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Décisions | Chambre de surveillance

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C/10584/2023

DAS/110/2024 du 07.05.2024 sur DTAE/10095/2023 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10584/2023-CS DAS/110/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 7 MAI 2024

 

Recours (C/10584/2023-CS) formé en date du 6 mars 2024 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève), représenté par Me Kaveh MIRFAKHRAEI, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 8 mai 2024 à :

- Monsieur A______
c/o Me Kaveh MIRFAKHRAEI, avocat.
Rue Sautter 29, CP 244, 1211 Genève 12.

- Madame B______
______, ______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/10095/2023 datée du 7 décembre 2023, communiquée pour notification aux parties le 5 février 2024 (sic), le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection) a suspendu le droit de visite entre A______ et les mineurs C______ et D______, nés respectivement les ______ 2008 et ______ 2010 (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et arrêté les frais à 300 fr., mis à charge de chacun des parents par moitié (ch. 3).

En substance, le Tribunal de protection a retenu qu'il n'était pas dans l'intérêt des enfants que les relations entre eux et le recourant se poursuivent, conformément au préavis du Service de protection des mineurs recueilli par lui, les enfants, âgés de 13 et 15 ans, ayant émis le souhait clair de ne plus être contraints de le voir. Par ailleurs, le recourant ne souhaitait pas se soumettre à une guidance parentale, préalable à une reprise éventuelle des relations.

B. Par acte du 6 mars 2024, A______ a recouru contre cette ordonnance, concluant à son annulation et à ce que son droit de visite soit maintenu, subsidiairement à ce qu'un droit de visite limité soit prescrit, s'exerçant le cas échéant en Point rencontre ou surveillé d'une autre manière et ce, de manière limitée dans le temps.

Il fait grief au Tribunal de protection d'avoir adopté une mesure disproportionnée, la suspension des relations personnelles étant, selon lui, une ultima ratio qui ne se justifiait pas. Il fait grief, enfin, au Tribunal de protection de ne pas avoir limité dans le temps la suspension prononcée.

En date du 13 mars 2024, le Tribunal de protection a fait savoir à la Chambre de surveillance de la Cour de justice qu'il n'entendait pas reconsidérer sa décision.

Aucune réponse n'a été déposée par la mère des enfants.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinent suivants :

a) Les mineurs C______ et D______, nés respectivement les ______ 2008 et ______ 2010, sont issus de l’union entre B______ et A______.

b) Par jugement de divorce du 8 décembre 2022, le Tribunal de première instance a maintenu l’autorité parentale conjointe des parents sur les enfants, attribué la garde de ceux-ci à la mère et réservé un droit de visite au père.

c) Le 22 mai 2023, A______ a requis l’intervention du Tribunal de protection aux fins d’exercer son droit de visite, lequel n’était selon lui pas respecté par la mère. Il a de même sollicité l’instauration d’une curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles.

d) Par courrier au Tribunal de protection du 3 juin 2023, B______ a contesté la requête du père, expliquant que les enfants ne voulaient pas le voir et qu’elle ne pouvait pas les forcer.

e) Par courrier du 8 juin 2023, A______ a soutenu avoir été privé de ses enfants depuis le jugement de divorce et a sollicité le prononcé de la garde alternée, afin de pouvoir s’investir davantage dans leur vie.

f) Par évaluation du 11 septembre 2023, le Service d’évaluation et d’accompagnement de la séparation parentale (ci-après : SEASP) a recommandé la suspension du droit de visite du père sur ses fils.

Il ressort dudit préavis que les mineurs, qui avaient été entendus séparément par ledit service, avaient clairement exprimé leur souhait de ne plus voir leur père. Ils ne semblaient pas être instrumentalisés et leur discours apparaissait comme authentique et sincère. Ils étaient correctement pris en charge par leur mère et évoluaient favorablement. Il apparaissait que le droit de visite père-fils était utilisé par le père afin de nuire à la prise en charge de la mère, laquelle avait pourtant longtemps encouragé l'exercice dudit droit de visite. Au vu du comportement du père, qui ne laissait pas penser à une remise en question et mettait la faute de l’interruption des visites uniquement sur la mère, et de la souffrance exprimée par les mineurs, confrontés aux critiques ordurières du père à l'égard de leur mère, il était nécessaire de suspendre les relations personnelles.

L'exercice du droit de visite père-fils, ainsi que l’instauration d’une curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles, n’étaient pas envisageables en l'état, le père devant entreprendre un travail de guidance parentale en amont, ce qu'il ne faisait pas.

g) Suite à la communication de ladite évaluation aux parties, la mère s'est déclarée d'accord avec les recommandations, alors que le père a estimé que les enfants étaient manipulés par leur mère. Il a contesté avoir tenu des propos dégradants envers la mère. Il a allégué que les visites s’étaient toujours bien déroulées, que la mère ne s’était jamais conformée au jugement de divorce et qu’au vu des auditions des mineurs, la mère les avait influencés.

h) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 7 décembre 2023, lors de laquelle, après avoir confirmé son rapport, l’intervenante du SEASP a indiqué qu’elle n’avait pas senti de manipulation chez les enfants, mais que ceux-ci désapprouvaient le dénigrement de leur mère par leur père.

