en réalité un autre but, et qu'au contraire la poursuivante et un tiers ont d'ores et déjà engagé une procédure judiciaire visant à obtenir la condamnation des plaignants à leur verser les sommes réclamées, signalant par là même le sérieux de leurs intentions. Ces derniers ne peuvent donc tirer aucun argument en faveur du caractère abusif des poursuites de la nature et du montant des prétentions qu'elles visent à recouvrer.

Le fait, dénoncé par les plaignants, que les poursuites aient été engagées avant que le Tribunal compétent n'ait pu statuer sur le bien-fondé de ces prétentions ne peut non plus être interprété comme un indice d'une intention abusive de la part de la poursuivante, et notamment d'une volonté d'intimidation de sa part. Outre le fait qu'un tel procédé est admissible et courant, il peut en effet tout à fait s'expliquer par une volonté de la poursuivante d'accélérer le cours de la procédure d'exécution forcée, en raccourcissant notamment le délai entre l'obtention d'une décision judiciaire faisant par hypothèse totalement ou partiellement droit à ses prétentions et l'exécution d'une saisie sur les biens des plaignants.

Le fait que les poursuites soient dirigées contre chacun des deux plaignants pour l'intégralité de la prétention invoquée ne constitue pas davantage un indice d'abus mais une conséquence de leur solidarité, telle qu'alléguée par la poursuivante. En cas de solidarité passive en effet, chaque débiteur solidaire doit être poursuivi séparément et peut l'être pour la totalité du montant réclamé, sans que la mention du rapport de solidarité ne soit nécessaire (ATF 145 III 221 consid. 5.3).

On ne voit pas non plus en quoi le fait que la poursuivante ait choisi d'introduire des poursuites ordinaires par voie de saisie ou de faillite, plutôt que des poursuites en réalisation de gage portant sur la garantie bancaire constituée par les plaignants, rendrait lesdites poursuites abusives. Ces derniers, s'ils considéraient un tel procédé critiquable, avaient du reste la possibilité de le contester en temps utile en invoquant le beneficium excussionis realis prévu par l'art. 41 al. 1bis LP, ce qu'ils n'ont pas fait dans le cadre de la présente procédure.

Enfin, les atteintes à leur réputation en affaires dénoncées par les plaignants (diminution de leur capacité d'obtenir un crédit, un logement, voire un travail) sont le propre de toute poursuite, et ne sont donc, en elles-mêmes, d'aucun secours pour distinguer une poursuite légitime d'une poursuite abusive. Aucun élément du dossier ne permet à cet égard de considérer que ces atteintes constitueraient en réalité le seul, ou même le principal, objectif recherché par la poursuivante.

En l'absence d'indices d'une volonté des poursuivants d'utiliser les règles de l'exécution forcée dans un but qui leur est étranger, en particulier pour tourmenter les plaignants, la plainte doit être rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 25 septembre 2023 par B______ et A______ contre les poursuites nos 2______ et 3______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Monsieur Luca MINOTTI et Monsieur
Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président : La greffière :

 

Patrick CHENAUX Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.