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Décisions | Chambre de surveillance

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C/6234/2022

DAS/129/2024 du 05.06.2024 sur DTAE/5718/2023 ( PAE ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6234/2022-CS DAS/129/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 5 JUIN 2024

 

Recours (C/6234/2022-CS) formé en date du 1er septembre 2023 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), représentée par Me Sara PEREZ, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 6 juin 2024 à :

- Madame A______
c/o Me Sara PEREZ, avocate
Route de Chêne 30, 1211 Genève 6.

- Madame B______
Monsieur C
______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a) Le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a reçu en date du 25 mars 2022 un signalement du service de la cohésion sociale de la Commune de D______ [GE], lequel estimait nécessaire l’instauration de mesures de protection en faveur de A______, née le ______ 1968, et de son époux, E______, né le ______ 1956.

Il ressortait du signalement que les époux A______/E______ vivaient depuis de nombreuses années dans un logement insalubre et très encombré, nécessitant l’intervention urgente d’une entreprise de nettoyage. Le couple avait expliqué, lors de la première visite du service en juillet 2019, avoir des ennuis de santé les empêchant de sortir leurs poubelles et de débarrasser des affaires. Depuis lors, les différentes interventions du service avaient mis en évidence les difficultés des intéressés tant à assainir eux-mêmes leur logement, qu’à collaborer avec le réseau mis en place pour le désencombrer et le rendre sûr.

A______ se trouvait dans une situation très préoccupante avec une mise en danger de sa santé physique et psychique. Les époux A______/E______ semblaient souffrir tous deux du syndrome de Diogène et, en l’absence de suivi médical régulier, cette problématique ainsi que leurs autres ennuis de santé semblaient s’aggraver. L’intervention du service signalant avait atteint ses limites dans la mesure où les intéressés, fragilisés émotionnellement, refusaient toutes les prestations proposées pour leur venir en aide.

b) A réception de ce signalement, le Tribunal de protection a ouvert une procédure en faveur de chacun des époux.

c) A______ n’a déposé aucun mandat pour cause d’inaptitude et n’est pas aidée par l’Hospice général. Elle fait l’objet, dans le canton de Genève, de deux poursuites pour un total de 12'410 fr. 55, ainsi que de septante trois actes de défaut de biens totalisant la somme de 96'928 fr. 43, selon un extrait de poursuites du 7 avril 2022.

A______ est au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité depuis le 1er septembre 2021 et de prestations complémentaires depuis le 1er octobre 2021.

d) Le Tribunal de protection a désigné F______, avocate, en qualité de curatrice d’office de A______, pour la représenter dans la procédure ouverte à son égard.

e) Dans ses observations du 13 juin 2022, la curatrice d’office a rapporté que la situation financière de sa protégée était extrêmement précaire puisque le couple avait pour seules ressources les prestations AVS/AI respectives et la rente de deuxième pilier de E______, ressources qui couvraient à peine leurs besoins vitaux. Le couple ne disposait d’aucune fortune, vivait isolé socialement et avait rompu le contact avec leurs enfants respectifs depuis de nombreuses années.

A______, qui gérait les affaires courantes et le quotidien du couple, ne parvenait plus à assumer l'administratif, l’entretien du ménage et la supervision de l’état de santé de son époux. Tous deux avaient un nombre important de poursuites et d’actes de défaut de biens, l’époux faisant également l’objet d’une saisie mensuelle de 650 fr. en faveur de l’administration fiscale, ce qui péjorait davantage leur situation, et l’appartement du couple demeurait dans un état de délabrement important. Le couple A______/E______, qui bénéficiait de revenus à hauteur de 56'802 fr. par an, avait dépensé la somme de 69'360 fr. en une année.

Sur le plan médical, sa protégée souffrait de graves problèmes de santé et d’une mobilité réduite. Le Dr G______, médecin généraliste, avait confirmé qu’elle conservait sa capacité de discernement et que son état ne justifiait pas d’être placée sous curatelle. La curatrice était donc d’avis qu’il importait de préserver autant que possible la liberté de décision de sa protégée et que l’institution d’une curatelle en faveur de son époux lui permettrait de disposer du temps nécessaire à sa réinsertion socio-professionnelle, propre à favoriser son indépendance économique et à améliorer la situation financière et sociale du couple.

Le certificat médical du Dr G______ annexé au rapport précisait que A______ présentait notamment un état dépressif chronique avec troubles anxieux, un probable syndrome de Diogène et plusieurs problématiques somatiques. L’intéressée prenait un traitement à base d’antidépresseurs, qu’elle estimait inefficace.

f) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 29 juin 2022.

A______ a indiqué souffrir d’une perte de mobilité et d’importants problèmes de dos à la suite d’une agression commise par ses voisins, neuf ans plus tôt. Elle consultait le Dr G______ pour la prescription de ses antidouleurs mais n’était pas suivie régulièrement sur le plan médical. Son état nécessitait une "opération des nerfs sciatiques" et elle était prête à s’y résoudre si une aide pouvait être mise en place pour son époux pendant son absence, afin qu’il ne reste pas seul. Elle avait des dettes mais en ignorait le montant. Elle n’avait pas rempli de déclaration fiscale du fait que son époux refusait qu’elle intervienne dans quelque domaine que ce soit, alors que cela péjorait leur situation. Tous deux parvenaient à couvrir leurs charges, à l’exception des primes d’assurance-maladie, précisant qu’elle avait pris l’habitude de faire des cessions de créances auprès des médecins. La régie leur avait envoyé une menace de résiliation de bail en décembre 2021. Leur appartement était toujours encombré et, en raison du syndrome de Diogène dont souffrait son époux, elle peinait à faire le ménage nécessaire afin de le rendre salubre. Elle était favorable à une nouvelle intervention à domicile d'entreprise de nettoyage "plus coopérative" ainsi que d'une aide au ménage à raison d’une fois par semaine. Elle commandait les courses alimentaires sur internet. Elle n’était pas en mesure de travailler, restait en attente d’un certificat d’incapacité de travail de la part du Dr G______ et était d’accord d’avoir de l’aide afin d’entreprendre des démarches auprès de l’Office de l’assurance-invalidité pour tenter d'augmenter son taux d’invalidité.

E______ a indiqué avoir délaissé la gestion de ses affaires administratives et financières ainsi que l’établissement des déclarations d’impôts, qu’il ne remettait pas à son épouse, admettant que le fait d’être taxé d’office prétéritait leur situation. Il a confirmé que ses rentes AVS et LPP étaient insuffisantes; il ne parvenait pas à payer ses primes d’assurance-maladie, lesquelles étaient prises en charge par le Service des prestations complémentaires à raison de deux tiers et il faisait l’objet d’une saisie sur sa rente de deuxième pilier. Le loyer de l’appartement était payé par ordre permanent. Ils n’avaient pas reçu de menace de résiliation de bail en raison des nuisances sonores que la régie leur avait reprochées, les reproches formulés étant faux. Leur appartement demeurait encombré, malgré les quelques efforts qu’il avait faits pour améliorer la situation. Il n’avait pas recherché d’autres entreprises de nettoyage après avoir été insatisfait des prestations de la première.

H______, assistante sociale à l’origine du signalement, a indiqué qu’elle n’avait plus de contacts avec les époux A______/E______ depuis sa dernière intervention, soit lorsque ces derniers avaient reçu la facture de l’entreprise de nettoyage, et après avoir constaté que l’état de leur appartement demeurait quasiment identique, seule la cuisine ayant été désencombrée.

La curatrice d’office a indiqué que la situation de la concernée et de son époux nécessitait une prise en charge dans les domaines administratif, patrimonial et médical. Si A______ s’occupait de certains aspects administratifs, elle n’était pas en mesure de tout gérer pour le couple en raison de ses propres problèmes de santé et du manque de collaboration de son époux. Il convenait de l’en décharger afin qu’elle puisse prendre soin d’elle.

Le Tribunal de protection a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles à l’issue de l’audience.

g) Par ordonnance du 29 juin 2022 (DTAE/5669/2022), le Tribunal de protection a, statuant sur mesures provisionnelles, institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______, désigné deux intervenants en protection de l’adulte aux fonctions de curateurs, avec pouvoir de substitution entre eux, confié aux curateurs les tâches de la représenter dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes, veiller à son bien-être social et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre, veiller à son état de santé et mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, la représenter dans le domaine médical, autorisé les curateurs à prendre connaissance de sa correspondance, dans les limites du mandat, ainsi qu’à pénétrer dans son logement, si nécessaire, avec le concours de la Police.

h) La Chambre de surveillance a rejeté le recours formé par A______ contre cette ordonnance (DAS/92/2023).

i) Par courrier du 26 juillet 2022, le Dr G______ a indiqué avoir eu en consultation à deux reprises A______ au domicile de celle-ci et avoir eu plusieurs entretiens téléphoniques avec elle, en raison, selon elle, de l'inefficacité des traitements antidépresseurs prescrits. Il lui avait conseillé de prendre contact avec le Dr I______, psychiatre, ce qu'elle ne semblait pas avoir fait. Sa patiente était capable de comprendre ses problèmes de santé mais il avait des doutes sur sa compliance médicamenteuse et son hygiène de vie.

j) La curatrice d’office de A______ a requis, par pli du 31 janvier 2023 du Tribunal de protection que la curatelle de sa protégée soit levée ou réduite. Sa protégée avait trouvé, par ses propres moyens, un nouveau médecin pour elle-même et son époux. Le couple A______/E______ se plaignait d’un manque de collaboration avec leurs curateurs, invoquant le non-paiement de factures, et leur avait interdit l’accès à leur logement.

k) Les curateurs du SPAd ont informé le Tribunal de protection, par courrier du 17 février 2023, que les factures du couple étaient payées et à jour, les rappels qu’ils avaient reçus correspondant à la période transitoire. Le nettoyage de l’appartement n’avait pas pu être effectué en raison du manque de collaboration du couple, qui dénigrait les démarches entreprises par les curateurs.

l) Le 20 avril 2023, A______ a adressé au Tribunal de protection un courrier, contresigné par son époux, sollicitant la mainlevée des mesures de curatelle les concernant. Elle exposait que la communication avec les curateurs était difficile, ceux-ci ne prenant pas en compte leurs demandes; ils n'avaient de même pas entrepris les démarches sollicitées par le Tribunal de protection, le désencombrement de leur logement ayant été interrompu. Elle considérait que leurs revenus n’étaient pas gérés de manière adéquate. Ils avaient attendu plus d’un mois la réponse de leur curatrice pour l’achat d’un nouveau réfrigérateur, le leur étant hors d’usage. L’instauration de la mesure avait eu des conséquences néfastes sur leur état de santé, ayant même réactivé le stress post traumatique qu’ils avaient subi quelques années auparavant à la suite d’une agression. Ils avaient tous deux perdu du poids (plus de 30 kg pour l'épouse et 20 kg pour l'époux) entre septembre 2022 et avril 2023 et développé de nombreux symptômes, qu'ils mettaient en lien avec le prononcé de la curatelle, qui les stressait beaucoup.

B.            Par ordonnance DTAE/5718/2023 du 14 juin 2023, le Tribunal de protection a confirmé la curatelle de représentation et de gestion instituée par ordonnance provisionnelles du 29 juin 2022 en faveur de A______ (ch. 1 du dispositif), confirmé les deux intervenants en protection de l’adulte, d’ores et déjà institués aux fonctions de curateurs de la concernée, avec pouvoir de substitution l’un à l’égard de l’autre (ch. 2), confié aux curateurs les tâches de représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, de gérer ses revenus et biens et d’administrer ses affaires courantes, de veiller à son bien-être social et de la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre, ainsi que de veiller à son état de santé, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, de la représenter dans le domaine médical (ch. 3), autorisé les curateurs à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites de son mandat, et, si nécessaire, à pénétrer dans son logement avec le concours de la Police (ch. 4) et laissé les frais à la charge de l’Etat.

En substance, il a retenu que A______ souffrait d’un syndrome de Diogène, d’un état dépressif chronique ainsi que de nombreuses pathologies somatiques, lesquels étaient constitutifs d’un état de faiblesse au sens de la loi, l’empêchant de sauvegarder ses intérêts juridiques et financiers comme le démontraient ses nombreuses dettes. Outre ces problématiques, la concernée avait besoin d’être encadrée, mobilisée et assistée dans les démarches nécessaires au désencombrement de l’appartement conjugal. S’agissant du volet médical, si elle semblait comprendre les problèmes de santé dont elle souffrait, elle ne paraissait pas en mesure de suivre un traitement médicamenteux de manière régulière et de respecter une hygiène de vie conforme à ses pathologies.

C.           a) Par acte expédié le 1er septembre 2023 au greffe de la Chambre de surveillance de la Cour de justice, A______, représentée par sa curatrice d’office, a formé recours contre cette ordonnance, qu’elle a reçue le 2 août 2023. Elle a conclu, préalablement, à l’octroi d’un délai pour compléter le recours et, principalement, à la modification des chiffres 3 et 4 du dispositif de l’ordonnance en ce sens qu’il convenait de confier aux curateurs uniquement les tâches de la représenter dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques et d’autoriser les curateurs à prendre connaissance de sa correspondance, dans les limites du mandat.

Elle a produit des pièces nouvelles, soit notamment un courriel du Dr G______ du 31 mai 2023, à l'attention de la curatrice d'office des époux et en réponse à ses questions, précisant que les époux A______/E______ possédaient leur capacité de discernement, ne souffraient ni de troubles psychiques, ni de déficience mentale, ni d'un état de faiblesse pouvant affecter leur condition personnelle, ainsi qu'un courriel du 1er septembre 2023 du Dr J______, médecin généraliste, précisant avoir repris le suivi médical de A______ suite au départ à la retraite du Dr G______; celle-ci l'avait consulté en présentiel les 16 janvier et 5 juin 2023, puis, par téléphone, à plusieurs reprises pour des renouvellements d'ordonnances, dans un contexte psycho-social complexe avec trouble anxio-dépressif et lombalgies chroniques, sous traitement au long cours à dosage stable. Son état anxio-dépressif s’était majoré en juin 2023, en réaction, selon la patiente, à la décision de curatelle rendue par le Tribunal de protection. Son traitement avait été adapté mais elle n’avait pas souhaité de consultation psychiatrique. Sur le plan médical, la situation était stable dans son ensemble, hormis l’exacerbation de juin 2023. La situation psycho-sociale et socio-économique du couple était au premier plan, avant les problématiques médicales et somatiques. L'impact psychique des décisions juridiques était potentiellement délétère à moyen-long terme pour A______, respectivement pour le couple.

b) Le Tribunal de protection n’a pas souhaité faire usage des prérogatives de l’art. 450d CC.

c) Dans ses déterminations du 19 octobre 2023, la curatrice de A______ auprès du SPAd a précisé que sa protégée était suivie sporadiquement par le Dr J______. Elle pensait plus judicieux que celle-ci puisse avoir un suivi psychiatrique de manière régulière. Elle s’en rapportait à justice pour le surplus.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l’autorité de protection peuvent faire l’objet d’un recours (art. 450 al. 1 CC) dans les trente jours à compter de leur notification (art. 450b CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).

En vertu de l'art. 450 al. 2 CC, ont qualité pour recourir les personnes parties à la procédure (ch. 1), les proches de la personne concernée (ch. 2) et les personnes qui ont un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (ch. 3).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

1.2 En l’espèce, le recours a été interjeté dans le délai et la forme utiles, par la personne concernée par la mesure, dans le délai légal, de sorte qu’il est recevable.

1.3 L'art. 53 LaCC, qui régit de manière exhaustive les actes accomplis par les parties en seconde instance, à l'exclusion du CPC (art. 450f CC cum art. 31 al. 1 let. c et let. d a contrario LaCC), ne stipulant aucune restriction en matière de faits et moyens de preuve nouveaux en deuxième instance, les pièces nouvelles déposées par la recourante seront admises.

1.4 Il ne sera pas donné suite à la requête tendant à l'octroi d'un délai pour compléter le recours, le délai de recours de l'art. 450b CC étant un délai légal, qui n'est pas prolongeable (art. 144 al. 1 CPC, applicable à titre de droit cantonal supplétif par renvoi de l'art. 31 al. 1 let. d LaCC).  

