Décisions | Chambre des prud'hommes
CAPH/107/2024 du 20.12.2024 sur JTPH/124/2024 ( OS ) , CONFIRME
En droit
république et | canton de genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/14199/2022 CAPH/107/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des prud'hommes DU VENDREDI 20 DECEMBRE 2024 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______ (France), appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 14 mai 2024 (JTPH/124/2024), représentée par Me Valerie DEBERNARDI, avocate, PETER MOREAU SA, rue des Pavillons 17, case postale 90, 1211 Genève 4,
et
B______ SA, sise ______ [VD], intimée, représentée par Me Serge ROUVINET, avocat, ROUVINET AVOCATS, rue De-Candolle 6, case postale , 1211 Genève 4.
A. Par jugement JTPH/124/2024 du 14 mai 2024, reçu le lendemain par A______, le Tribunal des prud'hommes (ci-après: le Tribunal) a déclaré recevable la demande formée le 30 novembre 2022 par la précitée à l'encontre de B______ SA (chiffre 1 du dispositif), débouté A______ de ses conclusions (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3), dit que la procédure était gratuite et qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4).
B. a. Par acte expédié le 13 juin 2024 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel de ce jugement, sollicitant l'annulation du chiffre 2 de son dispositif. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour condamne B______ SA à lui verser les sommes, avec intérêts à 5% dès le 1er juin 2021, de 13'877 fr. à titre d'indemnité pour licenciement abusif, 9'000 fr. d'indemnité pour tort moral et 6'383 fr. 25 de dommages-intérêts.
b. B______ SA a conclu au rejet de cet appel.
c. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.
d. Par avis du greffe de la Cour du 30 octobre 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure:
a. Par contrat de travail du 5 novembre 2012, B______ SA a engagé A______ en qualité d'agente de sécurité auxiliaire, à partir du 23 juillet 2012.
Par contrat de travail de durée indéterminée du 15 décembre 2015, B______ SA a engagé A______ en tant qu'agente de sécurité professionnelle. La durée mensuelle de travail convenue était de 100 heures, pour un salaire brut de 2'140 fr., payé treize fois l'an.
Par avenant à ce contrat du 17 janvier 2017, A______ a été affectée au service C______ à Genève en qualité d'assistante.
b. Par courrier du 24 juillet 2017, A______ a adressé une plainte à D______, directeur de la succursale genevoise de B______ SA, concernant le comportement de sa supérieure hiérarchique, E______.
Elle a indiqué que la précitée lui avait reproché, le 23 juin 2017, d'avoir pris trop de jours de vacances durant cette année et de ne pas être venue travailler un mercredi, alors qu'il s'agissait de son jour de congé. Le 26 juin 2017, elle l'avait pressée de traiter un courriel urgent avec une échéance au lendemain, alors que celui-ci avait été envoyé quatre jours plus tôt. Le 13 juillet 2017, E______ l'avait ignorée et ne l'avait plus informée des dernières mises à jour et instructions relatives au fonctionnement du service. Le 18 juillet 2017, la précitée s'était adressée à elle sur un ton agressif en lui ordonnant d'identifier une erreur qu'elle aurait commise. Enfin, le 21 juillet 2017, E______ avait vérifié son travail et lui avait tendu un classeur en la sommant de chercher une erreur, sans autre indication.
A______ a précisé que l'ambiance de travail au sein du service était pesante. Elle se sentait mal à l'aise face à cette situation, qui avait pour conséquence qu'elle venait travailler "le ventre noué" et qu'elle était sujette à des insomnies.
c. A______ a été incapable de travailler du 28 août au 1er septembre 2017, du 2 au 16 décembre 2017 et du 5 février au 4 mars 2018.
d. Par courrier du 22 février 2018, A______ a remercié F______, assistant en ressources humaines, de l'avoir soutenue lors de son entretien d'évaluation du 31 janvier 2018, à l'issue duquel elle avait eu le sentiment que la situation avec E______ avait été "désamorcée". Elle déplorait toutefois l'attitude de mauvaise foi de la précitée à son égard. De plus, le 2 février 2018, celle-ci avait annoncé la mise en œuvre, dès le 5 février 2018, d'un nouvel horaire de travail, sans possibilité de discussions.
Cette situation avait des conséquences sur son état de santé physique et psychologique. Elle n'était plus en mesure de travailler dans ces conditions "de stress et angoisses permanentes", de sorte qu'elle sollicitait une rencontre afin de discuter d'éventuelles solutions.
e. Le 6 mars 2018, A______ et F______ ont eu un entretien.
Par courriel du 8 mars 2018, F______ a indiqué à A______ avoir discuté de la situation avec D______. Il y avait eu une incompréhension s'agissant du changement d'horaire, lequel n'était pas imposé par la direction dès le 5 février 2018. Ils avaient également décidé que des séances hebdomadaires avec l'équipe du service C______, en présence des ressources humaines, allaient être mises en place dès le 16 mars 2018.
Par courriel du 23 mars 2018, F______ s'est enquis auprès de A______ du résultat de la première séance susvisée, ce à quoi cette dernière a répondu qu'il n'y avait pour le moment pas de changement significatif, mais qu'il fallait aviser sur le long terme.
f. A______ a été incapable de travailler du 1er au 15 juin 2018.
g. Le 25 juin 2018, A______ a échangé des courriels avec G______, employé au sein de B______ SA à Zurich, au sujet du comportement de E______, que ce dernier qualifiait d'inapproprié, précisant que les instructions de la précitée n'étaient pas cohérentes. Les agissements de celle-ci avaient toutefois cessé après l'intervention des ressources humaines.
h. Par courriel du 25 juin 2018, D______ a annoncé aux collaborateurs du service C______ que pour répondre aux besoins dudit service, les horaires de travail seraient adaptés, dès le 1er septembre 2018, de la manière suivante: 8h00-12h00/13h00-17h00 ou 9h00-13h00/14h00-18h00. Les collaborateurs étaient priés de donner leur accord à ce changement d'ici au 16 juillet 2018. A défaut, B______ SA aviserait si un transfert dans un autre service était possible ou s'il y avait lieu de mettre fin aux rapports contractuels.
Par courriel du 29 juin 2018, A______ a demandé à F______ si des postes étaient actuellement vacants au sein de l'entreprise, compte tenu de la situation au sein du service C______ et de la modification des horaires de travail sur laquelle elle devait se prononcer.
