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Décisions | Chambre de surveillance

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C/18079/2021

DAS/96/2024 du 23.04.2024 sur DTAE/9101/2022 ( PAE ) , REJETE

Normes : CC.360; CC.363; CC.368; CC.400
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18079/2021-CS DAS/96/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 23 AVRIL 2024

 

Recours (C/18079/2021-CS) formé en date du 23 janvier 2023 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), représenté par Me B______, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 25 avril 2024 à :

- Madame A______
c/o Me B______, avocat
______, ______ [GE].

- Monsieur C______
c/o Me Wana CATTO, avocate
Rue De-Candolle 17, case postale 166, 1211 Genève 12.

- Monsieur D______
c/o Me Olivier BRUNISHOLZ, avocat
Cours des Bastions 5, 1205 Genève.

- Maître E______
______, ______ [GE].

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.


EN FAIT

A.      a) A______, née le ______ 1939, a fait l'objet d'un signalement au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection) de la part de son fils C______ en date du 21 septembre 2021. Il exposait que sa mère était veuve, semblait souffrir de la maladie d'Alzheimer et disposait de la totalité de l'usufruit de la succession de feu son époux, portant sur trois biens immobiliers et plusieurs comptes bancaires. D______, son frère, vivait au domicile de leur mère, s'occupait de la gestion de ses affaires et se prévalait d'un "mandat de gestion du patrimoine, du ménage et des affaires de A______" signé en août 2021, moyennant versement de la somme mensuelle de 3'600 fr. payée par celle-ci, rétroactivement depuis le 1er juillet 2021, lequel lui donnait tous pouvoirs sur les actifs de leur mère. Il s'inquiétait de la gestion effectuée par son frère. Il lui reprochait en particulier d'avoir retiré entre mars et septembre 2021 une somme de 152'744 fr. 90 notamment pour le remboursement de cartes de crédit et l'achat de lingots d'or pour plus de 20'000 fr. Ces lingots avaient été acquis le lendemain du décès de leur père au nom de D______, qui avait cependant confirmé, à sa demande, qu'ils appartenaient bien à leur mère. Outre le prononcé d'une mesure de protection en faveur de sa mère, C______ a conclu, sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, au blocage des comptes et cartes de crédit de l'intéressée et au constat de la nullité du mandat de gestion du 30 août 2021.

b) A______ a signé un mandat pour cause d'inaptitude le 20 avril 2020 par devant Me F______, notaire à Genève, selon lequel, au cas où elle deviendrait incapable de discernement, elle désigne ses fils C______ et D______, en qualité de "mandataires", disposant d'un pouvoir collectif à deux, sauf décès ou survenance d'une incapacité de discernement de l'un d'eux. Ses mandataires se verraient confier la sauvegarde de l'entier de ses intérêts (gestion du patrimoine, représentation vis-à-vis des tiers, assistance personnelle et représentation médicale).

c) A______ ne fait l’objet d’aucune poursuite et il ressort de l'avis de taxation, établi suite au décès de son époux le 19 mars 2020, que ce dernier disposait d'une fortune mobilière de 237'547 fr., et la concernée d'une fortune mobilière de 357'576 fr.

d) C______ ne fait l’objet d'aucune poursuite, alors que D______ faisait l'objet d'une poursuite d'un montant de 4'501 fr. 65 en septembre 2022, deux autres poursuites ayant été payées à l'Office des poursuites.

e) Par décision du 24 septembre 2021, le Tribunal de protection a nommé G______, avocat, en qualité de curateur d'office de A______.

f) Dans ses observations du 15 octobre 2021, le curateur d'office a indiqué avoir rencontré sa protégée à domicile, ainsi que son fils D______. Il a constaté que sa protégée vivait avec ce dernier et que la maison était bien tenue. A______ était relativement autonome, bénéficiant d'une aide au ménage une fois par semaine, son fils préparant les repas, alors qu'elle-même ne nécessitait aucune prise en charge en matière d'hygiène ou de soins, faisait ses courses, parfois accompagnée de son fils. Elle disposait de toute sa mobilité mais, d'un point de vue psychique, son discours n'était pas toujours cohérent, même si elle semblait avoir compris les raisons de l'intervention de son curateur d'office. Sa situation financière était confortable, ses revenus se composant d'une rente AVS d'un peu plus de 2'000 fr. par mois, étant pour le surplus usufruitière des biens immobiliers de feu son époux, soit de la villa dans laquelle elle habitait avec son fils D______, dont la valeur était estimée à 2'500'000 fr. et un bien commercial en PPE aux H______ [GE] d'une valeur de 9'200'000 fr., les revenus locatifs de ce bien s'élevant à 324'000 fr. par an.

Il a exposé que D______ s’était expliqué sur les fait reprochés par son frère, exposant être informaticien de formation, sans revenus liés à cette activité. Il ne payait pas de loyer à sa mère et lui avait expliqué que le salaire de 3'600 fr. par mois que lui versait celle-ci depuis juillet 2021 correspondait à un travail d'environ 12 à 15 heures hebdomadaires et était fixé sur la base d'un taux horaire de 60 fr. pour la gestion administrative courante des factures de sa mère, mais également la gestion des immeubles de famille. Les lingots d'or qu’il avait achetés pour la somme de 20'000 fr. appartenaient au patrimoine de sa mère, même s'il avait fait l'erreur de les commander en son nom propre. Il n'était pas opposé à cesser le versement de son salaire mensuel, même s'il considérait cette rémunération justifiée. Il ne disposait pas de la carte bancaire de sa mère mais l'accompagnait pour faire ses prélèvements, relevant que sa mère avait pour habitude de retirer des sommes de 1'000 fr. à 3'000 fr., pour avoir suffisamment de liquidités sur elle. Il n’avait jamais pris d'argent à sa mère. Le curateur d'office a relevé que si les comportements de D______ suscitaient des interrogations qu’il fallait clarifier, les mesures urgentes sollicitées ne paraissaient cependant pas justifiées.

g) Par courriel du 20 octobre 2021, B______, avocat, s'est constitué pour la défense des intérêts de A______, avec élection de domicile, produisant à cet effet une procuration signée de la main de sa mandante le 19 octobre 2021.

h) Le Tribunal de protection a relevé G______, avocat, de ses fonctions de curateur d'office le 1er novembre 2021 (DTAE/6285/2021).

i) Il ressort du certificat médical établi le 19 octobre 2021 par le Dr I______, médecin généraliste de A______ depuis 2008, que cette dernière avait été vue en juin et juillet 2018 par un neurologue, lequel avait diagnostiqué un déclin cognitif progressif, préconisant une prise en charge par un spécialiste de langue germanophone, ce qui n'avait pas été possible. Il avait effectué le 19 juin 2018 un test MMS dont le score était de 17/30. Par la suite, le neurologue avait évoqué un déclin cognitif progressif assez particulier, dans la mesure où A______ restait nosognosique de son état, relativement indépendante et efficace dans la gestion de son ménage, malgré de gros troubles exécutifs et mnésiques. Elle n'était plus capable d'assurer la gestion de ses affaires administratives et financières. Elle risquait de s'engager de manière excessive en raison de l'influence de personnes malintentionnées, ou du fait d'une mauvaise compréhension de ses engagements, une restriction de l'exercice des droits civils étant selon lui nécessaire. Elle ne comprenait plus les décisions d'ordre médical, ni n'était capable de décider conformément à ses intérêts s'agissant d'un suivi ou d'un traitement, n'arrivant au demeurant pas à préparer ses médicaments sans aide. Quant à l'assistance personnelle, son hygiène personnelle restait suffisante, son ménage était tenu grâce à la présence de son fils vivant avec elle; elle ne préparait plus ses repas correctement, ceci progressivement depuis 2018, et son orientation spatiale demeurait suffisante à quelques exceptions près, le médecin relevant que la cohabitation avec un membre de la famille pouvait être bénéfique pour éviter qu'elle ne se mette en danger. Cette incapacité était durable.

j) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 7 décembre 2021.

Le Dr I______ a confirmé la teneur du certificat médical du 19 octobre 2021. Aucun autre MMS n’avait été effectué depuis 2018. Sa patiente souffrait des différends entre ses fils, le conflit étant récent. Son maintien à domicile paraissait acceptable avec la présence d'un de ses fils à la maison uniquement, sinon, elle pouvait se mettre en danger. En effet, elle était incapable de faire ses repas et pouvait laisser un objet sur une plaque de cuisson. Selon lui, elle ne pouvait plus écrire et pouvait faire un trajet uniquement si on lui écrivait le parcours. Sa patiente était influençable s'agissant de la signature de contrats. Il n'était pas certain qu'elle s'engagerait contractuellement avec un inconnu mais elle pourrait être influencée par une personne connue, car elle ne comprenait plus l'entier des questions administratives. Elle était capable d'effectuer des retraits d'argent répétés, sans se souvenir les avoir faits. Enfin, elle venait à son cabinet principalement avec le fils avec lequel elle ne vivait pas, lequel assistait aux consultations, ce qui était nécessaire pour garantir son suivi et sa médication.

A______ a indiqué que depuis le décès de son époux, son fils D______ s'occupait de tout et qu'elle était d'accord de lui "payer quelque chose", tout en ne se souvenant pas ce qu'elle lui payait. Elle a relevé ne pas vouloir que cette organisation change, relevant que son fils était attentionné avec elle. Lorsqu'elle avait besoin d'argent, elle allait au guichet de sa banque avec son fils D______; sinon, elle utilisait le bancomat. Très rarement, il lui était arrivé de donner sa carte à son fils D______. Elle souhaitait que la situation s'arrange avec son fils C______, qu'elle aimait beaucoup, mais qui, selon elle et sans savoir pourquoi, voulait que son fils D______ parte dans un autre logement. Elle se demandait ce qu'il adviendrait d'elle dans ces circonstances. Selon elle, la mésentente de ses fils était due au décès de son époux et à sa sœur, qui ne venait plus la voir. Cette situation était terrible pour elle.

B______ a indiqué que sa mandante souhaitait que son fils D______ soit nommé curateur et a conclu au statu quo; subsidiairement, il a conclu à ce que D______ soit nommé curateur de gestion "sous la surveillance du Tribunal".

D______ a exposé que sa mère ne pouvait vraisemblablement pas vivre seule à son domicile sans sa présence, car elle ne pouvait faire que des choses simples, lui-même s'occupant des repas. Il avait emménagé chez ses parents le 1er janvier 2019 et avait repris progressivement la gestion de leurs affaires depuis cette date, relevant que, quelques mois avant le décès de son père, il s'occupait déjà de tout. Il ne payait pas de loyer et utilisait les véhicules de sa mère. Il l'accompagnait au guichet ou au bancomat faire des prélèvements bancaires pour elle-même, ceux au bancomat étaient dorénavant de 1'000 fr. par retrait, ceci par simplification. En sus de la gestion courante, il s'occupait de la rénovation de la résidence secondaire en France, dont lui-même et son frère étaient nu-propriétaires, et des travaux autour de la villa, prenant ces décisions avec sa mère. Selon lui, sa mère avait entre 5'000 fr. et 6'000 fr. de charges mensuelles, dont 1'000 fr. à 3'000 fr. pour les achats et les courses pour la résidence secondaire, le solde concernant le paiement des factures, sa mère dépensant entre 400 fr. et 500 fr. pour elle-même. Il avait créé un compte sur Google, accessible à sa mère et à son frère, sur lequel il inscrivait tout, sauf les montants des courses, ainsi que les montants retirés par sa mère au bancomat et au guichet. Le contrat de mandat que sa mère avait signé avec lui, avait été préparé par ses soins, sur les conseils de B______, avocat, qu’il avait consulté à la Permanence de l'Ordre des avocats. Selon lui, sa mère avait compris la teneur du contrat. Il en avait longuement parlé avec elle, presque tout l'été précédent, lui expliquant ses tâches et le principe de sa rémunération. Il n’en avait pas parlé à son frère. C______ accompagnait le plus souvent leur mère chez le médecin et cela lui convenait. Il n'était pas opposé à ce que son frère soit représentant thérapeutique de leur mère, revendiquant aussi cette tâche dès lors qu'il lui administrait ses médicaments. Pour le surplus, il voulait continuer à s'occuper de sa mère, de la même manière.

C______ a reconnu que sa mère avait besoin de la présence de son frère D______ mais il souhaitait qu'un curateur indépendant soit nommé pour représenter les intérêts de celle-ci et la gestion de son patrimoine. Son frère disposait d'énormément de pouvoirs et ceux de sa mère diminuaient. Il avait l'impression qu'elle n'avait pas compris le mandat qu'elle avait signé, ni les enjeux, le lui ayant dit à deux reprises au téléphone. Il souhaitait être représentant thérapeutique de sa mère, ne s'opposant pas à ce que son frère le soit également.

Le Tribunal de protection a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

k) Par décision du 7 décembre 2021, le Tribunal de protection a nommé G______, avocat, en qualité de curateur de représentation de A______. Il a considéré qu’il existait un conflit d'intérêts entre B______, lequel défendait les intérêts de la concernée, elle-même vulnérable, et son fils D______, lequel avait été conseillé par ses soins et était lui-même en conflit avec C______.

l) La Chambre de surveillance (DAS/204/2022) a admis le recours formé par A______ et annulé cette décision, au motif que l’audience tenue par le Tribunal de protection - à l'issue de laquelle la cause avait été gardée à juger sur le fond - avait porté sur la nécessité d’une mesure de protection, et non sur le choix d’un curateur de représentation. A cette date, l’intéressée s’étant constitué un avocat de choix, il n’y avait plus place pour la nomination d’un curateur de représentation, rien ne permettant de retenir, en l'état du dossier, que A______ n'aurait pas été en mesure de désigner elle-même son représentant dans la procédure, son médecin, entendu par le Tribunal de protection, ne l'ayant pas soutenu, ni aucun de ses fils d'ailleurs. La portée de cette question était cependant limitée la cause ayant été mise à délibérer sur le fond à l’issue de l’audience du 7 janvier 2021.

m) Invité de nouveau à se déterminer par le Tribunal de protection, C______ a conclu à ce que le Tribunal de protection, d'une part, instaure en urgence une curatelle de portée générale en faveur de A______, confiée à un curateur neutre et parlant l'allemand et, d'autre part, déclare nulle et non avenue la procuration que D______ avait fait signer à sa mère.

n) D______ a conclu à sa nomination en qualité de curateur de sa mère, "sous la supervision du Tribunal de protection", ce qui correspondait à la volonté de celle-ci, exprimée tant dans le mandat pour cause d'inaptitude du 20 avril 2020, que lors de l'audience du 7 décembre 2021.

o) A______, par la plume de son conseil, a conclu au déboutement de C______ de toutes ses conclusions, à la nomination d'un neurologue de langue allemande afin d'évaluer son profil neuropsychologique et sa capacité de discernement et, conformément au rapport du neurologue, cas échéant, que soit déclarée l'entrée en force du mandat pour cause d'inaptitude du 20 avril 2020 et que D______ soit désigné aux fonctions de curateur "sous le contrôle du Tribunal de protection"; si mieux n'aime le Tribunal de protection, il a conclu au déboutement de C______ de toutes ses conclusions, à la déclaration de l'entrée en force du mandat pour cause d'inaptitude du 20 avril 2020 et à la désignation de D______ aux fonctions de curateur "sous le contrôle du Tribunal de protection".

B.       Par ordonnance DTAE/9101/2022 rendue le 6 décembre 2022, notifiée aux parties le 4 janvier 2023, le Tribunal de protection a, préalablement, déclaré irrecevable les conclusions de C______ visant l'annulation du mandat de gestion signé le 31 août 2021 entre D______ et A______, faute de compétence ratione materiae (ch. 1 du dispositif), principalement, constaté que le mandat pour cause d'inaptitude du 20 avril 2020 ne déployait pas ses effets (ch. 2), institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______ (ch. 3), désigné E______, avocat, aux fonctions de curateur et confié à ce dernier les tâches suivantes: représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes (ch. 4 et 5), désigné D______ aux fonctions de curateur et confié à ce dernier les tâches suivantes: veiller au bien-être social de la personne concernée et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre, veiller à son état de santé, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, la représenter dans le domaine médical (ch. 6 et 7), désigné C______ aux fonctions de curateur et confié à ce dernier les tâches suivantes: veiller à l'état de santé de la personne concernée, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, la représenter dans le domaine médical (ch. 8 et 9), dit que D______ et C______ exerceront leurs tâches communes en pouvant se substituer l’un à l’autre dans l’exercice de leur mandat, chacun avec les pleins pouvoirs d’action (ch. 10), limité l’exercice des droits civils de la personne concernée en matière contractuelle et privé celle-ci de l’accès à toute relation bancaire ou à tout coffre-fort, en son nom ou dont elle est ayant-droit économique, et révoqué toute procuration établie au bénéfice de tiers (ch. 11 et 12), autorisé les curateurs à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites de leur mandat (ch. 13), autorisé D______ et C______ à pénétrer dans le logement de leur mère, dans les limites de leur mandat (ch. 14), dit que la décision était immédiatement exécutoire nonobstant recours et arrêté les frais judiciaires à 800 fr., ces derniers étant mis à la charge de la personne concernée (ch. 15 et 16).