2. 2.1 Selon l'art. 390 CC, l'autorité de protection de l'adulte institue une curatelle notamment lorsqu'une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d'une déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (ch. 1).

L'autorité de protection de l'adulte ordonne une mesure lorsque l'appui fourni à la personne ayant besoin d'aide par les membres de sa famille, par d'autres proches ou par les services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant (art. 389 al. 1 ch. 1 CC).

Une mesure de protection de l'adulte n'est ordonnée par l'autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).

L’art. 389 al. 1 CC exprime le principe de la subsidiarité. Cela signifie que lorsqu’elle reçoit un avis de mise en danger, l’autorité doit procéder à une instruction complète et différenciée lui permettant de déterminer si une mesure s’impose et, dans l’affirmative, quelle mesure en particulier (HÄFELI, CommFam Protection de l’adulte, ad art. 89 CC, n. 10 et 11).

2.2 En l'espèce, la recourante ne remet pas en cause l'instauration d'une curatelle de représentation dans ses rapports avec les tiers en matière d'affaires administratives et juridiques, dont elle comprend la nécessité, mais reproche au Tribunal de protection de l'avoir étendue à la gestion de ses revenus et biens, y compris l'administration de ses affaires courantes, ainsi qu'à sa représentation dans le domaine médical et du bien-être.

2.2.1 La recourante considère qu’elle est capable de discernement, ce qui est corroboré par son ancien médecin-traitant. Elle estime que ses soucis de santé n’altèrent aucunement sa capacité à gérer ses revenus, de même qu’à administrer ses affaires courantes, sans toutefois apporter d’exemples concrets à son propos, alors que le dossier démontre le contraire.

En effet, si certes, le paiement du loyer du couple A______/E______ est assuré par le biais d'un ordre permanent, d'ores et déjà mis en place, la recourante fait face à d'énormes difficultés financières; elle a un nombre important de dettes personnelles et d'actes de défaut de biens (96'928 fr. 43 au total), qui atteste qu'elle n'est pas en mesure d'assurer convenablement la gestion de ses revenus et biens, de même que l'administration de ses affaires courantes. Le rapport de sa curatrice du 13 juin 2022 indique que le couple A______/E______, qui bénéficie de revenus à hauteur de 56'802 fr. par an, a dépensé la somme de 69'360 fr. sur une année, soit plus que le montant de leurs revenus cumulés, la recourante ayant été personnellement informée le 8 juin 2022 que, désormais, un montant de 650 fr. serait mensuellement saisi sur le compte de son époux. La recourante ignore le montant de ses propres dettes, ne sait pas à quoi elles correspondent et éprouve des difficultés à payer sa prime d'assurance-maladie. Elle ne remplit pas de déclaration fiscale, ce qui augmente encore le montant de ses dettes, de sorte que c'est à raison que le Tribunal de protection a instauré une curatelle de représentation étendue à la gestion des revenus, des biens et des affaires courantes de la recourante.

Ce point sera ainsi confirmé.

2.2.2 La recourante conteste le besoin d’être représentée pour tous les actes nécessaires à son bien-être social, en raison du fait que ce n’est pas elle, mais son époux, qui est atteint du syndrome de Diogène et qu'elle aspire à une vie sociale restreinte, en raison de ses problèmes passés (agressions dont elle indique avoir été victime).

Si certes, le syndrome de Diogène n’a pas été confirmé en ce qui la concerne, il est cependant établi pour son époux, lequel vit avec la recourante. Or, cette dernière ne parvenant pas à maintenir l’appartement en état de salubrité, en raison de ses diverses pathologies, le logement demeure encombré de nombreux objets et a été qualifié d'insalubre par les assistants sociaux, de sorte que le bien-être de la recourante s'en trouve entravé, ce d'autant qu'en raison de sa mobilité réduite, les risques de chutes consécutives à cet état de fait sont importants, sans compter les risques liés à l'insalubrité du logement sur sa santé, son ancien médecin traitant ayant confirmé que cette dernière ne comprenait pas les enjeux d’un manque d’hygiène sur ses problèmes de santé. L'intervention des services sociaux et de la première entreprise mandatée n'a pas permis de résoudre le problème, de même que l’intervention de la seconde, qui n’a pas pu terminer son travail en raison de l’opposition de la concernée - et non parce que les curateurs n'ont rien fait -, de sorte qu'une mesure de curatelle étendue au bien-être social de la recourante est également nécessaire. La mission des curateurs sera cependant limitée à assurer le désencombrement du logement et à mettre en place une aide régulière pour maintenir sa salubrité. Il n’est aucunement question, comme semble le croire la recourante, de lui imposer une vie sociale qu’elle ne souhaiterait pas.

Le chiffre 3 du dispositif de l'ordonnance sera précisé dans le sens qui précède.

2.2.3 La recourante s’oppose à une curatelle en matière médicale. La question d’une curatelle est dorénavant discutable au niveau médical, dès lors que, bien que la recourante n’ait pas entrepris le suivi psychiatrique que son médecin traitant a préconisé, ce que déplore sa curatrice auprès du SPAd, elle s’est cependant mobilisée seule pour trouver un nouveau médecin généraliste, suite au départ à la retraite du sien, et l'a consulté en présentiel à deux reprises courant 2023, puis plusieurs fois par téléphone, afin d’assurer le suivi de son traitement et le renouvellement de ses ordonnances. Ainsi, le maintien d'une mesure de curatelle en matière médicale apparaît dorénavant disproportionné, étant précisé que si la situation médicale de la concernée devait se péjorer, les curateurs de la mesure mise en place pourront en informer le Tribunal de protection et solliciter l'élargissement de la mesure en temps utile.

Le grief sera admis et le chiffre 3 du dispositif de l'ordonnance modifié dans le sens qui précède.

2.2.4 La recourante s’oppose à l’autorisation donnée aux curateurs de pénétrer dans son logement, avec l’appui de la force publique, si nécessaire. Afin de tenir compte de l’état d’anxiété que la recourante indique ressentir suite au prononcé de cette mesure, certes hypothétique, la Chambre de surveillance y renoncera, tout en comptant sur la bonne volonté de la recourante, dont il est attendu qu’elle collabore avec les curateurs désignés afin qu’ils puissent accomplir leur mission - ce qui ne semble pas avoir posé de problème depuis le prononcé sur mesures provisionnelles de la mesure de représentation et de gestion dans les domaines administratifs, juridiques et financiers - et qu'elle les laisse mettre en œuvre l’intervention d’une entreprise afin de désencombrer son logement et une aide régulière afin d’assurer sa salubrité à l’avenir, ce qu'elle avait accepté devant les premiers juges. Si tel ne devait pas être le cas, les curateurs désignés pourront alors solliciter du Tribunal de protection de leur donner les moyens d'exécuter leur mission.

Le grief sera ainsi admis et le chiffre 4 du dispositif de l'ordonnance modifié dans la mesure de ce qui précède.

3. Les frais judiciaires de recours, arrêtés à 400 fr., sont mis à la charge de la recourante, et supportés provisoirement par l’Etat de Genève, celle-ci plaidant au bénéfice de l’assistance judiciaire.

Il n’est pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 1er septembre 2023 par A______ contre l’ordonnance DTAE/5718/2023 rendue le 14 juin 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/6234/2022.

Au fond :

L’admet partiellement et cela fait :

Confirme le chiffre 3 du dispositif de l’ordonnance avec la précision que les curateurs seront chargés de veiller au bien-être social de A______, et de la représenter dans ce cadre, uniquement pour assurer le désencombrement de son logement et mettre en place des aides nécessaires pour le maintenir salubre, et l’annule concernant la tâche consistant à veiller à son état de santé, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, la représenter dans le domaine médical.

Confirme le chiffre 4 du dispositif de l’ordonnance à l’exclusion de l’autorisation donnée aux curateurs de pénétrer dans le logement de A______, avec le concours de la Police.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 400 fr., les met à la charge de A______ et les laisse provisoirement à la charge de l’Etat de Genève, cette dernière étant au bénéfice de l’assistance juridique.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.