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Décisions | Chambre de surveillance

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C/3589/2023

DAS/169/2024 du 25.07.2024 sur DTAE/1630/2024 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3589/2023-CS DAS/169/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 25 JUILLET 2024

 

Recours (C/3589/2023-CS) formé en date du 15 avril 2024 par Madame A______, domiciliée ______ [GE], et par Monsieur B______, domicilié ______ [GE], tous deux représentés par Me Marc BELLON, avocat..

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 25 juillet 2024 à :

- Madame A______
Monsieur B______
c/o Me Marc BELLON, avocat
Rue Pierre-Fatio 12, 1204 Genève.

- Maître C______
______, ______ [GE].

- Monsieur D______
Madame E______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. A______ et B______ sont les parents de F______, née le ______ 2007, et de G______, né le ______ 2011.

Leur divorce a été prononcé par jugement du Tribunal de première instance du 12 janvier 2022. Les parents assument la garde de leurs enfants de manière alternée et exercent l'autorité parentale en commun.

B. a) Le 22 février 2023, le Service de protection des mineurs a signalé la situation de l'enfant F______ au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection), en préconisant d'instaurer une curatelle d'assistance éducative, ainsi qu'une curatelle de représentation de la mineure en matière de santé, assortie d'une limitation correspondante de l'autorité parentale, aux fins d'assurer la mise en place d'un suivi thérapeutique qui réponde à ses besoins et de permettre son orientation vers des spécialistes professionnels à même de l'aider à répondre à ses questionnements au sujet de son identité de genre, tout en s'assurant de sa capacité de discernement à toutes les étapes de ce processus, et de lui désigner un curateur de représentation d'office dans la présente procédure.

C______, avocate, a été désignée comme curatrice de représentation de l'enfant le 27 février 2023.

Par ordonnance rendue sur mesures provisionnelles le 31 mars 2023, le Tribunal de protection a instauré une curatelle d'assistance éducative, exercée par le Service de protection des mineurs.

b) Le 17 avril 2023, les curateurs chargés de l'assistance éducative ont informé le Tribunal de protection que l'adolescente les avait contactés le 4 avril 2023 pour se plaindre de la situation extrêmement pesante aux domiciles de ses deux parents et exprimer son souhait de pouvoir intégrer un foyer. La psychologue de son école avait exprimé son inquiétude, craignant un acte suicidaire de l'enfant, qui a été hospitalisée le ______ avril 2023 au sein de l'Unité N______, prenant en charge les adolescents en crise suicidaire, des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG).

Par ordonnance du 24 avril 2023 sur mesures provisionnelles, le Tribunal de protection a, notamment, retiré aux parents la garde et le droit de déterminer le lieu de résidence de leur enfant F______, ordonné son placement immédiat au sein du Foyer H______, ordonné la poursuite régulière du suivi thérapeutique de la mineure, ordonné la mise en place d'un suivi médical global de celle-ci, fait instruction aux intéressés de poursuivre la thérapie familiale en cours, confirmé la curatelle d'assistance éducative existante, instauré une curatelle ad hoc en matière médicale, aux fins de représenter la mineure en matière de santé, en particulier pour assurer la mise en place de suivis appropriés sur les plans médical et thérapeutique de celle-ci dans des lieux de consultation permettant une prise en charge globale de la mineure.

L'enfant a été admise au Foyer H______ le 24 avril 2023. Selon l'équipe éducative, l'adolescente s'était bien adaptée, avait noué de bons liens avec les adultes et les autres résidents, et la collaboration avec les parents était bonne. Selon le Service de protection des mineurs (SPMi), le placement de leur protégée en foyer avait permis de parvenir à un certain apaisement. La curatrice d'office de la mineure a confirmé au Tribunal de protection que sa protégée ressentait un réel apaisement depuis son placement.

c) Par nouvelle ordonnance provisionnelles rendue le 10 mai 2023, le Tribunal de protection a, notamment, maintenu le retrait à A______ et B______ de la garde et du droit de déterminer le lieu de résidence de leur enfant F______, ordonné son placement au sein d'un foyer moyen-long terme et maintenu son placement auprès du Foyer H______ dans l'intervalle, ordonné la poursuite régulière du suivi thérapeutique de F______, confirmé la curatelle d'assistance éducative et confirmé la curatelle ad hoc en matière médicale, aux fins de la représenter en matière de santé, pour assurer la mise en place de bilans et de suivis appropriés sur les plans médical et thérapeutique de celle-ci.

Les parents ont recouru contre cette ordonnance.

d) Deux rapports médicaux ont été établis par les HUG à la demande du Tribunal de protection, le premier en date du 27 juin 2023 par les Dres I______, médecin ______ [fonction] et J______, médecin ______ [fonction] de l'Unité N______, Service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent aux HUG, dans lequel ces médecins ont indiqué respecter la demande de l'enfant d'être genrée au masculin et d'utiliser le prénom K______, précisant que l'enfant avait été hospitalisée durant quinze jours dans l'unité prenant en charge les adolescents en crise suicidaire. Ses idées suicidaires n'étaient pas réapparues. Il était indispensable que l'enfant poursuive un travail psychothérapeutique. Un soutien de la famille et une thérapie systémique étaient vivement recommandés. Les précautions à prévoir afin d'éviter une péjoration de son état et du poids des conflits au sein de la famille sur l'enfant nécessitaient un travail plus conséquent, éventuellement sous forme d'une expertise psychiatrique.

Le second rapport, établi le 4 août 2023 par le Dr L______, médecin ______ [fonction] de l'Unité O______ - Consultation ambulatoire de la santé des adolescents et jeunes adultes mentionnait que l'adolescente avait eu une première consultation avec ses parents à l'Unité P______ le 28 mai 2021, sur proposition de son pédiatre, puis le 13 juillet 2021 et que le suivi avait été arrêté malgré la proposition de les revoir en septembre. La famille avait alors été adressée pour une évaluation d'une dysphorie de genre au Dr M______, ______ [fonction] au Service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, pédopsychiatre ayant une expertise dans l'identité de genre à l'adolescence. Ce médecin avait reçu l'enfant avec ses parents du 23 août 2021 au 17 septembre 2021 à quatre reprises. Le rendez-vous suivant n'avait pas été honoré et la famille n'avait plus repris contact. Deux ans plus tard, le Dr L______ avait revu la famille le 31 mai 2023 sur demande de l'intervenante en protection du Service de protection des mineurs, puis l'adolescente seule le 11 juillet 2023. Ce suivi avait à nouveau été interrompu par les parents le 12 juillet 2023. Le 28 juillet 2023, l'enfant s'était présentée pour demander la poursuite de son suivi médical contrairement à l'avis de ses parents. Selon le Dr L______, sa démarche démontrait une capacité entière concernant ce suivi, tout en relevant que la capacité concernant un éventuel traitement hormonal, qui était un autre objet et qui était plus complexe, n'avait pas été établie. Un suivi médical permettant d'établir un diagnostic n'avait ainsi pas été possible, malgré la deuxième tentative soutenue par le Service de protection des mineurs.

S'agissant de manière plus générale de la prise en charge de jeunes transgenres, non-binaires ou en questionnement concernant leur identité de genre, le Dr L______ a relevé qu'une telle prise en charge nécessitait un suivi régulier interdisciplinaire. La mise en place d'un suivi de médecine de l'adolescence et de pédopsychiatrie permettait d'explorer les besoins de chaque jeune faisant cette demande et de sa famille, et d'aboutir à un diagnostic formel de dysphorie de genre. A la fin de ce processus, il existait une variété de demandes personnalisées: pour certaines personnes, seule une transition sociale était importante, pour d'autres des mesures de changements corporelles non médicales et pour d'autres une opération chirurgicale après la majorité ou encore un traitement hormonal. Ce processus prenait habituellement de nombreux mois avec des consultations régulières et requérait la participation des parents pour les mineurs. Dans l'éventualité d'une demande de traitement hormonal masculinisant, il était complété par une évaluation d'un endocrinologue. La compréhension approfondie du traitement, des conséquences à court et long terme, et la capacité de discernement en lien avec chaque décision de traitement médical était évaluée par deux médecins, un pédopsychiatre et un pédiatre spécialiste de l'adolescence. Une préservation de la fertilité était systématiquement proposée. En l'absence de contre-indication, le consentement éclairé était ensuite validé par l'endocrinologue pédiatre durant plusieurs consultations. L'intégration des autres éléments pertinents à cet égard était faite par l'équipe interdisciplinaire. La demande du jeune pour un traitement hormonal était ensuite présentée à un comité de médecins experts des HUG, le Comité interdisciplinaire des diversités de genre, qui évaluait si le processus était fait de manière adéquate et en suivant les recommandations scientifiques en vigueur. Ce comité acceptait ou non la demande du patient. Un avis du Conseil d'éthique clinique des HUG était demandé dans les situations problématiques ou sans consensus. Les HUG n'entraient en matière pour ce type de traitement qu'à partir de l'âge de seize ans et uniquement avec l'accord des représentants légaux.

S'agissant de cette enfant en particulier, le Dr L______ a relevé qu’elle se décrivait comme un jeune homme transgenre ayant fait la demande du processus d'évaluation pouvant aboutir à un traitement hormonal par testostérone. Sur la base du dossier médical, le diagnostic de dysphorie de genre était probable mais l'évaluation n'avait pas pu être finalisée. Pour qu'un diagnostic de dysphorie de genre puisse être établi dans les règles de l'art, la participation de la jeune et de ses parents était centrale. L'équipe médicale n'avait pas rencontré de situation avec aussi peu de participation des parents.

Si un processus de changement de genre devait être initié pour cette patiente, les différentes étapes seraient les suivantes: tout d'abord, une participation suffisant à l'évaluation de la jeune et de sa famille était indispensable; ensuite, dans l'éventualité d'une persistance de la demande de traitement hormonal masculinisant avec un diagnostic de dysphorie de genre dûment posé, une capacité de discernement entière à cet égard et l'accord des représentants légaux, les besoins médicaux pour un jeune étaient habituellement d'une consultation par semaine ou par quinzaine chez un psychothérapeute, une consultation de médecine de l'adolescence par mois, une consultation infirmière pour les injections mensuelles et une consultation d'endocrinologie par trimestre. Une scolarisation normale pouvait ainsi être poursuivie avec ce suivi. On observait souvent une amélioration de l'état de santé général des jeunes transgenres avec un traitement hormonal, chez ceux qui en avaient fait la demande et y avaient accédé après ce processus rigoureux. La prise d'hormones ne prévenait en revanche pas contre les facteurs de crises à l'adolescence, en particulier dans une situation familiale compliquée.

Sur la question de savoir quelles étaient les conséquences sur le plan médical d'un report de la décision de changement de genre de quelques mois ou années, le médecin a expliqué qu'il convenait de prendre en compte le fait que les jeunes transgenres avaient un risque suicidaire nettement plus élevé que la population du même âge, que la dysphorie, soit la souffrance associée à leur corps pouvait aggraver les souffrances adolescentes, et que, pour certains jeunes, le traitement permettait de diminuer ce risque. Il a relevé encore que les HUG ne débutaient pas de traitement hormonal chez une personne mineure sans un minimum de cadre offrant sécurité et stabilité, ni lors d'une crise, et uniquement avec l'accord des représentant légaux.

e) Par arrêt du 10 octobre 2023 (DAS/233/2023), la Cour a rejeté le recours; tant le placement de l'enfant que les curatelles ordonnées étaient dans son intérêt.

C. a) En date du 9 novembre 2023, à la demande de la curatrice de représentation et dans le but de procéder aux démarches prévues par l'art. 30b CC d’un changement de sexe et de prénom par devant l'Officier d'état civil, le Tribunal de protection a imparti aux parents un délai au 23 novembre 2023 pour remettre à la curatrice de l'enfant ses papiers d'identité.

Les parents n'ont pas respecté ledit délai. En date du 9 décembre 2023, ils ont déclaré s'opposer à ladite remise et ont requis, notamment, que soit ordonnée l'expertise psychiatrique de leur enfant, aux fins de déterminer si celle-ci jouit de la capacité de discernement nécessaire à prendre la décision qu'elle souhaite.

Par courrier du 21 décembre 2023, la curatrice de l'enfant a, après avoir rappelé que celle-ci suivait une thérapie individuelle, conclu à ce qu'une injonction formelle sous la menace de la peine de l'art. 292 CP soit adressée aux parents de lui restituer les documents d'identité de la mineure.

Le Tribunal de protection a tenu une audience le 28 février 2024, lors de laquelle les positions des parties et des divers intervenants entendus sont restées chrystallisées, chacun persistant dans ses propres conclusions. A l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

b) Par ordonnance du 28 février 2024 (DTAE/1630/2024), communiquée aux parties pour notification le même jour, le Tribunal de protection a ordonné à A______ et B______ de déposer au Service de protection des mineurs la carte d'identité suisse de leur enfant F______ (K______), née le ______ 2007, ce dans un délai de dix jours ouvrables à compter de la communication de la décision (ch. 1 du dispositif), précisé que ladite injonction était notifiée aux parents sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, dont la teneur a été rappelée, et constaté que le consentement des père et mère à l'accomplissement de la démarche d'état civil envisagée par la mineure F______ (K______) en application de l'art. 30b al. 1 CC n'était pas nécessaire (ch. 2), déclaré son ordonnance immédiatement exécutoire (ch. 3) et débouté en l'état les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

En substance, le Tribunal de protection a retenu que la mineure, âgée de plus de 16 ans et capable de discernement, pouvait effectuer seule les démarches visées par l'art. 30b CC, les parents devant se voir instruire sur la base de l'art. 307 al. 3 CC de prêter leur concours à cette volonté par la remise à l’enfant de ses documents d'identité.

c) Par acte du 14 avril 2024, B______ et A______ ont recouru contre cette ordonnance, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au Tribunal de protection afin de compléter l'instruction par l'obtention de rapports médicaux, notamment et aux fins d'ordonnance d'une expertise psychiatrique de l'enfant dans le but de déterminer sa capacité de discernement dans le cadre de la décision de requérir un changement de sexe.

Préalablement, ils ont requis la restitution de l'effet suspensif à leur recours.

d) Par décision DAS/94/2024 du 23 avril 2024, la Cour a restitué l'effet suspensif au recours, notamment à défaut d'urgence à la mise en œuvre de la décision attaquée.

e) En date du 13 mai 2024, la mineure a répondu au recours concluant à son rejet, sous suite de frais.

En substance, elle expose être pleinement capable de discernement et parfaitement au clair sur ses choix depuis plusieurs années. Par ailleurs, remplissant toutes les conditions prévues par la loi, elle n'a pas besoin d'obtenir le consentement de ses parents pour procéder par devant l'Officier d'état civil.

f) Le SPMi ne s'est pas déterminé.

g) Le 15 juin 2024, les recourant ont répliqué, persistant dans leur recours.

h) le 9 juillet 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Les dispositions de la procédure devant l’autorité de protection de l’adulte sont applicables par analogie aux mesures de protection de l’enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l’autorité de protection peuvent faire l’objet d’un recours (art. 450 al. 1 CC) dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 52 al. 1 LaCC), par les personnes parties à la procédure et les proches, notamment (art. 450 al.2 ch.1 et 2 CC).

En l’espèce, le recours a été formé dans le délai utile, selon les formes prescrites, par des proches de la personne concernée, de sorte qu’il est recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2.  Autant qu'on les comprenne sur ce point, les recourants se plaignent de ce que le Tribunal de protection aurait pris, sous couvert de mesures de protection, une décision contraire à l'intérêt de leur enfant, de sorte qu'ils devraient eux-mêmes protéger celle-ci contre elle-même, respectivement contre le Tribunal de protection. Telle serait la raison pour laquelle ils refusent de lui remettre ses pièces d'identité.

