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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/951/2023

DCSO/450/2023 du 19.10.2023 ( PLAINT ) , REJETE

Recours TF déposé le 06.11.2023
Descripteurs : Etat de collocation; créance garantie par gage-privilège; caractère exécutoire de l'état de collocation; invocation tardive du fait que la créance est garantie par gage; droit de gage du tiers lésé sur la prestation d'assurance due à l'assuré en responsabilité civile
Normes : LP.219.al1; LP.219.al4; LP.232; LCA.60.al1
Résumé : Recours au TF interjeté par les plaignants le 6 novembre 2023 (5A_842/2023).
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/951/2023-CS DCSO/450/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 19 OCTOBRE 2023

 

Plainte 17 LP (A/951/2023-CS) formée en date du 14 mars 2023 par A______, B______ et C______, représenté par Me Pierre BYDZOVSKY, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 24 octobre 2023
à :

-       A______, B______ et C______

c/o Me BYDZOVSKY Pierre

Charles Russell Speechlys SA

Rue de la Confédération 3-5

1204 Genève.

- D______ SA, EN LIQUIDATION

______

______.

- Office cantonal des faillites
Faillite n° 2022 1______, groupe 2.


EN FAIT

A. a. Le groupe E______ est actif dans la gestion de fortune.

Il est notamment composé de D______ SA, société-mère, inscrite au Registre du commerce de Genève, notamment détentrice de F______ SARL, également inscrite au Registre du commerce de Genève.

G______ en est associé gérant président.

b. A______, B______ et C______ (ci-après les consorts A______/B______/C______) ont été clients de D______ SA.

c. Ils ont déposé plainte pénale le 24 janvier 2022 contre G______ et toute autre personne impliquée pour la soustraction d'avoirs de l'ordre de 2'000'000 fr. dans la cadre de leur gestion fiduciaire (procédure pénale P/2______/2021).

d. La faillite de D______ SA a été prononcée le 10 mars 2022.

e. L'Office cantonal des faillites (ci-après l'Office) a dressé l'inventaire des actifs de la faillite le 11 mars 2022, lequel a été complété ultérieurement.

f. L'Office a publié le 13 juillet 2022 la faillite et l'appel au créanciers. Un délai au 14 août 2022 leur a été fixé pour produire leurs prétentions.

g. Les consorts A______/B______/C______ ont produit leurs créances dans la faillite.

h. Par courrier du 5 octobre 2022 à l'Office, les consorts A______/B______/C______ ont fait état de leur découverte, dans la documentation du dossier de la faillite qu'ils avaient consulté auprès de l'Office, de l'existence de deux polices d'assurance responsabilité civile souscrites par la faillie auprès de H______ SA, n° 3______ (responsabilité pour les pertes de gestion commises par les organes avec une couverture de 1'000'000 fr.) et n° 4______ (responsabilité pour les dommages causés aux clients avec une couverture de 3'000'000 fr.). Ils ont demandé à l'Office qu'une copie des polices soient réclamée à H______ SA, qu'elle leur soit transmise et que les créances en découlant soient inscrites à l'inventaire.

i. Les prétentions envers H______ SA ont été inscrites par l'Office sous numéros C34 et C35 de l'inventaire à hauteur de, respectivement, 1'000'000 fr. et de 3'000'000 fr.

j. Par courrier du 10 octobre 2022, les consorts A______/B______/C______ ont attiré l'attention de l'Office sur la nécessité d'interrompre la prescription à l'encontre de l'assureur H______ SA.

Ils ont relancé l'Office les 26 octobre et 7 novembre 2022, qui a répondu les 28 octobre et 9 novembre 2022 qu'il n'entendait entreprendre les démarches en interruption de la prescription qu'après avoir obtenu les polices d'assurance.

k. Les consorts A______/B______/C______ ont été informés par l'Office de manière anticipée et personnellement le 9 décembre 2022 de la collocation en troisième classe de leurs créances à concurrence de 4'812'304 fr., 10'600'720 fr. 3'824'593 fr. et 653'535 fr. (numéros 22 à 25).

Ils ont requis le 12 décembre 2022 l'Office de leur remettre une copie complète de l'inventaire et de l'état de collocation de la faillite de D______ SA, ce que l'Office a fait le 14 décembre 2022.

l. L'Office a déposé l'état de collocation et l'inventaire dans la faillite de D______ SA le 12 décembre 2022. L'état de collocation a été redéposé les 14 décembre 2022, 3 février et 1er mars 2023.

m. L'Office a communiqué le 3 février 2023 aux consorts A______/B______/C______ la copie des polices d'assurance n° 3______ et n° 4______.

n. Dans un courrier adressé à l'Office le 28 février 2023, non produit, les consorts A______/B______/C______ ont requis l'Office d'inscrire à l'état de collocation leur droit de gage légal au sens de l'art. 60 LCA sur les prestations d'assurance à fournir par H______ SA sur la base des polices n° 3______ et n° 4______, pour leurs créances colloquées.

o. Par décision du 7 mars 2023, l'Office a rejeté cette requête au motif que l'état de collocation était entré en force, s'agissant des créances des consorts A______/B______/C______. Il ne pouvait plus être modifié, sauf en cas de circonstances nouvelles. En l'espèce, leurs prétentions à l'encontre de l'assurance et leur droit de gage légal étaient connus depuis avant le dépôt de l'état de collocation du 12 décembre 2022.

q. Par courrier recommandé du 14 mars 2022, les consorts A______/B______/ C______ ont sollicité l'Office de reconsidérer cette décision car leur production intervenait sur la base d'un fait nouveau, soit la connaissance, le 3 février 2023, du contenu des polices d'assurance responsabilité civile couvrant les risques de dommage de gestion et de dommage causé aux clients.

r. L'Office a refusé par courrier du 19 avril 2023.

B. a. Par acte expédié le 14 mars 2023 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), les consorts A______/B______/C______ ont formé, parallèlement à la demande en reconsidération adressée à l'Office, une plainte contre la décision du 7 mars 2023 dont la teneur était identique à celle de la demande de reconsidération du 28 février 2023

b. Par courrier du 23 mars 2023 à la Chambre de surveillance, les consorts A______/B______/C______ ont pris des conclusions formelles en annulation de la décision du 7 mars 2023 de l'Office et à ce qu'il soit ordonné à ce dernier d'inscrire leur droit de gage sur les prestations d'assurances à l'inventaire et à ce que le fait que leurs créances sont garanties par gage soit inscrit à l'état de collocation.

c. Les plaignants ayant assorti leur plainte d'une requête d'effet suspensif, la Chambre de surveillance l'a rejetée par ordonnance du 30 mars 2023.

d. Dans ses observations du 26 avril 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Les éléments connus des plaignants depuis le mois d'octobre 2022 étaient suffisants pour solliciter la collocation privilégiée de leurs créances garanties par gage. Leur demande de collocation privilégiée du 28 février 2023 était par conséquent tardive, l'état de collocation dans sa version du 12 décembre 2022 étant devenu définitivement exécutoire à leur égard à l'issue du délai de contestation. La communication des polices d'assurance aux plaignants le 3 février 2023 ne constituait pas un fait nouveau autorisant de modifier l'état de collocation.

e. Les consorts A______/B______/C______ ont répliqué le 1er mai 2023, persistant à considérer que tant que le contenu des polices d'assurance ne leur était pas connu, ils ne pouvaient se prévaloir d'un gage sur la prestation d'assurance. La couverture d'assurance leur était en effet inconnue et ils ne pouvaient déterminer si elle incluait la réparation du préjudice subi.

f. La Chambre de surveillance a informé les parties par avis du 17 mai 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Dès qu'il a été décidé que la faillite serait liquidée en la forme ordinaire ou sommaire, l'Office publie son ouverture et somme les créanciers du failli de produire leurs créances dans le mois qui suit la publication et de lui remettre leurs moyens de preuve (art. 232 al. 1 et 2 ch. 2 LP).

L'administration de la faillite examine chaque production et fait les vérifications nécessaires; elle consulte le failli, mais n'est pas liée par ses déclarations (art. 244 et 245 LP). Elle statue ensuite sur l'admission au passif.

Bien que l'administration ait l'obligation de vérifier précisément chaque créance produite, l'examen doit rester sommaire. Elle ne vérifie pas l'existence de la production, mais admet au passif la prétention dont l'existence lui paraît vraisemblable. Pour effectuer son contrôle, l'administration se fonde avant tout sur les moyens de preuve de l'art. 232 ch. 2 LP; il appartient au créancier d'étayer sa production par les moyens de preuve adéquats (arrêts du Tribunal fédéral 5A_709/2015 du 15 janvier 2016 consid. 4.1.1; 5A_27/2016 du 28 juin 2016 consid. 4.1.2; 5A_329/2012 du 5 septembre 2012 consid. 4.4.3).

En principe, l'administration de la faillite doit statuer sur chaque production. Par exception à ce principe, l'art. 59 al. 3 OAOF prévoit que si l'administration ne peut prendre de décision sur l'admission ou le rejet d'une production, elle doit ou suspendre le dépôt de l'état de collocation ou le compléter ultérieurement et le déposer à nouveau en faisant les publications nécessaires. Dans la première hypothèse, le dépôt de l'état de collocation est suspendu dans son entier. Dans la seconde, il est complété ultérieurement quant aux seules productions en cause (ATF 92 III 27 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_709/2015 du 15 janvier 2016 consid. 4.1.1 et 4.1.2; Jaques, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 37 ad art. 245 LP).

L'état de collocation est une décision de l'administration de la faillite. De manière générale, un état de collocation passé en force ne peut plus être modifié, sauf s'il se révèle qu'une créance a été admise ou écartée manifestement à tort -en raison d'une inadvertance de l'administration de la faillite -, si un rapport de droit s'est modifié depuis la collocation ou encore lorsque des faits nouveaux justifient une révision. Mais, dans tous les cas, on ne peut revenir sur la collocation que pour des motifs qui se sont réalisés ou ont été connus après qu'elle est entrée en force. Il n'est pas question de soumettre à une nouvelle appréciation juridique, en particulier lors de la distribution des deniers, des faits connus au moment de la collocation et d'en tirer argument pour modifier la décision (ATF 139 III 384 consid. 2.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_709/2015 du 15 janvier 2016 consid. 4.1.1 et 4.1.2; 5A_27/2016 du 28 juin 2016 consid. 4.1.1).

2.1.2 En application de l'art. 219 LP, les créanciers dans la faillite sont colloqués par l'Office dans quatre catégories : les créanciers gagistes qui disposent d'une préférence sur le produit de la réalisation du gage dont ils jouissent, puis sont colloqués comme les autres créanciers, pour le montant de leur créance non couvert par la réalisation du gage (art. 219 al. 1 et 4 LP); les créanciers de première et deuxième classe définis par l'art. 219 al. 4 let. a à d LP; les créanciers ordinaires, colloqués en troisième classe (art. 219 al. 4, dernière phrase, LP).

2.1.3 A teneur de l'art. 60 al. 1, première phrase, LCA, en cas d’assurance contre les conséquences de la responsabilité légale, les tiers lésés ont, jusqu’à concurrence de l’indemnité qui leur est due, un droit de gage sur l’indemnité due au preneur d’assurance.

En cas de faillite du preneur d'assurance, le droit de gage prévu par l'art. 60 al. 1 LCA peut être invoqué dans l'établissement de l'état de collocation par le créancier qui se prétend victime d'agissements du failli et produit une créance en réparation de son dommage couvert par l'assureur responsabilité civile du failli. Le créancier doit produire dans la faillite sa créance en dommages-intérêts puis invoquer, au stade de l'établissement de l'état de collocation, son droit de gage légal découlant de l'art. 60 LCA (art. 247 et 219 al. 1 LP; arrêt du Tribunal fédéral 4A_185/2011 du 15 novembre 2011 consid. 2.1 et 2.3).

2.2 En l'espèce, les plaignants ont produit leurs créances dans la faillite de D______ SA dans le délai imparti par l'Office au 14 août 2022, soit à un moment où l'existence des polices d'assurance responsabilité civile de la faillie leur étaient encore inconnues. Ils étaient alors des créanciers ordinaires voués à être colloqués en troisième classe. Ils ont, en octobre 2022, découvert les contrats d'assurance responsabilité civile de la faillie et attiré l'attention de l'Office sur leur existence, permettant d'inscrire à l'inventaire les créances en prestation d'assurance. A ce moment, les plaignants disposaient d'informations déjà assez détaillées sur les polices d'assurance responsabilité civile de la faillie (numéro, type de responsabilité civile couverte, montant maximal de la couverture d'assurance), mais ne disposaient pas de la police ni des conditions générales d'assurance permettant de connaître de manière précise les risques couverts et les prestations fournies. Ils étaient par conséquent en mesure, sur la base de ces informations, de déterminer que les indemnités versées par l'assurance à la faillie au titre des deux polices susmentionnées étaient destinées à couvrir en tout ou partie la réparation de leur préjudice et, partant, de l'existence de leur gage légal sur la prestation d'assurance. La connaissance de la couverture d'assurance précise ne leur était pas nécessaire, sous l'angle de la vraisemblance qui prévaut en matière d'état de collocation, pour déterminer leur qualité de créanciers gagistes. Ils auraient par conséquent pu modifier leur production de créance dès cet instant afin de bénéficier des privilèges de la collocation en qualité de créanciers gagistes dans l'état de collocation du 12 décembre 2022. Ils auraient notamment pu invoquer leur droit de gage et, compte tenu d'éventuelles incertitudes sur la couverture d'assurance exacte, réserver une modification ultérieure de la production au sens de l'art. 59 al. 3 OAOF. L'obtention des polices d'assurance en février 2023 n'est donc pas un fait nouveau déterminant permettant de modifier un état de collocation entré en force, ce d'autant plus que la modification requise aurait eu un impact particulièrement important sur les droits des autres créanciers.

La décision entreprise de l'Office de rejeter la modification de l'état de collocation requise par les plaignants était par conséquent fondée et la plainte sera rejetée.

4. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte du 14 mars 2023 de A______, B______ et C______ contre la décision de l'Office des faillites du 7 mars 2023 rejetant leur requête en collocation privilégiée de leurs créances dans faillite de D______ SA et inscription de leur droit de gage légal au sens de l'art. 60 LCA sur les prestations d'assurance à fournir par H______ SA sur la base des polices n° 3______ et n° 4______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs ; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.