F______ a répondu que des postes étaient effectivement ouverts et qu'il transmettait sa requête au service du recrutement.
i. H______, employée au service C______, a été licenciée en juillet 2018.
j. Par courriel du 28 septembre 2018, F______ a indiqué à la responsable des ressources humaines que la séance hebdomadaire du jour au sein du service C______ avait été agréable et que E______ était plus à l'aise. Cette dernière avait d'ailleurs suivi une formation en mangement durant le mois. A______ lui avait également confirmé que l'ambiance de travail et le comportement de E______, de même que leur relation, s'étaient améliorés depuis le départ de H______. Il estimait ainsi que sa présence à ces séances n'était plus nécessaire.
k. Par courriel du 14 juin 2019, A______ a sollicité auprès des ressources humaines un entretien afin de discuter d'un changement de service. La situation s'était apaisée l'année dernière, mais E______ adoptait à nouveau un comportement inapproprié.
Un entretien a eu lieu le 20 septembre 2019 entre A______ et I______, assistant aux ressources humaines, lors duquel elle a déclaré que E______ surveillait constamment son travail et lui parlait de manière sèche. A titre d'exemple, celle-ci s'était énervée parce qu'elle n'avait pas utilisé la voie hiérarchique pour obtenir une information. Elle persistait à prendre des décisions concernant ses congés, alors qu'elle n'était plus sa supérieure hiérarchique depuis la réorganisation du service C______. Elle avait "la boule au ventre" en venant au travail.
Un deuxième entretien a eu lieu le 27 septembre 2019 entre A______, I______ et J______, nouveau responsable du service C______, lors duquel ce dernier a expliqué que des discussions étaient en cours avec la direction et les ressources humaines afin de trouver rapidement une solution.
Deux autres entretiens entre A______, les ressources humaines et J______, ont eu lieu les 11 et 25 octobre 2019.
l. Par courrier du 12 novembre 2019, A______ a remercié J______ pour son écoute et son engagement. Elle a indiqué que E______ l'avait récemment appelée pendant son jour de congé pour lui reprocher une erreur. A deux occasions, celle-ci lui avait parlé sèchement, voire l'ignorait lorsque qu'elle la saluait. Ce comportement impactait la façon dont elle travaillait. Elle n'osait plus prendre un appel ou traiter un courriel de peur de se faire reprendre pour la moindre erreur par E______.
Par courriel du jour même, J______ a indiqué à K______ et L______, directeurs de B______ SA, que la situation au sein du back office du service C______ devenait insoutenable au vu du climat de travail malsain qui y régnait. A______ et E______ ne devaient plus travailler dans le même bureau, de sorte qu'il préconisait de déplacer la première citée au front office.
Par courriel du 3 décembre 2019, J______ a informé les ressources humaines et la direction de B______ SA que A______ avait accepté son déplacement au front office.
m. Par courrier du 25 novembre 2019, B______ SA a notifié un avertissement à E______ en raison de son comportement, plus précisément de sa manière de communiquer avec ses subordonnés, qui avait engendré une dégradation des rapports de travail et de l'ambiance générale. B______ SA espérait ainsi que de tels faits ne se produiraient plus à l'avenir.
E______ a contesté cet avertissement, au motif que H______ et A______ s'étaient liguées contre elle en dénonçant un certain mobbing de sa part. À la suite de ces dénonciations, des séances mensuelles avaient été mises en place avec les ressources humaines et elle avait également suivi un cours de management, ce qui avait apaisé la situation.
Par courrier du 13 janvier 2020, B______ SA a indiqué à E______ maintenir son avertissement.
n. A teneur de son rapport d'évaluation pour l'année 2019, établi le 4 février 2020, A______ a indiqué que, suite à son changement de poste en novembre 2019, l'environnement de travail était plus serein et épanouissant.
o. En septembre 2020, B______ SA a proposé à A______ d'effectuer un 20% sur son taux actuel de 60% auprès du service "M______", ce qu'elle a accepté. Une période d'essai était prévue jusqu'à fin 2020 et un point serait fait début 2021 concernant la suite.
p. En décembre 2020, A______ a subi une fausse couche.
q. A teneur de son rapport d'évaluation pour l'année 2020, établi le 15 février 2021, A______ a indiqué ne pas être satisfaite de la période écoulée. La pandémie de Covid-19 avait entraîné une baisse significative du nombre de raccordements et l'avait tenue éloignée de son poste de travail durant plusieurs mois. La relation avec ses collègues du back office était "froide", celle-ci se limitant aux salutations d'usage, et celle avec ses autres collègues était bonne. Le matériel mis à sa disposition n'était pas adapté pour effectuer son travail. Elle a évoqué la possibilité d'une mutation dans un autre service.
r. Il ressort d'un courriel du service du recrutement du 26 février 2021 que celui-ci s'est renseigné auprès de tous les autres services de B______ SA de la possibilité d'y muter A______, en raison du nombre insuffisant d'heures de travail pour elle à son poste actuel. Seule une mutation auprès de la nouvelle société sœur B______/N______ SARL était envisageable.
B______ SA a proposé à A______ un poste à 60% auprès de B______/N______ SARL.
Par courriel du 19 mars 2021, A______ a indiqué à O______, directeur de B______/N______ SARL, qu'elle cesserait son activité auprès de B______ SA le 29 mars 2021 et commencerait à travailler pour B______/N______ SARL le 30 mars 2021. D'après sa compréhension, elle avait droit à une augmentation de salaire de 150 fr. par mois en attendant la négociation des termes de son contrat de travail le 1er juillet 2021. Elle se réjouissait de cette nouvelle opportunité professionnelle.
Par courriel du jour même, O______ a confirmé qu'elle restait employée de B______ SA jusqu'à la signature d'un contrat avec B______/N______ SARL, ce qui lui donnait l'occasion d'évaluer ses compétences pour ce nouveau poste durant une période de trois mois. Il y avait toutefois un malentendu concernant l'augmentation salariale, qui s'élevait à 150 fr. pour un temps plein.
Par courriel du 22 mars 2021, A______ a indiqué à O______ qu'elle refusait finalement le poste au sein de B______/N______ SARL, compte tenu du malentendu au sujet de l'augmentation de salaire.
s. A______ a été incapable de travailler du 23 mars au 28 mai 2021.
Selon une attestation de son médecin traitant, établie le 7 octobre 2023, A______ avait eu, dès 2015, des problèmes de cervicalgies avec névralgies cervico-brachiales gauches et de céphalées, accentués en 2017 par un état de stress permanent au travail. Des bilans d'imageries et des consultations spécialisées auprès d'un neurologue avaient conclu à des anomalies anatomiques. Lors d'une consultation le 23 mars 2021, la précitée était épuisée moralement et présentait des symptômes évoquant un burn out.
t. Par courrier du 31 mai 2021, B______ SA a résilié le contrat de travail de A______, avec effet au 31 juillet 2021, en raison d'une réorganisation du service.
B______ SA a précisé, dans un courrier adressé au syndicat P______ en novembre 2021, que la baisse d'activité au sein du service C______ ne permettait pas de proposer à A______ un nombre suffisant d'heures de travail pour honorer son contrat. Aucun autre service n'avait de disponibilité en ce sens. Le poste de la précitée n'avait pas été renouvelé ni remplacé.
u. A______ a été incapable de travailler du 31 mai 2021 au 31 octobre 2021, de sorte que l'échéance des rapports de travail a été reportée au 31 janvier 2022.
v. Par courrier du 8 juillet 2021, A______ a fait opposition à son licenciement.
D. a. Par acte déposé le 30 novembre 2022 au greffe du Tribunal, après l'échec de la tentative de conciliation, A______ a assigné B______ SA en paiement de la somme totale de 29'260 fr. 25, avec intérêts à 5% dès le 1er juin 2021, due à titre d'indemnités pour licenciement abusif (13'877 fr.), pour tort moral (9'000 fr.) et de dommages-intérêts (6'383 fr. 25).
Elle a allégué que son licenciement constituait un congé-représailles prononcé à la suite de ses plaintes consécutives au harcèlement moral qu'elle subissait de la part de E______. Il résultait également du fait qu'elle avait refusé un poste auprès de B______/N______ SARL, qui lui imposait une nouvelle période d'essai, alors qu'elle avait demandé, à plusieurs reprises, à pouvoir changer de service. B______ SA n'avait pris aucune mesure afin de protéger sa santé physique et psychique, fortement impactée par le harcèlement subi, et ce, durant plus de trois ans. Elle était responsable de son dommage, correspondant à la différence entre le salaire qu'elle aurait perçu si elle n'avait pas été incapable de travailler et le salaire effectivement perçu.
Elle a notamment produit une attestation médicale, établie le 20 mai 2022, à teneur de laquelle son médecin traitant indiquait qu'elle présentait "des symptômes récurrents de types cervicalgies, névralgie cervico-brachiales anxiété, burn out, céphalées" ayant conduit à des arrêts de travail justifiés, "dans un contexte de stress permanent et harcèlement au travail", selon les explications de sa patiente, précisant encore que "dans ce contexte, elle a[vait] présenté une fausse couche en décembre 2020".
b. B______ SA a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.
Elle a allégué que le licenciement de la précitée était dû à des motifs économiques, soit à la baisse d'activité du service au sein duquel elle travaillait, et non à ses plaintes pour harcèlement moral. A cet égard, la société avait pris des mesures pour apaiser le conflit opposant A______ et E______, notamment la tenue de diverses séances en présence de celles-ci et le déplacement de la première citée, afin de la séparer de la seconde. A______ avait également, pour une partie de son taux d'activité, rejoint un autre service et une proposition de poste auprès de B______/N______ SARL lui avait été faite, ce qu'elle avait refusé. B______ SA n'avait ainsi pas failli à son obligation de protéger la personnalité et la santé de A______.
c. Lors des audiences des 4 septembre, 1er novembre et 19 décembre 2023, le Tribunal a entendu les parties.
A______ a déclaré avoir été victime de harcèlement de la part de E______, précisant que son ancienne collègue, H______ s'était également plainte du comportement de celle-ci. Elle ignorait pour quelles raisons E______ avait adopté ce comportement à son égard, celle-ci n'ayant jamais mentionné d'erreurs qu'elle aurait commises. Des séances avaient été organisées par les ressources humaines afin de désamorcer les tensions et trouver des solutions. Une période d'accalmie avait perduré jusqu'en 2019. Même si E______ avait été démise de son titre de responsable en septembre 2019, elle continuait à superviser son travail et aucune mesure n'avait été prise à cet égard. Il avait, en définitive, été décidé qu'elles ne pourraient plus travailler ensemble, ce qui avait conduit à son déplacement au front office, mesure qu'elle avait perçue comme une punition et une injustice. On lui avait ensuite proposé un nouveau poste en mars 2021, mais les conditions imposées, en particulier un temps d'essai de trois mois après neuf ans d'ancienneté et le salaire, n'étaient pas acceptables, ce qui l'avait amenée à refuser l'offre. Il ne lui avait pas été indiqué qu'elle serait licenciée en cas de refus. Elle avait vécu une longue période de dépression et de tristesse à la suite de sa fausse couche.
L______, représentant de B______ SA, a déclaré que les premières plaintes à l'encontre de E______ dataient de 2017. Cette dernière pouvait être dure dans ses propos lorsque des erreurs étaient commises, raison pour laquelle il avait été décidé de la former afin d'assouplir sa manière de faire. Il n'y avait pas eu de discussions au sujet d'un éventuel licenciement de cette dernière compte tenu de son ancienneté, ses compétences et son âge proche de la retraite. Le terme mobbing n'avait pas été évoqué avec celle-ci, mais plutôt des comportements et propos rugueux ou frontaux. Le motif du licenciement de A______ était la suppression de son poste au front office. Celle-ci aurait dû être informée qu'en cas de refus de son transfert auprès de B______/N______ SARL, son poste serait éliminé et elle serait probablement licenciée. Il ne s'agissait pas d'un temps d'essai auprès de B______/N______ SARL, mais d'une période pour l'évaluer au sein de la nouvelle équipe.
D______, représentant de B______ SA, a déclaré que E______ était "très carrée, sèche" et autoritaire. A______ se plaignait de difficultés de communication avec celle-ci, lesquelles étaient liées à la manière dont E______ gérait son stress et exerçait son autorité. A la suite de la plainte de A______ en juillet 2017, il avait organisé une ou deux rencontres informelles fin 2017 au sein du service C______, puis des séances avaient été mises en place en 2018 avec la contribution des ressources humaines. E______ avait également organisé des déjeuners avec A______. La situation s'était améliorée, puis s'était à nouveau dégradée, selon A______. J______ avait alors intensifié les mesures, notamment en séparant les bureaux de A______ et E______. La proposition faite à A______ de rejoindre un autre service était dictée par la perte d'un client représentant un tiers des activités de la société. Seuls deux postes avaient été conservés au service C______. A______ avait été licenciée en raison de la réorganisation dudit service, compte tenu de la suppression de son poste.
d. Lors des audiences des 16, 25 octobre et 1er novembre 2023, le Tribunal a entendu des témoins.
H______ a déclaré qu'au début ses relations avec E______ étaient bonnes, puis elles s'étaient progressivement dégradées. Celle-ci employait un ton sec, à la limite de la politesse. Elle faisait des arrivées brutales dans le service en criant, lorsque des erreurs avaient été commises par des collaborateurs, et en les interpellant par leurs initiales. Elle adoptait ce comportement à l'encontre de tous les employés, en cas d'erreur, ce qui générait des tensions. C'était plus dans la forme que son comportement était questionnable. Elle en avait discuté avec A______, qui avait un ressenti similaire. Il lui arrivait d'aller travailler "la boule au ventre". Elle en avait notamment informé sa hiérarchie et les ressources humaines. Des séances avaient ainsi été organisées avec tous les membres du service C______ afin notamment de traiter les tensions au sein de celui-ci. Cela avait temporairement amélioré la situation avant de se détériorer à nouveau. J______ était parfois intervenu vis-à-vis de E______ pour lui signifier que son comportement était inadéquat et l'inviter à modérer ses propos. Elle avait ensuite été déplacée à la réception, ce qui avait amélioré la situation, car elle n'avait plus de contact avec E______. Elle avait finalement été licenciée en 2018, sans se rappeler pour quel motif.
Q______, ancien employé de B______ SA, a déclaré avoir travaillé avec E______. Elle lui manquait de respect, était à la limite de l'insulte et discriminante. Elle avait une façon de s'adresser aux collaborateurs qui était inadéquate. Il n'avait passé qu'une ou deux semaines dans le service de celle-ci et avait ensuite demandé à être transféré. Il avait informé les ressources humaines de cette situation et n'avait pas reçu de réponse. Il avait constaté que A______ était fatiguée et qu'elle ne pouvait plus travailler avec E______. Tout le monde pouvait le remarquer. Il n'avait toutefois pas constaté directement ce qu'il se passait, car il n'était pas dans le même service.
G______ a déclaré avoir travaillé pour E______, qui supervisait également son service à Zurich. Elle était gentille avec lui. Leurs relations étaient bonnes pour autant que le travail soit bien effectué, ce qu'elle contrôlait souvent. Il était au courant que les relations entre la précitée et certains collègues exerçant à Genève étaient parfois difficiles. E______ ne savait pas comment se comporter avec les gens et sa manière de s'exprimer était parfois limite. A______ s'était plainte à lui du comportement de E______, en particulier de sa façon de parler, qu'elle n'arrivait pas à gérer.
R______, employée de B______ SA à Zurich, a déclaré que E______ faisait partie de la vielle école et qu'elle était sévère. Elle n'était toutefois pas méchante et souhaitait que les choses soient bien faites. Lorsque E______ était sous pression, sa façon de s'exprimer et son ton étaient éventuellement inappropriés. À une reprise, E______ avait haussé le ton à son encontre et elle lui avait dit que ce n'était pas acceptable. E______ lui avait répondu qu'elle devait la former et s'était excusée. Par la suite, elle avait fait des efforts et la situation s'était améliorée. La situation était également tendue à Genève en raison du comportement sévère de E______. Elle savait notamment qu'il y avait des problèmes avec A______, sans en connaître les détails.
S______, employé de B______ SA à Zurich, a déclaré que E______ avait la réputation d'employer, de manière générale, un ton inapproprié. Il l'avait lui-même constaté et attribuait cela au fait qu'elle ne savait pas gérer son stress. A la suite d'erreurs, elle lui avait demandé, de même qu'à d'autres collègues, s'il savait lire, ce qu'il considérait comme inacceptable et inadéquat. Elle l'avait également traité de dyslexique en lui criant dessus. A une reprise, il avait haussé le ton envers E______ ce qui l'avait calmée. Il avait été informé du fait que H______ avait contacté les ressources humaines et que des mesures avaient été prises, lesquelles n'avaient toutefois pas abouti dès lors qu'il y avait toujours des problèmes.
J______ a déclaré avoir travaillé, à l'époque, sous la responsabilité de E______ et ne pas avoir rencontré de problèmes, ce qui était également le cas d'autres collaborateurs. Certains employés se plaignaient du ton sec et de la façon directe de s'exprimer de la précitée. Il avait entendu parler de difficultés lorsque A______ commettait des erreurs et que E______ les relevait ou la laissait chercher l'origine de celles-ci. Des réunions avaient été organisées, ainsi des déjeuners entre les précitées, et les ressources humaines avaient été impliquées afin de régler les problèmes entre elles. La situation s'était améliorée, puis s'était à nouveau dégradée en raison d'erreurs, d'absentéisme ou de problèmes d'horaire. La situation était compliquée dès lors que la version des faits de chacune des précitées était contradictoire. Un nouveau poste avait alors été créé pour A______ au front office, afin qu'elles n'occupent plus le même bureau et que E______ ne soit plus sa supérieure hiérarchique. Cette dernière avait également reçu un avertissement. Depuis cette séparation, elles n'avaient plus de contacts directs et communiquaient uniquement par courriels ou son entremise. Il n'avait pas connaissance de plaintes ultérieures à cette séparation, précisant que A______ était souriante et épanouie. En 2020, B______ SA avait perdu un client important, ce qui l'avait contrainte à revoir son organisation. Le service C______ n'avait plus assez d'activité, contrairement à celui du M______. Il avait ainsi été décidé de réallouer 20% du temps de travail de A______ à ce service et conserver un 40% au front office. Par la suite, toujours en raison du manque d'activité, il avait été proposé à la précitée de rejoindre la société B______/N______ SARL. Il y avait eu un accord sur ce transfert, puis soudainement un blocage en raison du salaire proposé et du fait que le directeur de B______/N______ SARL souhaitait, durant une période, évaluer les compétences de A______ pour le poste. A la suite du refus de celle-ci, des alternatives avaient été cherchées, car son poste actuel était en péril. Il n'y avait pas assez de travail dans son service, le nombre de clients ayant baissé de moitié, et pas d'alternative au sein de la société.
T______, employé auprès de B______ SA et ancien collègue de A______, a déclaré avoir entendu parler de tensions au sein du service C______ concernant E______. F______ était intervenu comme médiateur. Des réunions avaient été organisées afin d'apaiser les tensions et rétablir la communication. A______ participait activement à ces séances en insistant sur ses rapports professionnels problématiques avec E______ et le malaise qu'elle ressentait au sein du service. Ces séances avaient permis de libérer certaines tensions et d'offrir un espace de dialogue à l'ensemble de l'équipe, sans être complètement efficaces. Lorsque A______ avait été déplacée au front office, elle collaborait avec d'autres employés. Il n'avait pas connaissance du fait qu'elle se soit plainte d'être isolée. E______ se déplaçait parfois au front office sans communiquer directement avec A______.