En substance, le Tribunal de protection a retenu qu’au vu des éléments médicaux du dossier, A______ souffrait de troubles cognitifs ayant pour conséquence une incapacité à sauvegarder l’ensemble de ses intérêts financiers et administratifs et d’assumer son assistance personnelle pour les actes de la vie quotidienne. Le Tribunal de protection a retenu que les conditions de la mise en œuvre du mandat pour cause d’inaptitude étaient réunies et que rien ne permettait de douter que celui-ci, constitué en la forme authentique, ne reflétait pas la volonté de la personne concernée au moment de son établissement, celle-ci ayant, par ailleurs, lors de son audition par le Tribunal de protection et malgré ses troubles, manifesté qu’elle appréciait le cadre mis en place et que ses fils s’occupent d’elle, s’interrogeant d’ailleurs de ce qu’il adviendrait d’elle si son fils D______ quittait le domicile familial. Cependant, l’art. 363 al. 2 ch. 3 CC, visant l’aptitude du mandataire, imposait à l’autorité de protection d’examiner si le mandataire était apte à remplir sa mission, était disposé à l’accepter et s’il existait des conflits d’intérêts qui s’opposeraient à ce que le mandat soit accepté. C______ avait clairement indiqué qu’il n’était pas disposé à accepter le mandat. De ce fait, le mandat pour cause d’inaptitude ne pouvait pas déployer ses effets, car la volonté exprimée par la personne concernée de voir nommer ses deux fils en qualité de mandataire avec un pouvoir collectif à deux, sauf en cas de décès de l’un d’eux ou d’incapacité de discernement, ne souffrait aucune interprétation. Par ailleurs, indépendamment du conflit des deux fils à propos de la rémunération de D______ et de la gestion qu’il faisait du patrimoine de leur mère, la gestion du patrimoine actuellement mis en place par D______, dont rien ne laissait supposer qu’il entendait la modifier, le plaçait dans une dépendance financière de sa mère telle, qu’il existait un véritable conflit d’intérêts s’opposant à ce que le mandat confié puisse être accepté. Le Tribunal de protection a ainsi constaté que le mandat pour cause d’inaptitude du 20 avril 2020 ne déployait pas ses effets.

Compte tenu de l’état de santé de la personne protégée, une curatelle de représentation, étendue à l’assistance personnelle et à la représentation médicale, ainsi qu’une curatelle de gestion devait être instaurée. La concernée étant capable de retirer de l’argent à la banque lorsqu’elle était accompagnée, sans toutefois se souvenir des retraits et des montants. De l’avis de son médecin, elle pourrait être influencée par une personne connue car elle ne comprenait plus l’entier des questions administratives et financières et pourrait être amenée à signer des engagements contractuels. Cet avis était illustré par le contrat signé avec son fils D______, cette dernière ayant déclaré en audience avoir la volonté de rémunérer son fils, tout en ne se souvenant pas de ce qu’elle payait, alors qu’elle aurait indiqué à son fils C______, à deux reprises au téléphone, ne pas avoir compris le mandat signé et les enjeux. Il apparaissait ainsi nécessaire de la priver de l’accès à ses comptes bancaires et de restreindre l’exercice de ses droits civils en matière contractuelle.

S’agissant de la personne du curateur, A______ ayant exprimé le souhait que ses fils s’occupent d’elle, il y avait lieu, dans la mesure du possible, de tenir compte de sa volonté. D______ avait montré des capacités à assurer le bien-être social de sa mère, étant relevé que grâce à sa présence à ses côtés, le maintien à domicile de la concernée avait pu être garanti, malgré les limitations de l’intéressée. De même, C______ s’était occupé à satisfaction des soins de sa mère, l’accompagnant fréquemment chez le médecin, son frère lui administrant sa médication. En revanche, l’opacité du système mis en place par D______ pour l’administration du patrimoine de sa mère, en particulier la non comptabilisation des montants retirés au bancomat, ainsi que leur destination, alors qu’il percevait une rétribution de 3'600 fr. et ne payait pas de loyer, était incompatible avec les intérêts de la personne concernée, ce d’autant plus qu’elle n’était plus en mesure de contrôler les agissements de son mandataire, dont rien n’indiquait qu’il entendait changer de méthode. L’argumentation de D______ et du conseil de sa mère concernant la supervision exercée par le Tribunal sur la gestion administrative et patrimoniale de l’intéressée était par ailleurs dénuée de pertinence pour la sauvegarde immédiate des intérêts de A______, le contrôle ayant pour objectif l’approbation, ou non, a posteriori des rapports de comptes périodiques fournis par le curateur. Un curateur privé professionnel, parlant allemand, ayant pour tâches de représenter A______ vis-à-vis des tiers en matière administrative et juridique, ainsi que pour gérer son patrimoine, devait être désigné. L’assistance personnelle de A______ serait confiée à D______ et la représentation médicale, comprenant également l’organisation des soins, à D______ et C______. La décision a été déclarée immédiatement exécutoire.

C.      a) Par acte du 23 janvier 2023, A______, sous la plume de son conseil, a formé recours contre cette ordonnance, dont elle a sollicité l’annulation et, cela fait, elle a conclu à ce qu’un neurologue de langue allemande soit nommé afin d’évaluer son "profil neuropsychologique" et, conformément au rapport du neurologue, cas échéant, à ce que la Chambre de surveillance déclare "l’entrée en force du mandat pour cause d’inaptitude" de A______ résultant de l'acte notarié du 20 avril 2020 et à ce que D______ soit désigné en qualité de curateur, "mettant sa gestion sous contrôle du Tribunal de protection".

Subsidiairement, elle a conclu à ce que la Chambre de surveillance déclare "l’entrée en force du mandat pour cause d’inaptitude" de A______ du 20 avril 2020 et désigne D______ aux fonctions de curateur de A______, "mettant sa gestion sous contrôle du Tribunal de protection" ou, plus subsidiairement encore, à ce que D______ soit désigné curateur de A______, "mettant sa gestion sous contrôle d’un tiers" et renvoie la cause au Tribunal de protection pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Elle a produit un chargé de dix pièces, dont certaines nouvelles.

b) La requête de restitution de l’effet suspensif au recours a été rejetée par décision du 9 février 2023 (DAS/22/2023).

c) Le Tribunal de protection n’a pas souhaité revoir sa décision.

d) D______ a conclu à ce que la Cour constate que sa gestion des trois dernières années avait été "ouverte et facile à contrôler", à ce que le conseil de C______ explique pourquoi elle avait "induit et maintenu en erreur son mandant" concernant l’entrée en vigueur du mandat pour cause d’inaptitude, que E______, avocat, soit mandaté comme curateur de représentation de la succession de son père, feu J______, que C______ s’excuse auprès de sa mère de l’avoir inquiétée concernant la gestion "dont il n’avait fourni aucun effort à suivre le déroulement", que la Cour respecte les désirs de A______ et fasse déployer les effets du mandat pour cause d’inaptitude et le nomme curateur de gestion sous la surveillance du Tribunal de protection et le contrôle de E______ ou le Tribunal de protection et établisse un cahier des charges et une compensation adéquate prenant en compte tous les besoins de A______.

Il a déposé un chargé de vingt pièces.

e) C______ a conclu, à la forme, à ce que le recours formé par A______ soit déclaré irrecevable et, au fond, au rejet de celui-ci et à la confirmation de l’ordonnance entreprise, sous suite de frais et dépens.

Il a produit un chargé de cinq pièces.

f) E______ a conclu au rejet du recours, à la confirmation de l’ordonnance entreprise et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, les frais devant être laissés à la charge de l’Etat et, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal de protection.

Il a produit un chargé de douze pièces.

g) D______ a répliqué et contesté sur plusieurs pages la gestion faite par le curateur désigné.

Il a produit un chargé de vingt pièces.

h) E______ a dupliqué, persistant dans ses conclusions et relevant que les remarques et observations formulées par D______ visaient principalement à remettre en cause la bonne exécution de son mandat de curateur, alors que le recours portait sur la problématique de l’opportunité d’une curatelle en faveur de A______ et de la désignation d’un proche en ses lieu et place.

Il a produit un extrait de compte de A______.

i) La cause a été gardée à juger à l'issue de ces échanges.

EN DROIT

1.      1.1 Les décisions de l’autorité de protection peuvent faire l’objet d’un recours (art. 450 al. 1 CC) dans les trente jours à compter de leur notification (art. 450b al. 1 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC). Le recours, interjeté par écrit, doit être dûment motivé (art. 450 al. 3 CC).

Ont qualité pour recourir: les personnes parties à la procédure, les proches de la personne concernée et les personnes qui ont un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 450 al. 2 CC).

Sont parties à la procédure devant le Tribunal de protection, dans les procédures instruites à l'égard d'un adulte, outre la personne concernée, son conjoint, son partenaire enregistré ou la personne faisant durablement ménage commun avec elle ou l'un de ses parents jusqu'au 4ème degré, dans la mesure où ils interviennent comme requérants (art. 35 LaCC).

En l’espèce, le recours a été formé par la personne concernée au sens de l’art. 450 al. 1 CC. Les conditions de forme et de délais étant remplies, le recours est recevable.

1.2 La Chambre de céans établit les faits d'office, applique le droit d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 CC).

1.3 Les pièces nouvellement produites devant la Chambre de céans sont recevables, dans la mesure où l’art. 53 LaCC, qui régit de manière exhaustive les actes accomplis par les parties en seconde instance, à l’exclusion du CPC (art. 450f CC cum art. 31 al. 1 let. c et let. d a contrario LaCC), ne prévoit aucune restriction en cette matière.

1.4 La recourante sollicite qu'un neurologue de langue allemande soit désigné afin d'évaluer son profil neurologique et se déterminer sur sa capacité de discernement et, conformément au rapport du neurologue, cas échéant, que la Chambre de surveillance déclare l'entrée en force du mandat pour cause d'inaptitude du 20 avril 2020. Compte tenu de ce qui va suivre, il n’apparaît pas nécessaire de soumettre la recourante à un examen visant à déterminer sa capacité de discernement au moment de la signature du mandat pour cause d’inaptitude du 20 avril 2020.

1.5 Le recours peut être formé pour violation du droit, contestation fausse ou incomplète des faits pertinents et inopportunité de la décision.

Le grief d'arbitraire dans l'établissement des faits soulevé par la recourante doit être écarté, les faits retenus par le Tribunal de protection ne ressortant pas, comme elle le soutient, des simples déclarations de C______, mais de la procédure et des pièces figurant au dossier.

2.      2.1.1 Les mesures prises par l’autorité de protection de l’adulte garantissent l’assistance et la protection de la personne qui a besoin d’aide (art. 388 al. 1 CC). Elles préservent et favorisent autant que possible son autonomie (art. 388 al. 2 CC).

L’autorité de protection de l’adulte ordonne une mesure lorsque l’appui fourni à la personne ayant besoin d’aide par les membres de sa famille, par d’autres proches ou par les services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant (art. 389 al. 1 ch. 1 CC).

Une mesure de protection de l’adulte n’est ordonnée par l’autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).

L’art. 389 al. 1 CC exprime le principe de la subsidiarité (…): des mesures ne peuvent être ordonnées par l’autorité que lorsque l’appui fourni à la personne ayant besoin d’aide par les membres de sa famille, par d’autres proches ou par des services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant (ch. 1). Cela signifie que lorsqu’elle reçoit un avis de mise en danger, l’autorité doit procéder à une instruction complète et différenciée lui permettant de déterminer si une mesure s’impose et, dans l’affirmative, quelle mesure en particulier (HÄFELI, CommFam Protection de l’adulte, ad art. 389 CC, n. 10 et 11).

Selon l’art. 390 CC, l’autorité de protection de l’adulte institue une curatelle notamment lorsqu’une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d’assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d’une déficience mentale, de troubles psychiques ou d’un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (ch. 1).

2.1.2 Toute personne ayant l’exercice des droits civils (mandant) peut charger une personne physique ou morale (mandataire) de lui fournir une assistance personnelle, de gérer son patrimoine ou de la représenter dans les rapports juridiques avec les tiers au cas où elle deviendrait incapable de discernement (art. 360 al. 1 CC). Le mandant définit les tâches qu’il entend confier au mandataire et peut prévoir des instructions sur la façon de les exécuter (art. 360 al. 2 CC). Il peut prévoir des solutions de remplacement pour le cas où le mandataire déclinerait le mandat, ne serait pas apte à le remplir ou le résilierait (art. 360 al. 3 CC).

Le mandat peut être confié à plusieurs personnes. Le mandant doit alors définir les rapports des intéressés entre eux et les compétences de chacun. Désigner plusieurs personnes peut être utile en particulier lorsque la gestion du patrimoine exige des aptitudes qui n’ont pas d’importance pour l’assistance personnelle et inversement. En présence d’une très grande fortune, il peut aussi être judicieux de charger plusieurs personnes de la gestion commune du patrimoine. Des règles devraient alors prévoir la marche à suivre en cas de désaccord (Geiser, CommFam, Protection de l’adulte, n. 11 ad art. 360 CC).

2.1.3 Le mandat pour cause d’inaptitude est constitué en la forme olographe ou authentique (art. 361 al. 1 CC).

La personne qui établit l’acte ne doit pas examiner si la personne désignée est disposée à accepter le mandat, ni si elle semble apte à le remplir. La question se pose au moment seulement où le mandat pour cause d’inaptitude prend effet (Geiser, op. cit., n. 13 ad art. 361 CC et les références citées).

2.1.3 Selon l'art. 365 al. 1 CC, le mandataire représente le mandant dans les limites du mandat pour cause d'inaptitude et s'acquitte de ses tâches avec diligence et selon les règles du Code des obligations sur le mandat. En cas de conflit d'intérêts, les pouvoirs du mandataire prennent fin de plein droit (al. 3).

Aux termes de l'art. 368 al. 1 CC, si les intérêts du mandant sont compromis ou risquent de l'être, l'autorité de protection de l'adulte prend les mesures nécessaires d'office ou sur requête d'un proche du mandant. Elle peut notamment donner des instructions au mandataire, lui ordonner d'établir un inventaire des biens du mandant, de présenter périodiquement des comptes et des rapports ou lui retirer ses pouvoirs en tout ou en partie (al. 2).

Enfin, lorsque l'autorité de protection de l'adulte apprend qu'une personne est devenue incapable de discernement et qu'il existe un mandat pour cause d'inaptitude, elle examine si le mandat a été constitué valablement, si les conditions de sa mise en œuvre sont remplies, si le mandataire est apte à le remplir, et si elle doit prendre d'autres mesures de protection de l'adulte (art. 363 al. 1 et 2 CC).

2.2.1 En l'espèce, la question de savoir si la recourante avait la capacité de discernement pour désigner un avocat afin de former recours contre l'ordonnance contestée, ce que conteste C______, peut demeurer indécise, compte tenu du sort réservé à son recours. Quoi qu'il en soit, la recourante ne conteste pas le fait qu'elle soit atteinte dans sa santé et ne puisse pas subvenir seule tant à la gestion de ses affaires administratives, juridiques et financières, qu'à la prise en charge de sa santé et de son bien-être. Il ressort en effet clairement des éléments médicaux du dossier, ainsi que de ceux recueillis lors de l'audition des parties par le Tribunal de protection, comme l'a relevé ce dernier, que la recourante souffre d'un déclin cognitif progressif, lequel a été confirmé par un neurologue. Préalablement à ce diagnostic, le médecin traitant de la recourante, le Dr I______, avait effectué un MMS avec un score de 17/30 et précisé que le déclin cognitif de sa patiente avait pour conséquence une incapacité totale de la concernée de sauvegarder l'ensemble de ses intérêts et l'exposait à des engagements excessifs en raison de l'influence de personnes malintentionnées ou du fait d'une mauvaise compréhension de ses engagements. Selon son médecin, une restriction de l'exercice des droits civils de l'intéressée était nécessaire, ce dernier relevant que, s'il n'était pas certain qu'elle puisse s'engager contractuellement avec un inconnu, elle pourrait le faire avec une personne connue; elle pouvait également être amenée à effectuer des retraits d'argent répétés, sans s'en souvenir. Ainsi, il est acquis que la recourante est dans l'incapacité de sauvegarder seule ses intérêts financiers et administratifs et d'assumer son assistance personnelle pour tous les actes de la vie quotidienne, y compris dans le domaine médical, ce qui n'est d'ailleurs remis en question ni par elle-même, ni par ses fils.

2.2.2 La recourante ne conteste pas la désignation comme curateur de représentation en matière médicale de ses fils D______ et C______, le premier étant également en charge de son assistance personnelle. Elle conteste par contre la désignation de E______, avocat, aux fonctions de curateur de représentation et de gestion afin de la représenter dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives et juridiques, ainsi que pour gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes.

Elle considère que le mandat pour cause d'inaptitude qui a été établi en la forme authentique le 20 avril 2020, par lequel elle désigne ses fils D______ et C______ en qualité de mandataires, disposant d'un pouvoir collectif à deux, sauf décès ou survenance d'une incapacité de discernement de l'un d'eux, doit être respecté et appliqué, ce qui ne laisse pas place à la désignation d'un curateur de représentation et de gestion tiers, comme l'a fait le Tribunal de protection.

La recourante ne peut cependant être suivie. Si certes, le mandat pour cause d'inaptitude a été rédigé en la forme authentique, et que rien ne permet de retenir qu'au moment où il a été fait, la recourante n'avait pas de capacité de discernement suffisante, il ne peut cependant être mis en œuvre. En effet, ce mandat précise que la gestion des affaires de la recourante doit être confiée à ses deux fils, D______ et C______, avec pouvoir collectif à deux, de sorte qu'il prévoit que la représentation des intérêts de la recourante soit opérée d'un commun accord par ses deux fils. Elle n'a en effet pas confié des tâches distinctes à l'un ou l'autre de ses enfants, précisant au contraire qu'ils devaient agir à deux dans tous les domaines la concernant, sauf prédécès de l'un d'eux. La recourante n'a pas prévu de discorde possible entre ses fils sur l'un ou l'autre des sujets la concernant, ni comment régler d'éventuels conflits entre eux. Or, outre le fait que C______ ne souhaite pas remplir le mandat de gestion pour lequel il a été désigné, les deux frères sont en opposition concernant la manière de gérer les biens de la recourante, C______ étant à l'origine de la saisine du Tribunal de protection, suite à des agissements de son frère, qu'il considère inappropriés. Ainsi, la fratrie étant en désaccord sur l'ensemble de la gestion des questions financières concernant la recourante, il ne fait aucun doute que la mise en œuvre du mandat pour cause d'inaptitude du 20 avril 2020 conduirait à une situation de blocage et à l'impossibilité de prendre des décisions.

Compte tenu du fait que C______ a clairement manifesté son refus de fonctionner conformément au mandat pour cause d'inaptitude, et qu'il reproche à D______ des comportements qui ne sont pas dans l'intérêt financier de leur mère, impliquant que les deux frères ne peuvent se charger conjointement des affaires administratives et financières de la recourante, c'est à juste titre que le Tribunal de protection a considéré que le mandat pour cause d’inaptitude ne pouvait être mis en œuvre, ce d'autant que la recourante n'a pas désigné D______ seul, dans le cadre de ce mandat, pour s'occuper de ses affaires.

3.      3.1.1 A teneur de l'art. 400 al. 1 CC, l'autorité de protection nomme curateur une personne physique qui possède les connaissances et les aptitudes nécessaires à l'accomplissement des tâches qui lui sont confiées, qui dispose du temps nécessaire et qui les exécute en personne. Plusieurs personnes peuvent être désignées, si les circonstances le justifient. Celles-ci peuvent accomplir cette tâche à titre privé, être membre d'un service social privé ou public, ou exercer la fonction de curateur à titre professionnel. La loi, à dessein, n'établit pas de hiérarchie entre les personnes pouvant être désignées, le critère déterminant étant celui de leur aptitude à accomplir les tâches confiées. La complexité de certaines tâches limite d'ailleurs le recours à des non-professionnels, même si ceux-ci sont bien conseillés et accompagnés dans l'exercice de leur fonction (Message du Conseil fédéral, FF 2006, p. 6682/6683).

Lorsque la personne concernée propose une personne comme curateur, l'autorité de protection de l'adulte accède à son souhait pour autant que la personne proposée remplisse les conditions requises et accepte la curatelle (art. 401 al. 1 CC). L'autorité de protection de l'adulte prend autant que possible en considération les souhaits des membres de la famille ou d'autres proches (art. 401 al. 2 CC). Elle tient compte autant que possible des objections que la personne concernée soulève à la nomination d'une personne déterminée (art. 401 al. 3 CC).

Si l'autorité de protection est en principe tenue de retenir le curateur de confiance proposé par la personne concernée lorsqu'il répond aux qualifications requises, les souhaits des parents ou d'autres proches ne sont pris en considération que dans la mesure du possible (HÄFELI, Protection de l'adulte, CommFam, 2013, ad art. 401, N 2).

3.1.2 La recourante reconnaît qu’elle a besoin d’aide dans tous les domaines de la vie courante, ce qui a d’ores et déjà été retenu supra et ne s’oppose donc pas à l’instauration en sa faveur d’une curatelle de représentation et de gestion, étendue au domaine médical et du bien-être. Elle ne s’oppose également pas à ce que ses fils D______ et C______ soient désignés aux fonctions de curateurs dans le domaine médical, respectivement également de l'assistance personnelle concernant le premier, ne critiquant, à raison, pas le raisonnement du Tribunal de protection qui a considéré que ces derniers étaient capables de gérer ces domaines. Elle s’oppose cependant à la désignation de E______, avocat, aux fonctions de curateur de ses affaires administratives, juridiques et financières et de gestion de ses revenus et biens, souhaitant que son fils D______, s’occupe de cette partie de la curatelle, ce que ce dernier accepte.

Elle soutient que le Tribunal de protection aurait violé son droit d’être entendue. Elle ne peut cependant être suivie puisque le Tribunal de protection a, d’une part, entendu la recourante lors de l'audience qui s’est tenue devant lui, et d’autre part, a précisé dans sa décision qu’il tenait compte des souhaits de la recourante autant que possible, raison pour laquelle il a laissé aux deux frères la curatelle de soins médicaux et l'assistance personnelle de la concernée. Aucune violation du droit d’être entendue de la recourante ne saurait ainsi être retenue.

La recourante considère que le Tribunal de protection a retenu, à tort, qu’il existait un conflit d’intérêts entre elle et son fils D______. Il n’est pas contesté que D______ habite avec sa mère, sans payer de loyer, et qu’il dépend financièrement de cette dernière, ce qui, déjà, suffit à retenir un conflit d’intérêts, pour le moins abstrait, entre les concernés, eu égard à l’état de santé de la recourante. Si certes, D______ s’occupe de sa mère au quotidien, de manière dévouée, certains éléments font apparaître qu’un conflit d’intérêts, non seulement abstrait mais concret, existe entre lui et la recourante. En effet, il ressort de la procédure que D______ accompagnait sa mère pour effectuer des retraits au guichet ou au bancomat, ce que cette dernière était capable de faire, accompagnée, sans toutefois se souvenir, ni des montants retirés, ni de leur affectation. Or, si D______ considère qu’il s’agit de quelques retraits minimes d’argent, le curateur désigné par le Tribunal de protection a mis en lumière dans ses déterminations, le fait que sa protégée avait effectué divers retraits, parfois à quelques minutes d’intervalles, soit notamment les 13 mai 2022 (quatre retraits séparés de 1'000 fr. entre 15h01 et 15h12), 11 juillet 2022 (deux retraits de 2'000 fr. chacun à 12h28 et à 12h30), le 2 septembre 2022 (un retrait de 2'000 fr.), sans que la recourante ne s’en souvienne, ni ne puisse donner d’explications sur leur affectation, pas plus d’ailleurs que D______, qui pourtant se prévaut de tenir une  "comptabilité"  concernant sa mère, accessible sur un compte Google, sur laquelle cependant ces retraits n’apparaissent pas. Les relevés bancaires de la recourante font encore apparaître divers "paiements point vente ", tels que des kiosques ou stations-service, alors qu’à l’évidence la recourante ne conduit plus de véhicules automobiles, ainsi que des remboursements en faveur d’une carte de crédit K______, comme notamment 2'309 fr. 90 le 14 septembre 2022, 2'666 fr. 90 le 15 août 2022 et 3'490 fr. 65 le 14 juin 2022. Par ailleurs, D______ a fait signer à la recourante, sans que celle-ci ne s'en souvienne, un contrat par lequel elle s'engageait à le rémunérer d'une somme de 3'600 fr. par mois, pour les soins qu'il lui prodiguait, de sorte que, là encore, le conflit d'intérêt est patent. En résumé, les éléments du dossier font apparaître une certaine confusion entre le patrimoine de la recourante et celui de son fils D______, de sorte qu'il n'est pas opportun que la gestion des affaires patrimoniales et financières de la recourante soient confiées à celui-ci. C'est donc à raison que le Tribunal de protection a retenu qu'il se justifiait de confier à un tiers, extérieur à la famille, les tâches de représenter la recourante dans les domaines financiers, administratifs et juridiques et de gérer sa fortune et ses biens.

La recourante ne soutient pas, à raison, que E______ ne disposerait pas de toutes les compétences requises pour assumer la fonction à laquelle il a été désigné. Celui-ci, titulaire du brevet d'avocat et maîtrisant la langue allemande que parle la recourante, dispose des qualités nécessaires à l'exécution de sa tâche, de sorte qu'il doit être confirmé dans sa fonction.

4.      Le grief de la recourante concernant l'art. 415 CC, dont elle prétend qu'il aurait été violé par le Tribunal de protection, est irrecevable, la décision rendue par ce dernier ne portant aucunement sur l'approbation des rapport et comptes du curateur de gestion, mais uniquement sur sa désignation.

5.      Les griefs de la recourante étant rejetés, l'ordonnance sera entièrement confirmée et la recourante sera déboutée de toutes ses conclusions.

6.      Les frais judiciaires seront arrêtés à 2'000 fr. (art. 67B RTFMC) et laissés à la charge de la recourante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront partiellement compensés avec l'avance de frais effectuée (art. 111 al. 1 CPC), de sorte que la recourante sera condamnée à verser la somme de 1'400 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Il n'est pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 23 janvier 2023 par A______ contre l'ordonnance DTAE/9101/2022 rendue le 6 décembre 2022 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/18079/2021.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes ses conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 2'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense partiellement avec l'avance effectuée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser la somme de 1'400 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE et Stéphanie MUSY, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.