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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1568/2024

JTAPI/441/2024 du 10.05.2024 ( LVD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : VIOLENCE DOMESTIQUE;MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL)
Normes : LVD.8.al3; LVD.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1568/2024 LVD

JTAPI/441/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 mai 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre


Madame B______

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 8 mai 2024 le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de 10 jours à l'encontre de Monsieur A______, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Madame B______, située ______[GE], et de contacter ou de s'approcher de cette dernière ainsi que des enfants mineurs C______ et D______, nés respectivement en 2012 et 2018.

2.             Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et indiquant notamment que M. A______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'association VIRES, dont les coordonnées étaient mentionnées, afin de convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique (cf. art. 10 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 ; LVD - F 1 30), était motivée comme suit :

« Description des dernières violences :

-          Violences psychologiques ;

-          Violences physiques (saisie des bras, coup de poing sur la tête, saisie du cou) ;

-          Injures ;

-          Menaces de mort ;

Descriptions des violences précédentes :

-          - Injures ».

3.             M. A______ a immédiatement fait opposition à cette mesure auprès du commissaire de police.

4.             Il résulte du rapport de renseignements établi par la police le 9 mai 2024 que la veille, Mme B______ s'était présentée au poste de gendarmerie de Carouge afin de déposer une plainte contre son mari pour des violences conjugales et des injures. Ces faits s’étaient réitérés à plusieurs reprises, parfois devant les enfants. A la suite de cette plainte, la police s’était rendue au domicile du couple où M. A______ avait interpellé pour la suite de la procédure. Un coin « fumette » avait été constaté sur la terrasse de l’appartement. Les enfants avaient été confiés à leur mère, restée sur place, laquelle avait demandé l’éloignement de son mari du domicile conjugal.

Plusieurs interventions de police étaient relevées pour ce couple, pendant la période des trois dernières années, notamment pour des conflits les 12 avril 2019 et 28  septembre 2021. M. A______ était également connu pour des affaires de violence, de vol et de vol avec violence à Genève. Il n'avait aucun antécédent judiciaire en France. Aucune arme n'apparaissait dans leurs fichiers pour ces personnes.

5.             Les intéressés été entendus le 8 mai 2024.

A cette occasion, Mme B______ a, en substance, expliqué désirer déposer plainte contre M. A______ pour les violences physiques et mentales qu'il lui avait causé depuis plusieurs années. La dernière fois qu'il y avait eu un conflit où il s'était fortement énervé, c’était le samedi 20 avril 2024, vers 14h00. Elle s’était maquillée pour sortir avec sa fille et, lorsqu’il l’avait vue, il avait pété les plombs, lui reprochant également de ne pas prendre leur fils avec elle. Il l’avait traitée de « pute » devant les enfants, disant notamment à sa fille « regarde ta mère, comme elle se maquille comme une pute », « toi qui aime bien étudier des choses sur la religion de l'Islam, tu sais bien que les femmes mariées ne doivent pas sortir maquillée comme » et « un autre mari vraiment musulman aurait réagi trois fois pire que moi ». Alors qu’elle pleurait assise sur le canapé suite à ce qu’il disait, il était venu vers elle, très nerveux, hors de contrôle, et avait posé son front contre le sien en lui hurlant dessus « pourquoi tu m'as fait ça ? pourquoi tu es maquillée ? tu me rends fou » et en lui agrippant fortement les deux bras, ce qui lui avait fait mal. Il avait également demandé à sa fille, en hurlant, « est-ce que tu trouves que c'est normal », en parlant de son comportement, soit du fait qu’elle était maquillée et sortait ainsi. Suite à quoi sa fille de 12 ans et leur fils de 5 ans avaient commencé à pleurer. Il l’avait finalement relâchée et avait continué à hurler en parlant aux enfants mais également tout seul, et en faisant des allers-retours frénétiques dans la maison en se tenant les cheveux. Il avait frappé sur la porte d'entrée de rage, à plusieurs reprises. Elle avait voulu appeler la police, afin que les enfants ne soient pas témoins de scènes de violences, mais il lui avait agrippé les bras et elle n’avait rien pu faire. Elle avait demandé à sa fille d’appeler la police mais elle était restée tétanisée et ne l’avait pas fait, de peur qu’il s'en prenne à elle. Elle avait voulu déposer plainte le lendemain, car elle avait très peur de ce qu'il pouvait lui faire, mais ne l’avait finalement pas fait car les choses s’étaient calmées et elle ne voulait pas recréer un conflit. Elle avait peur des représailles si elle rappelait la police. Elle avait donc préféré venir discrètement au poste de police pour déposer plainte, comme aujourd'hui. Elle avait rencontré M. A______ il y avait environ 6 ans. Au début, tout se passait bien et il l’avait notamment bien aidée durant la grossesse. Les problèmes avaient commencé vers la fin de sa grossesse. Durant cette dernière, en raison de changements hormonaux, elle ne supportait plus sa présence et le lui avait dit. Il avait emmagasiné beaucoup de rancœur suite à ce sentiment de rejet. Elle avait ensuite fait un « babyblues » et, suite à cela, ils n’avaient plus jamais pu avoir de rapports sexuels. De mémoire, il s’était marié en avril 2021. Ce mariage n’était pas souhaité par sa mère qui n’appréciait pas M. A______ car, notamment, il jouait beaucoup trop aux jeux vidéo, notamment des jeux en lignes d'armes. Ces jeux le rendaient agressif et nerveux. Il jouait jusqu’à 6 ou 7 heure du matin et dormait ensuite toute la journée. Cela avait duré environ 3 ans et jusqu'au début de l'année 2024. Il avait ensuite fait quelques efforts, car il était en essai pour un travail de lavage de voiture. Ce mauvais rythme de vie occasionnait souvent des disputes verbales. Avec le temps, celles-ci étaient devenues de plus en plus intenses. A l’époque, elle n'avait pas peur de lui et lui répondait ou le repoussait. Sa voisine était au courant de leurs problèmes de couple et l’avait souvent accueillie pour qu’elle puisse respirer. Son mari était sans emploi depuis 4 ans environ. Depuis qu’elle avait repris la vie active, en faisant son apprentissage, ainsi qu’une vie sociale, son mari voulait tout contrôler. Il lui faisait des crises et lui hurlait dessus. C’était à ces moments qu’il devenait violent, agressif et ingérable. Son mari fumait 2 à 3 joints par soir mais jamais devant les enfants. Il buvait rarement de l’alcool. Il l’avait déjà violentée physiquement. Il y avait environ 3 à 4 ans, lors d'une dispute, il l’avait prise par le cou avec les mains et avait serré lui faisant mal et lui laissant des marques. Elle n’avait pas osé déposer plainte à cette période. II y avait environ 3 mois, lors d’une grosse dispute en lien avec sa jalousie et sa possessivité du fait qu’elle sortait avec des copines, il avait voulu fouiller son téléphone contre son gré et lui avait frappé la tête en lui donnant un coup de poing sur le côté droit. De mémoire, sa fille était présente. Il n'avait pas continué à lui donner d'autres coups, car elle pleurait et hurlait fort de peur. Il y avait environ 2 semaines, il avait fait une grosse crise, dans le cadre d’une discussion au sujet d’une séparation, lui disant notamment que si elle osait répéter « et alors même si j’avais quelqu’un », il la tuerait. Elle lui avait demandé de quitter la maison ce qu’il ne voulait pas entendre. Au quotidien, depuis plusieurs mois, son mari la dénigrait même devant les enfants, disant notamment « regardez, elle va vous ramener plein d'autres beaux-pères à la maison, c'est pour ça qu'elle veut que je parte », la traitant souvent de « pute » ou d'autres choses semblables. Elle ne voulait plus être en contact avec son mari pour l’instant car elle avait trop peur de ce qu'il pourrait lui faire et vivait dans l’angoisse constante. Elle ne voulait plus de violences et souhaitait divorcer avec une garde partagée pour leur fils. Elle souhaitait que son mari soit éloigné, également au niveau téléphonique, car il l’avait beaucoup harcelée par ce biais. Elle était actuellement en arrêt de travail et faisait des crises d’angoisse. Sa psychologue lui avait conseillé de régler cette situation, car elle voyait que sa santé psychologique et physique se dégradait fortement. Elle était en dépression sévère et d’anciens troubles psychiques étaient réapparus. Elle souhaitait pouvoir se reconstruire sereinement pour ses enfants notamment. Ce dimanche, il lui avait dit qu'il acceptait qu’ils se séparent mais qu’elle devait l'aider à trouver un appartement.

M. A______ a, pour sa part, expliqué, en substance, que le 20 avril 2024 il s’était disputé avec sa femme car cette dernière n’incluait pas leur fils dans ses sorties. Il s'en était suivi un échange de reproches, devant les enfants. Ensuite, sa femme l’avait menacé d'aller habiter chez sa mère lui disant que la situation ne pouvait plus durer et qu'on ne pouvait plus parler avec lui. Sa femme avait ensuite pris son téléphone pour appeler la police et il le lui avait arraché des mains, car il n’y avait pas lieu d’appeler la police. Elle lui avait alors agrippé le bras droit lui laissant des marques. En sept ans de vie commune, il n’avait jamais été physiquement violent ni agressif envers sa femme. Il ne lui avait jamais hurlé dessus et ne l’avait jamais menacé de mort. Les propos relatés par sa femme étaient sortis de leur contexte. Ses enfants pourraient témoigner. Il ne se souvenait pas avoir traité sa femme de « pute » à plusieurs reprises devant les enfants le jour en question. Il n’avait pas donné des coups, de rage, contre des portes de l'appartement. Il avait parfois pu taper sur la table mais vraiment pas fort. Sa femme était vraiment fragile et sensible et il savait que s’il n’était pas très calme avec elle, une situation banale pouvait devenir catastrophique. Il contestait l’avoir saisie par le cou, il y avait 3 ou 4 ans lors d'une dispute. Il pensait que sa femme était allée à la police car il avait refusé de quitter l'appartement la semaine passée. Il n’avait jamais refusé la rupture mais avait posé comme seule condition d’avoir un appartement dans lequel son fils aurait une chambre. La situation était conflictuelle avec sa femme depuis qu’elle était tombée enceinte. Elle lui avait dit qu’elle ne supportait plus son odeur et l’avait rejeté, lui demandant de dormir sur le canapé. Sa femme exagérait beaucoup les événements qu’ils traversaient. Il l’avait beaucoup soutenue jusqu’alors ainsi que sa fille avec laquelle il avait une relation fusionnelle. S’il avait pu lui arriver d’insulter sa femme, notamment de « pute » lors de disputes ce n’était pas régulier ni gratuit. Il y avait toujours un élément qui déclenchait l'insulte et depuis quelques temps, il la soupçonnait de mener une double vie. Ils avaient toutefois également beaucoup de moments heureux en famille. Il ne l’avait jamais insultée devant les enfants. Le fait que sa femme ait repris une formation ne lui faisait pas du bien car elle était confrontée à des femmes qui avaient dix ans de moins qu’elle et oubliait qu’elle était mariée et mère de famille. Si sa femme prenait un minimum de temps pour leur couple, il ne serait pas agacé par sa vie sociale. En ce moment, ils préparaient leur séparation. Sa plus grande crainte était de ne plus pouvoir voir son fils qu'une semaine sur deux. Ils avaient une relation très fusionnelle et il faudrait absolument qu’il habite à proximité de lui. Il admettait être jaloux et le manque de relation avec son épouse avait accentué cette jalousie. Il ne jouait plus aux jeux vidéo depuis au moins trois ans. Maintenant il s’occupait de son fils et avait même un travail à l’essai. Il fumait deux joints de cannabis tous les soirs depuis l’âge de treize ans mais n’était pas accro. Concernant les faits du 1er septembre 2016, il admettait avoir poussé sa femme après qu’elle l’ait agressé. Une ordonnance de non entrée en matière avait été rendue. Il aimait sa femme et ses enfants et ne leur ferait jamais de mal. Sa femme avait un comportement irrationnel. Elle suivait un traitement et prenait du Temesta. Il s’opposerait à la mesure d’éloignement car il ne supporterait pas de ne plus voir son fils même pendant 10 jours.

6.             A l'audience du 10 mai 2024 devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) M. A______ a confirmé son opposition à la mesure d'éloignement, étant précisé que c'était surtout concernant son fils que la mesure le dérangeait. Si cela pouvait rassurer Mme B______, il serait tout à fait d'accord de rester éloigné de cette dernière et de sa fille. Cette dernière n'avait toutefois rien à craindre de lui, ce que savait parfaitement Mme B______. Il n’avait pas contacté VIRES. Ces derniers jours, il avait été perturbé par ce qui s’était passé et cela lui était sorti de la tête. Il s'engageait toutefois à prendre contact rapidement avec cet organisme. Il n’avait pas cherché à contacter Mme B______ ni ses enfants depuis le prononcé de la mesure d'éloignement. Il était actuellement logé chez un ami en l'absence de ce dernier. Cette situation était toutefois temporaire, son ami ayant prévu de revenir chez lui mercredi prochain. Ensuite, il n’aurait pas d’autre possibilité que de se loger dans un hôtel. Il n'envisageait plus de poursuivre sa relation avec Mme B______. Ils en avaient discuté et étaient parvenus à un accord dans ce sens avant l'intervention de la police du 8 mai 2024. Il avait toutefois indiqué qu’il lui fallait préalablement trouver un endroit où se loger et accueillir son fils. Il n’avait pas effectué de démarches dans ce sens à ce jour mais comptait se rendre dès lundi à l'Hospice général afin de voir ce qui pouvait lui être proposé. S'agissant de ses ressources financières, il était sans emploi depuis quatre ans, s’étant occupé des enfants afin de permettre à Mme B______ de suivre une formation. Il avait trouvé du travail il y avait deux semaines mais son employeur lui avait annoncé qu'il ne pourrait pas le garder.

Mme B______ a confirmé ses déclarations à la police le 8 mai 2024, à savoir qu’elle avait été victime de violences physiques et psychologiques de la part de M. A______. Ce dernier n'avait pas tenté de la contacter depuis le 8 mai 2024. Elle souhaitait toujours se séparer de M. A______. Son dossier avait été transmis à la LAVI. S'ils ne la contactaient pas prochainement, elle les relancerait. Si la mesure d'éloignement ne devait pas être confirmée, la cohabitation avec M. A______ serait très difficile pour elle et sa fille. Elle ne savait pas comment elle ferait, n'ayant notamment pas d'alternative de logement pour sa fille. Elle ne serait pas opposée à ce que M. A______ puisse immédiatement avoir des contacts avec son fils. Ce dernier le réclamait. Ils avaient une très belle relation et il n'y avait jamais eu de problèmes de violence entre eux. L'organisation de rencontres pourrait facilement se faire par l'intermédiaire de tiers.

La représentante du commissaire de police a confirmé que l'éloignement avait bien été prononcé pour dix jours depuis le 8 mai 2024. Si les parties étaient d'accord, le commissaire de police ne voyait pas d'inconvénient à ce que la mesure d'éloignement soit levée concernant D______.

Sur question du tribunal, M. A______ a expliqué qu’il souhaiterait pouvoir voir son fils ce week-end, ainsi que la semaine prochaine après l'école et le mercredi. Son ami E______ pourrait faire l'intermédiaire entre Mme B______ et lui ce week-end et après l'école. F______ pourrait faire l'intermédiaire mercredi. Il proposait de prendre son fils ce vendredi vers 18h-19h00 et de le ramener à Mme B______ dimanche à 18h00, par l'intermédiaire de M. E______. Il retirait son opposition à la mesure d'éloignement en tant qu'elle concernait Mme B______ et la jeune C______.

Mme B______ a indiqué être d’accord avec cette proposition et les modalités telles que décrites ci-dessus.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des oppositions aux mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 1 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer dans les quatre jours suivant réception de l'opposition, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, l'opposition est recevable au sens de l'art. 11 al. 1 LVD.

3.             La victime présumée doit se voir reconnaître la qualité de partie, dès lors qu'en tant que personne directement touchée par la mesure d'éloignement (art. 11 al. 2 LVD et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101), elle répond à la définition de partie au sens de l'art. 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

4.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

5.             Selon l'art. 10 LVD, la personne éloignée est tenue, dans un délai de trois jours ouvrables après notification de la décision, de prendre contact et de convenir d'un entretien avec une institution habilitée à recevoir les auteurs présumés de violence domestique ; elle doit se présenter à cet entretien, destiné à l'aider à évaluer sa situation et à lui fournir des informations socio-thérapeutiques et juridiques ; cette obligation est mentionnée dans la décision d'éloignement.

6.             La police s'assure du respect des obligations imposées à la personne éloignée (art. 10 al. 4 LVD).

7.             En vertu de l'art. 12 LVD, la mesure d'éloignement est assortie de la menace des peines prévues à l'art. 292 CP (« Insoumission à une décision de l'autorité »), qui stipule que « celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende ».

8.             En l'espèce, il ressort de l’audition des parties et des pièces du dossier que la situation au sein du couple est conflictuelle et tendue depuis plusieurs années. Ces dernières ont confirmé en audience leur volonté de ne plus reprendre la vie commune. Les faits dont Mme B______ se plaint d'avoir été la victime correspondent pour le surplus à la notion de violences domestiques au sens défini par la loi, étant relevé que M. A______ a notamment admis l’avoir insultée de « pute » et lui avoir arraché le téléphone des mains. Lors de l’audience, Mme B______ a réitéré son souhait de ne plus cohabiter avec M. A______ ce que ce dernier a compris indiquant retirer son opposition à la mesure d'éloignement en tant qu'elle concernait Mme B______ et la jeune C______.

Les intéressés ont pour le surplus exprimé le souhait que M. A______ puisse poursuivre sa relation avec son fils D______. Ils sont tous les deux d’accord avec les modalités mises en place lors de l’audience et se sont engagés à les respecter, ce dont il leur sera donné acte.

Dans ces circonstances et vu l’accord des parties et du commissaire de police, le tribunal confirmera la mesure d'éloignement d'une durée de 10 jours prononcée à l'encontre de M. A______ en ce qu’elle lui interdit de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Mme B______, située ______[GE], et de contacter ou de s'approcher de cette dernière ainsi que de la mineure C______, étant précisé que ladite mesure prendra fin le 18 mai 2024 à 17h, et lèvera ladite mesure en tant qu’elle concerne le mineur D______.

9.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

10.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 11 al. 1 LVD ; rapport rendu le 1er juin 2010 par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 17).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 9 mai 2024 par Monsieur A______ contre la mesure d’éloignement prise à son encontre par le commissaire de police le même jour pour une durée de 10 jours ;

2.             l'admet partiellement au sens des considérants ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

4.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties et au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour information.

Genève, le

 

La greffière