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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2094/2021

DCSO/467/2021 du 02.12.2021 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : plainte contre état de collocation imprécis, inintelligible ou entaché de vices de forme; créance écartée avec argumentation sommaire; décision de rejet d'une créance partiellement peu claire; absence d'incidence; abus de droit
Normes : lp.17; lp.22; lp.248; oaof.58.al2; cc.2.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2094/2021-CS DCSO/467/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 2 DECEMBRE 2021

 

Plainte 17 LP (A/2094/2021-CS) formée en date du 17 juin 2021 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Christophe Buchwalder, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me BUCHWALDER Christophe

Gantey SA

Rue Pedro-Meylan 1

1208 Genève.

- ADMINISTRATION SPECIALE DE LA FAILLITE DE B______ SA, EN LIQUIDATION

p.a. REGO AVOCATS

Me P. PIRKL et M. D. GROSBETY

Esplanade de Pont-Rouge 4

Case postale

1211 Genève 26.

 


EN FAIT

A. a. B______ SA a été déclarée en état de faillite le ______ 2020.

b. La liquidation de la faillite a été confiée à une administration spéciale par la première assemblée des créanciers du 18 septembre 2020.

c. A______, société ayant son siège à C______ (Emirats arabes unis), a produit une créance de 6'710'370 usd 41 dans la faillite.

d. L'administration spéciale de la masse en faillite de B______ SA, EN LIQUIDATION (ci-après l'administration spéciale) a inscrit cette créance à l'état de collocation (convertie en 6'378'502 fr. 331), mais l'a rejetée par une décision mentionnée en marge, dont la teneur est la suivante : "la créance produite résulte d'opérations comptables ayant le but de soutenir les activités de B______ SA et n'avait pas vocation à être remboursée dans la mesure du rapprochement de D______ et E______, actionnaire de B______ SA. Créance assimilée à du capital non remboursable" puis, plus loin : "admis pour CHF 0.001; rejeté pour CHF 6'378'502.33".

e. L'administration spéciale a communiqué à A______ l'extrait de l'état de collocation la concernant, avec la décision susmentionnée, par courrier recommandé du 19 avril 2021.

f. L'état de collocation a été déposé le 20 avril 2021.

B. a. Par acte expédié le 17 juin 2021 au greffe de la Chambre de surveillance des offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a conclu au constat de la nullité de la décision de collocation du 19 avril 2021 relative à sa créance produite dans la faillite de B______ SA, au motif que la décision de rejet de la production était contradictoire et insuffisamment claire pour être valable. Elle reprochait en substance à l'administration spéciale d'avoir décidé le rejet de la majeure partie de la créance, mais de l'avoir néanmoins admise à hauteur de 0 fr. 001. Elle concluait également au constat de la nullité de l'ensemble de l'état de collocation et que celui-ci soit redéposé.

A______ sollicitait encore, préalablement, l'octroi de l'effet suspensif à sa plainte et la production de l'état de collocation dans son intégralité.

b. La Chambre de surveillance a rejeté la requête d'effet suspensif par ordonnance du 5 juillet 2021, essentiellement en raison de la disproportion entre l'incidence de l'octroi de l'effet suspensif sur la liquidation de la faillite et l'enjeu de la plainte qui portait en substance sur l'absence de motivation de l'admission d'une partie de la créance de la plaignante de 0 fr. 001 à l'état de collocation, inexplicable au vu du rejet du solde de la créance de 6'378'502 fr. 33, lequel faisait l'objet d'une motivation.

c. Dans ses observations du 5 août 2021, l'administration spéciale a conclu au rejet de la plainte, qu'elle qualifiait d'abusive. La décision de rejet de la créance et sa motivation étaient compréhensibles. La mention de l'admission de 0 fr. 001 à l'état de collocation découlait d'un problème informatique lié à l'arrondissement au centième et non au millième par le tableur Excel utilisé; elle n'entachait en rien la validité de la décision de non-collocation. En outre, la plainte avait été déposée plus de dix jours après le dépôt de l'état de collocation et la décision attaquée n'était pas entachée de nullité; la plainte devait donc être déclarée irrecevable faute d'avoir été formée dans le délai légal.

EN DROIT

1.             1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 al. 1 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire. L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).

1.1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure entreprise (art. 17 al. 2 LP). La plainte contre l'état de collocation doit être déposée dans les dix jours dès la publication de son dépôt (Jaques, Commentaire Romand, Poursuites et faillite, 2005, n° 60 ad art. 247 LP, n° 19 et 21 ad art. 250 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP).

1.1.3 La sanction de la nullité au sens de l'art. 22 al. 1 LP est l'exception et la règle générale est l'annulabilité des décisions des autorités de poursuite. Les dispositions dont la violation est susceptible de fonder un cas de nullité sont essentiellement les règles impératives du droit des poursuites que doivent respecter les organes d'exécution forcée (ATF 128 I 206 consid. 5.2.5). Outre le fait qu'il doit s'agir d'une règle impérative, il faut que la disposition en cause ait été édictée dans l'intérêt public ou dans l'intérêt d'un cercle indéterminé de tiers étrangers à la procédure (ATF 121 III 24 consid. 2b; 115 III 24 consid. 1; 109 III 102 consid. 1). En revanche, la violation de normes qui ont été établies dans le seul intérêt des parties ne peut être invoquée (arrêts du Tribunal fédéral 5A_529/2019 du 6 septembre 2019 consid. 4.1.15; 5A_403/2017 du 11 septembre 2017 consid. 7.2.1).

1.1.4 Sous réserve de griefs devant conduire à la constatation de la nullité absolue d'une mesure, invocables en tout temps (art. 22 al. 1 LP), l'intégralité des moyens et conclusions du plaignant doivent être à tout le moins sommairement exposés et motivés dans le délai de plainte, sous peine d'irrecevabilité. L'invocation de nouveaux moyens en cours de procédure n'est pas admise dans le cadre de l'examen d'une plainte au sens de l'article 17 LP (ATF 142 III 234 consid. 2.2; ATF 126 III 30 consid. 1b; ATF 114 III 5 consid. 3, JdT 1990 II 80; arrêt du Tribunal fédéral 5A_237/2012 du 10 septembre 2012 consid. 2.2; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 32, 33 et 44 ad art. 17 LP).

1.1.5 En application de l'art. 248 LP, l'état de collocation indique les créances qui ont été écartées et les motifs de cette mesure.Aux termes de l'art. 58 al. 2 OAOF, la décision de l'Office sur une production figurant dans l'état de collocation est sommairement motivée.

La voie de la plainte est ouverte à tout créancier contre un état de collocation imprécis, inintelligible, ou entaché de vices de forme ou encore lorsque certaines prescriptions de procédure avec incidence de droit matériel n'ont pas été observées (ATF 103 III 13 consid. 2 = JdT 1979 II 34; arrêts du Tribunal fédéral 5A_709/2015 du 15 janvier 2016 consid. 4.1, 5A_329/2012 du 5 septembre 2012 consid. 4.4; Rey-Mermey, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 1 et 2 ad art. 148 LP).

Les décisions en matière de collocation qui ne sont pas claires et univoques, soit qui ne permettent pas de savoir si une créance produite est admise ou non, sont entachées de nullité – invocable en tout temps (art. 22 al. 1 LP) – car elles créent une incertitude sur le point de savoir qui devrait, le cas échéant, ouvrir action en contestation de l'état de de collocation et, en outre, elles ne constituent pas une base suffisante pour procéder à la distribution des deniers (ATF 103 III 13 consid. 2 = JdT 1979 II 34; 99 III 66 consid. 2 = JdT 1975 II 22; 96 III 74 consid. 2
= JdT 1971 II 2; Jaques, op. cit., n° 60 ad art. 247 LP, n° 21 ad art. 250 LP).

1.2.1 En l'espèce, la plainte respecte les exigences de forme prévues par la loi et émane d'une personne qui, si son argumentation devait être retenue, serait lésée dans ses intérêts juridiquement protégés. Elle est donc, à ces égards, recevable. En revanche, la plainte a été déposée plus de dix jours après le dépôt de l'état de collocation. Elle est en principe irrecevable faute d'avoir été formée dans le délai légal, à moins que la décision entreprise ne soit nulle au sens de l'art. 22 al. 1 LP. En l'occurrence, la plaignante invoque toutefois l'absence de clarté de la décision de collocation de l'Office pour en soutenir la nullité.

La mention à l'état de collocation d'une portion de créance admise de 0 fr. 001 est malheureuse et, a priori, incompréhensible. L'administration spéciale en a expliqué la raison "technique", ce qui n'est toutefois pas encore suffisant pour rendre le texte littéral compréhensible; le fait d'arrondir au centième de franc ne devant pas conduire à l'"admission" à l'état de collocation d'un millième de franc mais à son "rejet" avec une explication adéquate. Toutefois, invoquer cette formulation malheureuse pour conclure à la nullité de la décision de l'administration spéciale est en l'espèce constitutif d'un abus de droit au sens de l'art. 2 al. 2 CC, tant il est clair à la lecture globale de la décision de collocation litigieuse que la créance est rejetée, de surcroît par une motivation suffisante au regard des exigences sommaires en la matière. L'"admission" d'une partie infinitésimale de la créance est en réalité sans portée et tout lecteur raisonnable en ferait abstraction, tant il paraît évident qu'il s'agit d'une scorie. En tout état, ces quelques termes maladroits n'empêchent pas de comprendre la partie substantielle de la décision rendue par l'administration spéciale sur la créance litigieusede 6'378'502 fr. 33, correctement libellée dans l'état de collocation. Dans de telles circonstances, la sanction de la nullité en raison d'une formulation défectueuse apparaît excessive et ne saurait être retenue. Il en découle que la plainte n'est pas recevable faute d'avoir été formée dans le délai de dix jours dès la connaissance de l'état de collocation.

1.2.2 La plaignante semble vouloir également remettre en cause l'entier de l'état de collocation pour des motifs qu'elle se réserve de formuler après en avoir pris connaissance, une fois celui-ci produit à la procédure – ce qu'elle requiert à titre préalable.

La plainte est également irrecevable à cet égard, faute de contenir un grief formulé à temps. Il appartenait en effet à la plaignante de consulter l'entier de l'état de collocation dans les dix jours suivants son dépôt et de déposer une plainte contenant les reproches adressés à l'Office dans ce délai si elle s'y estimait fondée.

2. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare irrecevable la plainte formée par A______ le 17 juin 2021 contre l'état de collocation déposé le 20 avril 2021 par l'administration spéciale de la faillite de B______ SA, EN LIQUIDATION.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.