Ils font reproche en outre au Tribunal de protection de ne pas avoir fait application directe de l'art. 11 Cst. féd., postulant d'une part, une inconstitutionnalité de la loi (art. 30b CC) et, d'autre part, l'absence de capacité de discernement de leur enfant à prendre la décision de requérir un changement d'état civil.

Enfin, ils reprochent au Tribunal de protection une violation de leurs droits de la personnalité et invoquent à leur profit l'art. 29 al. 1 lit. c de la Convention de New-York relative aux droit de l'enfant (RS 0.107), au motif que le refus du Tribunal de protection d'examiner la capacité de discernement de l'enfant conduirait potentiellement, si la modification voulue par l'enfant était portée dans les registres, à une "destruction de la famille".

2.1.1 Selon l'art. 14 CC, la majorité est fixée à 18 ans révolus.

L'art. 296 al. 2 CC stipule que l'enfant est soumis, pendant sa minorité, à l'autorité parentale conjointe de ses père et mère.

Selon l'art. 301 al.1 CC, les père et mère déterminent les soins à donner à l'enfant, dirigent son éducation en vue de son bien et prennent les décisions nécessaires, sous réserve de sa propre capacité.

En outre, selon l'art. 304 al.1 CC, les père et mère sont, dans les limites de leur autorité parentale, les représentants légaux de leurs enfants à l'égard des tiers.

Aux termes de l'art. 305 al. 1 CC l'enfant capable de discernement soumis à l'autorité parentale peut s'engager par ses propres actes dans les limites prévues par le droit des personnes et exercer ses droits strictement personnels.

Selon l’art. 307 al. 3 CC, l’autorité de protection peut rappeler les père et mère à leurs devoirs, donner des indications ou instructions relatives aux soins, à l’éducation et à la formation de l’enfant (…).

2.1.2 Selon l'art. 30b CC, entré en vigueur le 1er janvier 2022, toute personne qui a la conviction intime et constante de ne pas appartenir au sexe inscrit dans le registre de l'état civil peut déclarer à l'officier de l'état civil vouloir une modification de cette inscription (al. 1). La personne qui fait la déclaration peut faire inscrire un ou plusieurs nouveaux prénoms dans le registre (al. 2). Le consentement du représentant légal est nécessaire : 1. si la personne qui fait la déclaration est âgée de moins de 16 ans révolus, 2. si la personne (…) est sous curatelle de portée générale, ou 3. si l'autorité de protection en a décidé ainsi (al. 4).

La déclaration doit être reçue par l'officier d'état civil, n'importe où en Suisse. Elle doit être faite personnellement par le requérant. Le but de la comparution personnelle est de vérifier l'identité de la personne et sa capacité de discernement. S'agissant de cette dernière, présumée, elle doit être néanmoins vérifiée par l'officier d'état civil, lequel peut exiger la production d'un certificat médical, en cas de doute (Montini, CR-CC I, 2024, ad art. 30b, nos 4, 5 et 16). La déclaration n'est soumise à aucune autre condition que celles prévues par l'art. 30b CC (Montini/Graf-Gaiser, Balser Komm., 2022, ad art. 30b, no 13).

Pour les mineurs de moins de 16 ans, le consentement du représentant légal est requis. Pour les mineurs de plus de 16 ans, capables de discernement, tel n'est pas le cas (Montini, op.cit. no 18).

La décision relative à sa propre identité est un droit strictement personnel (Montini/Graf-Gaiser, op. cit. no 31).

2.1.3 Enfin, aux termes de l'art. 11 de la Constitution fédérale, les enfants et les jeunes ont droit à une protection particulière de leur intégrité et à l’encouragement de leur développement (al. 1). Ils exercent eux-mêmes leurs droits dans la mesure où ils sont capables de discernement (al. 2).

2.2 En l'espèce, la décision du Tribunal de protection ne vise qu'à ordonner aux parents de la mineure concernée de lui remettre ses papiers d'identité et constate que le consentement de ceux-ci n'est pas nécessaire aux démarches qu'elle souhaite effectuer, la capacité de discernement de l'enfant sur ce point ressortant du dossier de manière non équivoque.

Comme il a été rappelé ci-dessus, en droit civil positif suisse, l'enfant est soumis durant sa minorité, soit jusqu'à ses 18 ans révolus, à l'autorité parentale de ses père et mère. Cela étant, l'enfant capable de discernement peut exercer seul ses droits strictement personnels. Dans le cas spécifique de la déclaration relative au sexe à l'officier d'état civil, la loi stipule que le consentement des parents n'est pas nécessaire lorsque l'enfant capable de discernement a plus de 16 ans révolus. Il s'agit-là d'un choix du législateur. Comme vu plus haut également, la capacité de discernement est présumée. Dans les cas précis de déclarations selon l'art. 30b CC, le contrôle de cette capacité de discernement est effectué d'office par l'officier d'état civil. Il s'agit-là également d'un choix du législateur.

Quelle que soit l'appréciation que l'on puisse faire des choix du législateur en la matière, la loi est en vigueur depuis le 1er janvier 2022 et elle a vocation à être appliquée.

Ceci étant dit, l'on ne constate aucune violation de ladite loi par le Tribunal de protection. On rappelle que celui-ci s'est contenté d'ordonner, pour que l'enfant puisse exercer ses droits strictement personnels, à ses parents qui s'y refusent, de lui remettre ses documents d'identité. Il s'agit-là d'une mesure proportionnée, fondée sur l'art. 307 al. 3 CC, qui évite de devoir restreindre le cas échéant leur autorité parentale pour que l'enfant puisse demander l'émission de nouveaux documents d'identité à ces fins.

La Cour rappelle également aux recourants que la déclaration auprès de l'officier d'état civil n'est qu'un acte administratif sans rapport aucun avec les interventions physiques qu'ils dénoncent et qui ne peuvent être mises en œuvre qu'à l'issue d'un long processus dont il n'est pas question dans la présente procédure et qui ne semble pas encore complètement engagé à teneur de dossier. La déclaration visée n'a pas ipso facto un caractère définitif, en ce sens que, si la personne concernée décide de la révoquer ultérieurement, elle le peut, à défaut de disposition contraire.

Les recourants se méprennent donc lorsqu'ils considèrent que le Tribunal de protection aurait dû, parce qu'ils le requièrent, appliquer directement et conformément à l'interprétation qu'ils en font, la Constitution fédérale pour mettre en échec la disposition de l'art. 30b CC. Ni le Tribunal de protection, ni la Cour, pas plus que le Tribunal fédéral d'ailleurs, n'ont compétence pour examiner la constitutionnalité des lois fédérales. Dès lors, l’invocation tant de l'application directe de normes constitutionnelles, à laquelle les individus n'ont pas de droit, que la constatation d'une éventuelle inconstitutionnalité de la loi ne leur sont d'aucun secours.

De même ne peuvent-ils pas prétendre à une application directe de la Convention de New-York relative aux droits de l'enfant. Quoiqu'il en soit, leur argumentation, dans laquelle ils font valoir des droits propres et non les droits de l'enfant, sujet de la protection, est fondée sur des conjectures et des prémisses fausses, puisque comme rappelé ci-dessus la déclaration à l'officier d'état civil n'est pas en lien avec d'éventuelles modifications physiques ultérieures lesquelles ne font pas l'objet de la procédure.

Dès lors et en définitive, le recours doit être rejeté intégralement.

3.  S'agissant de mesures de protection de l'enfant, la procédure est gratuite (art. 81 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 22 avril 2024 par A______ et B______ contre l'ordonnance DTAE/1630/2024 rendue le 28 février 2024 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/3589/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.