U______, employé auprès de B______ SA et ancien collègue de A______, a déclaré ne pas avoir rencontré de problèmes avec E______. Il avait constaté des tensions entre celle-ci et A______, ainsi que H______. Des réunions avaient été organisées par les ressources humaines au sein de l'équipe, compte tenu de ces tensions. E______ se plaignait de problèmes de communication avec les précitées, qui ne l'interpelaient pas pour lui poser les questions utiles, ce qui impactait l'ambiance. Ces séances avaient temporairement amélioré la situation. Il savait que les responsables avaient mis en place un certain nombre de mesures pour améliorer la situation, lesquelles n'avaient toutefois pas abouti. Il n'avait pas été surpris par le licenciement de A______ à cause desdits problèmes. Actuellement, trois employés travaillaient au back office. Après le départ de la précitée, ils avaient été deux durant quelques mois.
E______ a déclaré que ses relations avec A______ étaient bonnes jusqu'en 2017. Cette dernière et H______ s'étaient ensuite liguées contre elle en l'accusant de harcèlement auprès des ressources humaines. Elle avait été convoquée par ces dernières, mais ignorait en quoi consistaient ses prétendus actes de harcèlement. Elle n'avait pas ressenti de tension ou difficulté. Par la suite, des séances hebdomadaires avaient été imposées à l'ensemble de l'équipe. On lui avait également imposé d'aller manger avec A______, repas qui s'était bien passé, et de suivre un cours de management. En novembre 2019, elle avait été, à nouveau, convoquée suite à une plainte de A______. A cette occasion, on lui avait annoncé qu'un avertissement allait lui être notifié. Elle avait contesté celui-ci, dès lors qu'elle était, en réalité, elle-même victime de mobbing de la part de H______ et A______. Sa relation avec la précitée était compliquée, car elle ne lui parlait plus et effectuait un travail limité. Elle avait toujours adopté la même façon de faire vis-à-vis des collaborateurs.
Lors de l'audience du 4 mars 2024, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions, sur quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.
1. 1.1 L'appel est dirigé contre une décision finale de première instance rendue dans le cadre d'un litige portant sur une valeur litigieuse de plus de 10'000 fr. au dernier état des conclusions de première instance (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).
Il a été déposé dans le délai utile et respecte, au surplus, la forme prescrite (art. 130, 131 et 311 CPC), de sorte qu'il est recevable.
1.2 La valeur litigieuse étant inférieure à 30'000 fr., la procédure simplifiée est applicable (art. 243 al. 1 CPC) et la cause est soumise aux maximes inquisitoire (art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC).
2. La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), mais uniquement dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF
142 III 413 consid. 2.2.4). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu'ils ont retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).
3. Le Tribunal a considéré que le licenciement de l'appelante n'était pas abusif. Un important conflit personnel opposait celle-ci à sa supérieure hiérarchique, sans que des actes de harcèlement moral ne soient établis. Ladite supérieure avait une manière inadéquate de s'adresser à l'ensemble des collaborateurs, mais elle ne s'en prenait pas personnellement à l'appelante et n'était pas animée par une volonté de lui nuire. De plus, l'intimée avait pris diverses mesures concrètes pour remédier au conflit opposant les précitées, qui était, au demeurant, temporellement éloigné du licenciement litigieux. A cela s'ajoutait que le motif invoqué à l'appui de celui-ci, soit une réorganisation du service, était avéré. A défaut d'atteinte à la personnalité de l'appelante, il n'y avait pas lieu à l'allocation d'une indemnité pour tort moral ou de dommages-intérêts. Celle-ci n'avait d'ailleurs pas démontré que ses souffrances psychologiques et ses incapacités de travail étaient imputables à l'intimée.
L'appelante fait grief au Tribunal de ne pas avoir considéré que son licenciement était abusif. Elle soutient, en substance, que les nombreux témoins entendus avaient confirmé que les agissements de sa supérieure hiérarchique à son égard constituaient des actes de harcèlement moral, qui avaient eu des répercussions néfastes sur sa santé. En outre, les mesures prises par l'intimée, à la suite de ses plaintes, étaient inefficaces, inadéquates et avaient eu pour conséquence de la mettre à l'écart progressivement. Enfin, l'intimée n'avait pas établi le motif économique invoqué à l'appui de son licenciement.
3.1.1 Selon le principe posé à l'art. 335 al. 1 CO, le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties. En droit suisse du travail prévaut la liberté de la résiliation, de sorte que, pour être valable, un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier (ATF 131 III 535 consid. 4.1). Le droit fondamental de chaque cocontractant de mettre fin unilatéralement au contrat est toutefois limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336 et ss CO).
L'art. 336 al. 1 et 2 CO énumère les cas dans lesquels la résiliation est abusive. Cette liste n'est pas exhaustive; elle concrétise avant tout l'interdiction générale de l'abus de droit. Un congé peut donc se révéler abusif dans d'autres situations que celles énoncées par la loi; elles doivent toutefois apparaître comparables, par leur gravité, aux hypothèses expressément envisagées (ATF 136 III 513 consid. 2.3; 131 III 535 consid. 4.2).
L'art. 336 al. 1 let. d CO prévoit que le congé est abusif lorsqu'il est donné parce que l'autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail. Les prétentions résultant du contrat de travail portent notamment sur des salaires, des primes ou des vacances. Le fait que l'employé se plaigne d'une atteinte à sa personnalité ou à sa santé et sollicite la protection de l'employeur peut aussi constituer une telle prétention (cf. art. 328 CO). Les prétentions émises par l'employé doivent encore avoir joué un rôle causal dans la décision de l'employeur de le licencier (ATF 136 III 513 consid. 2.6). Ainsi, le fait que l'employé émette de bonne foi une prétention résultant de son contrat de travail n'a pas nécessairement pour conséquence de rendre abusif le congé donné ultérieurement par l'employeur. Encore faut-il que la formulation de la prétention en soit à l'origine et qu'elle soit à tout le moins le motif déterminant du licenciement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_652/2018 du 21 mai 2019 consid. 4.1). Déterminer s'il existe un rapport de causalité naturelle est une question de fait (ATF 136 III 513 consid. 2.6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_652/2018 précité consid. 4.1).
La partie qui résilie abusivement le contrat doit verser à l'autre une indemnité, fixée par le juge, compte tenu de toutes les circonstances, mais ne dépassant pas six mois de salaire du travailleur. Sont réservés les dommages-intérêts qui pourraient être dus à un autre titre (art. 336a al. 1 et 2 CO).
3.1.2 L'art. 328 al. 1 CO impose à l'employeur de protéger et respecter, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur; il doit en particulier manifester les égards voulus pour sa santé, veiller au maintien de la moralité et veiller à ce que le travailleur ne soit pas harcelé sexuellement.
Le harcèlement psychologique (ou mobbing) se définit comme un enchaînement de propos et/ou d'agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, à marginaliser, voire à exclure une personne sur son lieu de travail. La victime est souvent placée dans une situation où chaque acte pris individuellement, auquel un témoin a pu assister, peut éventuellement être considéré comme supportable alors que l'ensemble des agissements constitue une déstabilisation de la personnalité, poussée jusqu'à l'élimination professionnelle de la personne visée. Le harcèlement est généralement difficile à prouver, si bien que son existence peut être admise sur la base d'un faisceau d'indices convergents (arrêts du Tribunal fédéral 4A_652/2018 précité consid. 5.1; 4D_72/2017 du 19 mars 2018 consid. 8.2 et 4A_159/2016 du 1er décembre 2016 consid. 3.1).
Il n'y a toutefois pas harcèlement psychologique du seul fait qu'un conflit existe dans les relations professionnelles ou qu'il règne une mauvaise ambiance de travail, ni du fait qu'un membre du personnel serait invité – même de façon pressante, répétée, au besoin sous la menace de sanctions disciplinaires ou d'une procédure de licenciement – à se conformer à ses obligations résultant du rapport de travail, ou encore du fait qu'un supérieur hiérarchique n'aurait pas satisfait pleinement et toujours aux devoirs qui lui incombent à l'égard de ses collaborateurs (arrêts du Tribunal fédéral 4A_652/2018 précité consid. 5.1; 4D_72/2017 précité et 4A_159/2016 précité consid. 3.1).
Un licenciement pourra ainsi être abusif si l'employeur exploite sa propre violation du devoir imposé par l'art. 328 CO de protéger la personnalité du travailleur (ATF 125 III 70 consid. 2a); par exemple, lorsqu'une situation conflictuelle sur le lieu de travail nuit notablement au travail en commun dans l'entreprise, le congé donné à l'un des employés en cause est abusif si l'employeur ne s'est pas conformé à l'art. 328 CO en prenant préalablement toutes les mesures que l'on pouvait attendre de lui pour désamorcer le conflit, telles des modifications de son organisation ou des instructions adressées aux autres travailleurs (ATF 132 III 115 consid. 2.2; 125 III 70 consid. 2c; 136 III 513 consid. 2.5 et 2.6).
En cas de violation de l'art. 328 al. 1 CO, l'employé peut prétendre à une indemnité pour tort moral aux conditions de l'art. 49 al. 1 CO. Selon cette disposition, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. N'importe quelle atteinte ne justifie pas une indemnité (ATF 125 III 70 consid. 3a).
3.1.3 L'abus de la résiliation peut découler non seulement des motifs du congé, mais également de la façon dont la partie qui met fin au contrat exerce son droit. Même lorsqu'une partie résilie de manière légitime un contrat, elle doit exercer son droit avec des égards. Elle ne peut, en particulier, pas jouer un double jeu et contrevenir de manière caractéristique au principe de la bonne foi. Ainsi, un comportement violant manifestement le contrat, tel qu'une atteinte grave au droit de la personnalité dans le contexte d'une résiliation, peut faire apparaître cette dernière comme abusive. En revanche, un comportement qui ne serait simplement pas convenable ou indigne des relations commerciales établies ne suffit pas. Il n'appartient pas à l'ordre juridique de sanctionner une attitude seulement incorrecte (ATF 132 III 115 consid. 2.1-2.3; 131 III 535 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_92/2017 du 26 juin 2017 consid. 2.2.1).
Le droit des obligations ne prévoit pas d'obligation d'entendre l'autre partie avant de prononcer un licenciement ou de la mettre en garde au préalable. L'employeur n'est pas davantage tenu de chercher des mesures moins incisives au licenciement, même si de telles mesures sont possibles (arrêt du Tribunal fédéral 4A_390/2021 du 1er février 2022 consid. 3.1.4).
3.1.4 Un motif économique constitue un intérêt digne de protection qui exclut généralement de considérer que le congé est abusif. Pour être digne de protection, le motif économique doit dépendre d'une certaine gêne de l'employeur, ce qui exclut la seule volonté d'augmenter les profits. En principe, la mauvaise marche des affaires, le manque de travail ou des impératifs stratégiques commerciaux constituent des motifs économiques admissibles. Les difficultés économiques auxquelles ont été confrontées les entreprises en raison de la pandémie du
Covid-19 ont manifestement pu constituer un motif économique digne de protection de l'employeur (Dunand, Commentaire du contrat de travail, 2022, n° 108 ad art. 336 CO).
3.2.1 En l'espèce, l'appelante soutient avoir été licenciée parce qu'elle se plaignait d'une atteinte à sa personnalité de la part de sa supérieure hiérarchique, E______.
Il ressort du dossier, notamment de la plainte de l'appelante du 24 juillet 2017, que celle-ci a formulé plusieurs griefs à l'encontre de sa supérieure hiérarchique, en particulier son comportement autoritaire, la manière dont elle s'adressait à elle lorsqu'elle commettait des erreurs, ainsi que l'absence de communication entre elles. L'intimée, soit pour elle D______, a confirmé que l'appelante se plaignant de difficultés de communication avec sa supérieure hiérarchique, lesquelles étaient liées à la manière dont celle-ci exerçait son autorité. Le témoin G______ a également confirmé que l'appelante reprochait à E______ sa façon de lui parler, ce qu'elle n'arrivait pas à surmonter.
Entendue en qualité de témoin, E______ a confirmé un problème de communication avec l'appelante, en l'imputant toutefois à cette dernière. A cet égard, le témoin U______ a déclaré que E______ se plaignait du fait que l'appelante, ainsi qu'une autre collègue, ne s'adressaient pas à elle, notamment pour lui poser les questions utiles à l'exécution de leur travail. Le témoin J______ a expliqué avoir entendu parler de ces difficultés de communication lorsque l'appelante commettait des erreurs, stigmatisées par sa supérieure hiérarchique, précisant que la situation était compliquée les versions de celles-ci étant contradictoires.
Il existait ainsi des tensions marquées entre l'appelante et sa supérieure hiérarchique en raison de leurs problèmes de communication.
Il ressort des enquêtes que E______ adoptait un comportement sévère et autoritaire dans l'exercice de sa fonction. En particulier, elle s'adressait à ses subalternes de manière inappropriée lorsqu'ils commettaient des erreurs. En effet, les explications fournies par les témoins H______, G______ et S______ permettent de retenir que E______ se comportait de manière inadéquate uniquement lorsqu'un collaborateur, sous sa supervision, n'effectuait pas son travail correctement. Selon les témoins R______ et S______, ce comportement était dû au fait que la précitée ne gérait pas bien la pression liée aux responsabilités de son poste.
Comme retenu par les premiers juges, E______ adoptait ainsi ce comportement envers tous les employés et non uniquement à l'encontre de l'appelante. Aucun élément du dossier ne permet de retenir que l'attitude de E______ constituait une hostilité particulière dirigée à l'encontre de l'appelante, ayant pour but de l'isoler, de la marginaliser professionnellement et, in fine, de l'exclure. Les témoins entendus n'ont pas relaté d'évènements lors desquels l'appelante aurait été visée par des actes de la part de sa supérieure hiérarchique aptes à déstabiliser sa personnalité, comme, par exemple, le fait d'avoir été humiliée ou encore insultée. Par ailleurs, hormis les agissements mentionnés dans ses plaintes des 24 juillet 2017 et 12 novembre 2019, ainsi que lors de la réunion du 20 septembre 2019 avec un employé des ressources humaines, l'appelante n'a pas allégué d'exemples concrets d'actes qui s'apparenteraient à un harcèlement moral de la part de E______. Comme relevé supra, les actes dénoncés par l'appelante démontrent des difficultés de communication entre les précitées, en particulier la manière "sèche" dont E______ s'adressait à l'appelante – tout comme à l'ensemble de ses subalternes –, mais ne constituent pas un faisceau d'indices suffisant pour admettre un harcèlement psychologique. Un tel harcèlement ne saurait être retenu du seul fait qu'un supérieur hiérarchique ne satisfait pas toujours aux devoirs qui lui incombent vis-à-vis de ses subordonnés.
La seule perception que l'appelante avait de l'attitude de E______ à son égard, soit le fait que le comportement de celle-ci était pour elle une source d'angoisse et de malaise – ressentis constatés par les témoins Q______ et T______ –, ne suffit pas pour retenir un harcèlement moral, à défaut d'actes en ce sens.
Il sera également relevé que le changement d'horaires au sein du service C______, dont s'est plainte l'appelante en février 2018, n'était pas une décision prise par sa supérieure hiérarchique à son encontre, mais concernait l'ensemble dudit service et avait été prise par la direction de l'intimée.
Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelante, en retenant que l'instruction de la cause n'avait pas révélé l'existence d'un mobbing de la part de E______ envers l'appelante, les premiers juges n'ont pas méconnu la notion de harcèlement psychologique déduite de la jurisprudence. Il n'était donc pas nécessaire d'examiner si les incapacités de travail de l'appelante avaient été causées par le comportement de sa supérieure hiérarchique, celui-ci ne constituant pas une atteinte à sa personnalité.
3.2.2 A cela s'ajoute que l'intimée a pris les mesures que l'on pouvait attendre d'elle pour désamorcer le conflit et améliorer la situation entre l'appelante et sa supérieure hiérarchique.
En effet, à la suite de la première plainte de l'appelante le 24 juillet 2017, l'intimée, soit pour elle D______, a déclaré avoir initié des rencontres informelles au sein du service C______, ce qui n'est pas contesté. Il ressort, de plus, du courrier de l'appelante du 22 février 2018 que les ressources humaines l'ont soutenue lors de son évaluation de janvier 2018 avec sa supérieure hiérarchique, ce qui a permis de désamorcer la situation avec celle-ci. A cet égard, le témoin T______ a confirmé qu'un employé des ressources humaines était intervenu en qualité de médiateur.
Il ressort des enquêtes que l'intimée a ensuite instauré, de mars à septembre 2018, des séances hebdomadaires avec toute l'équipe du service C______, dont l'appelante, E______, et un représentant des ressources humaines, afin d'apaiser les tensions et rétablir une communication entre elles. Le témoin T______, présent à ces séances, a déclaré que l'appelante participait activement à celles-ci en exposant les problèmes rencontrés avec E______. Ce témoin a précisé que ces réunions avaient permis de libérer certaines tensions et d'offrir un espace de dialogue. Selon un courriel du représentant des ressources humaines du 28 septembre 2018, sa présence auxdites séances n'était plus nécessaire, la situation s'étant améliorée. L'appelante lui avait également confirmé que l'ambiance de travail, le comportement de E______, ainsi que sa relation avec celle-ci, s'étaient améliorées.
En parallèle à ces séances, l'intimée a enjoint à E______ de suivre une formation en management en septembre 2018, afin "d'assouplir sa manière de faire" selon les propos de L______. L'intimée a également recommandé à la précitée de proposer à l'appelante de déjeuner ensemble, ce qu'elles ont fait.
L'ensemble de ces mesures a apaisé les tensions entre l'appelante et sa supérieure hiérarchique durant environ une année, ce que la première citée a confirmé en audience. Contrairement à ce que fait valoir l'appelante, ces mesures ont été efficaces et la situation s'est améliorée pendant une période significative.
En juin 2019, l'appelante s'est à nouveau plainte du comportement de sa supérieure hiérarchique et a sollicité des entretiens avec les ressources humaines, afin de discuter d'un changement de service. Ces entretiens ont eu lieu en septembre et octobre 2019, avec le nouveau responsable du service C______, J______. En novembre 2019, l'appelante a fait part à ce dernier de récents problèmes de communication avec E______. L'intimée a alors immédiatement pris des mesures en séparant les précitées, tant physiquement que hiérarchiquement, et en notifiant un avertissement formel à E______. Le fait que celle-ci ait contesté cet avertissement ou n'a pas compris les reproches formulés à son encontre n'est pas déterminant pour juger de l'utilité des mesures prises.
L'appelante n'est pas fondée à reprocher à l'intimée de l'avoir déplacée dans un autre bureau et affectée au front office, dès lors qu'elle sollicitait un changement de service en juin 2019. Elle ne peut donc pas soutenir que ces mesures visaient à la mettre progressivement à l'écart, d'autant plus qu'elle avait déjà émis le souhait de changer de service en juin 2018. Il ressort d'ailleurs du courriel du 3 décembre 2019 de J______ que l'appelante avait accepté ces mesures. En outre, lors de son évaluation pour l'année 2019, effectuée en février 2020, cette dernière a expressément indiqué que, depuis son changement de poste, l'environnement de travail était plus serein et épanouissant. Les témoins T______ et J______ ont confirmé que, depuis cette séparation, E______ et l'appelante n'avaient plus de contacts directs et ce dernier témoin a précisé que l'appelante était dorénavant souriante et épanouie. Celle-ci n'est donc pas convaincante lorsqu'elle soutient, en appel, que les mesures prises par l'intimée étaient inefficaces et inadéquates.
Compte tenu de ce qui précède, le fait que les témoins U______, S______ et T______ aient estimé que les mesures prises n'étaient pas efficaces n'est pas décisif.
A cela s'ajoute que l'appelante n'a pas établi avoir formulé une nouvelle plainte concernant le comportement de E______ entre novembre 2019 et mai 2021, date de son licenciement, soit durant un an et demi. Le fait que l'appelante a été éloignée de son lieu de travail quelques mois pendant cette période, en raison de la pandémie de Covid-19, n'est pas déterminant.
Contrairement à ce que soutient l'appelante, lors de son évaluation en février 2021, concernant l'année 2020, elle n'a fait mention d'aucun problème rencontré avec E______. Elle a seulement indiqué ne pas être satisfaite de la période écoulée, en particulier en raison de la pandémie de Covid-19 et du matériel mis à sa disposition, et que la relation avec ses collègues du back office était "froide", car limitée aux salutations d'usage. Or, ces éléments, qui ne sont pas imputables à l'intimée, ne constituaient pas une plainte pour harcèlement moral ou une quelconque autre atteinte à sa personnalité, nécessitant une nouvelle mesure de protection de la part de l'intimée.
Ainsi, l'intimée a déployé les efforts que l'on pouvait attendre d'elle pour protéger la personnalité de l'appelante, en prenant en considération ses plaintes, en examinant celles-ci avec sérieux et en prenant différentes mesures afin de désamorcer le conflit et améliorer la situation avec E______, comme retenu par les premiers juges.
Ces derniers étaient également fondés à considérer qu'aucun élément du dossier ne permettait d'établir que le licenciement de l'appelante en mai 2021 était en lien avec ses prétentions résultant du contrat de travail, à savoir la protection de sa personnalité, émises pour la dernière fois en novembre 2019, soit un an et demi auparavant.
3.2.3 Les premiers juges ont, de plus, considéré que le motif allégué par l'intimée à l'appui du licenciement de l'appelante, soit une réorganisation du service, était avéré, ce qui n'est pas critiquable.
L'intimée a expliqué, de manière convaincante, que la baisse d'activité au sein du service C______ ne permettait pas de proposer à l'appelante un nombre d'heures de travail suffisant pour honorer son contrat (100 heures par mois). Cette diminution de travail afférente au poste de l'appelante est cohérente avec le fait que l'intimée lui a proposé, en septembre 2020, d'allouer une partie de son taux d'activité, soit 20% de son 60%, à un autre service, ce que cette dernière a accepté. Le témoin J______ a confirmé que cette proposition avait été faite, en raison de la baisse d'activité au sein du service C______ après la perte d'un client important.
Il ressort, en outre, du courriel du service du recrutement du 26 février 2021 que celui-ci s'était renseigné auprès de tous les autres services de l'intimée de la possibilité d'y transférer l'appelante, en raison du nombre insuffisant d'heures de travail afférentes à son poste.
L'appelante a d'ailleurs elle-même fait état d'une baisse significative du nombre de raccordements – impactant de facto son activité – en raison de la pandémie de Covid-19, lors de son évaluation de février 2021, évoquant ainsi la possibilité de changer de service.
L'intimée a alors proposé à l'appelante un transfert auprès de sa société sœur B______/N______ SARL, offre qu'elle a finalement refusée. Or, selon le courriel du service du recrutement susvisé, ce transfert était la seule solution envisageable pour l'appelante. Il sera relevé que celle-ci n'a pas établi que l'emploi auprès de B______/N______ SARL aurait péjoré ses conditions de travail. Au contraire, à teneur de l'échange de courriels du 19 mars 2021, une augmentation de salaire était prévue, au prorata de son taux d'activité. En outre, il ne saurait être fait grief au directeur de B______/N______ SARL d'avoir souhaité évaluer les compétences de l'appelante, durant une période de trois mois, avant la signature d'un contrat de travail, cette dernière restant employée de l'intimée pendant ce temps.
Compte tenu des éléments qui précèdent, les déclarations du témoin U______, à teneur desquelles il n'avait pas été surpris du licenciement de l'appelante en raison des problèmes rencontrés avec E______, ne sont pas déterminantes et ne suffisent pas à établir que le motif économique allégué par l'intimée à l'appui de ce licenciement n'était pas réel. Il en va de même du fait que ce témoin a déclaré que suite au licenciement de l'appelante il y avait deux employés au back office, puis après quelques mois ils étaient trois. En effet, ces déclarations ne permettent pas de retenir que le poste de l'appelante aurait été immédiatement repourvu, d'autant plus que cette dernière travaillait au front office.
3.2.4 L'appelante soutient encore que l'intimée aurait violé l'art. 328 CO en ne l'informant pas du fait qu'elle serait licenciée si elle refusait son transfert auprès de B______/N______ SARL.
L'intimée, soit pour elle L______, a reconnu que l'appelante aurait dû être informée que son poste au front office allait être supprimé, de sorte qu'en refusant ledit transfert elle serait licenciée. Un tel comportement ne saurait cependant être qualifié d'une atteinte grave à la personnalité de celle-ci. Comme relevé par les premiers juges, il n'existe pas d'obligation légale pour un employeur d'avertir, au préalable, son employé de son licenciement. Cette omission est d'autant plus excusable que l'attitude de l'appelante n'a pas été constante, puisqu'elle a accepté le nouveau poste qui lui était proposé avant de changer d'avis.
Les circonstances ayant entouré la résiliation du contrat de travail de l'appelante ne font donc pas apparaître celle-ci comme abusive.
3.2.5 Compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, le licenciement de l'appelante n'est pas abusif. Cette dernière n'a donc pas droit au versement d'une indemnité pour résiliation abusive, de même qu'une indemnité pour tort moral ou des dommages-intérêts, aucune atteinte à sa personnalité n'ayant été établie.
Par conséquent, le jugement entrepris sera entièrement confirmé.
4. La valeur litigieuse étant inférieure à 50'000 fr., il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 71 RTFMC).
Il n'y a pas de dépens pour la représentation en justice dans les causes soumises à la juridiction des prud'hommes (art. 22 al. 2 LaCC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 13 juin 2024 par A______ contre le jugement JTPH/124/2024 rendu le 14 mai 2024 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/14199/2022.
Au fond :
Confirme le jugement entrepris.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens d'appel.
Siégeant :
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur
Pierre-Alain L'HÔTE, Madame Filipa CHINARRO, juges assesseurs; Madame
Fabia CURTI, greffière.
Indication des voies de recours et valeur litigieuse :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.