Le père a, quant à lui, persisté à conclure au prononcé d'une garde partagée et, subsidiairement, au maintien du droit de visite. Il a expliqué ne jamais avoir passé de vacances avec les mineurs. Ceux-ci étaient venus quelques week-ends chez lui depuis le divorce, mais avaient ensuite refusé de se rendre chez lui. Il persistait à penser que la mère les influençait. Il était prêt à se soumettre à toutes les mesures pour faciliter la reprise de contact, mais ne souhaitait toutefois pas entreprendre de guidance parentale.

La mère pour sa part a déclaré qu’elle considérait initialement comme important que ses enfants voient leur père. Elle n’était pas responsable de la fin des relations personnelles entre eux. Le père avait été peu présent. Elle se déclarait favorable à une reprise de contact progressive, sans que les enfants ne soient contraints.

Suite à quoi l'ordonnance querellée a été prononcée.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent, qui dans le canton de Genève est la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC; 53 al. 1 LaCC).

Ont qualité pour recourir, les personnes parties à la procédure (art. 450 al. 2 ch. 1 CC).

Le délai de recours est de trente jours, à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC).

1.2 En l'espèce, le recours a été formé par une partie à la procédure, dans le délai utile de trente jours et devant l'autorité compétente. Il est donc recevable.

1.3 La Chambre de surveillance examine la cause librement en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2 Est uniquement contestée la suspension du droit de visite du recourant sur ses enfants. A défaut de tout grief quant au rejet des conclusions du recourant visant l'octroi de la garde alternée, cette question ne sera pas examinée.

2.1 Aux termes de l'art. 273 al. 1 CC, le parent qui ne détient pas la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances. Le droit aux relations personnelles est conçu à la fois comme un droit et un devoir des parents (art. 273 al. 2 CC), mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant; il doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci (ATF 131 III 209 c. 5). Il est en effet reconnu que le rapport de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et qu'il peut jouer un rôle décisif dans le processus de sa recherche d'identité (ATF 127 III 295 c. 4a;
123 III 445 c. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_586/2012 c. 4.2).

Le droit aux relations personnelles n'est pas absolu. Si les relations personnelles compromettent le développement de l'enfant, si les père et mère qui les entretiennent violent leurs obligations, s'ils ne se sont pas souciés sérieusement de l'enfant ou s'il existe d'autres justes motifs, le droit d'entretenir ces relations peut leur être limité ou retiré (art. 274 al. 2 CC). Cette disposition a pour objet de protéger l'enfant, et non de punir les parents. Ainsi, la violation par eux de leurs obligations et le fait de ne pas se soucier sérieusement de l'enfant ne sont pas en soi des comportements qui justifient le refus ou le retrait des relations personnelles; ils ne le sont que lorsqu'ils ont pour conséquence que ces relations portent atteinte au bien de l'enfant (ATF 118 II 21 c. 3c; 100 II 76 c. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_448/2008 c. 4.1). D'après la jurisprudence, il existe un danger pour le bien de l'enfant si son développement physique, moral ou psychique est menacé par la présence, même limitée, du parent qui n'a pas l'autorité parentale. Conformément au principe de proportionnalité, il importe en outre que ce danger ne puisse être écarté par d'autres mesures appropriées (arrêts du Tribunal fédéral 5A_53/2017 c.5.1; 5A_756/2013 du c. 5.1.2).

Une limitation des relations personnelles doit respecter le principe de la proportionnalité. Le retrait du droit à des relations personnelles constitue l'ultima ratio et ne peut être ordonné dans l'intérêt de l'enfant que si les effets négatifs des relations personnelles ne peuvent être maintenus dans des limites supportables pour l'enfant. En revanche, si le risque engendré pour l'enfant par les relations personnelles peut être limité grâce à la présence d'un tiers, le droit de la personnalité du parent non gardien, le principe de la proportionnalité et le sens des relations personnelles interdisent la suppression complète de ce droit
(ATF 122 III 404 consid. 3b; arrêt 5A_200/2015 du 22 septembre 2015 consid. 7.2.3.1 et les autres références, publié in FamPra.ch 2016 p. 302).  

Le refus de l'enfant d'entretenir des relations personnelles avec le parent non gardien peut trouver sa cause dans l'une des hypothèses de l'art. 274 al. 2 CC ou constituer un juste motif. Pour apprécier le poids qu'il convient d'accorder à l'avis de l'enfant, son âge et sa capacité à se forger une volonté autonome, ce qui est en règle générale le cas aux alentours de 12 ans révolus, ainsi que la constance de son avis, sont centraux, même s'il s'agit d'un critère parmi d'autres. Admettre le contraire reviendrait à mettre la volonté de l'enfant sur un pied d'égalité avec son bien, alors que ces deux notions peuvent être antinomiques. Pour les enfants plus âgés, une volonté constante et fermement exprimée est cependant à considérer au premier plan (arrêts 5A_200/2015 précité; 5A_719/2013 du 17 octobre 2014 consid. 4.4; 5A_107/2007 du 16 novembre 2007 consid. 3.2, publié in FamPra.ch 2008 p. 429).  

Lorsque l'enfant adopte une attitude défensive envers le parent qui n'en a pas la garde, il faut, dans chaque cas particulier, déterminer les motivations qu'a l'enfant et si l'exercice du droit de visite risque réellement de porter atteinte à son intérêt. Il est en effet unanimement reconnu que le rapport de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et peut jouer un rôle décisif dans le processus de sa recherche d'identité (ATF 130 III 585 consid. 2.2.2; 127 III 295 consid. 4a et les références). Il demeure toutefois que, si un enfant capable de discernement refuse de manière catégorique et répétée, sur le vu de ses propres expériences (ATF 126 III 219 consid. 2b [in casu : violences]), d'avoir des contacts avec l'un de ses parents, il faut les refuser en raison du bien de l'enfant; en effet, face à une forte opposition, un contact forcé est incompatible avec le but des relations personnelles ainsi qu'avec les droits de la personnalité de l'enfant (arrêts 5A_459/2015 du 13 août 2015 consid. 6.2.2; 5C.250/2005 du 3 janvier 2006 consid. 3.2.1, publié in FamPra.ch 2006 p. 751).  

2.2 En l'espèce, le Tribunal de protection a fait le choix, dans l'ordonnance attaquée, de suspendre les relations personnelles du père sur ses enfants, se référant au rapport du SEASP de septembre 2023, confirmé par son auteur lors de son audience du 7 décembre 2023.

A l'inverse de ce que soutient le recourant, son droit aux relations personnelles avec ses enfants n'a pas été supprimé (retiré), comme une ultima ratio en matière de relations personnelles, mais uniquement suspendu en raison du fait, d'une part, qu'il s'agissait-là de la volonté des enfants et, d'autre part que le recourant ne se pliait pas, préalablement à une reprise effective de ses relations avec ses enfants, à la participation à une guidance parentale.

Le fait que le droit de visite du recourant ait été suspendu implique que, dans son principe, il est maintenu mais que la question devra être revue dans le futur, eu égard à l'évolution des circonstances. Dans ce sens, une suspension n'est pas définitive, mais consiste en une mesure momentanée nécessitant réexamen ultérieur.

Par ailleurs, il ressort du dossier de la procédure que, si les enfants ne souhaitaient pas poursuivre l'exercice du droit de visite, préalablement à la décision déjà, c'était notamment en raison de la souffrance répétée que leur procurait chaque exercice de ce droit, du fait des critiques constantes et ordurières proférées par le recourant à l'égard de leur mère.

En outre, et fondamentalement, il s'agit de relever que la volonté de ne plus voir s'exercer, en l'état, les relations prévues entre eux et leur père émane d'adolescents âgés dorénavant de 14 et 16 ans, dont le dossier enseigne qu'ils sont épanouis, détendus, comme relevé lors de l'entretien avec le service social, intégrés à leur milieu scolaire et sportif, pleinement capables de discernement et en aucun cas, à teneur de la procédure, apparaissant sous l'influence de leur mère.

Conformément à la jurisprudence citée plus haut, une volonté constante et fermement exprimée de mineurs de cet âge, et dans ces circonstances, doit être mise au premier plan et justifie la suspension des relations avec leur père. Cette suspension correspond dès lors à leur intérêt et est conforme à leurs droits de la personnalité.

Une mesure moins stricte qu'une suspension n'était pas envisageable, ni souhaitable, d'une part, en raison de l'opposition affirmée des adolescents, mais d'autre part, également au vu de l'absence de volonté du recourant de se prêter à la mise en place du préalable de la guidance parentale, qui aurait pu permettre d'organiser la reprise d'un contact interrompu depuis plusieurs mois entre eux.

Le recourant soutient enfin à tort qu'une suspension des relations personnelles doit être nécessairement limitée dans la durée. La jurisprudence citée ne l'impose pas mais vise bien plutôt la mise en place (nouvellement) de relations surveillées (limitées dans le temps) dans le cadre de la reprise des relations interrompues entre un enfant et un parent (ATF 130 III 585 c.2.2.1 et 2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_505/2013 c.6.3).

Ce grief est par ailleurs sans portée puisque, comme relevé plus haut, la suspension des relations est éminemment provisoire par nature et implique, en cas de modification des circonstances, un réexamen a futuro.

3. S'agissant du règlement des relations personnelles, la procédure n'est pas gratuite (art. 77 al.2 LaCC, 67 A et B RTFMC). Le recourant qui succombe sera condamné aux frais, arrêtés à 400 fr.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 6 mars 2024 par A______ contre l'ordonnance DTAE/10095/2023 rendue le 7 décembre 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/10584/2023.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 400 fr.

Condamne A______ à payer ce montant à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Stéphanie MUSY, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1002 Lausanne.