Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/340/2024

JTAPI/849/2024 du 28.08.2024 ( ICCIFD ) , ADMIS

Descripteurs : DÉLAI;DÉCISION SUR OPPOSITION;CONDITION DE RECEVABILITÉ;RECONSIDÉRATION;MALADIE
Normes : LIFD.133.al3; LPFisc.41.al3
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/340/2024 ICCIFD

JTAPI/849/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 28 août 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2022 de Madame A______ et Monsieur B______.

2.             Durant l’année en cause, les précités résidaient en France voisine et travaillaient à Genève, si bien qu’ils étaient soumis à l’impôt à la source.

3.             Le 13 septembre 2022, Mme A______ a entamé une activité lucrative indépendante à C______ sous la raison de commerce D______, l’adresse de l’entreprise se situant ______[GE], c/o E______ (ci-après : la fiduciaire), dans cette même localité.

4.             Le 15 mars 2023, la contribuable s’est rendue dans les locaux de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC‑GE). Le procès-verbal d’entretien indiquait qu’elle avait commencé une activité indépendante dans le domaine de la rénovation de maisons, le 13 septembre 2022. Son adresse professionnelle se trouvait auprès de sa fiduciaire. La case « identité du mandataire » avait été laissé vide.

5.             Le 30 mars 2023, les contribuables ont sollicité de l’AFC-GE une rectification de leur imposition à la source et une taxation ordinaire ultérieure (ci-après : DRIS/TOU).

Dans la formule idoine, ils ont mentionné le nom et l’adresse de leur employeur respectif à Genève. Le contribuable travaillait pour F______ Sàrl et son épouse pour G______.

6.             Par lettre recommandée datée du 30 mai 2023 adressée à F______ Sàrl, l’AFC-GE a sommé les précités de retourner leur déclaration fiscale 2022, sous peine de taxation d’office.

7.             Par bordereaux datés du 15 septembre 2023 envoyés à F______ Sàrl, l’AFC-GE a taxé d’office les contribuables pour l’année 2022 sur la base d’un revenu imposable de CHF 132'465.- (pour l’ICC) et de CHF 123'100.- (pour l’IFD).

8.             Le 2 décembre 2023, la contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ces taxations.

L’adresse de notification se trouvait chez sa fiduciaire. À de nombreuses reprises, elle avait demandé à cette dernière si elle avait reçu du courrier et elle avait appris avec étonnement que [le 1er décembre 2023], cette société avait été radiée du registre du commerce. Elle n’avait pas non plus reçu de courrier de la part de F______ Sàrl. Le 1er décembre 2022, elle s’était rendue dans les locaux de l’AFC-GE qui lui avait conseillé de contester sa taxation par écrit.

Elle enverrait prochainement la déclaration fiscale 2022 du couple.

9.             Le 28 décembre 2023, les contribuables ont transmis leur déclaration fiscale par téléversement.

10.         Par décisions du 9 janvier 2024, l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable en raison de sa tardiveté et du fait qu’elle ne remplissait pas les exigences formelles. Enfin, les contribuables ne faisaient valoir aucun motif sérieux.

11.         Le 16 janvier 2024, les contribuables ont demandé à l’AFC-GE de « supprimer » leur taxation d’office 2022 et de revoir les décisions du 9 janvier précédent.

12.         Le 30 janvier 2024, l’AFC-GE a répondu qu’elle ne pouvait pas satisfaire à leur requête étant donné qu’elle avait déjà statué sur leur réclamation.

13.         Le même jour, les contribuables ont encore demandé à l’AFC-GE qu’elle leur explique comment elle avait déterminé leur revenu imposable de CHF 123'100.-.

14.         Par acte du 30 janvier 2024, les contribuables ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre des décisions du 9 janvier précédent.

À la fin du mois de novembre 2023, elle avait appris de l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) que l’AFC-GE l’avait taxée sur un revenu d’une activité indépendante de CHF 123'100.- pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2022. Le 1er décembre 2023, elle s’était rendue dans les locaux de l’AFC-GE où on lui avait expliqué que la déclaration fiscale 2022 n’avait pas été remplie. Elle avait contesté sa taxation d’office le lendemain. Durant l’année 2023, elle avait subi une intervention aux yeux qui l’avait handicapée physiquement et mentalement durant de nombreux mois.

Enfin, même si elle n’avait pas pu respecter le délai en raison des problèmes susmentionnés, l’AFC-GE devait faire preuve d’indulgence à son égard.

En annexe, ils ont joint une procuration du 12 octobre 2022, établie en faveur de la fiduciaire.

15.         Dans sa réponse du 2 avril 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La taxation d’office 2022 était justifiée sur le plan procédural car les contribuables, malgré les rappels des 8 et 30 mai 2023, n’avaient jamais retourné leur déclaration fiscale. Ils n’alléguaient pas que le recourant n’aurait jamais eu connaissance de ces lettres. La réclamation avait été déposée tardivement. En outre, les précités n’avaient produit aucun certificat médical concernant la maladie des yeux dont se prévalait la recourante. Ainsi, ils n’avaient pas démontré l’existence d’un empêchement.

Puisque les recourants avaient été taxés d’office en 2022, les bordereaux n’étaient accompagnés d’aucun avis de taxation. L’OCAS ne pouvait se rendre compte que le montant de CHF 123'100.- comprenait un salaire soumis à l’IS et un bénéfice d’exploitation. Dans le cadre de la taxation d’office 2022, elle avait estimé le bénéfice net de la recourante à CHF 10'000.- et non à CHF 123'100.-. Cet élément n’était pas connu de l’OCAS, mais la recourante pourrait le faire valoir devant cette autorité, au vu de la réponse.

16.         Le 3 avril 2024, le tribunal a accordé aux recourants un délai au 24 avril suivant pour répliquer.

17.         Les contribuables n’ont pas produit d’écriture de réplique.

18.         Le détail des pièces et des arguments des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Lorsque - comme en l’espèce - les décisions sur réclamation sont des décisions d'irrecevabilité, seule la question de l'irrecevabilité peut faire l'objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l'autorité de recours doit en effet d'abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité de la réclamation (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) étaient ou non remplies et, si tel n'est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2).

4.             Au vu de cette jurisprudence, il convient de déterminer si c’est à bon droit que l’AFC-GE a estimé que la réclamation avait été déposée tardivement.

5.             À teneur des art. 39 al. 1 LPFisc et 132 al. 1 LIFD, le contribuable peut adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les 30 jours qui suivent sa notification.

Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation est remise à l'autorité de taxation, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 41 al. 1 LPFisc et art. 133 al. 1 LIFD).

Selon les art. 132 al. 3 LIFD et 39 al. 2 LPFisc, le contribuable qui a été taxé d'office peut déposer une réclamation contre cette taxation uniquement pour le motif qu'elle est manifestement inexacte. La réclamation doit être motivée et indiquer, le cas échéant, les moyens de preuve. L'obligation de motiver la réclamation contre une taxation d'office est une exigence formelle dont la violation entraîne l'irrecevabilité de la réclamation (arrêt du Tribunal 2C_435/2018 du 24 mai 2018 consid. 6.2 et l’arrêt cité).

Selon les art. 41 al. 3 LPFisc et 133 al. 3 LIFD, une réclamation tardive n’est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu’il l’a déposé dans les trente jours après la fin de l’empêchement.

6.             Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).

Selon la jurisprudence, la maladie peut être considérée comme un empêchement non fautif et, par conséquent, permettre une restitution d'un délai, si elle met l'administré ou son représentant légal objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par soi-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêt du Tribunal fédéral 9C_209/2012 du 26 juin 2012).

7.             Selon l’art. 38D LPFisc, les personnes qui demandent une taxation ordinaire ultérieure en application de l’art. 15 de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales, du 16 janvier 2020, doivent fournir les documents requis et indiquer une adresse de notification en Suisse. À défaut d’une telle adresse ou si l’adresse indiquée perd de sa validité pendant la procédure de taxation, l’autorité fiscale impartit au contribuable un délai approprié pour l’indication d’une nouvelle adresse de notification. Si ce délai échoit sans avoir été utilisé, l’impôt à la source se substitue à l’impôt cantonal et communal sur le revenu de l’activité lucrative perçu selon la procédure ordinaire. L’art. 41 al. 3 LPFisc est applicable par analogie.

L’art. 136a LIFD comporte une teneur similaire.

8.             Les travaux préparatoires de l’art. 136a LIFD citent comme exemple d’adresse de notification en Suisse, l’adresse de l’employeur (FF 2015 625, 652).

9.             En l’espèce, les contribuables ont élevé réclamation le 2 décembre 2023 à l’encontre des bordereaux de taxation datés du 15 septembre de la même année. Dans son recours, la contribuable admet avoir agi tardivement. Conformément à la jurisprudence, cette déclaration lui est opposable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_637/2007 du 4 avril 2008, consid. 2.3 et 2.4.1).

Cela étant, ils se prévalent du fait que la recourante a subi une intervention aux yeux en 2023, qui l’a laissée handicapée physiquement et mentalement durant de nombreux mois. Cependant, ils ne fournissent aucune preuve – telle qu’un certificat médical – propre à étayer cette allégation. De toute manière, même si l’on admettait que cette opération représentait pour la contribuable un empêchement au sens où l’entend la jurisprudence, cette circonstance n’aurait en rien péjoré la situation de son mari, qui aurait pu soit élever réclamation lui-même ou mandater un tiers pour se charger des affaires fiscales du couple.

Dans leur DRIS/TOU, les recourants ont indiqué l’adresse de leur employeur genevois respectif, à savoir G______ et F______ Sàrl. Dès lors, l’autorité intimée pouvait valablement adresser les bordereaux incriminés à cette dernière société. L’AFC-GE n’était en revanche pas tenue de les envoyer à la fiduciaire de la recourante. En effet, selon le procès-verbal d’entretien du 15 mars 2023, la case « identité du mandataire » a été laissée vide. En outre, il ne ressort pas de la DRIS/TOU qu’ils auraient constitué un tel mandataire. Enfin, il n’est pas établi qu’au moment de notifier les taxations litigieuses, l’autorité intimées aurait eu en sa possession la procuration du 12 octobre 2022, établie en faveur de la fiduciaire, que les contribuables ont jointe à leur recours.

Partant, les recourants n’ont pas droit à une restitution de délai pour élever réclamation.

10.         Cela étant, le tribunal a, à maintes reprises, jugé que lorsqu'un contribuable demande à l'AFC-GE de réexaminer sa taxation, alors que le délai de réclamation a expiré depuis plusieurs mois, cette dernière doit envisager une telle requête comme une demande de reconsidération (ou de révision, au sens des art. 55 LPFisc et 147 LIFD) (cf. JTAPI/724/2019 du 19 août 2019 ; JTAPI/325/2018 du 9 avril 2018 ; JTAPI/954/2017 du 11 septembre 2017 ; JTAPI/182/2016 du 22 février 2016 ; JTAPI/954/2016 du 19 septembre 2016 ; JTAPI/1007/2016 du 4 octobre 2016 ; JTAPI/1376/2015 du 23 novembre 2015 ; JTAPI/394/2015 du 30 mars 2015).

Or, il est patent, au vu de la date de dépôt et de son contenu, que la requête du 2 décembre 2023, complétée par le dépôt de la déclaration fiscale des recourants, le 28 du même mois, devait être comprise comme une demande de ce type, que l’AFC-GE aurait dû considérer et traiter comme telle.

Cette question relève de la seule compétence de l'autorité intimée (art. 149 al. 1 LIFD et 57 al. 1 LPFisc).

11.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et la cause, renvoyée à l’AFC-GE afin qu’elle traite la requête du 2 décembre 2023 et la remise de la déclaration fiscale 2022 comme une demande de reconsidération.

12.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui obtiennent gain de cause, sont dispensés du paiement d’un émolument. L’avance de frais de CHF 700.-, versée à la suite du dépôt du recours, leur sera restituée.

Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 30 janvier 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 9 janvier 2024 ;

2.             l’admet ;

3.             renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouvelle décision de taxation dans le sens des considérants ;

4.             dit qu’il n’est pas perçu d’émolument et ordonne la restitution aux recourants de leur avance de frais de CHF 700.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Federico ABRAR et Stéphane TANNER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière