Décisions | Chambre de surveillance
DAS/5/2025 du 09.01.2025 sur DTAE/6991/2024 ( PAE ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
republique et | canton de geneve | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/4780/2022-CS DAS/5/2025 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 9 JANVIER 2025 |
Recours (C/4780/2022-CS) formé en date du 10 octobre 2024 par Madame A______, domiciliée c/o B______, ______ (Genève), représentée par Me Matthieu GISIN, avocat.
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Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 10 janvier 2025 à :
- Madame A______
c/o Me Matthieu GISIN, avocat.
Boulevard des Philosophes 15, 1205 Genève.
- Madame C______
Monsieur D______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.
- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT.
A. Par ordonnance DTAE/6991/2024 rendue le 2 septembre 2024 et transmise aux parties pour notification le 27 septembre 2024, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a, sur mesures provisionnelles, institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______, née le ______ 1987, de nationalité péruvienne (ch. 1 du dispositif), désigné D______ et C______, respectivement intervenant en protection de l’adulte et cheffe de secteur auprès du Service de protection de l'adulte, aux fonctions de curateurs, et dit que ces derniers pouvaient se substituer l’un à l’autre dans l’exercice de leur mandat, chacun avec les pleins pouvoirs de représentation (ch. 2), confié aux curateurs les tâches suivantes - représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes, veiller à son bien-être social et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre, veiller à son état de santé, mettre en place les soins nécessaires et la représenter dans le domaine médical en cas d’incapacité de discernement (ch. 3), autorisé les curateurs à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat, et avec la faculté de la faire réexpédier à l'adresse de leur choix, et, si nécessaire, à pénétrer dans son logement (ch. 4), imparti aux parties un délai échéant le 12 novembre 2024 pour se déterminer sur lesdites mesures (ch. 5), rappelé que la décision était immédiatement exécutoire et réservé le sort des frais judiciaires avec la décision au fond (ch. 6 et 7).
En substance, le Tribunal de protection a retenu que A______, qui souffre d'une schizophrénie paranoïde actuellement en décompensation, avec une symptomatologie floride importante et un délire de persécution dirigé notamment à l'encontre du corps médical, n'était plus en mesure d'assumer la gestion de ses affaires, de prendre soin d'elle et de sa santé ou de prendre des décisions éclairées, dans tous les domaines, étant précisé qu'elle cohabitait avec sa mère qui semblait l'influencer de manière contraire à ses intérêts et que les relations personnelles avec son fils, né en avril 2024, avaient été suspendues. Par ailleurs, elle était bénéficiaire de prestations de l'Hospice général, et éprouvait des difficultés à transmettre les documents demandés à son assistante sociale et faisait l'objet de poursuites en cours et d'actes de défaut de biens pour un montant de l'ordre de 22'000 fr. En outre, elle avait déjà été hospitalisée à différentes reprises, la dernière fois au mois de juillet 2024 à la suite d'une rupture de suivi, et ne donnait plus de nouvelles au Centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrées (CAPPI) [du quartier de] E______ depuis sa sortie contre avis médical, étant anosognosique de son trouble.
B. Le 10 octobre 2024, A______ a formé recours contre l'ordonnance précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif, demande rejetée par décision du 22 octobre 2024, puis à son annulation.
En substance, elle se prévaut du règlement partiel de ses dettes par la Fondation Genevoise de Désendettement à hauteur de 3'467 fr. 55, ainsi que de sa bonne entente avec sa mère, qui lui apporte déjà un soutien au quotidien. La mesure instaurée constituerait une atteinte irréparable à sa liberté, le curateur pouvant accéder à l'entier des informations la concernant, y compris ses comptes en banque, ses courriers, voire ses dossiers médicaux.
Le Service de protection de l'adulte a informé la Chambre de céans, par courrier du 18 octobre 2024, de ce que d'une part, la protégée aurait perdu son logement et que d'autre part, elle avait disparu de Genève, se trouvant vraisemblablement en Valais ou dans le canton de Vaud. Par ailleurs, elle ne répondait plus aux sollicitations de l'Hospice général. La médecin responsable du CAPPI E______ considérait quant à elle, que A______ ne disposait plus de sa capacité de discernement.
Le 18 octobre 2024, le Tribunal de protection a fait tenir à la Chambre de céans un courrier du curateur d'office de la protégée à lui adressé, par lequel celui-ci l'informait que sa protégée n'était pas en mesure de gérer seule ses affaires administratives et financières ni de se déterminer sur ses problèmes de santé, celle-ci devant bénéficier d'une mesure immédiate. Il exposait également que sa protégée semblait être en période de décompensation, de sorte qu'il apparaissait nécessaire qu'un placement à des fins d'assistance soit prononcé. Un suivi médical sur la durée était indispensable.
Le 29 octobre 2024, le Tribunal de protection a fait savoir à la Cour qu'il ne souhaitait pas revoir sa décision.
C. Ressortent pour les surplus du dossier les faits pertinents suivants :
a) Le Tribunal de protection a été amené à se préoccuper de la situation de A______, née le ______ 1987, de nationalité péruvienne, à réception, le 6 avril 2023, d'un signalement émanant du Service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) faisant état de l'inquiétude du corps médical à son égard. La patiente était enceinte et avait une situation psychiatrique complexe, avec de possibles éléments psychotiques, niés par celle-ci et une non-adhésion thérapeutique.
Celle-ci faisait l'objet de poursuites en cours et d'actes de défaut de biens pour un montant de l'ordre de 22'000 fr.
b) Selon un rapport social de l'Hospice général du 18 juin 2024 requis par le Tribunal de protection, A______ éprouvait des difficultés à transmettre les documents demandés à son assistante sociale, se confiait peu, vivait avec sa propre mère et semblait déprimée, en particulier depuis qu'elle était enceinte.
c) Dans un rapport médical du 21 juin 2024, reçu le 2 septembre 2024 par le Tribunal de protection, la médecin adjointe au CAPPI E______ a notamment indiqué que A______ souffrait d'une schizophrénie paranoïde diagnostiquée lors du séjour hospitalier précédent son accouchement, étant relevé qu'elle avait quitté l'hôpital sans traitement neuroleptique, anosognosique de son trouble et ne démontrant plus de symptomatologie psychotique positive. Elle avait fait l'objet d'une nouvelle hospitalisation faisant suite à une rupture de suivi, au mois de juillet 2024, et ne donnait plus de nouvelles au CAPPI depuis sa sortie contre l'avis des médecins. Enfin, elle apparaissait entravée dans sa capacité à gérer ses affaires administratives et financières en raison de sa décompensation psychotique actuelle, celle-ci étant également de nature à perturber sa capacité à assumer sa propre assistance personnelle et à comprendre une situation d'ordre médical, étant susceptible de se mettre en danger ou de mettre d'autres personnes en danger en raison de ses convictions délirantes. La réintroduction d'un traitement antipsychotique dépôt était de nature à permettre une amélioration de son état. Dans le cas contraire, un risque de péjoration de son état de santé la privant de la possibilité de nouer un lien avec son enfant existait.
d) Le Tribunal de protection a tenu audience le 2 septembre 2024, lors de laquelle A______ a fait défaut. Le Tribunal de protection a entendu la médecin auteur du rapport précité, qui a expliqué que la patiente n'avait pas repris son suivi depuis le mois de décembre 2023 et qu'elle se trouvait en état de décompensation, avec des soliloques, une irritabilité et une perte de contact avec la réalité, selon les informations récentes qu'elle avait pu obtenir de son père et de sa sœur. La patiente vivait avec sa propre mère, qui refusait que sa fille soit soumise à un traitement médicamenteux et refusait de collaborer avec l'équipe médicale. En raison de sa symptomatologie actuellement floride et du délire de persécution qu'elle présentait, A______ n'était pas en mesure de s'occuper de ses affaires ou d'assumer sa propre assistance personnelle, notamment sur le plan de l'hygiène et de l'alimentation, et se trouvait à la limite d'un placement à des fins d'assistance sur décision médicale, son état semblant s'être encore récemment aggravé.
A______, dont le droit de visite avec son fils avait été suspendu, se désintéressait par ailleurs de l'enfant.
Suite à quoi la décision querellée a été prononcée.
1. 1.1 Les décisions provisionnelles de l’autorité de protection peuvent faire l’objet d’un recours dans les dix jours à compter de leur notification (art. 445 al.3 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).
En vertu de l'art. 450 al. 2 CC, ont qualité pour recourir les personnes parties à la procédure (ch. 1). Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).
1.2 En l’espèce, le recours a été interjeté dans le délai et la forme utiles, par la personne concernée, de sorte qu’il est recevable.
2. La recourante reproche au Tribunal de protection d'avoir instauré une mesure de protection en sa faveur alors que les conditions n'en étaient pas réalisées, et d’avoir rendu une décision disproportionnée.
2.1. Les mesures prises par l'autorité de protection garantissent l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC). Elles préservent et favorisent autant que possible leur autonomie (art. 388 al. 2 CC).
A teneur de l'art. 389 al. 1 ch. 1 CC, l'autorité de protection de l'adulte ordonne une mesure de protection lorsque l'appui fourni à la personne ayant besoin d'aide par les membres de sa famille, par d'autres proches ou par des services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant. Cette disposition exprime le principe de la subsidiarité (art. 389 al. 1 ch. 1 CC).
Une mesure de protection de l'adulte n'est ordonnée par l'autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).
L’art. 389 al. 1 CC exprime le principe de la subsidiarité. Cela signifie que lorsqu’elle reçoit un avis de mise en danger, l’autorité doit procéder à une instruction complète et différenciée lui permettant de déterminer si une mesure s’impose et, dans l’affirmative, quelle mesure en particulier (HÄFELI, CommFam Protection de l’adulte, ad art. 89 CC, n. 10 et 11).
Selon l’art. 390 CC, l’autorité de protection de l’adulte institue une curatelle, notamment lorsqu’une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d’assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d’une déficience mentale, de troubles psychiques ou d’un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (ch. 1).
Aux termes de l'art. 445 al. 1 CC enfin, l'autorité de protection de l'adulte prend, d'office ou à la demande d'une personne partie à la procédure, toute les mesures provisionnelles nécessaires pendant la durée de la procédure. Elle peut notamment ordonner une mesure de protection de l'adulte à titre provisoire.
2.2 En l'espèce, comme l'a relevé le Tribunal de protection, la personne concernée souffre d'une maladie psychique en la forme d'une schizophrénie paranoïde, actuellement en décompensation, qui l'empêche de gérer et d'administrer ses affaires.
Il ressort également des éléments recueillis tant par le Tribunal de protection que par la Cour, que les médecins et les curateurs intervenants à la procédure considèrent le besoin de protection comme réalisé et le prononcé d'une mesure telle que celle instaurée comme nécessaire.
La médecin responsable du CAPPI ayant suivi la concernée a d'ailleurs déclaré et répété en audience du Tribunal de protection considérer que celle-ci n'était pas capable de discernement, ni pour la gestion de ses affaires, ni pour la gestion de ses soins médicaux.
Par conséquent, loin d'avoir violé la loi, le Tribunal de protection a prononcé la seule mesure opportune susceptible de sauvegarder, tant que faire se peut, les intérêts de A______.
Reste que, et indépendamment de la présente procédure, lorsque cette dernière aura pu être localisée à nouveau, la question du prononcé d'un placement à des fins d'assistance, tel que préconisé par le médecin, de manière à lui prodiguer les soins indispensables à son état, devra être examinée.
3. Vu le sort de la cause, les frais de la procédure, arrêtés à 400 fr., seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al.1 CPC).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé par A______ contre l'ordonnance DTAE/6991/2024 du 2 septembre 2024 rendue par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/4780/2022.
Au fond :
Le rejette.
Sur les frais:
Arrête les frais judiciaires de recours à 400 fr., les met à la charge de A______.
Condamne en conséquence A______ à verser la somme de 400 fr. à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du pouvoir judiciaire.
Siégeant :
Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président ; Madame Paola CAMPOMAGNANI et Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges ; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.