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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3640/2021

JTAPI/175/2022 du 24.02.2022 ( DOMPU ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : AMENDE;PROPORTIONNALITÉ;TERRASSE DE RESTAURANT
Normes : LDPu.17; LRoutes.56; LRoutes.85; LRoutes.86; RUDP.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3640/2021 DOMPU

JTAPI/175/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 février 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

VILLE DE GENÈVE

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ exploite l’établissement B______, sis C______ à Genève.

2.             Il est titulaire d’une autorisation délivrée par la Ville de Genève (ci-après : la ville), soit pour elle son service de l'espace public, le 1______ lui permettant d’installer et d’exploiter une terrasse pour son établissement, selon le positionnement défini par un plan.

3.             Par courrier du 18 décembre 2019, dans le cadre d’échanges concernant l’éventuel agrandissement de la terrasse autorisée, la ville a indiqué que les agents de la police municipale avaient constaté à plusieurs reprises au cours de la semaine précédente des débordements, principalement sur le côté droit de la terrasse. Le mercredi 11 décembre 2019, à 18h30, le débordement était particulièrement important avec une table qui était installée en dehors du périmètre autorisé.

M. A______ était prié de faire le nécessaire pour respecter le périmètre autorisé. Il était formellement averti qu’en cas de persistance ou de récidive, une amende pourrait lui être infligée.

4.             Le 9 août 2021, la police municipale a établi un rapport de renseignements constatant le dépassement des limites de la terrasse autorisée, une table avec huit chaises et une autre avec quatre chaises se trouvant à l’extérieur desdites limites, le jeudi 5 août 2021, à 20h50.

Il ressortait de ce rapport que la ville avait déjà informé la police de cette problématique.

5.             Par courrier du 30 septembre 2021, la ville a informé M. A______ avoir reçu le rapport de la police municipale du 9 août précédent. Elle lui a rappelé le plan délimitant les périmètres des terrasses autorisées, et notamment son accord pour une « extension COVID 2020 ».

Vu le débordement constaté par la police municipale le 5 août 2021, à 20h50, une amende de CHF 500.- lui était infligée.

6.             Par acte du 21 octobre 2021, M. A______ (ci-après : le recourant) a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette amende.

Il ne contestait pas les faits, relevant que le dépassement avait simplement consisté en l’installation d’une planche en verre pour deux personnes sur une poubelle, rentrée en journée et en fin de service, pour les mois de juillet et août 2021.

Il subissait une pression de la part de son propriétaire avec qui il était en négociation pour le renouvellement de son bail. Il déplorait que le zèle de la ville ne soit pas appliqué à toutes les terrasses puisque de nombreuses terrasses avaient pu s’étendre en période COVID alors que cela leur avait été refusé sans explications.

Il connaissait une période difficile du fait de la situation sanitaire et se pliait à toutes les réglementations avec respect et bienveillance. Il sollicitait à son tour de la bienveillance pour son métier qui n’était plus respecté, largement mis à mal par les institutions. Il en allait de sa survie.

7.             La ville a répondu le 15 décembre 2021, concluant à la confirmation de l’amende. Elle a produit un chargé de pièces.

Le rapport de renseignements établi par les agents de la police municipale assermentés faisait foi et attestait de l’infraction reprochée ainsi que de son ampleur. La situation au plan topographique était illustrée par un plan produit à la procédure, lequel indiquait une surface de terrasse à l’année et une surface de terrasse d’été.

Compte tenu de l’historique de la situation, le montant de l’amende de CHF 500.- était en tous points proportionné.

8.             Le recourant a répliqué le 3 janvier 2022.

Il reconnaissait les débordements qu’il qualifierait de mineurs par rapport à l’entendue désertique du quai semi piéton (dit mixte) où se situait la terrasse.

Il relevait l’acharnement de la cheffe de la section en charge du domaine envers lui et sollicitait de l’indulgence face à une procédure qu’il considérait comme obsessionnelle de la part de la ville alors qu’il avait vraiment souffert des travaux du quai durant plusieurs mois et de sa gestion dite mixte. Il avait obtenu un dépassement de 66 cm de la terrasse « spécial COVID » : avec les règles d’espacement, il avait été contraint de dépasser une nouvelle fois, juste pour pouvoir survivre a minima.

Il faisait tout son possible pour se conformer à la réglementation.

9.             La ville a dupliqué le 21 janvier 2022, maintenant ses conclusions.

Elle prenait note que le recourant reconnaissait expressément les débordements dénoncés, même s’il les qualifiait de mineurs.

Il était tout à fait contesté qu’il y avait deux poids deux mesures, la ville s’escrimant à veiller au respect uniforme des diverses prescriptions dont elle avait la charge: elle n’avait particulièrement aucune approche ou exigence différenciée entre l’une ou l’autre des rives du Rhône. Enfin, elle contestait que la cheffe de la section en charge du domaine s’acharnait sur lui.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises en application de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10, art. 93 al. 1).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La LRoutes et la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 (LDPu - L 1 5) prévoient que toute utilisation des voies publiques qui excède l’usage commun, à savoir tout empiétement, occupation, travail, installation, dépôt ou saillie sur ou sous la voie publique, doit faire l’objet d’une permission ou d’une concession préalable (art. 56 al. 1 LRoutes et art. 13 al. 1 LDPu). Les permissions sont accordées par l'autorité cantonale ou communale qui administre le domaine public (art. 15 LDPu).

4.             Selon l'art. 17 LDPu, l'autorité qui accorde une permission en fixe les conditions.

5.             L'art. 61 LRoutes prévoit que les bénéficiaires de permissions ou de concessions, ainsi que le maître de l’ouvrage, doivent se conformer aux conditions fixées et prendre toutes les mesures utiles pour éviter des accidents (al. 1).

6.             Selon l'art. 31 du règlement concernant l'utilisation du domaine public du 21 décembre 1988 (RUDP - L 1 10.12), l’autorité compétente détermine pour chaque cas particulier l’espace qui peut être utilisé sur le domaine public pour l’aménagement de terrasses. Elle fixe la date où l’installation peut être mise en place et celle où elle doit être enlevée (al. 1). Les éléments délimitant la terrasse ne doivent pas dépasser la largeur permise pour celle-ci ; ils doivent être posés ou enlevés en même temps que la terrasse. L’installation ne doit pas constituer une gêne pour la visibilité ni entraver la circulation (al. 2).

7.             À Genève, le Conseil administratif de la ville a adopté le règlement sur les terrasses d'établissements publics (LC 21 314 ; ci-après : le règlement), en vigueur depuis le 1er janvier 2006 et applicable à toutes les terrasses situées sur le domaine public communal de la ville (art. 1 du règlement), notamment les terrasses dite d'été (art. 2 ch. 1 du règlement).

8.             Son art. 8 prévoit que lors de l'octroi d'une permission pour une terrasse, le service procède à la délimitation de l'emprise de celle-ci au moyen de traits peints sur le sol (al. 1) ; ces limites ne peuvent être en aucun cas franchies par le mobilier de la terrasse, notamment les tables, meubles de service, parasols ou assimilés, panneaux porte-menus, végétation ainsi que les sièges des consommateurs dans le cadre de l’utilisation (al. 2). De plus, le service procède à des contrôles réguliers du respect de ces limites (al. 3).

9.             L'art. 25 du règlement prévoit que les contrevenants à ses dispositions sont passibles des mesures administratives et des sanctions prévues aux art. 77 et 85 LRoutes.

10.         Selon l’art. 85 al. 1 LRoutes, est passible d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- tout contrevenant à la présente loi (let. a), aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi (let. b) et aux ordres donnés par l’autorité compétente dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (let.c). Il est tenu compte, dans la fixation de l’amende, du degré de gravité de l’infraction (al. 2).

L'art. 86 LRoutes prévoit que les amendes sont infligées par l’autorité compétente sans préjudice de plus fortes peines en cas de crimes ou délits et de tous dommages-intérêts (al. 1). Les contraventions sont constatées par les agents de la force publique et tous autres agents ayant mandat de veiller à l’observation de la loi (al. 2).

11.         Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/611/2016 du 12 juillet 2016 consid. 10b et les références citées ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif : les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, 3ème éd., 2011, n. 1.4.5.5 p. 160 s). En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (comme notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 2 et 3 et 107 CP ; ATA/611/2016 précité consid. 10c et les références citées).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. Le juge ne la censure qu’en cas d’excès ou d’abus. Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (ATA/611/2016 précité consid. 10c et les références citées).

12.         L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte et son mode d'exécution, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/611/2016 précité consid. 10d et les références citées ; cf. aussi not. arrêt du Tribunal fédéral 6B_412/2014 du 27 janvier 2015 consid. 2.1 et les arrêts cités).

13.         L’amende doit faire l’objet d’une évaluation globale, dans laquelle l’autorité administrative qui sanctionne - partant le juge qui contrôle sa décision - doit prendre en compte, dans un calcul d’ensemble, la nature, la gravité et la fréquence des infractions (ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/558/2013 du 27 août 2013 ; ATA/804/2012 du 27 novembre 2012 ; ATA/488/2011 du 27 juillet 2011 ; ATA/537/2009 du 27 octobre 2009), ainsi que les éléments liés à la culpabilité et les circonstances personnelles de l’auteur, dont ses capacités financières (ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 ; Günter STRATRENWERTH, Schweizerisches Strafrecht - Allgemeiner Teil II : Strafen und Massnahmen, 2ème éd., Berne 2006, p. 75 § 75 ; Sandro CHIMICHELLA, Die Geldstrafe in Schweizer Strafrecht, Berne 2006, p. 39).

14.         Dans une affaire portant sur la même problématique, le tribunal a confirmé une amende de CHF 300.- infligée par la ville pour non-respect des emplacements autorisés pour l'installation d'une terrasse (JTAPI/1344/2011 du 25 novembre 2011). Dans une autre affaire plus récente, le tribunal a confirmé une amende de CHF 500.- pour dépassement des limites autorisées de terrasse et non-respect des conditions de permission (JTAPI/1326/2017 du 14 décembre 2017). Plus, récemment encore le tribunal a confirmé une amende de CHF 500.- pour une situation où après un avertissement et un délai pour se mettre en conformité, aucune modification n’avait été apportée au podium d’une terrasse, et le périmètre autorisé et les conditions d’exploitation de la terrasse n’avaient toujours pas respectées ; une tablette pour servir la clientèle à l’extérieur de la terrasse était toujours utilisée (JATPI/453/2019 du 16 mai 2019).

15.         En l’espèce, le recourant reconnait l’infraction qui lui est reprochée, à savoir d’avoir installé une partie de sa terrasse en dehors des limites autorisées, le 5 août 2021, à 20h50. C'est donc à juste titre que la ville lui a infligé une amende.

Concernant son montant, eu égard au fait qu’aucune remarque sur l’utilisation de la terrasse n’avait été faite au recourant entre le 11 décembre 2019, date d’un contrôle de la police municipale et le 5 août 2021, date de l’infraction, et surtout à la situation sanitaire qui prévalait en été 2021, obligeant les responsables d’établissement, vu les restrictions d’accès à leur établissement, à servir de manière accrue leur clients à l’extérieur des établissements, et devant faire face à une nette baisse de leur clientèle et donc de leurs revenus depuis plus d’une année, le tribunal estime qu’un montant de CHF 100.-, soit le minimum légal, apparait plus proportionné.

16.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et l’amende réduite à CHF 100.-.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante est condamnée au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 100.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             Déclare recevable le recours interjeté le 21 octobre 2021 par Monsieur A______ contre la décision de la Ville de Genève du 30 septembre 2021 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             dit que le montant de l’amende est réduit à CHF 100.- ;

4.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 100.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             ordonne la restitution au recourant du solde de l’avance de frais de CHF 200.- ;

6.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Bénédicte MONTANT et Julien PACOT, juges assesseurs.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties

Genève, le

 

La greffière