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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3579/2023

JTAPI/658/2024 du 24.06.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : TAXATION PROVISOIRE;PROCÉDURE DE TAXATION;REFORMATIO IN PEJUS
Normes : LPFisc.38; LIFD.135.al1; LPFisc.43.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3579/2023 ICCIFD

JTAPI/658/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 juin 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Dans leurs déclarations fiscales pour les années 2018 à 2021, les époux A______ et B______ (ci-après : les contribuables) ont fait état des revenus et fortunes suivants :

Revenus ICC / IFD

Fortune

2018

0.-

3'447'358.-

2019

0.-

3'132'403.-

2020

51'748.- / 48'026.-

2'993'314.-

2021

164'796.- / 181'789.-

2'720'033.-

Valeur fiscale

Loyers encaissés

Frais d'entretien ICC / IFD

2018

225'453.-

1'331.-

1'050.- / 266.-

2019

225'453.-

1'331.-

0.- / 266.-

2020

225'453.-

0.-

0.-

2021

225'453.-

0.-

0.-

Ils y ont par ailleurs indiqué être propriétaires de deux immeubles sis en Chine, l’un étant occupé par eux-mêmes et l’autre étant loué. Pour le premier, ils ont mentionné une valeur fiscale de CHF 71'736.- (CHF 43'042.- après abattement) et une valeur locative nulle. Pour le second, ils ont déclaré :

Enfin, ils ont sollicité l’octroi d’une charge de famille pour la mère du contribuable, domiciliée en Chine, indiquant lui avoir versé des contributions d’entretien de CHF 15'972.- (2018), CHF 15’015.- (2019), CHF 14'688.- (2020) et CHF 13'313.- (2021).

2.             Par bordereaux du 10 mai 2023, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé les contribuables pour les années 2018 à 2021, arrêtant leurs revenus et fortune imposables aux montants suivants :

Revenus ICC / IFD

Fortune

2018

142’958.- / 138'800.-

754’182.-

2019

150’872.- / 147'600.-

650’261.-

2020

146’260.- / 136’500.-

606’629.-

2021

135’108.- / 139’600.-

599’478.-

Ce faisant, elle a exclu de la fortune déclarée la valeur d’un immeuble genevois dont les contribuables n’étaient pas propriétaires et refusé la déduction des frais d’entretien y relatifs.

Pour l’immeuble occupé par les contribuables, elle a retenu :

Valeur fiscale (après abat.)

Valeur locative ICC / IFD

Frais d'entretien

2018

43'042.-

1'937.- / 3'228.-

0.-

2019

43'042.-

1'937.- / 3'228.-

0.-

2020

43'042.-

1'937.- / 3'228.-

0.-

2021

43'042.-

1'937.- / 3'228.-

0.-

Pour l’immeuble loué, elle a retenu :

Valeur fiscale

Loyers encaissé

Frais d'entretien ICC / IFD

2018

225'453.-

1'331.-

1'050.- / 1'050.-

2019

225'453.-

1'331.-

0.- / 266.-

2020

216'435.-

9'739.-

0.-

2021

207'417.-

9'333.-

0.-

Enfin, pour chaque année, elle a admis une charge de famille entière pour la mère du contribuable, ce tant en ICC qu’en IFD.

A teneur des avis de répartition internationale joints à ces bordereaux, les valeurs et les revenus des immeubles sis en Chine, ainsi que les dettes hypothécaires y relatives, étaient attribués à ce pays. La fortune et les revenus totaux attribués à Genève était taxés au taux de la fortune et des revenus mondiaux.

3.             Le 5 juin 2023, les contribuables ont formé réclamation contre ces bordereaux.

Ils souhaitaient savoir s’il existait un accord entre la Suisse et la Chine prévoyant que les citoyens chinois résidant en Suisse devaient payer dans ce pays un impôt foncier sur leurs biens immobiliers sis en Chine, et inversement.

Le loyer annuel de CNY 108'000.- (équivalant à environ CHF 15'000.-) provenant de leur appartement à C______(Chine) avait été entièrement consacré à l’entretien de la mère du contribuable. Celle-ci, âgée de 93 ans, vivait seule sans revenus. Elle avait engagé une femme de ménage, 24 heures sur 24, en raison de son état de santé précaire. Le loyer perçu de cet appartement lui était directement versé, pour ses dépenses médicales et sa femme de ménage. Par conséquent, ce loyer ne devait pas être considéré comme un revenu imposable.

Ils ne comprenaient pas pourquoi la fortune et les revenus totaux de leurs biens immobiliers en Chine fluctuaient entre 2018 et 2021. Le montant de la déduction pour charge de famille variait également en ICC.

4.             Par courriers recommandés des 17 août et 5 septembre 2023, l'AFC-GE a informé les contribuables qu'elle entendait rectifier en leur défaveur les bordereaux ICC et IFD 2018 à 2021, en ce sens que les loyers encaissés de leur immeuble en Chine, de respectivement CHF 15'978.-, CHF 15'536.-, CHF 14’688.- et CHF 13’563.-, devaient être rajoutés à leur revenus imposable, l’utilisation qui en était faite n’impactant pas l’imposition de ce revenu. En conséquence, l’abattement accordé pour ce bien devait être supprimé. Elle leur a imparti un délai de 20 jours pour se déterminer et produire, le cas échéant, leurs moyens de preuve.

5.             Par courriers des 3 et 22 septembre 2023, les contribuables ont notamment précisé que tous les loyers de leur bien immobilier sis à C______(Chine) étaient entièrement consacrés à la pension alimentaire de la mère du contribuable, de sorte qu’ils ne devaient pas être considérés comme des revenus.

6.             Par décisions sur réclamation du 4 octobre 2023, l'AFC-GE a rectifié les bordereaux contestés en défaveur des contribuables, dans le sens annoncé précédemment.

Pour le surplus, elle a expliqué que leurs fortune et revenus imposables variaient d’une année à l’autre parce qu’ils n’étaient plus exonérés d’impôt, leur qualité de fonctionnaires internationaux ayant pris fin. De même, le montant de la déduction pour charge de famille pouvait augmenter selon la période fiscale. Les valeurs fiscales de leurs immeubles en Chine devaient être prises en compte pour le taux d’imposition en Suisse. La valeur locative du bien non loué, correspondant à 4,5 % de sa valeur fiscale, comprenait déjà une déduction forfaitaire pour des frais d’entretien. Suite à leur réclamation du 5 juin 2023, elle avait modifié les montants des loyers de leur immeuble loué, en les portant à CHF 15'978.- (2018), CHF 15'536.- (2019), CHF 14’688.- (2020) et CHF 13’563.- (2021). Enfin, s’ils souhaitaient des explications complémentaires, ils pouvaient passer aux guichets et elle allait y répondre.

A teneur des bordereaux rectificatifs joints, les revenus et fortune imposables étaient arrêtés à :

Revenus ICC / IFD

Fortune

2018

144’499.- / 139'500.-

754’182.-

2019

152’564.- / 148'200.-

650’261.-

2020

146’671.- / 136’600.-

606’629.-

2021

135’612.- / 139’600.-

599’478.-

Les valeurs retenues initialement pour l’immeuble occupé par les contribuables n’étaient pas modifiées. Celles de l’immeuble loué étaient fixées à :

Valeur fiscale

Loyers encaissé

Frais d'entretien ICC / IFD

2018

225'453.-

15’978.-

1'050.- / 3’196.-

2019

225'453.-

15’536.-

3’107.- / 0.-

2020

225'453.-

14’688.-

2’938.- / 0.-

2021

225'453.-

13’563.-

2’713.- / 0

7.             Par acte du 30 octobre 2023, les contribuables ont recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant implicitement à leur annulation, sous suite des frais et dépens.

Le droit de taxer pour les années en cause avait été prescrit lors de l’émission des bordereaux litigieux, l'AFC-GE disposant d’un délai d’un an pour la « modification » de ces derniers. Elle leur avait en effet d’abord notifié des factures d’acomptes pour l’ICC et des bordereaux provisoires pour l’IFD, puis les avaient modifiés à deux reprises, plusieurs mois ou années plus tard, soit en dates des 22 mai [taxation initiale] et 16 octobre 2023 [taxation sur réclamation], ce qu’elle ne pouvait pas faire en l’absence de « changement dans les éléments des déclarations fiscales ». En particulier, suite à leur réclamation, l'AFC-GE n’était pas autorisée par la loi à modifier les taxations en leur défaveur.

L'AFC-GE avait manqué d’expliquer si leurs immeubles chinois avaient été imposés conformément à la Convention entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République populaire de Chine en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune du 25 septembre 2013 (CDI-CHN - RS 0.672.924.91). Il était déraisonnable qu’elle leur réclame un impôt supplémentaire sur leur immeuble à C______(Chine) cinq ans après la déclaration de ce dernier (en 2018), ce qui les mettait dans une situation financière délicate. Les divergences dans le calcul de leur fortune en Chine entre les bordereaux de mai 2023 et ceux d’octobre 2023 étaient incompréhensibles. Rien n’avait en effet changé pour leurs propriétés à C______(Chine), si ce n’était des fluctuations mineures du taux de change entre le CHF et CNY.

L'AFC-GE avait l’obligation de leur expliquer comment elle avait calculé leur impôt, et non de leur proposer de se rendre personnellement au guichet à cet effet, ce qui les dissuadait « souvent de poursuivre leurs recherches » et obligeait les personnes âgées à se déplacer. Elle devait leur verser une indemnité de CHF 5'000.- « à titre de compensation pour les calculs fiscaux erronés et répétés qu’ils ont subi, les rappels de paiement fréquents et erronés qu’ils ont reçus, la pression psychologique qu’ils ont subi et le temps considérable qu’ils ont passé en raison des contacts, négociations et échanges de lettres répétés ».

8.             Dans sa réponse du 8 janvier 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La prescription du droit de taxer n’était pas atteinte à la date d’émission des taxations initiales (10 mai 2023) et des bordereaux rectificatifs (4 octobre 2023).

Selon la loi, suite à la réclamation, elle pouvait procéder à une reformatio in peius, après avoir entendu le contribuable. En l’occurrence, le droit d'être entendu des recourants avait été respecté, puisqu'ils avaient été invités à se prononcer sur la reformatio in peius et avaient formulé des observations par courriers des 3 et 22 septembre 2023.

La CDI-CHN avait été correctement appliquée en l’espèce, étant donné qu’elle n'avait pas taxé les biens immobiliers chinois, ni les revenus en découlant, mais les avait pris en compte uniquement pour le taux d’imposition. Ainsi, il n'y avait pas eu de double imposition internationale.

Le loyer annuel de CNY 108'000.- avait été indiqué par les recourants dans leur réclamation du 5 juin 2023. En appliquant un taux de change d'après la liste des cours de l'AFC-CH, cette somme équivalait à CHF 15’978.- en 2018, CHF 15’536.- en 2019, CHF 14’688.- en 2020 et CHF 13’563.- en 2021. C’était donc à bon droit qu’elle avait rectifié les taxations sur ce point, en reprenant ces montants pour le taux.

Elle avait accepté que la mère du recourant fût considérée comme une charge de famille et admis à ce titre les déductions sociales maximales prévues par la loi, considérant que les versements de loyers en sa faveur constituaient la preuve du soutien provenant de la Suisse.

Enfin, s’agissant des fluctuations du montant des impôts, comme elle l’avait expliqué dans les décisions sur réclamation du 4 octobre 2023, elles étaient dues au fait que le recourant bénéficiait pendant plusieurs années du statut de fonctionnaire international exonéré d’impôt sur ses revenus d'activité lucrative. Ce privilège fiscal avait pris fin au moment de sa retraite.

9.             Par réplique du 28 janvier 2024, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

Le délai de prescription d’un an leur avait été indiqué [sur les annexes aux bordereaux concernés], alors que celui de cinq ans, cité par l'AFC-GE, ne l’était pas. Dès lors que ce premier délai était « publié », l'AFC-GE était tenue de le respecter. En outre, celle-ci pouvait certes modifier les bordereaux déjà notifiés, mais uniquement sur la base des éléments découverts postérieurement, ce qui n’était pas le cas en l’occurrence, leurs déclarations fiscales pour les années en cause n’ayant pas été modifiées.

