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Décisions | Chambre de surveillance

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C/24552/2022

DAS/112/2024 du 07.05.2024 sur DTAE/8949/2023 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24552/2022-CS DAS/112/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 7 MAI 2024

 

Recours (C/24552/2022-CS) formé en date du 27 décembre 2023 par Madame A______, domiciliée ______ (France), représentée par Me Jaroslaw GRABOWSKI, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 8 mai 2024 à :

- Madame A______
c/o Me Jaroslaw GRABOWSKI, avocat.
Rue Pierre-Fatio 8, CP 3150, 1211 Genève 3.

- Madame B______
______, ______ (France).

- Madame C______
______, ______ [GE].

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information :

-       Me D______
______, ______ [GE].

 


EN FAIT

A. Par ordonnance du 5 septembre 2023 (DTAE/8949/2023), notifiée aux parties le 23 novembre 2023, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a constaté que C______, née le ______ 1949, originaire de E______ (BE), ne réunissait pas les conditions au prononcé d'une mesure de protection en sa faveur (ch. 1 du dispositif), classé la procédure sous réserve de faits nouveaux (ch. 2) et laissé les frais judiciaires à la charge de l’État.

En substance, il a retenu que les éléments recueillis ne suffisaient pas à fonder une cause de curatelle, l’expertise ordonnée ayant en particulier démontré que la personne concernée, si elle présentait quelques traits de personnalité dépendante, ne souffrait d'aucun trouble psychique.

B. Par acte déposé au greffe de la Cour le 27 décembre 2023, A______, fille de la personne concernée, a recouru contre cette ordonnance, concluant à son annulation et à l'instauration d'une mesure de curatelle de coopération et de représentation en faveur de sa mère, souhaitant être désignée curatrice de coopération, sous suite de frais et dépens.

Elle fait grief au Tribunal de protection de ne pas avoir pris la mesure du besoin de protection de sa mère, laquelle avait déjà fait l'objet de plusieurs tentatives d'escroquerie, dont l'une réussie lui ayant fait perdre une somme de 10'000 fr, par le biais de rencontres sur les réseaux sociaux qu'elle fréquentait assidûment, ainsi qu’en raison de sa dépendance aux jeux de casino.

Elle relève que, jusqu'à son décès, son époux s'occupait de la totalité de la gestion administrative et financière du couple, dont C______ ne s'était jamais préoccupée. Celle-ci avait hérité d'une grosse somme d'argent, ainsi que d'une maison. Elle se trouvait dépourvue dans la gestion de ses biens, sa fille, la recourante, domiciliée à l'étranger, devant en permanence lui venir en aide à ces fins.

En date du 25 janvier 2024, le Tribunal de protection a informé la Cour ne pas souhaiter revoir sa décision.

En date du 5 février 2024, B______, seconde fille de la personne concernée, a appuyé la requête de la recourante, sa sœur, en institution d'une mesure de curatelle en faveur de sa mère, confirmant que celle-ci était sujette à tomber en dépendance affective et souffrait d'une addiction aux jeux d'argent, mais a souhaité qu'un curateur externe soit désigné pour exercer le mandat.

En date du 7 février 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions et proposé que soit octroyé un "droit de regard" à B______ sur son activité de curatrice, si elle devait être désignée.

C______, bien que régulièrement atteinte, n'a pas répondu au recours.

C. Résultent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a) Par requêtes séparées des 12 et 14 décembre 2022, A______ et B______, filles de la personne concernée, ont saisi le Tribunal de protection d’une demande visant l'instauration d'une mesure de protection à l'égard de leur mère C______. Celle-ci, veuve après près de 50 ans de mariage, avait besoin d'aide et de protection dans le cadre de la gestion des biens dont elle avait hérité de son époux. Elle faisait l'objet, du fait de son immaturité et de son incapacité à assumer les actes auxquels procédait exclusivement son mari avant son décès, de sollicitations malveillantes de personnes rencontrées sur les réseaux sociaux, auxquelles elle se confiait sans filtre. Elle avait déjà été délestée d'une somme de 10'000 fr. suite à la demande d'un individu inconnu à laquelle elle avait donné suite, et avait tenté postérieurement à plusieurs reprises, en vain grâce à des employés de banques scrupuleux, d'effectuer de nouveaux virements du même type.

b) Le Tribunal de protection a désigné D______, avocate, aux fonctions de curatrice d'office de l'intéressée.

c) Par certificat médical du 23 décembre 2022, la Dre F______, médecin traitant de C______ depuis 2011, a décrit sa patiente comme immature et dépendante de feu son mari, tout en étant soignée, orientée et parfaitement capable de s'assumer au quotidien et de comprendre les situations d'ordre médical. Dans la mesure où elle apparaissait trop confiante et pourrait se mettre en danger financièrement, une évaluation psychiatrique devait être envisagée. Enfin, si la patiente est capable de choisir un mandataire, elle semble incapable de le contrôler.

d) Par observations du 16 janvier 2023, la curatrice d'office, après avoir rencontré la personne concernée, a fait part de l'opposition de C______ à l'instauration d'une mesure de protection.

e) Le 31 janvier 2023, le Tribunal de protection a tenu une audience à laquelle C______ ne s'est pas présentée. Ont été entendues les filles de celle-ci, requérantes, lesquelles ont confirmé leur requête et les motifs à l'appui de celle-ci. Elles ont exposé par ailleurs que suite à la soustraction d'argent dont leur mère avait été victime, plainte pénale avait été déposée, sur leur insistance.

f) Le jour-même, le Tribunal de protection a ordonné l'expertise psychiatrique de C______.

Par rapport d'expertise du 5 juin 2023, les Pr. G______ et Dr H______, respectivement médecin psychiatre et médecin interne, ont conclu que C______ présentait des traits de personnalité dépendante, état décrit comme durable, la motivant à fréquenter les réseaux sociaux pour trouver un partenaire. Elle présentait, au vu de son désintérêt pour la chose, des difficultés à gérer ses finances, de même que sur le plan administratif. Elle était consciente de ses difficultés et collaborait pour ce faire avec son entourage. Il n'existait aucun trouble mental ou pathologie, mais une personnalité influençable. Elle était capable de désigner un mandataire mais pas de le surveiller.

Suite à quoi, la décision querellée a été prononcée après que les parties se soient déterminées.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions de l’autorité de protection peuvent faire l’objet d’un recours (art. 450 al. 1 CC) dans les trente jours à compter de leur notification (art. 450b CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).

En vertu de l'art. 450 al. 2 CC, ont qualité pour recourir les personnes parties à la procédure (ch. 1), les proches de la personne concernée (ch. 2) et les personnes qui ont un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (ch. 3).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

1.2 En l’espèce, le recours a été interjeté dans le délai et la forme utiles, par la fille de la personne concernée, qui est partie à la procédure, de sorte qu’il est recevable.

1.3 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC).

2.             La recourante reproche au Tribunal de protection de ne pas avoir instauré une mesure de protection en faveur de sa mère, et d’avoir classé la procédure malgré les éléments mis en évidence par elle et par l'instruction du dossier.

2.1 Les mesures prises par l'autorité de protection garantissent l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC). Elles préservent et favorisent autant que possible leur autonomie (art. 388 al. 2 CC).

A teneur de l'art. 389 al. 1 ch. 1 CC, l'autorité de protection de l'adulte ordonne une mesure de protection lorsque l'appui fourni à la personne ayant besoin d'aide par les membres de sa famille, par d'autres proches ou par des services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant. Cette disposition exprime le principe de la subsidiarité (art. 389 al. 1 ch. 1 CC).

Une mesure de protection de l'adulte n'est ordonnée par l'autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).

L’art. 389 al. 1 CC exprime le principe de la subsidiarité. Cela signifie que lorsqu’elle reçoit un avis de mise en danger, l’autorité doit procéder à une instruction complète et différenciée lui permettant de déterminer si une mesure s’impose et, dans l’affirmative, quelle mesure en particulier (HÄFELI, CommFam Protection de l’adulte, ad art. 89 CC, n. 10 et 11).

Selon l’art. 390 CC, l’autorité de protection de l’adulte institue une curatelle, notamment lorsqu’une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d’assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d’une déficience mentale, de troubles psychiques ou d’un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (ch. 1).

L'autorité de protection de l'adulte procède à la recherche et à l'administration des preuves nécessaires. Elle ordonne si nécessaire un rapport d'expertise (art. 446 al. 2 CC).

2.2 En l’espèce, le Tribunal de protection a diligenté plusieurs mesures d'instruction, et notamment une expertise psychiatrique concluant que C______ n'était pas affectée d'une maladie psychique. Il a retenu ce fait pour en déduire que celle-ci ne nécessitait pas de mesure de protection.

Ce faisant, il n'a pas finalisé son analyse. En effet, comme rappelé ci-dessus, une mesure de protection de l'adulte ne se justifie pas uniquement en cas de trouble psychique mais peut être justifiée également lorsque la personne à protéger se trouve dans un état de faiblesse. Cet aspect, malgré les éléments au dossier, n'a pas été examiné par le Tribunal de protection.

Or, il ressort précisément du dossier, et notamment des certificats médicaux et de l'expertise psychiatrique ordonnée, que C______, qui ne s'est volontairement pas présentée à l'audience du Tribunal de protection, est décrite de manière unanime comme une personne dépendante de feu son époux, immature et qui ne s'est jamais intéressée à l'administration de ses affaires et à la gestion de ses avoirs. Il ressort également du dossier qu'il s'agit d'une personne crédule, ayant tendance à faire confiance à quiconque et susceptible d'être la cible, du fait de ses recherches assidues de partenaires sur internet, de personnages malintentionnés. Ces faits se sont d'ailleurs produits d'ores et déjà à son détriment, celle-ci ayant versé une somme de 10'000 fr. à des inconnus à leur demande et ayant tenté de procéder à de nouveaux versements par la suite, malgré les mises en garde reçues. Il n'est à ce propos pas exclu que l'issue de la procédure pénale intentée par elle, sur insistance de la recourante, puisse fournir à ce sujet d'utiles éléments au dossier.

Il en découle qu'à tout le moins, le Tribunal de protection devait examiner si, au vu des éléments d'ores et déjà au dossier et de ceux à recueillir, C______ ne se trouve pas dans un état de faiblesse qui nécessite, dans son intérêt, qu'une mesure de protection soit prononcée.

Dans cette mesure, l'ordonnance attaquée doit être annulée et la cause renvoyée au Tribunal de protection pour nouvelle décision au sens des considérants, après complément d'instruction, cas échéant.

3. Vu l'issue de la procédure, les frais de celle-ci seront laissés à la charge de l'Etat de Genève, l'avance de 400 fr., versée par la recourante, lui étant restituée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 27 décembre 2023 par A______ contre la décision DTAE/8949/2023 rendue le 5 septembre 2023 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/24552/2022.

Au fond :

Annule ladite ordonnance.

Renvoie la procédure au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant pour nouvelle décision au sens des considérants.

Sur les frais :

Arrête les frais de recours à 400 fr.

Les laisse à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ l'avance de frais de 400 fr. versée.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.