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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1793/2024

JTAPI/534/2024 du 31.05.2024 ( LVD ) , REJETE

Descripteurs : VIOLENCE DOMESTIQUE;OPPOSITION(PROCÉDURE);MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL)
Normes : LVD.8.al3; LVD.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1793/2024 LVD

JTAPI/534/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 31 mai 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Guillaume CHOFFAT, avocat, avec élection de domicile

 

contre

Madame B______

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 25 mai 2024, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de dix jours à l'encontre de Monsieur A______, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Madame B______, située ______[GE], et de contacter ou de s'approcher de cette dernière.

2.             Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et indiquant notamment que M. A______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'association VIRES, dont les coordonnées étaient mentionnées, afin de convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique (cf. art. 10 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 ; LVD - F 1 30), était motivée comme suit :

« Description des dernières violences :

- Avoir traité son épouse, Mme B______ de « pute »

- Avoir tiré les cheveux de Mme B______.

- Avoir cassé la vitre du téléphone portable de son épouse en le jetant à terre.

Descriptions des violences précédentes

Le 18.03.2019 : Avoir frappé au visage son épouse, Mme B______, à leur domicile, sis ______[GE].

Le 01.03.2022 : Avoir tiré les cheveux de Mme B______ ».

3.             Il résulte du rapport de renseignements établi par la police le 25 mai 2024 que le jour en question, une patrouille de police était intervenue au domicile des époux A______ et B______ pour un conflit de couple. Les enfants des intéressés âgés de 12, 9 et 5 ans étaient présents.

Des premiers éléments, il était ressorti que le couple, marié depuis 2008, vivait ensemble et était en instance de divorce depuis deux ou trois semaines. Le conflit avait éclaté dans la matinée à cause d'un bruit excessif de musique, Mme B______ refusant de baisser le volume malgré les demandes de son mari. Des coups avaient été échangés et M. A______ avait cassé le téléphone de son épouse, notamment en le jetant à terre. Des faits similaires s’étant déjà produits par le passé, les intéressés avaient été conduits au poste pour être entendus en qualité de prévenus.

Concernant les enfants, M. A______ avait affirmé que l'aîné de 12 ans était présent et avait repoussé sa mère, sans pour autant avoir été blessé. Quant à Mme B______, elle avait affirmé que les enfants se trouvaient dans le salon et qu'ils n'avaient pas assisté au conflit. Les intéressés n’avaient pas déposé plainte pénale. Une photographie de la main de M. A______ était jointe.

4.             Les intéressés ont été entendus le même jour.

A cette occasion, Mme B______ a, en substance, expliqué être mariée avec M.  A______ depuis 2011. Ils avaient trois enfants ensemble, C______, âgé de 12  ans, D______ âgée de 10 ans et E______ âgé de 5 ans. C’était la deuxième fois que la police intervenait à leur domicile. La première fois, elle avait retiré sa plainte. Cela faisait environ trois semaines que son mari rentrait à n'importe quel moment à la maison. Il ne s'occupait pas de leurs enfants et elle ne savait pas ce qu’il faisait de son argent, qui était normalement leur argent commun, pour le ménage. Son mari ne travaillait pas et ne s’occupait de rien à la maison. Pendant treize ans, il l’avait empêchée de faire des études, d'apprendre le français et d'avoir une activité sociale. Elle était dans l’ignorance totale de tous les aspects administratifs de la famille. Elle ignorait à quelle heure son mari était rentré la veille, car elle dormait. Ce matin, vers 09h00, elle avait préparé le petit déjeuner des enfants et mis de la musique. Le volume n'était pas élevé afin de ne pas déranger le voisinage. Son mari, après lui avoir demandé ce qu’il se passait, était sorti de sa chambre, lui avait pris son téléphone portable qui se trouvait sur le plan de travail de la cuisine et l’avait jeté par terre, brisant sa vitre. Ensuite, il l’avait attrapée par les cheveux et les avait tirés. Les enfants étaient dans le salon. Elle lui avait dit de ne pas faire de scènes devant eux ni de leur parler de leurs problèmes, pour ne pas les inquiéter. Cela faisait trois semaines qu'il avait totalement changé. Il avait dit aux enfants qu'il voulait divorcer et qu'il avait pris un avocat. Son mari était très agressif envers elle. Il l’injuriait, la menaçait régulièrement et insultait sa famille. Il menaçait de la quitter pour qu’elle reste seule. Elle avait peur de lui et ses enfants aussi. Lorsqu'il était énervé, il ne pouvait pas se contrôler.

Elle reconnaissait l’avoir repoussé avec ses mains après qu’il lui ait tiré les cheveux et l’avoir frappé sur la main pour qu’il arrête. Elle l’avait fait pour se défendre et pour qu’il ne l’agresse pas davantage. Lorsqu’il l’avait injuriée, elle lui avait répondu par des injures. Ses enfants étant au salon, ils n’avaient pas assisté à la scène mais ils les avaient entendus et ils avaient eu très peur. Elle n’avait pas été blessée. Ils avaient régulièrement des conflits verbaux mais c’était la première fois que la police intervenait suite à une agression physique. Il l’avait déjà frappée par le passé. Il lui avait donné des gifles et la police était intervenue. Durant la procédure pénale, il était resté relativement calme. Une fois la plainte classée, il avait recommencé à être violent et agressif verbalement. Elle souhaitait se séparer de M. A______ mais pas qu’il aille en prison. Elle ne voulait pas créer de soucis supplémentaires, mais était d’accord avec l’éloignement s’il pouvait les aider à trouver une solution pour leur séparation. Elle craignait que si son mari restait à la maison, il y aurait des soucis pour elle et les enfants. Elle s’occupait de tout à la maison et ne saurait pas où aller si elle devait être éloignée. C’était lui qui l’agressait et non le contraire. Elle n’avait pas de famille en Suisse. Elle n’avait pas frappé son mari à plusieurs reprises à l'aide d'un sac à dos ni tenté de lui asséner plusieurs coups de poings à la tête. Elle reconnaissait avoir pris la somme de CHF 1’100.- qui se trouvait dans l'armoire de son mari afin de rembourser son téléphone.

M. A______ a, pour sa part, expliqué, en substance, avoir rencontré son épouse en 2008 en Afghanistan. Il était installé à Genève depuis 1999 et son épouse l’y avait rejoint après leur mariage en 2011. Leur relation avait toujours été stable, mais était très instable émotionnellement. Sans raison apparente, elle devenait très désagréable et c'était difficile à gérer. Ils ne dormaient plus ensemble depuis un certain temps. Il dormait avec ses fils et sa femme avec leur fille. Le jour en question, son fils et lui avaient été réveillé par de la musique. Il s’était levé et avait demandé à son épouse de baisser le volume. Elle lui avait répondu qu’il n'était personne pour lui dire quoi faire et qu'elle était tombée amoureuse d'un homme. Après qu’il soit retourné se coucher, elle avait augmenté le volume. Avec son fils, il lui avait à nouveau demandé de baisser le volume, mais en vain. Il s’était alors levé, lui avait pris son téléphone portable, d’où provenait la musique, et l’avait jeté à terre. Son épouse s’était énervée et avait saisi un sac à dos avec lequel elle l’avait frappé à plusieurs reprises. Il s’était protégé avec ses bras. Elle lui avait ensuite assené plusieurs coups de poing sur la tête. Il avait toutefois réussi à se défendre à l'aide de ses bras et elle n’avait pas réussi à lui toucher la tête. Lorsque son épouse s’était finalement arrêtée, il en avait profité pour appeler la police. Il n’avait pas injurié son épouse de « pute ». Elle l’avait en revanche traité d’imbécile. Elle ne l’avait pas menacé. Il ne se rappelait pas lui avoir tiré les cheveux. Il avait jeté son téléphone à terre car il voulait qu'elle le laisse dormir. Son épouse avait pris environ CHF 1'100.- qu’il cachait dans son armoire, avant que la police n'arrive, pour rembourser son téléphone. Seul son fils de 12 ans avait assisté au conflit. Il avait essayé de calmer son épouse, en la repoussant. Suite à leur altercation, il avait une marque sur la main droite. S’agissant de la suite de leur relation, il avait entamé une procédure de divorce depuis environ 2 ou 3 semaines. Il voulait quitter ce foyer car il ne supportait plus sa femme. Une procédure de violence domestique avait été ouverte il y avait 2 ans, sa femme l’accusant, à tort, de l'avoir frappée. Son épouse ne s'occupait pas des enfants et c’était lui qui s'occupait de l'ensemble des tâches tant ménagères qu'administratives. Il n’entendait pas déposer plainte pénale contre son épouse mais le ferait si cette dernière déposait plainte contre lui. Il souhaitait que son épouse soit éloignée du domicile.

5.             M. A______ a fait opposition, sous la plume de son mandataire, à cette décision par acte reçu par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 28 mai 2024.

En substance, sa version des faits n'avait pas été prise en compte comme elle aurait dû l'être lors de son interrogatoire le 25 mai 2024, étant rappelé que c’était lui qui avait fait appel à la police, étant victime de violences de la part de son épouse qui l'avait frappé dans le cadre d'une dispute. Lors de l'arrivée de la police au domicile, ses trois enfants avaient confirmé sa version des faits. Leurs déclarations n'avaient cependant pas été protocolées et ils n’avaient pas été auditionnés. Il s’était dès donc retrouvé contraint de quitter le domicile conjugal jusqu'au 7 juin 2024 avec le risque que la mesure soit ensuite reconduite pour 30 jours supplémentaires et sans trouver la possibilité de se reloger, même temporairement, à Genève. Faute pour son assistante sociale de l'Hospice Général de lui avoir trouvé une solution d'hébergement auprès des foyers d'urgence, il s’était retrouvé à errer entre la rue, sa voiture, le domicile d'un cousin à F______ (VD) ou encore celui d'un ami à Genève, privé de voir ses enfants, ce alors même qu’il s'en était toujours occupé de façon prépondérante et qu’il disposait de meilleures capacités parentales que son épouse. A cet égard, une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale était sur le point d'être déposée au Tribunal de première instance.

6.             Par courriel du 28 mai 2024, le secrétariat du commissaire de police a informé le tribunal que M. A______ avait participé à l’entretien socio-thérapeutique auprès de VIRES le même jour.

7.             À l'audience du 31 mai 2024 devant le tribunal, la représentante du commissaire de police a confirmé que l'éloignement avait bien été prononcé pour dix jours depuis le 25 mai 2024, soit jusqu'au 4 juin 2024 à 17h00.

M. A______ a maintenu son opposition pour les motifs allégués dans cette dernière, à savoir que c'était lui et non son épouse qui était victime de violences conjugales. Lors de son audition, la police n'avait pas pris correctement en compte ses déclarations. Il confirmait ses déclarations à la police. Il n’avait pas insulté ni tiré les cheveux de son épouse. Il admettait avoir jeté son téléphone à terre, car elle refusait d'arrêter la musique. Dans le cadre de l'altercation du 25 mai 2024, il s’était uniquement protégé des coups qu'elle lui assénait. C'était pour ce motif qu’il avait été blessé à la main. Il n’avait pas tenté de contacter son épouse durant la mesure d'éloignement et s’était rendu à l'entretien VIRES. Depuis son éloignement, il avait logé chez son cousin à F______ (VD), durant le week-end, puis chez un ami à Genève. Depuis hier, il disposait d'une chambre temporaire aux G______. Il souhaitait se séparer de son épouse. Des MPUC avaient été déposées dans ce sens le 29 mai 2024 au tribunal de première instance. Il ne souhaitait plus retourner au domicile familial et avait déjà initié des démarches auprès de son assistante sociale et de la commune de H______ en vue de trouver un logement. Il souhaitait pouvoir rester à proximité de ses enfants. Depuis son éloignement, il avait eu des contacts téléphoniques avec ces derniers et ils s’étaient organisés afin de se voir, avant-hier, au parc à proximité du domicile familial. Sa fille lui avait dit qu’il lui manquait. Concernant ses enfants, il s'occupait de tout ce qui touchait aux questions administratives et des rendez-vous extérieurs (école, médecin). Sa femme s'occupait du quotidien, leur faisant notamment à manger. Il n’avait pas d'activité professionnelle. La famille était entièrement aidée par l'Hospice général. A partir du 1er juin 2024, son épouse et lui percevraient cette aide de manière séparée. Il n’entendait pas demander la garde sur les enfants mais un droit de visite.

Mme B______ a maintenu ses déclarations à la police le 25 mai 2024. Elle confirmait que son mari était très agressif envers elle, qu'il l’injuriait, la menaçait régulièrement et insultait sa famille. Elle avait peur de lui. Lorsqu'il était énervé, il ne pouvait plus se contrôler. Dans ces cas, ses enfants avaient également peur de lui. Son mari n’avait pas essayé de la contacter durant la mesure. Elle souhaitait également se séparer de lui. Elle n’avait pas de famille à Genève. Elle y avait quelques amis afghans et ses voisins. Elle n’était pas opposée à ce que son époux voit ses enfants. Il était important qu’elle puisse avoir leur garde car c'était pour eux qu’elle était ici. Elle prenait note que son époux était d'accord de lui laisser leur garde.

Le conseil de M. A______ a maintenu l'opposition et conclu à la levée de la mesure d'éloignement.

Mme B______ et la représentante du commissaire de police ont conclu au rejet de l’opposition et au maintien de la mesure d'éloignement.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des oppositions aux mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 1 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer dans les quatre jours suivant réception de l'opposition, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, l'opposition est recevable au sens de l'art. 11 al. 1 LVD.

3.             La victime présumée doit se voir reconnaître la qualité de partie, dès lors qu'en tant que personne directement touchée par la mesure d'éloignement (art. 11 al. 2 LVD et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101), elle répond à la définition de partie au sens de l'art. 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

4.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

5.             En l'espèce, même si les déclarations des époux sont pour l’essentiel contradictoires, il ressort néanmoins clairement de ces dernières, que la situation au sein du couple est conflictuelle et tendue. Les intéressés admettent en être venus aux mains. Il ressort en outre du rapport de renseignements du 25 mai 2024 que les enfants du couple étaient présents dans l’appartement lors de l'altercation du même jour, sans que l’on sache toutefois s’ils ont effectivement assisté à la scène, la déclaration de leurs parents étant contradictoires à cet égard. En tout état, les faits tels que décrits par les deux époux correspondent sans conteste à la notion de violence domestique, au sens défini plus haut. Dans ces circonstances, la question n'est pas de savoir lequel des intéressés est plus responsable que l'autre de la situation, ce qui est bien souvent impossible à établir. L'essentiel est de séparer les conjoints en étant au moins à peu près certain que celui qui est éloigné du domicile conjugal est lui aussi l'auteur de violences, lesquelles peuvent également être psychologiques. Il sera au surplus tenu compte de la situation de plus grande vulnérabilité de Mme B______, mère de trois enfants entre cinq et douze ans, qui semble disposer de peu de soutien à Genève et ne parle pas ou mal le français.

Dans ces circonstances, vu en particulier le caractère récent des événements, de la situation visiblement conflictuelle et complexe dans laquelle les deux intéressés se trouvent et de la volonté clairement exprimée par les époux de ne plus souhaiter poursuivre la vie commune, la perspective qu'ils se retrouvent immédiatement sous le même toit apparaît inopportune, quand bien même il est évident qu'une mesure d'éloignement administrative ne permettra pas, à elle seule, de régler la situation.

Par conséquent, étant rappelé, comme précisé plus haut, que les mesures d'éloignement n'impliquent pas un degré de preuve, mais une présomption suffisante des violences et de la personne de leur auteur, le tribunal confirmera, en l'espèce, la mesure d'éloignement prononcée à l'égard de M. A______. Prise pour une durée de 10 jours, soit la durée la plus courte prévue par la loi, elle n'apparaît pas d'emblée disproportionnée, l’intéressé ayant expliqué qu’il disposait désormais d’une chambre temporaire au G______, qu’il n’avait pas l’intention de revenir vivre au domicile familial et qu’il cherchait activement un nouveau logement. Dans ces conditions, l'atteinte à sa liberté personnelle résultant de la décision entreprise, qui apparaît utile, nécessaire et opportune, demeure acceptable, étant observé qu'aucune autre mesure moins incisive ne serait envisageable pour atteindre le but fixé par la LVD.

6.             L'opposition à la mesure sera donc rejetée.

7.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

8.             Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 11 al. 1 LVD ; rapport rendu le 1er juin 2010 par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 17).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 28 mai 2024 par M. A______ contre la mesure d’éloignement prise à son encontre par le commissaire de police le 25 mai 2024 pour une durée de dix jours, soit jusqu’au 4 juin 2024 ;

2.             la rejette  ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

4.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière