Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/1141/2021

JTAPI/142/2022 du 21.02.2022 ( ICC ) , REJETE

REJETE par ATA/632/2022

Descripteurs : ACOMPTE;INTÉRÊT FINANCIER
Normes : LPGIP.9.al1; LPGIP.14; LPGIP.5.al4
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1141/2021 ICC

JTAPI/142/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 21 février 2022

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Laurent KYD, avocat, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

 

EN FAIT

1.             Feu Monsieur C______ (ci-après : le défunt), de nationalités suisse, iranienne, dominicaine et britannique, est décédé en novembre 2001 à Genève, lieu dont il était originaire, sans avoir disposé pour cause de mort et laissant pour héritiers légaux sa veuve, Madame D______, et ses trois enfants, dont deux issus de sa relation avec cette dernière, ainsi que Monsieur B______ (ci-après : le contribuable, puis le recourant), né d'une relation extra-conjugale. 

2.             En décembre 2001, le contribuable, alors encore mineur et représenté par sa mère, a fait savoir à la Justice de paix qu'il s'opposait à la délivrance d'un certificat d'héritiers. Cette dernière lui a répondu qu'elle n'interviendrait pas dans le règlement de cette succession, compte tenu du dernier domicile du défunt en Tunisie. En juin 2002, le contribuable a saisi le Tribunal de première instance de E______, notamment pour qu'il constate que la succession de feu son père était ouverte en Tunisie, dans la mesure où les autorités suisses refusaient de procéder à son instruction.

3.             Parallèlement à cette procédure tunisienne, en juin 2002, la veuve et deux autres enfants du défunt ont demandé à la Justice de paix d'ouvrir la succession et d'appliquer le droit suisse, exposant que si le dernier domicile du défunt se trouvait en Tunisie, le droit de ce pays ne permettait pas d'établir des documents de décès et d'ouvrir une succession, dans la mesure où le décès n'y était pas survenu.

4.             Le 12 août 2002, le contribuable a demandé aux autorités genevoises de ne pas intervenir dans la succession de feu son père, dès lors que celui-ci était légalement domicilié en Tunisie.

5.             En 2003, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a traité la succession du défunt. Il ressort de la correspondance contenue dans le dossier y relatif que le dernier domicile commun des époux se situait à Genève, mais la déclaration de succession mentionnait la Tunisie sous « Adresse » et séparé sous « Etat civil ».

6.             En décembre 2003, le Tribunal de première instance de E______ a admis sa compétence pour connaître de l'ensemble de la succession du défunt, y compris s'agissant des biens successoraux sis à l'étranger. En octobre 2009, son jugement a été définitivement confirmé par la Cour de cassation tunisienne.

7.             La Justice de paix a repris l'instruction de la cause en décembre 2009 et, par ordonnance du 18 février 2010, s'est déclarée incompétente pour connaître de la succession du défunt. La chambre civile de la Cour de justice (ci-après : la chambre civile) a annulé cette ordonnance par arrêt du 8 juin 2010 et renvoyé la cause à la Justice de paix pour instruction complémentaire et nouvelle décision, après avoir examiné si le défunt était domicilié en Tunisie.

8.             Dès janvier 2011, le contribuable et son épouse, Madame A______ (ci-après : les contribuables, puis les recourants), sont venus s’établir à Genève. Dans leurs déclarations fiscales pour les années 2011 à 2014, ils n’ont pas fait état de l’existence de la succession du défunt.

9.             Par ordonnance du 6 juin 2014, la Justice de paix a estimé que les autorités tunisiennes n'étaient pas compétentes pour rendre la décision d’octobre 2009, constaté que le domicile effectif du défunt se trouvait à Genève au moment de son décès, déclaré les autorités suisses compétentes pour connaître de la succession et dit que le droit suisse était applicable à celle-ci. Par arrêt du 14 octobre 2014, la chambre civile a confirmé cette ordonnance.

10.         Par arrêt du 18 mars 2015 (cause 5A_1______), le Tribunal fédéral a rejeté le recours que le contribuable avait porté devant lui contre cet arrêt en novembre 2014.

11.         Le 12 juin 2015, un certificat d’héritiers confirmant le fait que le contribuable était héritier légal du défunt a été délivré à Genève.

12.         Par courrier du 9 mars 2016, sous la plume de son conseil, le contribuable a fait savoir à l'AFC-GE qu’il avait une expectative successorale, dont le montant n’était pas encore déterminé, dans la succession de feu son père. Dans la mesure où un certificat d’héritiers n’avait été délivré qu’en mai 2015 (recte : en juin 2015), il n’en avait, par inadvertance, pas fait mention dans ses déclarations fiscales. Il le ferait dans sa déclaration pour l’année 2015.

13.         Dans leur déclaration fiscale pour ladite année, datée du 27 octobre 2016, les contribuables ont indiqué (dans la rubrique « Observations ») que le contribuable était dans l’attente « d’un partage de succession d’un montant d’environ 15 à 16,5 millions de son père décédé ».

14.         Le 11 janvier 2017, sous la plume de leur conseil, les contribuables ont remis à l'AFC-GE une dénonciation spontanée, portant sur les périodes fiscales 2011 à 2015, relatives aux éléments dont le contribuable avait hérité dans la succession de feu son père.

Depuis le décès de celui-ci, la liquidation de sa succession s’était avérée particulièrement longue et complexe, les diverses procédures civiles - portant sur le lieu de l’ouverture de la succession, la qualité d’héritier et la quotité revenant à chaque hériter - ayant été initiées tant en Suisse qu’à l’étranger. Ce n’avait été qu’à l’issue de ces procédures que le contribuable avait obtenu son certificat d’héritier et que sa quote-part dans la succession avait été arrêtée à 1/16ème.

15.         Par bordereaux du 16 octobre 2020, l'AFC-GE a taxé les contribuables sur les éléments annoncés dans cette dénonciation spontanée. Ce faisant, elle a arrêté le montant des intérêts compensatoires négatifs à :

-          CHF 19'039,90 (2011) ;

-          CHF 18'584,15 (2012) ;

-          CHF 15'652,25 (2013) ;

-          CHF 12'818,50 (2014) ;

-          CHF 9'633,60 (2015).

16.         Le 23 novembre 2020, sous la plume de leur conseil, les contribuables ont formé réclamation contre ces bordereaux.

Les dettes fiscales n'avaient pas été déduites de leur fortune. En outre, il n’était pas justifié de leur faire supporter des intérêts compensatoires négatifs de CHF 75’794,40, dès lors qu’au cours de la période courant de 2011 à 2015, le contribuable ne connaissait ni le montant, ni le fait qu'il serait reconnu comme héritier, ce qui n'avait été le cas que le 12 juin 2015. De plus, à l'époque, il n'avait pas eu les moyens de s'acquitter d'acomptes en lien avec la succession. A leur sens, ces intérêts n’étaient donc dus que pour la période courant du 12 juin 2015 au 16 octobre 2020.

17.         Par décision du 22 février 2021, l'AFC-GE n'a que partiellement admis cette réclamation, acceptant seulement que les impôts dus soient déduits de la fortune imposable des contribuables.

Elle a retenu que, selon la loi, les intérêts compensatoires négatifs couraient du terme général de leur échéance et à la date d’émission du bordereau de taxation et qu'ils étaient calculés aux taux prévu pour chaque année fiscale. Le fait que le contribuable avait versé ou non des acomptes provisionnels durant la période concernée ne remettait pas en cause le principe même du calcul des intérêts, mais influençait seulement le montant de ceux-ci. A teneur des bordereaux rectificatifs, les intérêts compensatoires négatifs s’élevaient à :

-          CHF 18'901,25 (2011) ;

-          CHF 18'369,95 (2012) ;

-          CHF 15'713,15 (2013) ;

-          CHF 12'517,05 (2014) ;

-          CHF 9'407,70 (2015).

18.         Par acte du 23 mars 2021, sous la plume de leur conseil, les contribuables ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, dont ils ont requis l’annulation, avec suite des frais et dépens.

Certes, selon la loi, les intérêts compensatoires négatifs couraient à compter du terme général d'échéance et jusqu'à la date de la notification du bordereau de taxation et du décompte fiscal. Cela étant, il fallait encore que le contribuable concerné ait connaissance de « la quotité et de la quantité de l'actif devant échoir l'année fiscale en question » et qu'il ait un droit ferme sur cet actif, ce qui n'avait pas été le cas du recourant, qui s'était vu refuser la qualité d'héritier de son défunt père par les autorités locales tunisiennes, dès lors qu'il était né hors mariage.

A teneur de l'art. 64 al. 4 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), la fortune dévolue par succession à un contribuable au cours de la période fiscale n'était imposable qu'à partir de la date de la dévolution, soit à compter de la date de l'acquisition d'un droit ferme. En l’occurrence, à nouveau, le recourant ne connaissait ni le montant, ni la quotité, ni même le fait qu'il serait reconnu en tant qu'héritier jusqu'à l’arrêt du Tribunal fédéral du 18 mars 2015 confirmant l'ouverture de la succession en Suisse, ainsi que l'application du droit suisse à celle-ci. En effet, dans la mesure où le défunt était domicilié en Tunisie au moment de son décès, la succession avait été ouverte dans ce pays et soumise au droit tunisien, selon lequel les enfants nés hors mariage ne succédaient pas à leur père, ce qui était confirmé par un apport publié sur le site Internet du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), dont ils produisaient une copie. De ce fait, le recourant s'était vu refuser la qualité d'héritier par les autorités locales tunisiennes. Il avait initié une procédure en Tunisie pour revendiquer sa qualité d'héritier légal, respectivement pour obtenir la reconnaissance de son statut à ce titre. Il n'avait ainsi alors pas de droit ferme à la succession de son défunt père en Tunisie. Il n'avait pas non plus eu la moindre certitude quant à l'issue de la procédure tendant à l'ouverture de la succession dans ce pays et l'application du droit suisse. Au surplus, l'absence de toute disposition pour cause de mort laissée par le défunt n'avait pas facilité les démarches relatives à la succession, de sorte que la détermination du for et du droit applicable revenait aux autorités tunisiennes et suisses.

Compte tenu de tous ces éléments, les intérêts compensatoires négatifs ne devaient calculés qu'à partir du 18 mars 2015, date de l'arrêt du Tribunal fédéral précité, dès lors que l'omission de déclarer l’expectative successorale découlait du fait qu’avant cette date, le recourant ne disposait pas d’un droit ferme sur la succession. Ils sollicitaient également la déduction de ces intérêts pour chacune des années fiscales concernées, conformément à l'art. 34 let. a LIPP.

19.         Dans sa réponse du 26 mai 2021, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les arguments dont se prévalaient les recourants ne permettaient pas de déroger à la loi. En effet, dans le système instauré par le législateur genevois, les intérêts compensatoires négatifs n'avaient pas un caractère de sanction, mais tendaient à assurer une égalité de traitement entre contribuables, quel que fût le moment de la notification de la décision de taxation, étant précisé qu'il découlait du système de taxation postnumerando que celle-ci s’opérait au plus tôt l'année suivant celle pour laquelle l'impôt était dû. Dans le même temps, le contribuable avait disposé de la possibilité d'estimer le montant de ses impôts et de s'acquitter d'un montant supérieur à celui des acomptes, s'il le souhaitait, afin de limiter le montant des intérêts compensatoires négatifs.

Si le recourant n'avait eu de droit ferme sur la succession de feu son père qu'à compter du 18 mars 2015, il aurait pu, à tout le moins à compter de cette date, procéder à des versements complémentaires sur ses comptes fiscaux afférents aux années 2011 à 2015, étant donné que les acomptes qu’il avait versés jusque-là étaient très faibles (CHF 108,65 en 2012, 109,45 en 2013 et 218,90 en 2014) ou inexistants, et limiter ainsi le montant des intérêts compensatoires négatifs, ce qu’il n’avait pas fait. C’était donc à juste titre que des intérêts compensatoires négatifs avaient été calculés à compter du terme général d'échéance, attendu que les montants perçus à titre provisoire pour les périodes fiscales en cause étaient insuffisants par rapport à l'impôt fixé dans les bordereaux de taxation.

Enfin, ces intérêts ne pouvaient être déduits ni du revenu, ni de la fortune des années 2011 à 2015. En effet, l'art. 34 let. a LIPP n’autorisait que la déduction (du revenu) des intérêts de dettes échus, soit ceux dus dès la notification des décomptes finaux. En l’occurrence, ces décomptes étaient postérieurs aux années en cause et ne pouvaient donc donner lieu à des déductions d'intérêts compensatoires négatifs dans les revenus du recourant pour les périodes de taxation 2011 à 2015. Par ailleurs, en vertu de l’art. 56 al. 1 LIPP, de tels intérêts ne pouvaient être déduits de la fortune que s’ils constituaient des dettes, ce qu’ils ne pouvaient devenir qu’après leur échéance. Avant cela, leur existence n'était que potentielle, puisqu'elle dépendait du fait que le contribuable ne s'acquittât pas des montants dus. En l’occurrence, les intérêts litigieux n'étaient pas échus pendant les exercices fiscaux 2011 à 2015, de sorte qu'ils n’étaient pas devenus des dettes durant ceux-ci.

20.         Par réplique du 12 juillet 2021, sous la plume de leur conseil, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

L'AFC-GE considérait que le recourant aurait pu, à tout le moins à compter du 18 mars 2015, soit la date de la naissance de son droit ferme à la succession de feu son père, procéder à des versements complémentaires sur ses comptes fiscaux afférents aux années 2011 à 2015. Elle admettait ainsi leur conclusion prise dans leur recours, à savoir que les intérêts litigieux ne soient calculés qu’à partir du 18 mars 2015.

21.         Par duplique du 5 août 2021, l'AFC-GE a elle aussi persisté dans ses conclusions, relevant notamment que la conclusion des recourants tendant à ce que les intérêts litigieux ne soient calculés qu’à partir du 18 mars 2015 contredisait ce que prévoyait l’art. 14 de la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008 (LPGIP - D 3 18).

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous l'angle de l'art. 49 LPFisc.

3.             Selon l’art. 560 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), les héritiers acquièrent de plein droit l’universalité de la succession dès que celle-ci est ouverte. La succession s’ouvre par la mort (art. 537 al. 1 CC) au dernier domicile du défunt, pour l’ensemble des biens (art. 538 al. 1 CC). S’il y a plusieurs héritiers, tous les droits et obligations compris dans la succession restent indivis jusqu’au partage (art. 602 al. 1 CC). Les héritiers sont propriétaires et disposent en commun des biens qui dépendent de la succession (art. 602 al. 2 CC).

Le conjoint survivant a droit, en concours avec les descendants, à la moitié de la succession (art. 462 al. 1 CC). L'autre moitié est répartie entre les membres de la première parentèle. Celle-ci est constituée des descendants (cf. art. 457 al. 1 CC), qui ont, dans le partage, un droit égal à tous les biens de la succession (art. 610 al. 1 CC). Par exemple, lorsque les parents les plus proches du de cujus vivant au moment du décès de ce dernier sont les deux enfants qu'il a eus avec son conjoint survivant et un troisième enfant qu'il a eu d'un premier mariage, le conjoint survivant est en concours avec la première parentèle. La succession se partage ab intestat, dans cette hypothèse, par moitié entre le conjoint survivant et la première parentèle. Les trois enfants du de cujus ont ainsi chacun une part ab intestat d'un sixième de la succession (cf. Florence GUILLAUME, in Pascal PICHONNAZ/Bénédict FOËX/Denis PIOTET [éd.], Commentaire romand du Code Civil II, 2016, n. 8 et 10 s ad art. 462 et les références citées).

4.             Aux termes de l’art. 64 al. 4 LIPP, la fortune dévolue par succession à un contribuable au cours de la période fiscale n’est imposable qu’à partir de la date de la dévolution. Le contribuable doit également déclarer les revenus qui en découlent depuis cette date et s’acquitter de l’impôt y relatif (cf. Yves NÖEL, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, ad art. 24 LIFD p. 591 et les références). Le fait qu'un partage n'ait pas encore eu lieu n'empêche pas l'imposition d'un contribuable sur sa part indivise dans une succession, même s'il n'a pu effectivement en bénéficier qu'après le partage (cf. JTAPI/536/2014 du 12 mai 2014 consid. 7).

5.             En droit cantonal, la LPGIP distingue les intérêts moratoires (art. 9 et 20 LPGIP) des intérêts compensatoires négatifs (art. 14 LPGIP).

Durant la période fiscale, les impôts cantonaux et communaux annuels sur le revenu et la fortune des personnes physiques sont perçus à titre provisoire, sous forme d'acomptes (art. 4 al. 1 et 5 al. 1 LPGIP). Un intérêt moratoire est perçu sur les acomptes payés tardivement ou impayés en totalité ou en partie (art. 9 al. 1 LPGIP), lequel court dès l'expiration du délai de paiement de l'acompte concerné, jusqu'au paiement, respectivement et au plus tard jusqu'au terme général d'échéance (art. 9 al. 3 LPGIP).

Selon l'art. 12 LPGIP, les impôts périodiques des personnes physiques sont échus le 31 mars de l'année civile qui suit l'année fiscale (al. 1), le terme général d'échéance étant maintenu si le contribuable n'a reçu, à cette date, aucune décision de taxation (al. 3). A teneur de l'art. 14 LPGIP, si, au terme général d'échéance, les montants perçus à titre provisoire pour l'année ou la période fiscale sont insuffisants par rapport à l'impôt fixé dans le bordereau de taxation, la différence est soumise à un impôt compensatoire (al. 1). Les intérêts compensatoires négatifs courent à partir du terme général d'échéance jusqu'à la date de notification du bordereau de taxation et du décompte final (al. 2). En cas de versements volontaires ou de transferts de crédits postérieurs au terme général d'échéance, la différence est rectifiée et les intérêts courent, durant la période visée à l'al. 2, pro rata temporis (al. 3). Ils sont facturés au compte du contribuable lors de la notification du décompte final (art. 15 al. 2 du règlement relatif à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales - RPGIP - D 3 18.01).

Le montant des acomptes doit être augmenté, réduit ou supprimé, lorsqu'il est établi, sur la base des éléments communiqués par le contribuable, que l'impôt qui sera fixé dans le bordereau de taxation sera sensiblement supérieur ou inférieur à celui des acomptes facturés (art. 5 al. 4 LPGIP).

6.             Le Tribunal fédéral a confirmé le droit pour l'AFC-GE de percevoir des intérêts financiers, relevant qu'il « appartient aux contribuables d'estimer le montant de leurs impôts afin, le cas échéant, de payer un éventuel solde si celui-ci devait s'avérer supérieur aux acomptes provisionnels et d'éviter des intérêts financiers » (arrêt 2C_520/2011 du 8 mai 2012 consid. 3.4).

Tandis que les intérêts moratoires sont dus sur les acomptes impayés ou payés tardivement, les intérêts compensatoires négatifs ou financiers sont calculés sur les montants encore dus à partir du terme général d'échéance de l'impôt. Ces derniers n'ont pas le caractère d'une sanction, mais visent à rétablir un déséquilibre financier découlant de l'introduction du système postnumerando, dans lequel les contribuables sont taxés au plus tôt au cours de l'année suivante, avec pour conséquence que les collectivités publiques perdent les intérêts pour la part supérieure aux acomptes et doivent, de plus, rembourser le trop-perçu d'impôts au taux des intérêts moratoires. Les intérêts compensatoires négatifs ou financiers sont ainsi destinés à réduire les pertes induites par le système (arrêt du Tribunal fédéral 2C_939/2011 du 7 août 2012 consid. 6).

Par ailleurs, dans le système d'imposition postnumerando, l'impôt dû ne peut être connu avant la fin de la période fiscale, puisque celle-ci coïncide avec la période de calcul, de sorte que seuls les acomptes provisionnels sont acquittés durant celle-ci. L'échéance décalée par rapport à la fin de la période fiscale s'explique par l'impossibilité matérielle, pour les contribuables, dans un tel système, d'anticiper le montant d'impôts dû à la fin de l'année fiscale. Un délai de trois mois, correspondant au délai pour remplir la déclaration d'impôts, doit dès lors leur permettre d'estimer au plus près leur charge fiscale de l'année précédente et d'effectuer, le cas échéant, un versement complémentaire avant que ne démarre le calcul des intérêts financiers ou compensatoires négatifs. Ce système d'intérêts a pour but, notamment, d'assurer une égalité de traitement entre les contribuables qui, après la période fiscale, se voient notifier rapidement leur décision de taxation et ceux pour lesquels cette décision n'arrive que plus tard. Il appartient aux contribuables d'estimer le montant de leurs impôts, afin, le cas échéant, de payer un éventuel solde, si celui-ci devait s'avérer supérieur aux acomptes provisionnels et d'éviter des intérêts financiers ou compensatoires négatifs. Une fois la déclaration d'impôt remplie, cet exercice est simple, puisque le site de l'AFC-GE propose une « calculette » à cette fin, laquelle nécessite uniquement d'entrer certaines données, comme la situation familiale ou les revenus, contenues dans la déclaration d'impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_520/2011 du 8 mai 2012 consid. 3.4 et les références citées).

7.             En matière fiscale, si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de les lever ou, au moins, d'en faire part à l'autorité fiscale (cf. ATF 135 II 86 consid. 4.3 et les références).

8.             Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier, étant rappelé que le droit étranger, sauf exception, ne doit pas être établi d'office (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_486/2020 du 19 janvier 2021 consid. 6.5). Cette maxime ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il leur incombe d'étayer leurs propres thèses, de renseigner l'autorité sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_649/2020 du 10 novembre 2020 consid. 6.4). Le Tribunal fédéral a même qualifié cette obligation de « devoir de collaboration spécialement élevé », lorsqu'il s'agit d'éléments ayant trait à la situation personnelle de l'intéressé, puisqu'il s'agit de faits qu'il connaît mieux que quiconque (cf. arrêts 1C_58/2012 du 10 juillet 2012 consid. 3.2 et la référence citée ; 2C_703/2008 du 8 janvier 2009 consid. 5.2 ; 2C_80/2007 du 25 juillet 2007 consid. 4 et les références citées).

Le droit genevois prévoit par ailleurs que les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits dans les procédures qu'elles introduisent elles-mêmes, dans celles où elles y prennent des conclusions indépendantes, ainsi que dans les autres cas prévus par la loi (art. 22 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, applicable par renvoi de l'art. 2 al. 2 LPFisc).

9.             En matière fiscale, le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il lui appartient non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5 ; ATA/1077/2020 du 27 octobre 2020 consid. 7).

En outre, en droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire. Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue, qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (ATA/513/2021 du 11 mai 2021 consid. 5b et les références citées).

10.         En l’espèce, c’est à tout le moins à partir du 8 juin 2010 (soit la date de l’arrêt par lequel la chambre civile a renvoyé la cause à la Justice de paix pour qu'elle examine si le père du recourant était domicilié en Tunisie ou à Genève au moment de son décès) que le recourant aurait pu - et dû - s’attendre à ce que le droit suisse soit appliqué à la succession et, partant, que la valeur de sa part dans celle-ci soit fixée en application de ce droit, ce qui a finalement été le cas, étant rappelé qu’en 2002 déjà, les autres héritiers avait intenté à Genève une procédure tendant à l’application de ce droit. Il était ainsi en mesure de déterminer cette valeur lorsqu’il s’est installé à Genève en 2011, étant souligné qu’une déclaration faisant état de la valeur successorale avait été déposée auprès de l'AFC-GE en 2003 déjà, ce qu’il ne prétend pas avoir ignoré. S’il avait des doutes à cet égard, il lui aurait appartenu, dès 2011, en vertu de l’art. 5 al. 4 LPGIP, d'en référer à l’autorité intimée, afin de permettre à celle-ci de lui indiquer si et dans quelle mesure les acomptes déjà facturés devaient être augmentés. Il aurait ainsi pu connaître le montant approximatif des acomptes à verser en s'adressant à l'AFC-GE et en lui indiquant qu’il était héritier de feu son père depuis 2001, à tout le moins en vertu du droit suisse, étant relevé qu’il n’a produit aucun document démontrant, comme il l’allègue, que les autorités tunisiennes lui avaient dénié cette qualité avant 2011. S'il avait procédé à des avances suffisantes, aucun intérêt ne lui aurait été réclamé, cela indépendamment du temps que l'autorité intimée a pris pour le taxer, étant rappelé qu'à cette fin, cette dernière disposait en principe d'un délai relatif de cinq ans et d'un délai absolu de quinze ans (cf. art. 22 LPFisc). Le fait qu’il n’aurait pas disposé de moyens suffisants à l’époque pour s’en acquitter, ce qu’il n’a du reste pas non plus démontré, n'est pas déterminant, les intérêts litigieux étant dus, en vertu de l’art. 14 LPGIP, nonobstant les raisons pour lesquels les acomptes provisionnels n’ont pas été versés.

Pour le surplus, en vertu de l’art. 560 al. 1 CC, c’est dès le décès de feu son père, en 2001, que le recourant a acquis un droit ferme dans la succession de celui-ci, et non, comme il le prétend, seulement à compter du 18 mars 2015, date de l’arrêt du Tribunal fédéral rendu dans la cause 5A_1______. Du reste, dans sa déclaration spontanée du 11 janvier 2017, le recourant s’est lui-même prévalu du fait que les valeurs qu’il a acquises par succession devaient être imposées dans le cadre des périodes fiscales 2011 à 2015, admettant ainsi qu’il avait obtenu un droit ferme à leur égard antérieurement. Il s’ensuit que les intérêts compensatoires négatifs dus sur l’impôt relatif à ces éléments imposables doivent être calculés en application de l’art. 14 LPGIP, et non pas seulement à partir du 18 mars 2015.

Ce grief doit donc être écarté.

11.         A teneur de l’art. 34 let. a LIPP, sont déduits du revenu les intérêts des dettes échus pendant la période déterminante à concurrence du rendement de la fortune augmenté de CHF 50’000.-.

Les intérêts passifs peuvent être déduits du revenu brut s'ils sont échus et exigibles dans la période de calcul, indépendamment du fait qu'ils soient effectivement payés ou non, sauf lorsqu'il existe de sérieux doutes quant à leur paiement futur. Les intérêts de retard et les intérêts moratoires sont des intérêts déductibles (cf. ATA/440/2021 du 20 avril 2021 consid. 4a et les références citées).

Le solde indiqué dans le décompte final est échu à la date de notification du décompte (art. 18 al. 1 LPGIP).

12.         En l’occurrence, les intérêts litigieux sont échus depuis la date de notification des décomptes finaux, soit courant octobre 2020, si bien que leur déduction ne peut être admise dans le cadre des périodes fiscales 2011 à 2015 ; ils ne peuvent concerner que l'année 2020, laquelle ne fait pas l’objet du présent litige.

Partant, ce grief doit également être écarté.

13.         Sont déduites de la fortune brute les dettes chirographaires ou hypothécaires justifiées par titres, extraits de comptes, quittances d'intérêts ou déclaration du créancier (art. 56 al. 1 LIPP). Il ne peut être déduit que les dettes effectivement dues par le contribuable (art. 56 al. 2 1ère phr. LIPP).

Les dettes simplement possibles, futures ou correspondant à des expectatives ne sont en principe pas déductibles. Selon le principe de périodicité, la cause juridique et fait générateur de la dette doivent être réalisés au moment déterminant pour l'imposition de la fortune (cf. ATA/440/2021 du 20 avril 2021 consid. 4b et les références citées).

14.         En l’espèce, la déduction des intérêts litigieux de la fortune des recourants pour les exercices fiscaux 2011 à 2015 ne serait possible que si ceux-ci étaient devenus des dettes à la fin de ces périodes, puisqu’à teneur de l'art. 56 LIPP, seules ces dernières sont déductibles de la fortune brute. Or, le moment auquel ces intérêts peuvent être considérés comme une dette est conditionné par leur échéance. Or, comme relevé ci-dessus, ces intérêts n'étaient pas échus durant ces exercices fiscaux ; ils ne sont donc pas devenus des dettes pendant leur cours. Aucune déduction de la fortune des recourants pour les périodes de taxation 2011 à 2015 ne peut dès lors être admise à ce titre.

15.         Il résulte de ce qui précède que la décision contestée est conforme au droit.

16.         Partant, le recours, mal fondé, doit être rejeté.

17.         Vu cette issue, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 52 LPFisc cum art. 2 al. 2 LPGIP).

Ces derniers n'ont pas droit à une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA a contrario cum art. 2 al. 2 LPFisc et 2 al. 2 LPGIP).

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 23 mars 2021 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision sur réclamation prise à leur égard par l'administration fiscale cantonale le 22 février 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met un émolument de CHF 700.- à la charge Madame A______ et Monsieur B______, conjointement et solidairement, lequel est couvert par leur avance de frais du même montant ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10, rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Yves JOLIAT, président, Pascal DE LUCIA et Philippe FONTAINE, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Yves JOLIAT

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière