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Décisions | Chambre de surveillance

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C/13711/2022

DAS/113/2024 du 06.05.2024 sur DTAE/411/2024 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13711/2022-CS DAS/113/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 6 MAI 2024

 

Recours (C/13711/2022-CS) formé en date du 23 février 2024 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), représentée par Me Alice AEBISCHER, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 8 mai 2024 à :

- Madame A______
c/o Me Alice AEBISCHER, avocate.
Rue Ferdinand-Hodler 9, CP 3099, 1211 Genève 3.

- Maître B______
______, ______ [GE].

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a) A______, née le ______ 1943, divorcée, sans enfants, vit seule à son domicile sis à G______ (Genève).

b) Par courrier du 12 juillet 2022, son frère, C______, a signalé sa situation au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection). A______ avait été hospitalisée à deux reprises depuis le 30 mai 2022. Elle souffrait de dénutrition sévère, pesant moins de 30 kg pour une taille de 160 cm, portait depuis 2019 une poche de colostomie et vivait dans un appartement insalubre. L’intéressée allait regagner le jour même son domicile, avec pour seule prestation d’accompagnement une aide hebdomadaire de l’Institution de maintien à domicile (IMAD) pour le ménage et les courses. Elle ne souhaitait pas bénéficier d’une aide pour les soins et la toilette. Elle consommait régulièrement de l’alcool, fumait beaucoup et possédait un chien, gardé en l’état par une amie ; une autre amie s’occupait de ses paiements.

c) Selon un extrait du registre des poursuites du 22 juillet 2022, A______ ne faisait l’objet d’aucune poursuite.

d) Le Dr D______, médecin, spécialiste en médecine interne, a établi un certificat médical le 17 août 2022. Il suivait l’intéressée depuis le 16 mars 2000, à raison d’environ une visite tous les deux mois. A sa connaissance, sa patiente ne souffrait pas de troubles psychiatriques ou cognitifs majeurs. Elle avait un caractère très affirmé et indépendant et avait toujours refusé toute ingérence dans sa vie privée. A______ mangeait peu et son hygiène personnelle était précaire. Elle était capable de comprendre une situation d’ordre médical et de prendre des décisions conformes à ses intérêts. Elle était en conflit avec son frère.

e) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 8 novembre 2022.

A______ a expliqué que depuis sa sortie de l’hôpital, au mois de juillet 2022, elle avait repris le cours de sa vie. Désormais elle allait bien, sortait son chien quatre fois par jour, faisait ses courses et préparait ses repas ; elle mangeait peu, mais bien. Chaque semaine, une dame venait passer l’aspirateur chez elle. Elle n’avait pas de soucis financiers.

Au terme de l’audience, le Tribunal de protection a classé la procédure.

B.            a) Le 29 septembre 2023, A______ a fait l’objet d’un placement à des fins d’assistance à la Clinique E______, sur décision d’un médecin, alors qu’elle se trouvait précédemment à l’Hôpital de F______. Ce placement avait été rendu nécessaire dans un contexte de symptômes psycho-comportementaux liés à une démence.

Le 30 octobre 2023, un médecin chef de clinique au sein de la Clinique E______ a sollicité du Tribunal de protection la prolongation du placement de A______. L’évolution de l’intéressée avait été favorable sur le plan des troubles du comportement. Des symptômes de troubles cognitifs subsistaient, ainsi qu’une anosognosie totale desdits troubles. La patiente demandait à pouvoir regagner son domicile, avec un risque de mise en danger pour elle-même (risque de chute, d’incendie et risque de grave état d’abandon). Elle avait fait l’objet de plusieurs hospitalisations depuis l’été 2023 en raison de l’impossibilité de lui fournir des soins à domicile.

b) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 2 novembre 2023.

A______ a affirmé ne pas être malade et ne prendre aucun traitement.

Le médecin entendu au cours de cette audience a fait état d’un trouble cognitif, soit une démence d’intensité légère, d’un état dépressif caractérisé par une humeur irritable et des troubles mnésiques. Depuis l’été, trois tentatives de retour à domicile avaient été faites. Son appartement était insalubre et des cigarettes restaient allumées. Actuellement, l’intéressée prenait son traitement et se montrait assez autonome, mais avait besoin d’encouragements de l’équipe médicale, notamment en ce qui concernait l’hygiène. Le médecin a par ailleurs fait état de dénutrition.

c) Par ordonnance du 2 novembre 2023, le Tribunal de protection a prolongé pour une durée indéterminée le placement à des fins d’assistance institué en faveur de A______ et ordonné son maintien à la Clinique E______.

d) Le 10 novembre 2023, un médecin chef de clinique de la Clinique E______ a indiqué « appuyer » la demande de curatelle en faveur de A______. Les troubles cognitifs de celle-ci étaient désormais décrits comme « importants » et elle était totalement anosognosique de ses limitations. Elle n’était plus en mesure de gérer ses affaires administratives et se retrouvait avec de nombreuses factures impayées. Elle persistait à refuser toute aide à domicile ainsi que la mise en place d’une mesure de curatelle.

Le 29 novembre 2023, le Tribunal de protection a par ailleurs reçu un courrier d’une assistante sociale de la Clinique E______. A______ avait été hospitalisée à sept reprises depuis le mois de juin 2023, ce qui avait eu un impact sur son suivi administratif et le paiement de ses factures. Durant ses hospitalisations, le personnel des HUG et de l’IMAD avaient fait les constats suivants : logement insalubre, notamment car elle ne sortait plus son chien ; baignoire encombrée de lessive non faite, ce qui empêchait l’intéressée de se laver ; cuisine encombrée d’où résultait une impossibilité de faire à manger ; refus des repas livrés à domicile et aliments pourris sur la table ; elle ne s’alimentait pas et s’hydratait très peu ; oubli de mégots allumés ; refus réguliers de laisser le personnel de l’IMAD pénétrer dans son logement. Le loyer était payé par un ordre permanent ; le téléphone était coupé, mais l’intéressée refusait toute aide visant à résoudre ce problème.

e) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 9 janvier 2024.

A______ a déclaré n’avoir aucun problème à s’occuper d’elle-même. Les constats de l’IMAD et des HUG s’agissant de l’état de son logement étaient excessifs. Elle n’avait besoin d’aucune autre aide que celle de la personne qui venait passer l’aspirateur tous les vendredis. L’intéressée a indiqué refuser d’être placée dans un EMS. Elle espérait sortir rapidement de la Clinique E______ notamment afin de récupérer son chien, placé à la SPA. Elle était également opposée à une mesure de curatelle.

Au terme de l’audience, la cause a été mise à délibérer.

C.           Par ordonnance DTAE/411/2024 du 9 janvier 2024, le Tribunal de protection a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______ (chiffre 1 du dispositif), désigné B______, avocat, aux fonctions de curateur (ch. 2), lui a confié les tâches suivantes : représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes, veiller à son bien-être social et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre, notamment en matière de recherche d’un lieu de vie adapté, veiller à son état de santé, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, la représenter dans le domaine médical (ch. 3), autorisé le curateur à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat et avec la faculté de la faire réexpédier à l’adresse de son choix, et, si nécessaire, à pénétrer dans le logement de la personne concernée (ch. 4) ; le Tribunal de protection a enfin arrêté les frais judiciaires à 400 fr. et les a mis à la charge de la personne concernée (ch. 5).

Le Tribunal de protection a retenu qu’en raison de son âge avancé et de ses importants troubles cognitifs, A______ n’était plus apte à gérer ses affaires administratives et financières, ni à assumer son assistance personnelle ou encore à prendre des décisions conformes à ses intérêts en matière médicale, comme en témoignaient ses nombreuses hospitalisations au cours des six derniers mois, dues à une péjoration de son état de santé. Anosognosique de ses troubles, elle collaborait difficilement et refusait toute aide nécessaire à sa situation ; elle risquait de se mettre en danger à domicile, vu l’insalubrité et l’encombrement de son logement, la présence de mégots de cigarettes non éteints ou le fait qu’elle s’alimentait peu. Hospitalisée à la Clinique E______ sous placement à des fins d’assistance, elle n’était toujours pas preneuse de soins et d’encadrement. En l’absence d’aide soutenue et rapprochée, son maintien à domicile était rendu impossible ; sa prise en charge médicale devait être adaptée et un lieu de vie adéquat devait lui être trouvé avant d’envisager sa sortie de l’hôpital.

D.           a) Le 23 février 2024, A______ a formé recours contre cette ordonnance, reçue le 26 janvier 2024, concluant à son annulation. Préalablement, elle a conclu à ce que sa comparution personnelle soit ordonnée.

La recourante a contesté les constatations faites à son domicile par les infirmiers des HUG et l’IMAD. Elle a également contesté avoir besoin d’une aide à domicile, tout en indiquant bénéficier une fois par semaine des services d’une employée de l’IMAD. Désormais, elle s’alimentait correctement et avait repris du poids ; elle avait également arrêté de fumer et prenait régulièrement ses médicaments. Elle sollicitait par conséquent un retour immédiat à domicile et acceptait une aide plus importante de l’IMAD. Elle souhaitait également pouvoir retrouver son chien. Pour le surplus, ses charges étaient régulièrement payées. Par conséquent, l’ordonnance attaquée violait le principe de subsidiarité, puisque ses propres ressources et celles de son « réseau » devaient « primer » et l’instauration d’une mesure de protection était disproportionnée.

b) Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de l’ordonnance attaquée.

c) Par avis du 10 avril 2024, le greffe de la Chambre de surveillance a informé la recourante de ce que la cause était gardée à juger.

E. Par ordonnance du 16 avril 2024, le Tribunal de protection a prescrit l’exécution du placement à des fins d’assistance institué en faveur de A______ au sein de l’Hôpital de F______ à compter du 18 avril 2024.

EN DROIT

1.             1. Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours (art. 450 al. 1 CC) dans les trente jours à compter de leur notification (art. 450b al. 1 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).

Formé par la personne concernée par la décision attaquée, dans le délai utile et selon la forme prescrite, le recours est recevable.

1.2 La Chambre de céans établit les faits d'office, applique le droit d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 CC).

1.3 En principe, il n’y a pas de débats devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice, sauf en matière de placement à des fins d’assistance (art. 53 al. 5 CPC).

En l’espèce, il n’y a pas lieu de déroger à cette règle. La recourante a été entendue par le Tribunal de protection et le dossier contient suffisamment d’éléments pour permettre à la Chambre de surveillance de statuer.

2.             2.1 Les mesures prises par l'autorité de protection de l'adulte garantissent l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC). Elles préservent et favorisent autant que possible leur autonomie (art. 388 al. 2 CC).

L'autorité de protection de l'adulte ordonne une mesure lorsque l'appui fourni à la personne ayant besoin d'aide par les membres de sa famille, par d'autres proches ou par les services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant (art. 389 al. 1 ch. 1 CC).

Une mesure de protection de l'adulte n'est ordonnée par l'autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).

Selon l'art. 390 CC, l'autorité de protection de l'adulte institue une curatelle, notamment lorsqu'une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d'une déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (ch. 1).

2.2 En l’espèce, il ressort de la procédure que la recourante, âgée de 81 ans, souffre de troubles cognitifs, qui l’empêchent de gérer ses affaires. Bien qu’elle conteste cet état, la recourante n’a apporté aucun élément qui permettrait de mettre en doute les constatations effectuées lors de ses hospitalisations. Il y a donc lieu de retenir qu’elle n’est pas en mesure de gérer seule ses affaires administratives.

Les hospitalisations de la recourante se sont succédées depuis l’été 2023, notamment en raison du fait qu’elle ne se nourrit pas lorsqu’elle est à domicile et qu’elle néglige son hygiène personnelle. A nouveau, bien que la recourante conteste ces faits, elle n’a fourni aucun élément utile qui contredirait les constatations faites par les infirmiers de l’IMAD et des HUG.

En dépit des échecs répétés de ses retours à domicile depuis l’été 2023, la recourante refuse toutes les solutions proposées, l’une d’elles étant l’acceptation d’un encadrement régulier et intensif par l’IMAD (livraison des repas, soins quotidiens, aide à la toilette, nettoyage régulier de l’appartement) ; elle refuse de même son intégration dans un EMS. Une telle attitude atteste du fait que la recourante, en dépit de ce qu’elle affirme, n’est plus en mesure de prendre, de façon lucide, les décisions que son état impose, notamment en ce qui concerne son bien-être et son lieu de vie. Elle allègue certes que son état de santé s’est amélioré. Cette amélioration est toutefois à mettre sur le compte de sa longue hospitalisation et des soins qui ont pu lui être prodigués durant son séjour, accompagnés d’une alimentation et d’une hydratation régulières, qui font défaut lorsqu’elle se retrouve seule à domicile. Son état de santé actuel, en milieu hospitalier, ne permet toutefois pas de retenir l’absence de nécessité d’une mesure de protection.

Dès lors, la mesure de curatelle prononcée doit être confirmée.

3.             Les frais de la procédure, arrêtés à 400 fr., seront mis à la charge de la recourante, qui succombe. Ils seront compensés avec l’avance de frais en 400 fr., qui reste acquise à l’Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre l'ordonnance DTAE/411/2024 du 9 janvier 2024 rendue par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/13711/2022.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais:

Arrête les frais judiciaires de recours à 400 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l’avance de frais de même montant, qui reste acquise à l’Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président ; Madame Paola CAMPOMAGNANI et Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges ; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.