Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/303/2003 du 04.08.2003 ( PLAINT ) , REJETE
En droit
DÉCISION
DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE
DES OFFICES DES POURSUITES ET DES FAILLITES
SIÉGEANT EN SECTION
DU JEUDI 31 JUILLET 2003
Cause A/513/2003 (AOF/98/03), plainte 17 LP formée le 31 mars 2003 par G______ BV., élisant domicile en l'étude de Me Olivier WEHRLI, avocat à Genève.
Décision communiquée à :
- G______ BV.
domicile élu : Etude PONCET TURRETTINI AMAUDRUZ NEYROUD & Associés
Me Olivier WEHRLI, avocat
Rue de Hesse 8-10
Case postale
- M. L______ et M. D______
domicile élu : Etude LALIVE & Associés
Me Patrice LE HOUELLEUR, avocat
Rue de l’Athénée 6
Case postale 393
1211 Genève 12
- l'Office des faillites
A. La société G______ SA, ayant son siège social à Genève, est une société ayant pour but social le commerce de produits oléagineux.
Elle indique avoir à l’encontre de la société de droit néerlandais G______ BV, active dans le domaine de l’import-export de produits oléagineux, une créance de USD 172'107,57 correspondant à des factures impayées relatives à la livraison d’importantes quantités d’arachides durant les années 1996 et 1997.
B. Alors qu’elle faisait l’objet d’une requête de faillite ordinaire déposée le 22 mai 1997 par une banque, G______ SA a obtenu un sursis concordataire, par un jugement du Tribunal de première instance du 17 octobre 1997. Ce sursis a été révoqué par un jugement du 31 août 1999, confirmé par un arrêt de la Cour de justice du 12 novembre 1999.
Un jugement du Tribunal de première instance du 30 novembre 1999 prononçant la faillite de G______ SA a été annulé par la Cour de justice en date du 17 février 2000 en raison d’un vice de procédure.
A la demande de huit créanciers de G______ SA, le Tribunal de première instance a d’abord accordé à cette dernière, par un jugement du 4 août 2000, un sursis provisoire de deux mois, puis, par un jugement du 21 novembre 2000, un sursis concordataire de six mois, prolongé en dernier lieu jusqu'au 10 novembre 2001. Jusqu’à droit jugé sur la requête en sursis concordataire, le Tribunal de première instance avait sursis à statuer sur des requêtes de faillites dont il avait été saisi entre 1997 et 2000.
Par un jugement du 13 mars 2002, confirmé par la Cour de justice le 24 mai 2002, le Tribunal de première instance a refusé d’homologuer le concordat proposé par G______ SA à ses créanciers, pour le motif que les majorités requises par l’art. 305 al. 1 LP n’étaient pas atteintes. L’instruction des procédures pendantes tendant à la faillite de G______ SA a été reprise ; de son côté, la société G______ BV. a requis, le 19 juin 2002, la faillite de G______ SA.
Le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de G______ SA par un jugement du 12 juillet 2002, confirmé par la Cour de justice le 26 septembre 2002.
C. L’Office des faillites a établi l’inventaire des biens de la faillie du 12 juillet 2002 au 29 janvier 2003. M. D______, l’un des deux administrateurs avec signature individuelle de la faillie, a signé cet inventaire le 6 février 2003.
Cet inventaire recense pour mémoire des parts de propriété par étage de la faillie sur des immeubles sis à Chêne-Bougeries, grevées de cédules hypothécaires. Il mentionne par ailleurs, aussi pour mémoire, diverses créances contre des sociétés du groupe (domiciliées au siège de sociétés dont certaines paraissent en faillite), des créances contre des débiteurs commerciaux, une créance contre un dénommé S______ (dont les tentatives de la recouvrer avaient été avancées à l’appui de demandes d’octroi et de prolongation de sursis concordataire), un prêt à la SI F______ en faillite (détenu à 100 % par G______ SA), des participations hors exploitation, le 100 % du capital-actions de la C______ (dont 10 % nantis auprès de la BNP (Suisse) SA), référence étant faite au regard de plusieurs de ces créances à un bilan de G______ SA arrêté au 31 août 2000.
D. Sur requête de l’Office des faillites du 6 février 2003, le Tribunal de première instance a prononcé la suspension de la faillite de G______ SA, par un jugement du 4 mars 2003, attendu qu’il était probable que la masse ne suffirait pas à couvrir les frais de liquidation sommaire.
L’Office des faillites a alors fait publier, dans la Feuille officielle suisse du commerce et la Feuille d’avis officielle du canton de Genève du 19 mars 2003, l’avis relatif à la suspension de cette liquidation, qui fixait à 50'000 fr. le montant de l’avance des frais à verser jusqu’au 31 mars 2003 pour requérir d’ici là la continuation de la liquidation de cette faillite, l’Office des faillites se réservant d’ores et déjà le droit de réclamer ultérieurement des avances supplémentaires.
E. Le 31 mars 2003, G______ BV. a déposé plainte contre cette décision de l’Office des faillites de fixer à 50'000 fr. l’avance de frais requise pour procéder à la liquidation de G______ SA, en concluant à l’octroi de l’effet suspensif.
La Commission de surveillance a accordé l’effet suspensif à la plainte par une ordonnance présidentielle du 2 avril 2003.
F. L’Office des faillites a déposé son rapport sur cette plainte le 17 avril 2003, en concluant à son rejet, notamment pour le motif qu’aux frais relatifs au passif et à la distribution, mentionnés pour partie par la plaignante, s’ajoutaient d’importants frais relatifs aux actifs de la faillie, indépendamment des frais que généreraient l’étude des productions et les probables actions en contestation de l’état de collocation
M. L______ et M. D______ ont eux aussi conclu au déboutement G______ BV. de toutes ses conclusions et à la confirmation de la décision attaquée de l’Office des faillites, par un mémoire du 2 mai 2003.
1. La présente plainte a été déposée en temps utile, dans les formes prescrites, auprès de l’autorité compétente contre un acte sujet à plainte (art. 17 LP ; art. 13 LaLP).
En tant que créancier présumé selon l’état d’inscription des créances établi par le commissaire au sursis, la société plaignante a qualité pour déposer plainte (art. 7 et 60 LPA ; art. 13 al. 5 LaLP).
La présente plainte est donc recevable.
2.a. Dès qu’il a reçu communication de l’ouverture de la faillite, l’Office procède à l’inventaire des biens du failli et prend les mesures nécessaires pour leur conservation (art. 221 LP). Il détermine le mode de liquidation de la faillite, avec le concours du juge de la faillite en cas de liquidation sommaire ou de suspension pour défaut d’actif, la faillite étant même, dans cette dernière hypothèse, clôturée faute d’actif si la continuation de sa liquidation n’est pas décidée à la suite d’une avance de frais effectuée par des créanciers ou de la découverte d’autres actifs (art. 230 à 231 LP).
En effet, selon l’art. 230 al. 1 LP, lorsqu’il est probable que la masse ne suffira pas à couvrir les frais de liquidation sommaire, le juge qui a ordonné la faillite prononce la suspension de celle-ci à la demande de l’Office (art. 230 al. 1 LP). Le jugement du Tribunal de première instance prononçant la suspension de la faillite lie l’Office et la Commission de céans. L’Office publie alors cette décision, avec la précision que la faillite sera clôturée si, dans les dix jours, aucun créancier ne demande la continuation de la liquidation et ne fournit les sûretés exigées pour les frais qui ne seront pas couverts par la masse (art. 230 al. 2 LP). C’est l’Office des faillites qui fixe le montant des sûretés à fournir en couverture des frais de la masse, et non le juge de la faillite (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 230 n° 18 ; Urs Lustenberger, in SchKG III, ad art . 230 n° 10).
2.b. Le montant des sûretés à fournir pour obtenir la continuation de la liquidation d’une faillite suspendue n’est pas fixé au regard de considérations identiques à celles que le juge de la faillite doit prendre en compte pour prononcer la suspension de la faillite. Les frais des opérations qui ont précédé la décision de suspension et sa publication reste à la charge de celui qui a requis la faillite (art. 169 al. 1 LP) ; ils n’entrent donc pas dans le calcul des sûretés à requérir ; ces dernières ne doivent servir qu’à couvrir les frais futurs d’administration et de réalisation (ATF 117 III 67 ; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 230 n° 19 et 39 ; Urs Lustenberger, in SchKG III, ad art. 230 n° 10 et 14 ; DCSO/26/03 du 24 janvier 2003 dans la cause A/1121/2002, consid. 3b et 5a).
Lorsque les actifs de la masse comprennent un immeuble grevé de gages, les créanciers gagistes ne doivent pas être placés dans une situation différente de celle qui prévaudrait si la réalisation de l’immeuble gagé avait lieu dans le cadre d’une poursuite en réalisation de gage ; les frais d’inventaire, d’administration et de réalisation et les autres frais de liquidation de l’immeuble gagé ne peuvent, dans le contexte d’une faillite, être mis à la charge de la masse, mais doivent être prélevés sur le produit sur la réalisation de ces biens (art. 262 LP ; art. 39 et 85 OAOF ; RFJ 2001 p. 61 consid. 2c ; DCSO/281/03 du 3 juillet 2003 dans la cause A/98/2003, consid. 5c).
Les frais futurs dont l’Office a à tenir compte pour fixer le montant des sûretés à fournir doivent être estimés sur la base de l’OELP, dans toute la mesure du possible, en particulier dans la mesure où les paramètres fixés par cette ordonnance – comme le nombre de créances (cf. p. ex. art. 46 al. 1 let. a OELP) – sont déjà connus au moment où il s’agit de fixer le montant des sûretés. Ces frais futurs ne sauraient toutefois être fixés avec une rigueur mathématique ; ils ne peuvent souvent guère qu’être estimés, non seulement parce que le nombre et la durée des opérations de liquidation ne peuvent être définis à l’avance avec précision, à un stade où, généralement, l’appel aux créanciers n’est pas encore intervenu, mais encore parce que certains frais de liquidation sont imprévisibles et que la durée d’une liquidation même sommaire est sujette à des aléas. Aussi l’Office des faillites doit-il fixer le montant des sûretés au regard de l’ensemble des circonstances de la faillite considérée.
La prudence dont il doit faire preuve à cet égard ne doit toutefois pas le conduire à privilégier l’hypothèse de frais élevés, d’autant plus qu’il peut, dans l’avis qu’il fait publier en application de l’art. 230 al. 2 LP, se réserver la faculté de réclamer ultérieurement une garantie supplémentaire au fur et à mesure que les sûretés requises s’avéreraient insuffisantes, de façon à se prémunir contre des impondérables, sous peine d’interrompre à nouveau la liquidation (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 230 n° 19 et 22 ; DCSO/26/03 du 24 janvier 2003 dans la cause A/1121/2002, consid. 5b et 9c).
3. En l’espèce, la plaignante évalue à 6'280 fr. les frais futurs de liquidation de la faillite en la forme sommaire, en se basant sur quarante créanciers et sur les émoluments que l’OELP prévoit pour les différentes opérations de liquidation d’une faillite en la forme sommaire.
L’Office des faillites ne conteste guère l’estimation des frais effectués par la plaignante en tant qu’ils se rapportent au passif et à la distribution. Il est vrai que le nombre de créanciers probables dans cette faillite est connu avec un haut degré de vraisemblance, eu égard aux opérations menées dans le cadre de deux sursis concordataire successifs, dont la durée s’est prolongée. L’Office des faillites n’en relève pas mois avec pertinence, toujours au chapitre du passif de la faillie, d’une part que le montant des créances des quelque quarante créanciers connus est de plusieurs centaines de millions de francs (près de 500'000'000 fr., indique l’Office), et d’autre part que l’étude de productions pourrait, pour certaines d’entres elles, s’avérer complexe et déboucher sur des actions en contestation de l’état de collocation.
L’estimation que la plaignante fait des frais futurs touchant au passif de la faillie apparaît donc minimaliste.
4.a. En concluant à ce que l’avance de frais susceptible d’être requise pour la continuation de la liquidation de la faillite soit de 7'000 fr., la plaignante ignore les frais futurs relatifs à la détermination des actifs de la faillie ainsi qu’à leur administration et leur réalisation. C’est à bon droit que l’Office le relève dans sa réponse à la plainte, au surplus sans amalgamer ces frais avec les frais relatifs aux immeubles de la faillie, dont il précise qu’ils seront prélevés sur le prix de vente des immeubles et de leur produit et que seul le produit net sera remis aux créanciers hypothécaires, le découvert sur gage devant être reporté en troisième classe.
Or, l’Office des faillites évalue à plus de 50'000 fr. les frais futurs relatifs aux seules détermination, administration et réalisation des actifs de la faillie.
4.b. Si la liquidation de la faillite devait se poursuive, l’Office ne pourrait se contenter des indications figurant au bilan que l’organe de révision de la faillie avait établi au 31 août 2000. Il devrait effectuer une analyse comptable globale de la faillie.
En effet, quand bien même des créances de la faillie à l’encontre de débiteurs commerciaux seraient présentées comme amorties au bilan, il lui faudrait s’en assurer par une étude des comptes et la consultation de chacun des dossiers des débiteurs commerciaux considérés. Il n’est en effet pas exclu que certaines de ces créances constituent des actifs réalisables. Dans son rapport du 31 octobre 2000 pour les huit premiers mois de l’année 2000, l’organe de révision de la faillie a indiqué que l’intégralité des débiteurs commerciaux avait été régulièrement provisionnée au bilan vu l’incertitude régnant sur ces postes, tout en relevant que le recouvrement de la plupart de ces créances dépendait davantage d’issues juridiques que de la solvabilité des sociétés concernées, si bien qu’il était dans l’incapacité de prendre position sur les chances de récupérer tout ou partie de ces créances.
Il en va de même pour les créances présentées comme amorties dans le bilan précité que la faillie aurait à l’encontre de certaines sociétés du groupe.
Des investigations devraient aussi être entreprises, dans le cadre de l’analyse comptable globale qu’il y aurait lieu d’effectuer, pour déterminer les participations hors exploitation de la faillie, mentionnées dans une annexe au rapport précité de l’organe de révision.
Eu égard à la relative complexité de la situation, l’Office confierait le mandat de procéder à ces investigations et démarches à une fiduciaire ou un expert-comptable. L’Office des faillites évalue à 20'000 fr. les frais de cette analyse comptable globale qu’il y aurait lieu de faire. Cette estimation apparaît raisonnable.
4.c. L’Office relève que la faillie détient une créance de 135’452’986,22 fr. contre F______ Holding, ayant son siège à Luxembourg, et qu’un recouvrement partiel de cette créance est envisageable bien que cette holding soit en faillite. Dans son rapport précité, l’organe de révision de la faillie a indiqué, en effet, que l’intégralité de cette créance avait été provisionnée, mais qu’il n’était pas exclu que F______ Holding soit en mesure d’honorer une partie de sa dette dans un avenir plus ou moins lointain. Dans le cadre d’une liquidation de la faillie, l’Office ne pourrait tirer un trait sur cette créance éventuellement susceptible d’être recouvrée partiellement. Il lui faudrait cependant effectuer un travail d’investigation considérable, impliquant un mandat à un professionnel à Luxembourg pour représenter les intérêts de la masse. Les 10'000 fr. de frais que l’Office des faillites retient pour de telles démarches n’apparaissent nullement exagérés.
4.d. Dans les actifs de la faillie figure une créance contre le dénommé S______, pour un montant non chiffré, que le bilan établi par l’organe de révision au 31 août 2000 mentionne néanmoins pour un montant de 46'833'148,62 fr., producteur d’intérêts. Si cette créance a certes déjà été invoquée à réitérées reprises par la faillie ou les créanciers de cette dernière, en particulier pour obtenir l’octroi et la prolongation du sursis concordataire, et si l’administration de la faillie paraît avoir cherché en vain à recouvrer cette créance échue depuis octobre 1997, il n’en demeure pas moins que – comme l’organe de révision de la faillie l’indique dans son rapport précité – l’intéressé lui-même n’a jamais contesté cette dette et semble s’être activé pour liquider des bons péruviens - dont l’un avait été remis à la faillie en garantie de sa créance -, afin de pouvoir honorer sa dette à l’égard de la faillie. En cas de continuation de la liquidation de la faillie, l’Office ne pourrait ignorer cette créance, autrement dit la considérer comme perdue avec suffisamment de certitude pour n’entreprendre aucune démarche en vue de son recouvrement ; la plaignante ne prétend d’ailleurs pas le contraire. De telles démarches, qui impliqueraient probablement aussi la constitution d’un mandataire à l’étranger, auraient cependant aussi un coût, que l’Office estime au minimum à 10'000 fr.. Cette estimation apparaît elle aussi raisonnable.
4.e. Il résulte de l’inventaire des actifs de faillie que cette dernière détiendrait des participations dans la C______, a concurrence d’un pourcentage qu’il y aurait lieu de définir, au prix d’investigations à entreprendre, car les informations en possession de l’Office sont à cet égard variables. De plus, la réalisation de cet actif impliquerait également des démarches à l’étranger, en particulier en Amérique du Sud. L’Office des faillites ne pourrait y renoncer en cas de continuation de la liquidation de la faillite, nonobstant leur issue incertaine. Il ne pourrait toutefois s’y engager sans que les frais estimés de telles démarches ne soient couverts par des sûretés. Sur ce point également, le montant de 10'000 fr. qu’indique l’Office des faillites apparaît raisonnable.
4.f. Même s’ils ne font pas l’objet de devis précis (que, suivant les circonstances, il peut être opportun de faire établir), les frais futurs de liquidation de la faillite afférents à la détermination, l’administration et la réalisation des actifs de la faillie peuvent être évalués de façon raisonnable à 50'000 fr., non compris les frais de même nature portant sur d’autres éléments d’actifs, comme une créance contre la SI F______, évalués à 1'000 fr. (cf. aussi consid. 5a). A cette cinquantaine de milliers de francs s’ajouteraient plus de 6'000 fr. – voire plusieurs milliers de francs de plus – au titre des frais relatifs au passif et à la distribution (consid. 3).
5.a. Tant la plaignante que l’Office font allusion à une procédure pénale dirigée contre les administrateurs de la faillie, en des termes laissant entendre que cette dernière pourrait avoir une créance en dommages et intérêts contre eux. Les actifs de la masse s’en trouveraient certes augmentés, toutefois non sans que les frais de liquidation de la faillie ne le soient eux aussi, dans la mesure où, en cas de continuation de la liquidation de la faillie, l’administration de la faillite devrait sans doute mandater un professionnel pour la représenter comme partie civile dans la procédure pénale semble-t-il en cours. De tels frais se chiffreraient très certainement à plusieurs milliers de francs.
Bien qu’elle ne le dise pas explicitement, il est possible que la plaignante s’intéresse à la continuation de la liquidation de la faillite dans la perspective de requérir le moment venu la cession de droits litigieux, en particulier d’une créance en l’état non inventoriée contre les anciens organes de la faillie.
5.b. De façon générale, c’est souvent pour pouvoir se faire céder des droits litigieux que des créanciers ont intérêt à requérir la continuation de la liquidation de faillites au moins en la forme sommaire et, à cette fin, à consentir au versement de sûretés, afin que la procédure d’exécution forcée se poursuive jusqu’au stade où une telle cession devient possible (Walter A. Stoffel, Voies d’exécution, § 11 n° 40 et 44). Une cession de droit au sens de l’art. 260 LP ne peut en effet intervenir en cas de suspension de la faillite faute d’actif ; un créancier qui y est intéressé doit requérir la continuation de la liquidation en la forme sommaire et verser l’avance de frais nécessaire pour en couvrir les frais dans la mesure où la masse n’y suffirait pas (ATF 102 III 78 = JdT 1978 II 6 consid. 3a ; Stephen V. Berti, SchKG III, ad art. 260 n° 26, Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 230 n° 21 et ad art. 260 n° 25 et 34 ss; cf. toutefois Walter A. Stoffel, Voies d’exécution, § 1, n° 114).
La Commission de céans a déjà jugé, dans ce contexte, qu’il faut si possible éviter ne serait-ce que l’impression qu’une suspension de faillite et surtout une clôture de faillite faute d’actif au sens de l’art. 230 LP empêchent qu’une prétention en responsabilité soit émise à l’encontre d’organes de la société en faillite, déjà parce que l’Office n’aurait pas à s’en charger en tant qu’administration de la masse en faillite (ATF 110 III 396 ; Walter A. Stoffel, Voies d’exécution, § 11, n° 45-52 ; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 230 n° 32, 35, 37, 46 et ad art. 230a n° 18 ss, 31 et 32 ; Urs Lustenberger, SchKG III, ad art. 230 n° 20 et ad art. 230a n° 9 et 11 ; Henri Robert Schüpbach, Acte de défaut de biens – droit et action révocatoires, in la LP révisée, Lausanne 1997, p. 145-248, not. 221 ss ; Isabelle Romy, Mise en œuvre des prétentions en responsabilité des créanciers et exécution forcée, in Neuere Tendenzen im Gesellschaftsrecht, 2003, p. 479 ss). Elle a précisé que la faculté qu’a l’Office de se réserver de réclamer ultérieurement une garantie supplémentaire lui offre aussi la possibilité, dans des cas particuliers et en étant transparent à cet égard, de fixer dans un premier temps des sûretés dont le montant ne garantirait pas forcément l’intégralité des frais d’une liquidation menée jusqu’à son ultime fin, ne serait-ce qu’en la forme sommaire, mais au moins jusqu’à un stade significatif d’une telle liquidation, de façon à préserver tant les droits éventuels des créanciers que de permettre d’avancer progressivement dans la liquidation de la faillite sans que le risque d’aggraver le découvert n’augmente (DCSO/26/03 du 24 janvier 2003 dans la cause A/1121/2002 consid. 9a et 9c).
Cette jurisprudence ne signifie cependant pas que l’Office pourrait, dans la liquidation d’une faillite, ne traiter que certains actifs dans le seul but d’aboutir à offrir aux créanciers la possibilité de requérir la cession de droits litigieux relatifs à ces actifs, en négligeant de mener en parallèle non seulement la liquidation d’autres actifs mais aussi l’établissement de la masse passive. Notamment en cas de liquidation sommaire, l’Office dispose d’une certaine marge de manœuvre pour déterminer l’ordre dans lequel il effectue certaines opérations et, en particulier, procède à la réalisation au mieux des intérêts des créanciers (art. 231, al. 3 ch. 2 LP). Il ne peut s’affranchir pour autant des règles qui dictent les étapes successives de la procédure d’exécution forcée générale qu’est la faillite ; en particulier, même en cas de liquidation en la forme sommaire, il ne peut donner aux créanciers la possibilité de demander la cession de droits litigieux avant l’expiration du délai de production, ce qui suppose déjà qu’un appel aux créanciers au sens large soit intervenu en bonne et due forme (art. 231, al. 3, ch. 2 et art. 232 LP). C’est dans les limites étroites d’une telle marge de manœuvre que, dans une récente décision, la Commission de céans a ordonné à l’Office des faillites de se concentrer prioritairement sur certaines démarches (DCSO/290/03 du 15 juillet.2003 dans la cause A/634/03, consid. 5f).
5.c. La présente affaire n’a les caractéristiques ni de l’une ni de l’autre des deux décisions précitées de la Commission de céans. En particulier, dans la DCSO/29/2003 du 23 janvier 2003, les avances que l’Office avait fixées pour obtenir la continuation de la liquidation de la faillite considérée était de 400'000 fr. en la forme sommaire et de 1'000'000 fr. en la forme ordinaire ; par ailleurs, l’Office avait pris en compte les frais des opérations ayant précédé la décision de suspension de la faillite, et il avait fait montre à la fois d’une très grande prudence dans l’évaluation de certains actifs et de pessimisme quant à l’ampleur des frais à engager pour continuer la liquidation de la faillite considérée. La complexité et l’importance des enjeux de cette dernière justifiaient que l’Office procède exceptionnellement par étapes successives, au profit des créanciers traités sur un pied d’égalité.
En l’occurrence, les éléments du dossier ne permettent pas de considérer que la faillie disposerait de biens dont la réalisation permettrait de façon suffisamment probable de couvrir les frais raisonnables de liquidation évalués par l’Office (consid. 4), au point qu’il n’en faudrait pas demander l’avance à des créanciers souhaitant que la liquidation de la faillite se poursuive.
Dans ce contexte, il n’y a aucun motif d’adopter une autre approche de cette question d’avance de frais parce qu’une créance fondée sur une action en responsabilité contre les organes de la faillie pourrait éventuellement être inventoriée et faire ultérieurement l’objet d’une cession de droit litigieux.
6. La présente plainte doit donc être rejetée.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE SURVEILLANCE
SIÉGEANT EN SECTION :
A la forme :
Déclare recevable la plainte A/513/2003 formée le 31 mars 2003 par G______ BV.
Au fond :
1. Rejette la plainte.![endif]>![if>
2. Déboute les parties de toute autre conclusion.![endif]>![if>
Siégeant : M. Raphaël MARTIN, président ; M. Didier BROSSET, juge assesseur ; M. Yves DE COULON, juge assesseur suppléant ; Mlle Paola DI DIO, commise-greffière.
Au nom de la Commission de surveillance :
Paola DI DIO Raphaël MARTIN
Commise-greffière : Le président :
La présente décision est communiquée par pli recommandé aux parties par la greffière le