Selon la CDI-CHN, la fortune et les revenus immobiliers chinois étaient exonérés des impôts suisses. Si, comme en l’espèce, un impôt était prélevé en Suisse directement ou indirectement, cette convention était violée. Même si cette fortune et ses revenus n'avaient été pris en compte que pour le taux d’imposition, il en résultait de facto une double imposition.

10.         Par duplique du 5 février 2024, l'AFC-GE a campé sur sa position.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Pour autant que l’on puisse correctement comprendre leurs écritures, les recourants semblent ne pas saisir les motifs pour lesquels leurs taxations 2018 à 2021 diffèrent de leurs déclarations fiscales correspondantes. Par ailleurs, ils reprochent à l'AFC-GE de ne pas avoir respecté le délai d’un an que la loi fixerait pour la modification des bordereaux notifiés initialement.

4.             Préalablement, il convient de rappeler que le contribuable doit remplir la formule de déclaration d'impôt de manière conforme à la vérité et complète en indiquant notamment tous les éléments du revenu et de la fortune. Le contribuable doit faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte et, à la demande de l’autorité de taxation, fournir notamment des renseignements oraux ou écrits et présenter les pièces justificatives (art. 124 al. 1 et 2 et 126 al. 1 LIFD ; art. 26 al. 1 et 2, 27 al. 3, 28 et 31 al. 1 LPFisc). Le contribuable est garant de ses déclarations, sur lesquelles l’autorité de taxation est en principe en droit de se fonder sans les vérifier et d’en présumer l’exactitude (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_104/2008 du 20 juin 2008 consid. 3.3). Lorsqu’il se heurte à une incertitude quant à un élément de fait, il ne doit pas la dissimuler, mais bien la signaler dans sa déclaration. Dans tous les cas, il doit décrire les faits de manière complète et objective (arrêt du Tribunal fédéral 2C_81/2022, 2C_102/2022 du 25 novembre 2022 consid. 7.1 et les références).

Les autorités de taxation, quant à elles, établissent les éléments de fait et de droit permettant une taxation complète et exacte, en collaboration avec le contribuable. Elles peuvent en particulier ordonner des expertises, procéder à des inspections et examiner sur place les comptes et les pièces justificatives (art. 123 LIFD et 26 al. 2 LPFisc). Enfin, elles contrôlent la déclaration d’impôt et procèdent aux investigations nécessaires (art. 130 al. 1 LIFD). Elles établissent la taxation sur la base de la déclaration d’impôt et des justificatifs déposés par le contribuable, ainsi que des contrôles et investigations effectués (art. 36 al. 1 LPFisc).

Les autorités de taxation peuvent procéder à une taxation provisoire sur la base des éléments déclarés, sans modification. A défaut d’une taxation définitive à l’échéance d’un délai d’une année dès la notification de la taxation provisoire, celle-ci devient définitive (art. 38 LPFisc). La LIFD, dans sa teneur en vigueur lors des années en cause, ne contenait pas de disposition équivalente.

Le droit de procéder à la taxation (ordinaire) se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la période fiscale (art. 22 al. 1 LPFisc et 120 al. 1 LIFD).

5.             En l’espèce, les déclarations 2018 à 2021 déposées par les recourants étaient manifestement incomplètes, dès lors qu’elles n’indiquaient pas les montants exacts des revenus et fortune imposables, compte tenu des frais élevés d’un immeuble dont ils n’étaient pas propriétaires, si bien que l'AFC-GE était tenue de les corriger afin d’établir des taxations exactes. Elle ne pouvait le faire que partiellement par les bordereaux du 10 mai 2023, puisque, à ce stade, elle ne connaissait pas encore le montant exact du loyer de l’immeuble locatif en Chine. En effet, pour les années 2018 et 2019, les recourants ont mentionné un loyer de seulement CHF 1'331.- et pour 2020 et 2021 un loyer nul, alors qu’ils en avaient encaissé un de CNY 108'000.- chaque année, comme ils l’ont précisé dans leur réclamation du 5 juin 2023. Ainsi, tant leurs déclarations fiscales que ces bordereaux initiaux étaient manifestement incomplets, ce qui explique la modification de ces derniers après leur réclamation.

Pour le surplus, au vu du dossier, force est de constater que l'AFC-GE n’a émis aucune taxation provisoire pour l’ICC, de sorte qu’elle n’était pas tenue de respecter le délai d’un an de l’art. 38 LPFisc, étant rappelé que la LIFD ne prévoit pas un tel délai. Quant aux bordereaux de taxation (ordinaire) du 10 mai 2023, l'AFC-GE les a établis avant l’échéance du délai de prescription quinquennal fixé par les art. 22 LPFisc et 120 LIFD, étant précisé que le délai d’un de l’art. 38 LPFisc ne s’applique pas à ces bordereaux.

Ce grief est ainsi écarté.

6.             A l’encontre de ces bordereaux incomplets, les recourants ont formé réclamation, faisant valoir l’application de la CDI-CHN et le fait d’avoir versé à la mère du recourant les loyers de leur appartement à C______(Chine) (CNY 108'000.- par année), estimant que, de ce fait, ce revenu n’était pas imposable. Ils ont par ailleurs sollicité des explications sur les variations, d’une année à l’autre, des valeurs de leurs immeubles en Chine et du montant de la déduction sociale accordée pour l’entretien de la mère du recourant.

7.             Aux termes des art. 42 LPFisc et 134 LIFD, dans la procédure de réclamation, l'AFC-GE jouit des mêmes compétences que dans celle de taxation. Aucune suite n’est donnée au retrait de la réclamation s’il apparaît, au vu des circonstances, que la taxation était inexacte.

Selon les art. 43 al. 1 LPFisc et 135 al. 1 LIFD, dans la procédure de réclamation, l'AFC-GE peut déterminer à nouveau tous les éléments de l’impôt et, après avoir entendu le contribuable, également modifier la taxation au désavantage de celui-ci.

8.             En l’espèce, c’est en se fondant sur ces dispositions, et compte tenu de nouveaux éléments imposables indiqués par les recourants eux-mêmes, que l'AFC-GE a rectifié en leur défaveur les bordereaux initiaux du 10 mai 2023, après les avoir entendus. Ainsi, en ce qui concerne cette démarche, l'AFC-GE est exempte de toute reproche. Pour le surplus, dans ses décisions sur réclamation, et comme ils l’avaient demandé, elle leur a expliqué les raisons de la variation d’une année à l’autre de la fortune, des revenus et de la déduction pour charge de famille.

9.             Selon l'art. 24 par. 2 let. a CDI-CHN, intitulé « Elimination des doubles impositions », en ce qui concerne la Suisse, la double imposition est évitée de la manière suivante : lorsqu'un résident de Suisse reçoit des revenus ou possède de la fortune qui, conformément aux dispositions de la Convention, sont imposables en Chine, la Suisse exempte de l'impôt ces revenus ou cette fortune, mais peut, pour calculer le montant de l'impôt sur le reste des revenus ou de la fortune de ce résident, appliquer le même taux que si les revenus ou la fortune en question n'avaient pas été exemptés.

C’est ce que prévoit d’ailleurs le droit suisse, à savoir que, pour les personnes qui ne sont imposables en Suisse que sur une partie de leur revenu ou de leur fortune (dont celles propriétaires d’immeubles situés à étranger), le taux de l'impôt doit être celui qui serait applicable au revenu total ou à la fortune totale du contribuable (cf. art. 6 al. 1 LIFD et 5 al. 1 LIPP ; art. 7 al. 1 LIFD et 6 al. 1 LIPP). Ainsi, tant la valeur locative d'immeubles sis à l'étranger que les frais y relatifs doivent être pris en compte pour déterminer le taux d'imposition illimitée en Suisse (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_137/2019 du 23 janvier 2020 consid. 5.1 et les arrêts cités).

10.         En l’espèce, les recourants soutiennent que l'AFC-GE aurait violé la CDI-CHN, du seul fait d’avoir tenu compte, pour le taux, des valeurs de leurs deux immeubles en Chine. Au vu des annexes aux bordereaux rectificatifs du 4 octobre 2023, l'AFC-GE n’a en effet pris en compte ces valeurs que pour le taux d’imposition des éléments imposables en Suisse, ce qui est parfaitement conforme à la disposition conventionnelle précitée. S’il en résulte une double imposition indirecte, comme le soutiennent les recourants, elle est alors voulue par les deux pays signataires de cette convention. Dès lors, les calculs comparatifs que les recourants ont présentés dans leur réplique sont sans portée déterminante.

Ce grief est également mal fondé.

11.         Quant aux prétendues variations des valeurs retenues pour ces deux immeubles, les recourants semblent perdre de vue que pour les quatre années en cause, l'AFC-GE a admis les valeurs fiscales qu’ils avaient eux-mêmes déclarées, soit CHF 71'736.- (CHF 43'042.- après abattement) pour l’immeubles occupé et CHF 225'453.- pour l’immeuble loué, de sorte que l’on ne voit en quoi elle aurait été incohérente. De même, la valeur locative de l’immeuble occupé n’a pas varié entre les bordereaux du 10 mai 2023 et ceux du 4 octobre 2023, étant précisé qu’elle a été calculé conformément au droit. En effet, pour les immeubles situés dans des pays ne connaissant pas le principe de la valeur locative, comme en l’espèce, la méthode forfaitaire de calcul de cette valeur (4,5 % de la valeur fiscale) est conforme au droit fédéral et au principe d'égalité de traitement (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_137/2019 du 23 janvier 2020 consid. 5.1 et l'arrêt cité), étant précisé qu’il ne s’agit pas ici d’un « impôt foncier », comme le pensent les recourants, mais d’un revenu imposable (cf. art. 21 al. 1 let. b LIFD et 24 al. 1 let. b LIPP). Enfin, le montant du loyer de l’immeuble locatif a certes varié d’une année à l’autre, mais uniquement en raison de la variation du taux de change entre CHF et CNY, étant rappelé qu’il correspond à celui déclaré par les recourants eux-mêmes, au stade de la réclamation. L’affectation de ce loyer à l’entretien de la mère du recourant ne justifie pas son exonération de l’impôt - puisque cela relève de l’utilisation du revenu, mais uniquement l’octroi d’une déduction sociale, dont le montant est fixé par la loi. Ainsi, c’est à tort que les recourants se sont prévalus simultanément de la non-imposition de ce revenu et de la déduction de celui-ci à titre de charge de famille.

12.         S’agissant en particulier de cette déduction sociale, son montant en IFD (CHF 6'500.-) est le même dans les quatre bordereaux en cause, ce qui est conforme à l’art. 35 al. 1 let. b LIFD en vigueur lors des années concernées. En ICC, la variation du montant de cette déduction résulte de la loi elle-même, soit de l'art. 39 al. 1 let. a LIPP (cum art. 12 RCEPF), prévoyant une déduction de CHF 9'980.-, pour les années fiscales 2018, 2019, 2020, et de CHF 13'000.- pour celle de 2021.

Ainsi, sur ce point également, les bordereaux litigieux sont conformes au droit.

13.         Les autres reproches et critiques que font les recourants à l'AFC-GE - en particulier à son prétendu manquement de leur fournir des explications détaillées sur leur taxation - paraissent manifestement inconciliables avec les impératifs d'une administration de masse que représente cette autorité, d’autant qu’elle les a quoi qu'il en soit invités à se rendre auprès d’elle s’ils souhaitaient obtenir plus d’informations. Il leur était ainsi loisible de se déplacer auprès d’elle à cette fin, ou de s’adresser à un mandataire qualifié en la matière.

14.         Enfin, la conclusion des recourants tendant à l’octroi d’une indemnité de CHF 5'000.- (« à titre de compensation pour (…) le temps considérable qu’ils ont passé en raison des contacts, négociations et échanges de lettres répétés », « la pression psychologique qu’ils ont subie », « les calculs fiscaux erronés et répétés » et « les rappels de paiement fréquents et erronés ») doit être rejetée. En effet, d’une part, aucune loi fiscale ne prévoit la possibilité d’indemniser les contribuables pour les démarches qu’il leur incombe d’entreprendre dans le cadre des procédures de taxation et de réclamation. De plus, les bordereaux litigieux étant en tout point conformes au droit, on ne voit pas en quoi consisterait les prétendus calculs « erronés et répétés », ni pourquoi les rappels de paiement des impôts dus seraient infondés.

15.         Au vu de ce qui précède, le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.

16.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, sont condamnés, pris solidairement, au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

17.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 30 octobre 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 4 octobre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Pascal DE LUCIA et Philippe FONTAINE, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière