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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/1215/2020

CAPH/102/2023 du 04.09.2023 sur JTPH/402/2021 ( OS ) , PARTIELMNT CONFIRME

Normes : CO.336.al1.leta; LEg.3; LEg.6
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1215/2020-3 CAPH/102/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 4 SEPTEMBRE 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée c/o M. B______, ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 21 octobre 2021 (JTPH/402/2021), représentée par Me Céline MOREAU, avocate, PETER & MOREAU SA, rue des Pavillons 17, case postale 90, 1211 Genève 4,

et

C______ SAGL (anciennement : D______ SAGL), intimée, représentée par
Me Gérald VIRIEUX, avocat, VISCHER GENEVE SARL, rue du Cloître 2, case postale, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/402/2021 du 21 octobre 2021, notifié aux parties le lendemain, le Tribunal des Prud'hommes a déclaré recevable la demande formée le 11 mai 2020 par A______ contre D______ SAGL (ch. 1 du dispositif), condamné D______ SAGL à verser à A______ la somme nette de 2'500 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès la notification du jugement (ch. 2), condamné D______ SAGL à verser à A______ la somme brute de 546 fr. 15 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er septembre 2018 (ch. 3), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 4), dit que la procédure était gratuite et qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 6).

B.            a. Par acte expédié à la Cour le 19 novembre 2021, A______ appelle de ce jugement, sollicitant l'annulation du chiffre 6 de son dispositif. Cela fait, elle conclut à ce que D______ SAGL soit condamnée à lui verser le montant brut de 22'188 fr. à titre d'indemnité pour le licenciement discriminatoire, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er août 2019.

b. Dans son mémoire de réponse, D______ SAGL conclut, avec suite de frais judiciaires et dépens, au rejet de l'appel.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. D______ SAGL a changé de raison sociale le 15 février 2022 à teneur du Registre du commerce du canton de Berne. Elle est devenue C______ SAGL.

e. Par courrier du 22 février 2022, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. E______ SA est une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève, ayant son siège à F______ (Genève) et dont le but est la fabrication, l'achat, la vente de tous articles de boulangerie, pâtisserie, biscuiterie, confiserie, chocolaterie, traiteur, glace et d'une manière générale de tous produits alimentaires.

Elle appartient au Groupe G______, actif dans la production et la vente d'articles de boulangerie, pâtisserie, etc. Elle fournit le réseau de points de vente à l'enseigne G______, mais également des acteurs de la vente au détail (H______, I______, J______ et K______ notamment) et de la restauration collective.

b. Par contrat de durée indéterminée, A______, née le ______ 1993, a été engagée par E______ SA en qualité de préparatrice de commandes, à partir du 31 août 2015, sur son site de production de F______. Elle était affectée à la zone réfrigérée de l'entrepôt, soit des locaux dans lesquels règne une température inférieure ou approchant 10 degrés.

c. D______ SAGL est une société à responsabilité limitée inscrite au Registre du commerce de Berne, ayant son siège à L______ [BE] et dont le but social est notamment l'exécution de transports routiers et de transports publics de marchandises, l'expédition de marchandises, la location de véhicules de transport, l'entreposage pour le compte de particuliers et de tiers, la gestion d'entrepôts, la manutention, le conditionnement et la préparation de marchandises en vue de leur expédition et tous services connexes, notamment la préparation de produits en vue de leur commercialisation.

d. En 2017, E______ SA a décidé d'externaliser la gestion de l'entrepôt situé sur son site de production de F______, ainsi que des activités logistiques qui s'y déployaient. Il les a transférées à D______ SAGL.

e. A______ a été informée par E______ SA qu'en raison de la cession des activités logistiques sur le site de F______ à D______ SAGL, ses rapports de travail seraient transférés à cette dernière, dès le 1er mars 2017, aux mêmes conditions et avec le maintien de ses droits liés à son ancienneté. Son emploi demeurait sur le site de F______.

Le 13 février 2017, A______ a formellement signé un contrat de travail avec D______ SAGL, prévoyant notamment un salaire mensuel de 3'698 fr., versé treize fois l'an, une majoration de 25% pour les heures travaillées de nuit entre 22h00 et 4h00, ainsi qu'une prime d'objectif de 100 fr. maximum par mois payée chaque trimestre.

f. A______ occupait un poste de nuit.

g. Son encadrement direct au sein de D______ SAGL était composé de chefs d'équipes : M______, N______, O______, P______ et Q______. Le chef hiérarchique de ces derniers était R______, responsable d'exploitation sur le site de F______; en l'absence de service spécifiquement dédié aux ressources humaines (ci-après : RH) au sein de D______ SAGL, R______ était considéré par A______ comme son répondant RH. Le supérieur direct de R______, était S______, responsable de services logistiques sur le site de F______. Le supérieur de ce dernier était T______, directeur pour la Suisse du groupe D______, stationné en Suisse alémanique; ce dernier était peu en contact avec les employés.

h. En 2018, A______ a perçu des indemnités pour travail de nuit en sus de son salaire fixe de 235 fr. 45 en janvier, 249 fr. 85 en février, 469 fr. 45 en mars, 373 fr. 10 en avril, 335 fr. 50 en mai, 223 fr. 70 en juin et 82 fr. 85 en juillet.

Elle a également reçu en janvier (pour octobre, novembre et décembre 2017), avril (pour janvier, février et mars 2018) et juillet 2018 (pour avril, mai et juin 2017) des primes d'objectifs pour un montant total de 767 fr. 15.

i. A______ est tombée enceinte au début du printemps 2018. Elle en a informé son employeuse en mai 2018.

Dès le 22 juin 2018, A______ elle a été déclarée en incapacité de travailler pour cause de maladie.

j. En novembre 2018, une entrevue a eu lieu entre R______ et A______, à la demande de cette dernière, pour aborder la question des allocations familiales. Le compagnon de A______, U______, également employé de D______ SAGL, était présent. La teneur de cet entretien est pour le surplus contestée entre les parties.

k. Le 9 janvier 2019, A______ a donné naissance à l'enfant V______.

l. Par courriel du 20 mars 2019, R______ a demandé à A______ s'il pouvait la rencontrer avant qu'il ne parte en vacances, du 24 mars au 8 avril 2019, dans la mesure où elle entendait reprendre le travail avant son retour.

Par courriel du 26 mars 2019, celle-ci a répondu que son congé maternité était de 16 semaines et qu'elle serait encore absente pendant "un mois et presque 2 semaines".

Elle a recontacté R______ le 12 avril 2019 afin de fixer la date de son entretien de reprise.

Il a eu lieu le 23 avril 2019. A______ s'y est rendue avec sa mère. La teneur de l'entretien est contestée entre les parties.

m. Par courriel du 25 avril 2019, W______, employé de D______ SAGL dont la fonction n'est pas précisée, a informé A______ que son congé maternité s'achevait le 17 avril, de sorte qu'il avait besoin d'un "certificat" pour justifier son absence au-delà de cette date.

Celle-ci a répondu le jour-même qu'elle était en congé maternité jusqu'au 2 mai 2019 et n'avait pas à produire de certificat.

n. A______ a repris son poste de préparatrice de commande le jeudi 2 mai 2019 au soir.

o. Par courriel du 3 mai 2019, S______ s'est adressé à X______, collaboratrice au sein de D______ SAGL dont la fonction n'est pas précisée, dans les termes suivants : "Cette salariée est revenue de maternité et a repris le travail le 2 mai. Son souhait serait de quitter l'entreprise car le travail la nuit n'est plus possible avec un enfant en bas âge. 4 ans d'ancienneté donc 2 mois de préavis. J'ai donc validé sa sortie au 31 juillet 2019. Son préavis commencera le 1er juin 2019. Elle va épuiser tous ses CP avec son préavis (projeter au 31 juillet elle devrait avoir 55 jours de CP). Je scannerai son courrier de licenciement semaine prochaine".

p. Le 6 mai 2019, A______, qui avait été convoquée dans les locaux de D______ SAGL à Y______ [France], s'est vue remettre par S______ une lettre l'informant de la résiliation de son contrat de travail "pour des raisons de pertes d'activité récurrentes depuis plusieurs mois". La lettre exposait que le préavis était de deux mois et s'achèverait le 31 juillet 2019, mais que, pour faire suite à sa demande de ne pas travailler durant ce préavis, D______ solderait "son compteur de jours de CP cumulés pour couvrir cette période allant du 1er juin au 31 juillet 2019".

A______ a signé ladite lettre sous la mention "remise en main propre 6/05/2019 lu et approuvé" qu'elle a apposée manuscritement.

q. Par courriel du 24 mai 2019, A______ a demandé à S______ de lui indiquer la raison pour laquelle elle n'avait reçu qu'un salaire de 2'642 fr.

Après l'échange de divers courriels, D______ SAGL a expliqué à A______, par courrier du 19 juin 2019, qu'elle lui avait versé une somme totale de 4'379 fr. 71 en trop durant la période d'incapacité de travailler puis de congé maternité en lui payant son salaire intégral, et non pas le montant des indemnités journalières versées par les assurances conformément au règlement interne de l'entreprise (90% du salaire après 30 jours pour la maladie, du 30 juillet 2018 au 9 janvier 2019, et 80% du salaire pendant le congé maternité, du 9 janvier au 17 avril 2019). Elle entendait donc procéder à des déductions mensuelles de 1'460 fr. sur ses salaires de mai et juin et de 1'459 fr. 71 sur son salaire de juillet 2019.

r. Par courrier adressé le 18 juillet 2019 à D______ SAGL, A______ s'est opposée à son congé et lui a demandé de revenir sur sa décision. Elle a également contesté avoir demandé à ne pas travailler durant son délai de congé, contrairement à ce qui ressortait de la lettre de licenciement.

s.a Des articles publiés dans Z______ et AA______ le ______ 2019 ont fait état d'une restructuration du Groupe G______ qui devait être scindé en trois entités, la première étant dévolue à la production (E______ SA), la deuxième à la vente (les points de vente G______) et la troisième à la gestion des licences pour le "AB______". Les raisons invoquées à cette restructuration étaient la cohabitation inopportune de trois métiers différents dans une même structure. En outre, le Groupe G______ souhaitait repenser le concept des magasins face à une concurrence de plus en plus agressive. Après une phase d'expansion essentiellement quantitative avec l'absorption de nombreux points de vente disparates, le concept consistait à en réduire le nombre au profit de la qualité des produits et de l'amélioration du service. Une dizaine de points de vente non rentables avaient par ailleurs été fermés depuis une année. Il n'était pas question de perte de clients ou de difficultés financières. L'objectif était la pérennité des nouvelles sociétés et une croissance organique de chacune d'elles.

s.b Un article intitulé "______" est paru le ______ 2019 dans AC______. Selon cet article, E______ SA entendait se séparer de 40 de ses quelques 120 collaborateurs. Une procédure de consultation avait été couverte. Il y était indiqué qu'en avril de la même année, E______ SA employait encore 150 personnes. En moins d'une année, son effectif pourrait être divisé par deux.

Dans un article paru le ______ 2020 dans AC______, il était exposé que E______ SA avait supprimé 45 postes sur les 121 que comptait son site de production genevois, car il traversait une "crise sans précédent", après avoir perdu un contrat important avec un acteur de la grande distribution en décembre 2019.

s.c Le 4 mai 2020, D______ SAGL a fait parvenir à l'ensemble de ses collaborateurs travaillant sur le site de F______ [GE] une circulaire annonçant l'ouverture d'une procédure de licenciement collectif. La raison en était la fin des activités D______ SAGL sur le site de F______, E______ SA ayant résilié, "courant 2019", pour son échéance du 30 juillet 2020, le contrat de fourniture de prestations logistiques et de transports qui les liait. E______ SA entendait en effet ré-internaliser les services confiés depuis 2018 à D______ SAGL. Des discussions sur la reprise des collaborateurs de D______ SAGL affectés au site de F______ par E______ SA n'avaient pas abouti.

t. Par requête du 4 mars 2020, A______ a saisi l'autorité de conciliation du Tribunal des prud'hommes de conclusions en paiement contre D______ SAGL de:

-   629 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er septembre 2018, sous déduction des 82 fr. 85 versés, à titre de différence de rémunération en juillet et août 2018 (intégration de l'indemnité pour travail de nuit dans la rémunération moyenne),

-   4'380 fr. plus intérêts 5% l'an dès le 1er août 2019, à titre de retenues indues sur salaire du 22 juin 2018 au 8 janvier 2019, puis du 8 janvier au 1er mai 2019 (réduction de la rémunération à 90% durant le congé maladie puis le congé maternité),

-   22'188 fr., sous déduction des charges sociales, plus intérêts à 5% l'an dès le 1er août 2019, à titre d'indemnité pour licenciement abusif,

-   309 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er août 2019, à titre de prime sur objectifs de février à juillet 2019, et

-   10'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le prononcé du jugement à titre d'indemnité pour tort moral.

Elle a également conclu à ce que D______ SAGL soit condamnée à lui remettre des fiches de salaire rectifiées pour les mois de juin 2018 à juillet 2019.

u. La tentative de conciliation ayant échoué le 3 mars 2020, A______ a assigné D______ SAGL, par demande simplifiée motivée du 11 mai 2020, avec suite de frais judiciaires et dépens, en paiement des montants susmentionnés et en remise des fiches de salaires rectifiées.

v. Dans sa réponse du 30 septembre 2020, D______ SAGL a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que A______ soit déboutée de toutes ses conclusions.

w. Le Tribunal a entendu les parties ainsi que plusieurs témoins :

w.a A______ a déclaré avoir informé son employeur de sa grossesse en mai 2018. Depuis lors, elle avait reçu plusieurs remarques désobligeantes de deux de ses supérieurs. Q______ lui avait notamment reproché de traîner depuis qu'elle était enceinte; elle lui avait rétorqué que son rythme de travail avait toujours été le même et il avait rigolé. Elle avait également reçu des remarques désobligeantes de P______, qui lui avait dit qu'elle n'avait pas plus de droits que les autres du fait de sa grossesse, en lien avec le fait qu'elle se rendait plus souvent que d'habitude aux toilettes. P______ lui avait encore reproché de s'être appuyée contre une table en attendant que la marchandise arrive, en déclarant que ce n'était pas parce qu'elle était enceinte qu'elle pouvait se reposer. Elle avait évoqué avec R______ les remarques désobligeantes dont elle était victime, qui rendaient sa collaboration difficilement supportable, alors qu'elle avait prévu de continuer à travailler aussi longtemps que sa grossesse le lui permettrait; R______ avait répondu qu'il s'agissait de petites blagues et qu'il ne fallait pas les prendre au sérieux, alors même qu'elle était en pleurs. Elle avait également parlé à AD______, employé de D______ SAGL, syndiqué, des remarques désobligeantes dont elle faisait l'objet. Celui-ci en avait parlé avec R______, P______ et Q______.

L'employeur de A______ n'avait pas particulièrement aménagé son poste pour tenir compte de sa grossesse. Elle avait continué à travailler dans la zone réfrigérée. Elle avait demandé à plusieurs reprises à R______ d'avoir un poste moins pénible, dans lequel elle devrait porter des charges moins lourdes, ce qui lui avait été refusé. Elle en avait également parlé à AD______. P______ et Q______ l'avaient ensuite aidée à porter les charges lourdes, mais c'était "presque pire" car ils la regardaient en ayant l'air de dire "tu me fais chier".

Une semaine après, elle avait consulté un psychologue qui l'avait déclarée en incapacité de travail. Lors de sa première consultation, elle avait beaucoup pleuré en évoquant son travail et sa grossesse. Elle s'était remise en question au point d'envisager une interruption de grossesse car elle avait subi beaucoup de pression, notamment au sujet du licenciement. Avant d'aller voir son psychologue, elle n'avait pas interpelé S______, même s'il était probablement venu au dépôt lorsqu'elle était enceinte et y travaillait encore. Elle était toujours passée par R______.

Elle avait par ailleurs eu un entretien avec ce dernier en novembre 2018 au dépôt, en présence de son compagnon, U______, ancien chef d'équipe chez D______ SAGL, afin de discuter des allocations familiales. R______ lui avait déclaré qu'"[elle allait] être maman, [que ]cela n['allait pas l']'arranger de travailler de nuit" et qu'il pouvait la licencier "gentiment". A______ a déclaré devant le Tribunal qu'elle n'oublierait jamais ce mot. Pour elle, il était hors de question qu'elle quitte la société, alors qu'elle avait besoin de ce travail en raison des responsabilités supplémentaires engendrées par son enfant.

Au cours du même entretien, A______ s'était étonnée d'être payée à 100% pendant son incapacité de travail; R______ lui avait toutefois répondu que c'était la pratique dans l'entreprise. Cela lui avait été confirmé par une collègue qui avait également connu une maternité chez D______ SAGL.

Lors d'un entretien téléphonique ultérieur, R______ lui avait redemandé si elle voulait être licenciée "gentiment". Elle lui avait répété que ce n'était pas le cas car elle ne pouvait pas se retrouver sans travail alors qu'elle venait d'avoir un enfant.

A______ avait été convoquée au mois d'avril 2019 par S______ pour un entretien de reprise. Il lui avait alors demandé si elle avait quelque chose à lui donner; elle avait répondu que non; il avait rétorqué "si, votre lettre de démission"; elle avait refusé; sa mère, également présente lors de l'entretien, avait surenchéri en disant qu'elle ne comprenait pas pourquoi sa fille donnerait sa démission alors que ce n'était pas dans son intérêt. Lors du même entretien, elle avait demandé s'il était possible qu'elle puisse compenser les heures supplémentaires et vacances qui lui étaient dues suite à son congé maternité afin de revenir travailler plus tard; il lui avait répondu que cela était possible et qu'il allait voir. Il lui avait également rappelé avoir l'opportunité de la licencier, en précisant qu'il fallait d'abord qu'elle travaille trois jours avant que le congé lui soit donné; elle ne se rappelait pas comment elle avait répondu, mais n'avait en tous les cas pas accepté un licenciement.

A______ n'excluait pas avoir déclaré à des collègues, mais en tous les cas pas à R______, "en avoir marre de ce boulot" en raison de l'activité en zone réfrigérée et des remarques désobligeantes qui lui étaient adressées. En revanche, elle a contesté avoir demandé à être licenciée pour toucher des indemnités de chômage.

A son retour de congé maternité, S______ avait établi son planning pour trois jours et l'avait affectée à un autre poste que celui qu'elle occupait précédemment, en lui disant que pour l'instant c'était comme cela. Il l'avait convoquée le 6 mai 2019, entretien auquel elle s'était rendue avec son fils, personne ne pouvant le garder. Elle avait reçu sa lettre de licenciement. Il y était écrit qu'elle avait demandé de ne pas travailler pendant le préavis, alors qu'elle n'avait jamais demandé cela. S______ lui avait dit que c'était pour que l'entreprise puisse être protégée. Il a précisé qu'il n'avait plus besoin d'elle car son poste était occupé par des temporaires. Il l'avait invitée à écrire "lu et approuvé" avant de contresigner la lettre de congé et lui avait affirmé qu'ils lui feraient cadeau des heures de nuit, comme si elle avait travaillé. Si elle avait signé la lettre de licenciement, cela ne signifiait pas qu'elle l'acceptait.

Elle s'était opposée à son congé le 18 juillet 2019, car elle était allée consulter un syndicat et un avocat pour connaître les raisons de la retenue de salaire inscrite sur sa fiche de paie du mois de mai 2019. C'était le syndicat qui lui avait parlé de congé abusif.

S'agissant des tenues de travail fournies par D______ SAGL destinées à la zone réfrigérée, A______ constatait qu'elles avaient été conçues pour des hommes et que les femmes ne pouvaient pas porter les pantalons, ni la veste. Les femmes se limitaient par conséquent à revêtir la polaire fournie par l'employeuse, portant pour le surplus des habits personnels (tenue de ski, jeans). Il avait été annoncé que des tenues pour femme seraient commandées, mais cela n'avait jamais été le cas.

w.b S'exprimant au nom de D______ SAGL, en qualité de partie, T______ a déclaré avoir su, en mai 2018, que A______ était enceinte. D______ SAGL avait aménagé dans les deux à trois jours le poste de l'employée, en l'affectant à un poste de conditionnement de produits dans un environnement à température ambiante. C'étaient les mêmes adjoints qui étaient responsables des employés de cette section. L'employée avait eu ce poste jusqu'à ce qu'elle soit en congé maladie. D______ SAGL avait pris cette décision pour tenir compte de son état de santé, afin de lui éviter de travailler en zone réfrigérée. L'environnement dans lequel elle travaillait n'était clairement pas adapté pour une personne enceinte puisque la température ambiante était inférieure à 5 degrés. C'était S______ qui avait pris cette décision et organisé le transfert, conformément aux règles en vigueur dans l'entreprise. T______ en avait certainement discuté avec R______. Il n'avait pas vérifié si cela avait bien été fait, mais il aurait été informé par S______ si cela n'avait pas été le cas. Ce dernier était garant de la bonne conduite de l'entreprise et il y avait des réunions mensuelles entre ce dernier, lui-même et R______.

T______ n'avait pas su que l'employée avait fait l'objet de remarques désobligeantes. Il aurait pu le savoir si S______ avait été au courant. La règle de l'entreprise était très claire : en cas de problème, il fallait en référer à son "N+1" puis, s'il n'y avait pas d'effet, passer par le "N+2", et ainsi de suite. Il ne savait pas si les collaborateurs étaient renseignés sur cette pratique.

T______ avait été informé par R______ et S______ qu'après les rendez-vous concernant la "régularisation des heures", A______ avait demandé à mettre fin à son contrat de travail car il lui paraissait difficile de concilier le travail de nuit avec un bébé. Il n'était pas présent le jour du licenciement.

A cette époque, E______ SA était sur le point de perdre un client représentant 25% de son chiffre d'affaires, de sorte D______ SAGL savait qu'elle devrait revoir ses effectifs à la baisse. Vu la situation, il lui était donc possible d'accéder à la demande de l'employée de rompre son contrat de travail, raison pour laquelle elle avait été licenciée. A______ avait été remplacée par un temporaire, afin d'avoir une marge d'ajustement. D______ SAGL avait alors comme stratégie de baisser le nombre d'employés fixes et d'engager quelques temporaires.

w.c Entendu en qualité de témoin, AE______, médecin psychiatre et psychothérapeute de A______ de juin à novembre 2018, a déclaré avoir vu cette dernière de manière hebdomadaire et parfois bihebdomadaire. Il s'exprimait sur la base de souvenirs et n'avait pas consulté le dossier car il avait quitté le cabinet en décembre 2018 pour travailler [auprès de] AF______. La mère de la patiente, qui était également sa patiente, l'avait recommandé. Il avait entrepris une thérapie sous forme d'hypnose et de relaxation, en pleine conscience, destinée aux dépressions. Il confirmait que sa patiente avait été en arrêt de travail à temps complet à quatre mois et demi de grossesse, en raison de sa grossesse et de crises d'angoisse. Elle lui avait confié qu'elle était confrontée à des difficultés relationnelles avec ses collègues de travail, ce qui était la cause de ses crises d'angoisse. Ces difficultés consistaient dans le fait qu'on lui demandait de porter des charges trop lourdes, malgré son état, et qu'elle ne trouvait pas cela correct.

w.d R______, toujours employé de D______ SAGL, a été entendu en qualité de témoin. Interrogé sur l'entretien de novembre 2018 ("s'agissant de l'allégué 49 déf., …"), il a déclaré se rappeler d'un entretien avec la demanderesse pour discuter de ses "heures". Ils avaient ensuite parlé d'un futur départ de A______. Une certaine AG______ était également présente à cet entretien. En revanche, le témoin n'a pas mentionné la présence de U______, compagnon de A______. Cette dernière avait dit qu'elle ne se plaisait plus au travail. Elle ne se sentait pas de revenir et ne connaissait presque plus personne dans l'entreprise. Le témoin a affirmé et confirmé qu'elle avait demandé s'il y avait une possibilité d'être licenciée. Vers la fin de la réunion, il lui avait répondu que du fait qu'ils avaient perdu un client, cela pouvait se faire à l'amiable. Il ne se rappelait plus quand avait eu lieu cet entretien et si A______ était alors enceinte ou en arrêt de travail, ou si elle avait déjà accouché. Il avait ensuite fait part à S______ du souhait de l'employée de quitter l'entreprise. S______ lui avait répondu que cela pouvait se faire.

Une semaine après, au bureau de Y______ [France], il y avait eu une autre réunion avec A______, sa mère, S______ et lui-même. A cette occasion, S______ avait demandé à A______ si c'était bien ce qu'elle voulait. Pour le surplus, le témoin ne se souvenait plus de ce qui avait été dit et, à la fin de l'entretien, il n'avait plus été présent.

Le jour où R______ "avait su qu'une solution avait été trouvée", il était présent. Il se trouvait initialement dans un bureau voisin de celui de S______. Puis il avait rejoint la réunion. Pour lui, tout s'était bien passé. A______ avait une attitude normale et naturelle. Elle était accompagnée de son compagnon.

Le témoin ne se souvenait pas avoir reçu des instructions de la direction lui demandant que A______ travaille dans une zone tempérée. Lorsque cette dernière lui avait annoncé sa grossesse, vers début juin 2018, et s'était plainte de fatigue et du froid, il lui avait confirmé qu'il demanderait aux chefs d'équipe M______ et N______ d'aménager son poste, ce qu'il avait fait. Ceux-ci lui avaient confirmé avoir fait le nécessaire, mais il ne l'avait pas lui-même vérifié.

Il ne se rappelait pas si A______ s'était plainte de porter des charges trop lourdes et pensait qu'elle ne l'avait pas fait. Il avait demandé aux chefs d'équipes de l'employée de l'aider à porter les charges trop lourdes, ce qu'ils avaient confirmé faire. Plus personne n'avait évoqué cet objet avec lui.

Le témoin n'avait pas reproché à A______ d'aller trop souvent aux toilettes, mais avait recadré un chef d'équipe, soit P______, qui s'en était plaint.

P______ et Q______ avaient également reproché à A______ le fait qu'elle se plaignait trop souvent directement auprès de lui, ce à quoi il avait répondu qu'il fallait "faire avec".

Il avait dit amicalement à A______ que son emploi était dur pour elle du fait qu'elle était enceinte et travaillait de nuit, ce qu'il comprenait.

R______ s'est enfin rappelé un entretien avec A______, alors qu'elle était enceinte, et avec son compagnon, au cours duquel ils avaient discuté du versement des allocations familiales. Ils avaient également abordé le fait qu'elle recevait son salaire complet, ce à quoi il avait répondu que si elle le recevait ainsi, c'est qu'elle devait y avoir droit. En revanche, il ne se rappelait pas avoir entendu A______ vouloir mettre fin à son contrat de travail, ni avoir lui-même abordé ce sujet lors de cet entretien.

w.e Entendu en qualité de témoin, O______, a été employé de D______ SAGL de mars ou avril 2018 au 31 juillet 2020, d'abord en qualité de chauffeur-préparateur puis de contrôleur marchandise et enfin de chef d'équipe. Il avait connu A______ en tant que collègue; il était chauffeur-préparateur à l'époque et n'était pas encore chef d'équipe.

Lorsque A______ était enceinte, elle avait continué à travailler dans la zone réfrigérée. Elle portait des caisses, dont certaines étaient lourdes. Il l'aidait parfois de sa propre initiative. Il avait entendu Q______ et P______ se plaindre que les préparations n'allaient pas assez vite. Cela devait avoir un lien avec le fait qu'elle était enceinte et s'absentait pour aller aux toilettes. Il avait aussi entendu que A______ avait fait l'objet de reproches, notamment quant à son efficacité, depuis sa grossesse. Il ne savait pas comment elle avait réagi. Il l'avait vue en pleurs durant les heures de travail, à son poste de travail. Il était allé la voir pour savoir ce qu'il y avait. Elle lui avait dit qu'elle en avait assez des reproches et des piques sans lui dire de qui cela venait. Il l'avait vue pleurer deux trois fois, mais n'était pas allé la voir à chaque fois. Elle avait évoqué en avoir marre de son emploi et vouloir trouver autre chose, déjà avant d'être enceinte. Lorsqu'elle était enceinte, c'était encore pire. Elle ne disait pas qu'elle ne voulait plus travailler. Elle n'avait pas le choix, comme tout le monde, car il fallait payer les factures.

w.f Entendu en qualité de témoin, S______, employé de D______ SAGL du 13 février 2017 au 31 juillet 2020, a déclaré que l'activité sur le site de F______ [GE] était essentiellement de nuit et lorsqu'une employée était enceinte, il ne mettait pas sur pied d'aménagements spécifiques, mais était à son écoute. Des arrangements étaient possibles. Il n'avait pas le souvenir que A______ lui avait demandé des aménagements particuliers. Elle l'avait peut-être fait auprès de son responsable direct.

A______ travaillait dans un secteur réfrigéré, soit entre 5 et 12 degrés. Durant sa période de grossesse, elle avait été déplacée dans une zone de travail à température ambiante. Il en était sûr. Il avait également été décidé qu'elle évite de porter des caisses trop lourdes. Il n'avait pas contrôlé que tel était réellement le cas, car il travaillait de jour. Il se rendait toutefois de temps en temps sur le site la nuit et avait alors vu A______ travailler dans une zone de travail à température ambiante.

Il se souvenait avoir rencontré A______ après son accouchement en avril 2019. Elle était venue accompagnée de sa mère et de son bébé. Son souhait était de quitter l'entreprise car elle ne pouvait plus travailler de nuit en raison de son enfant. Elle voulait savoir si un accord était possible avec l'entreprise, afin qu'elle puisse bénéficier des indemnités de chômage. Il lui avait confirmé pouvoir la licencier compte tenu de la perte d'activité subie par l'entreprise, qui imposait une réduction des effectifs. A______ lui avait téléphoné afin de fixer ce rendez-vous. Elle lui avait déjà fait part de son souhait de quitter l'entreprise, lors de cet entretien téléphonique. Elle avait donc eu le temps de réfléchir et préparer sa réponse pour leur rencontre. La remise de la lettre de licenciement s'était faite le 6 mai 2019, soit après son congé maternité. Cette lettre s'était faite d'un commun accord. Elle avait été remise à l'employée quelques jours après qu'elle avait repris son travail. Il n'avait pas souvenir d'une réaction particulière ou d'un commentaire de l'employée. Comme ils étaient d'accord sur les termes de ce courrier, il n'y avait pas de surprise. Cela s'était passé paisiblement et normalement. Il ne se souvenait pas si c'était lui qui avait demandé d'apposer la mention "lettre remise en main propre 6/05/2019 lu et approuvé" sur la lettre. Lors de l'entretien, A______ lui avait rapporté qu'elle ne supportait plus l'ambiance de travail, sans lui en dire plus.

S'agissant de la relation entre D______ SAGL et E______ SA, le témoin a précisé que cette dernière était le seul client du site de F______. La diminution d'activité du client avait été un sujet récurrent depuis décembre 2018, jusqu'à la résiliation du contrat pour le 31 juillet 2020. L'ensemble du personnel du site de F______ avait été licencié pour cette date, lui compris.

w.g AH______, employée de D______ SAGL entre 2017 et 2020, entendue en qualité de témoin, a constaté que A______ avait toujours travaillé dans la zone réfrigérée. Le témoin travaillait plutôt dans la zone à température ambiante. Lorsqu'elle avait été affectée à la zone réfrigérée, les vestes fournies par l'employeuse étaient trop grandes et inadaptées. Les caisses de pâtisserie pouvaient être plus ou moins lourdes. Lorsqu'elle n'arrivait pas à la porter, elle demandait de l'aide; cela s'était toutefois rarement produit.

w.h AI______, employée de D______ SAGL de mars 2017 à novembre 2018, entendue en qualité de témoin, a déclaré avoir travaillé dans la zone réfrigérée avec A______. Elle avait également été enceinte durant son emploi, ce dont leur employeuse était au courant. Elle n'avait pas cessé de travailler dans la zone réfrigérée pendant sa grossesse, ni de porter des caisses. Elles étaient lourdes lorsqu'elles étaient empilées et ne se faisait pas aider pour les porter. Les habits de travail fournis par l'employeuse n'étaient pas adaptés. Elle ne pouvait pas mettre le pantalon, comme A______, et la veste n'était pas pratique; elle portait trois pantalons personnels superposés.

x. Les parties ont plaidé le 25 mai 2021, persistant dans leurs conclusions respectives.

A l'issue de l'audience, elles ont été informées par le Tribunal que la cause était gardée à juger.

D.           En substance, s'agissant des questions encore litigieuses en appel, le Tribunal a considéré qu'aucun indice objectif suffisant ne lui permettait de conclure, sur la base de la vraisemblance, que cette dernière avait été victime d'un congé discriminatoire, même si celui-ci est intervenu quelques jours après son retour de congé maternité. Il résultait plutôt des enquêtes, essentiellement le témoignage S______ et des pièces produites, que le licenciement était intervenu pour des raisons économiques et que le choix de licencier A______ plutôt qu'un(e) autre employé(e) se justifiait par la requête expresse de cette dernière de quitter l'entreprise. Une discussion était d'ailleurs intervenue entre les parties dans le sens d'une fin des rapports de travail n'impliquant pas de pénalité par l'assurance-chômage. Des éléments suffisants en ce sens ressortaient des témoignages S______ et R______, ainsi que du mail du 3 mai 2019 de S______ à X______.

S'agissant de l'indemnisation du tort moral allégué par A______, le Tribunal a constaté que l'employeuse n'avait pris aucune mesure pour aménager le travail de son employée en vue de réduire tout risque lié à sa grossesse, relevant notamment que l'employée avait dû poursuivre son activité à quatre mois et demi de grossesse en position debout dans le froid, avec de surcroît des vêtements de travail inadaptés, continuant en outre à porter des lourdes charges, mettant ainsi en péril sa santé et celle de son enfant à naître. Il a également constaté que l'employeuse n'avait pas su protéger son employée en faisant cesser les remarques à son encontre de la part de ses adjoints qui revêtaient un caractère harcelant. Considérant que les mesures de protection des femmes enceintes et le mode de gestion des conflits au sein de la société étaient inexistants, il a estimé que D______ SAGL avait gravement failli à ses devoirs de protéger la personnalité de son employée, de sorte qu'elle lui avait fait subir, de manière fautive, une atteinte illicite grave à sa personnalité. Compte tenu de la gravité et de l'intensité de l'atteinte subie par la collaboratrice, de ses conséquences, ainsi que du degré de responsabilité de l'employeuse, il se justifiait d'allouer à l'employée une indemnité pour tort moral de 2'500 fr.

EN DROIT

1.             1.1 Interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), contre une décision finale (308 al. 1 let. a CPC), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 142 al. 1 et 311 CPC), l'appel est recevable.

1.2 Comme le litige concerne le licenciement que l'appelante allègue avoir subi du fait de sa grossesse, il relève de la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (RS/CH 151.1; ci-après : LEg).

La procédure simplifiée est applicable, indépendamment de la valeur litigieuse (art. 243 al. 2 let. a CPC). La cause est soumise aux maximes inquisitoire (art. 55 al. 2 et 247 al. 2 let. a CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

1.3 La Chambre revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) dans la limite des griefs motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2).

2. La raison sociale de l'intimée ayant été modifiée de D______ SAGL en C______ SAGL peu avant que la cause ait été gardée à juger, elle sera modifiée d'office, s'agissant d'un fait notoire, mentionné au Registre du commerce.

3. L'appelante reproche aux premiers juges de n'avoir pas, dans un premier temps, statué sur la vraisemblance du caractère discriminatoire du licenciement. Selon elle, le Tribunal aurait dû admettre, sous l'angle la vraisemblance, le caractère discriminatoire du licenciement et imposer à l'intimée de démontrer que celui-ci était fondé, preuve qui, selon elle, n'avait pas été apportée.

3.1.1 Selon l'art. 335 al. 1 CO, le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties. En droit suisse du travail, la liberté de la résiliation prévaut, de sorte que, pour être valable, un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier. Le droit fondamental de chaque cocontractant de mettre unilatéralement fin au contrat est toutefois limité par les dispositions sur le congé abusif (arrêt du Tribunal fédéral 4A_485/2016 du 28 avril 2017 consid. 2.1).

Selon l'art. 336 al. 1 let. a CO, le congé est abusif lorsqu'il est donné par une partie pour une raison inhérente à la personnalité de l'autre partie. Est compris dans cette définition le congé donné en raison de la grossesse de la travailleuse. Dans ce dernier cas, les prescriptions de la LEg sont relevantes (Staehelin, Zürcher Kommentar Obligationenrecht, 2014, n° 9 ad art. 336 OR).

3.1.2 Selon l'art. 3 LEg, il est interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, soit directement, soit indirectement, notamment en se fondant sur leur état civil ou leur situation familiale ou, s'agissant de femmes, leur grossesse (al. 1). L'interdiction de toute discrimination s'applique notamment à la résiliation des rapports de travail (al. 2).

Le licenciement notifié à une travailleuse parce qu'elle est enceinte, parce qu'elle a émis le souhait de le devenir ou encore parce qu'elle est mère de jeunes enfants constitue une discrimination directe à raison du sexe (arrêts du Tribunal fédéral 4A_59/2019 du 12 mai 2020 consid. 3; 4A_395/2010 du 25 octobre 2010 consid. 5.1).

3.1.3 L'existence d'une discrimination est présumée pour autant que la personne qui s'en prévaut la rende vraisemblable (art. 6 LEg).

Cette disposition, qui est une règle spéciale par rapport au principe général de l'art. 8 CC selon lequel il incombe à la partie qui déduit un droit de certains faits d'en apporter la preuve, institue un assouplissement du fardeau de la preuve d'une discrimination à raison du sexe, en ce sens qu'il suffit à la partie demanderesse de rendre vraisemblable l'existence d'une telle discrimination. La règle de l'art. 6 LEg tend à corriger l'inégalité de fait résultant de la concentration des moyens de preuve en mains de l'employeur. Si l'employeur supporte le fardeau de la preuve et donc le risque de perdre le procès au cas où il ne prouve pas l'absence de discrimination, il sera dans son intérêt d'informer complètement le juge et de lui fournir toutes pièces (ATF 130 III 145 consid. 4.2).

S'agissant du degré de la preuve, la discrimination doit être rendue simplement vraisemblable par la partie demanderesse. Il s'agit donc d'un assouplissement de la preuve par rapport à la certitude découlant du principe général de l'art. 8 CC. La preuve au degré de la simple vraisemblance ne nécessite pas que le juge soit convaincu du bien-fondé des arguments de la partie demanderesse; il doit simplement disposer d'indices objectifs suffisants pour que les faits allégués présentent une certaine vraisemblance, sans devoir exclure qu'il puisse en aller différemment. Le juge utilise la présomption de fait, en ce sens qu'il déduit d'indices objectifs (faits prémisses) le fait de la discrimination (fait présumé; question de fait), au degré de la simple vraisemblance. Lorsqu'une discrimination liée au sexe est ainsi présumée au degré de la vraisemblance (cf. art. 6 LEg), il appartient alors à l'employeur d'apporter la preuve stricte du contraire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_537/2021 du 18 janvier 2022 consid. 4.1.1 et les références citées : ATF 144 II 65 consid. 4.2; 142 II 49 consid. 6.2; 130 III 145 consid. 4.2).

L'art. 6 LEg in fine précise que l'allègement du fardeau de la preuve s'applique notamment à la résiliation des rapports de travail. En particulier, si l'employée parvient à rendre vraisemblable que le motif du congé réside dans sa grossesse ou sa maternité, il incombera à l'employeur de prouver que cet élément n'a pas été un facteur déterminant dans sa décision de mettre un terme au contrat, en d'autres termes, que l'employée aurait été licenciée même si elle n'avait pas été enceinte. Pour ce faire, l'employeur pourra chercher à établir que le licenciement a été donné pour un motif objectif, sans lien avec la grossesse ou la maternité, comme par exemple une réorganisation de l'entreprise ou l'insuffisance des prestations de l'intéressée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_537/2021 du 18 janvier 2022 consid. 4.1.1; 4A_208/2021 du 16 juillet 2021 consid. 3.2; 4A_59/2019 du 12 mai 2020 consid. 3 et 7.2; 4A_507/2013 du 27 janvier 2014 consid. 4; 4A_395/2010 du 25 octobre 2010 consid. 5.2).

3.1.4 Eu égard à l'allègement du fardeau de la preuve prévu à l'art. 6 LEg, le juge doit distinguer clairement s'il se détermine sur la vraisemblance alléguée ou déjà sur la preuve principale, à savoir la preuve de l'inexistence d'une discrimination ou la preuve de la justification objective de celle-ci (arrêts du Tribunal fédéral 8C_424/2021 du 10 mars 2022 consid. 6.3; 4C_463/1999 du 4 juillet 2000 consid. 2a, non publié à l'ATF 126 III 395).

3.1.5 La proximité temporelle entre la fin du congé maternité et le licenciement est un élément à prendre en considération pour évaluer le caractère discriminatoire de ce dernier (arrêts du Tribunal fédéral 4A_537/2021 du 18 janvier 2022 consid. 4.3; 4A_59/2019 du 12 mai 2020 consid. 7.2).

3.1.6 La résiliation pour un motif discriminatoire constituant un cas particulier de résiliation abusive au sens de l'article 336 CO, leurs conséquences juridiques sont les mêmes (Dunand, Commentaire de la loi fédérale sur l'égalité, Aubert/ Lempen [éd.], 2011, n° 47 ad art. 9 LEg).

Que la victime se prévale de l’une ou l’autre violation de la loi, elle doit faire opposition au congé par écrit auprès de l'autre partie au plus tard jusqu'à la fin du délai de congé (art. 336b al. 1 CO, applicable directement ou par renvoi de l'art. 9 LEg). Si l'opposition est valable et que les parties ne s'entendent pas pour maintenir le rapport de travail, la partie qui a reçu le congé peut faire valoir sa prétention à une indemnité (art. 336b al. 2 CO, applicable directement ou par renvoi de l'art. 9 LEg), correspondant au maximum à six mois de salaire de la personne licenciée (art. 336a al. 1 et 2 CO; art. 5 al. 2 et 4 LEg).

Elle doit agir par voie d'action en justice dans les 180 jours à compter de la fin du contrat, sous peine de péremption (art. 336b al. 2 CO, applicable directement ou par renvoi de l'art. 9 LEg).

3.2
3.2.1 En l'espèce, il n'est pas contesté entre les parties que l'appelante a formé opposition au congé avant l'échéance du délai de congé et qu'elle a agi en justice dans les 180 jours à compter de la fin du contrat, ce qui est effectivement le cas.

3.2.2 L'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir procédé en deux temps dans l'appréciation des preuves d'un congé discriminatoire, conformément au système mis en place par l'art. 6 LEg.

Le Tribunal n'a en effet pas clairement distingué les deux étapes successives de raisonnement imposées par l'art. 6 LEg, ni expliqué à quel stade du raisonnement se situait sa motivation. Il a apprécié les preuves à l'appui des allégués de chacune des parties en une seule opération pour parvenir à la conclusion qu'"aucun indice objectif suffisant ne permet[tait] (…), sur la base de la vraisemblance, [de retenir que l'appelante] aurait été victime d'un congé discriminatoire (…). (…) Il résult[ait] plutôt des enquêtes que le licenciement (…) [était] intervenu pour des raisons économiques. Ajouté à ces dernières, la requête expresse de cette dernière de pouvoir quitter l'entreprise a donc motivé le choix de [l'intimée] de se séparer de cette employée en priorité". Les termes utilisés ne permettent ainsi pas de comprendre si le Tribunal (a) s'est limité à la première étape du raisonnement, estimant que l'appelante n'avait pas rendu vraisemblable le congé discriminatoire et que l'intimée avait rendu plus vraisemblable un licenciement fondé sur des motifs économiques ainsi que le souhait de l'appelante d'être licenciée, ou (b) s'il a conduit un raisonnement en une seule étape en procédant à une appréciation de l'ensemble des preuves fournies par les parties à l'appui de leurs allégués respectifs, mais limitée à l'examen de la vraisemblance plutôt que de la preuve stricte. Ces deux manières de procéder sont incompatibles avec l'art. 6 LEg. La vraisemblance est limitée à la première étape du raisonnement et aux indices de discrimination allégués par la travailleuse afin que cette dernière puisse bénéficier de la présomption posée par l'art. 6 LEg. Ce n'est que dans un deuxième temps, une fois posée la présomption de discrimination, que l'employeuse est autorisée à faire administrer la preuve stricte du motif de congé non discriminatoire qu'elle allègue. Un rejet des prétentions de la travailleuse au premier stade du raisonnement imposé par l'art. 6 LEg ne pouvait découler que de l'absence de vraisemblance suffisante de ses allégués et non pas d'une vraisemblance prépondérante des allégués de la partie adverse.

Il convient par conséquent de reprendre le raisonnement conduit par le Tribunal en respectant la séquence voulue par l'art. 6 LEg.

3.2.3 En l'espèce, le congé a été donné à l'appelante quelques jours après son retour de congé maternité. Il est intervenu alors que l'intimée a connu un début de grossesse problématique au sein de l'entreprise et après que des comportements portant atteinte à sa personnalité se sont produits et ont conduit à une indemnisation du tort moral, non contestée. Il s'en est suivi une longue incapacité de travail jusqu'à l'accouchement. Un litige est encore apparu sur la date de fin du congé maternité. Il est également allégué une pression exercée sur l'appelante pour mettre fin aux rapports de travail qui est certes contestée mais est rendue suffisamment vraisemblable par le fait que la question de la compatibilité de l'emploi de l'appelante avec sa maternité est régulièrement revenue dans les relations entre les parties, même s'il est allégué par l'intimée que la fin des rapports de travail était souhaitée par l'appelante.

L'ensemble de ces éléments permet d'admettre que l'appelante a rendu suffisamment vraisemblables des faits indices pour bénéficier de la présomption d'un congé discriminatoire et entraîner la mise à charge de l'intimée la preuve stricte d'un motif de congé non discriminatoire à l'exclusion de tout autre.

Il sied donc d'examiner si l'intimée y est parvenue en apportant la preuve des motifs de congé qu'elle allègue, à savoir que l'employée aurait demandé à être licenciée et/ou que le licenciement reposait sur des motifs économiques.

3.2.4 L'intimée se fonde essentiellement sur les témoignages de divers employés, supérieurs hiérarchiques de l'appelante, pour soutenir que cette dernière aurait demandé à être licenciée. En particulier, les témoins R______ et S______ ont déclaré devant le Tribunal que l'appelante aurait expressément indiqué, lors de divers entretiens, qu'elle ne souhaitait pas poursuivre son emploi après sa maternité, et que des discussions étaient intervenues sur la possibilité de trouver une solution à l'amiable afin qu'elle ne subisse pas de pénalités de l'assurance-chômage. Dans le même sens, le témoin R______ a déclaré que l'appelante lui aurait expressément demandé "s'il y avait une possibilité d'être licenciée".

L'appelante soutient n'avoir jamais demandé, ni accepté d'être licenciée et avoir juste requis le prolongement de son congé maternité par le biais de la récupération de ses heures supplémentaires et de son solde de vacances. En revanche, les témoins susvisés ont insisté auprès d'elle pour qu'elle renonce à son emploi suite à sa maternité, ce qui pouvait être organisé "gentiment".

3.2.4.1 Les déclarations des témoins et des parties sont contradictoires sur ce point, et doivent être appréciées avec circonspection dès lors qu'elles abondent dans le sens des intérêts de leurs auteurs respectifs. Notamment, le témoin R______ est toujours cadre au sein de l'intimée.

Dans ce contexte, il convient d'apprécier la crédibilité des déclarations des témoins et des parties en les confrontant entre elles et à la séquence des événements précédant le congé litigieux.

Le témoignage R______ est particulièrement peu clair et en contradiction avec les allégués des deux parties.

Questionné au début de son témoignage sur la réunion de novembre 2018 ("s'agissant de l'allégué 49 déf."), le témoin R______ évoque une réunion qu'il ne parvient pas à situer dans le temps à laquelle trois personnes ont participé : l'appelante, une certaine AG______, employée de D______ SAGL, et lui-même. L'appelante aurait fait part de son souhait de quitter l'entreprise au cours de cet entretien qui était initialement dévolu aux "heures" de l'appelante. Or, cette réunion n'est alléguée par aucune des parties et aucune d'elles n'a requis l'audition en qualité de témoin de AG______. Il ne s'agit en tous les cas pas de la réunion de novembre 2018, sur laquelle portait la question du Tribunal, au cours de laquelle A______ était accompagnée de son compagnon et à laquelle aucun autre tiers n'avait vraisemblablement participé. Le témoin semble ainsi totalement confus sur les réunions dont il parle.

En réalité, le témoin R______ s'est bien exprimé sur la réunion de novembre 2018, mais à la fin de son témoignage et sans en indiquer la date.

A propos de cette réunion, le témoin a d'ailleurs clairement déclaré qu'il n'y avait pas du tout été question d'une fin des rapports de travail, la discussion ayant été dédiée aux allocations familiales. Or, l'appelante soutient que le témoin lui aurait déjà suggéré à cette occasion de résilier "gentiment" son contrat de travail. L'intimée allègue aussi de son côté que l'appelante aurait déjà manifesté à cette occasion son souhait de mettre fin aux rapports de travail. Les déclarations du témoin R______ ne sont dès lors compatibles ni avec les allégués de l'appelante, ni avec ceux de l'intimée.

Le témoin R______ fait encore état de plusieurs réunions subséquentes à celle ayant porté sur "les heures" et dont la date reste inconnue, essentiellement avec S______, lui-même et l'appelante au cours desquelles les parties seraient tombées d'accord pour un licenciement d'entente entre elles. Or, aucune de ces réunions n'est mentionnée dans les allégués des parties, ni dans les diverses déclarations recueillies par le Tribunal à l'exception de celle de T______. Aucune pièce ne les illustre non plus. Il ressort au contraire des éléments réunis à la procédure qu'il y aurait eu essentiellement deux réunions, une en novembre 2018 et l'autre le 23 avril 2019. En ce a trait aux déclarations de T______ qui confirmeraient l'existence de réunions portant sur "les heures" de l'appelante, la Cour n'y attache que peu de valeur probante, s'agissant des déclarations d'une partie d'une part, mais surtout en raison de leur déconnection avec les autres éléments réunis par la procédure; il est en effet admis que T______ n'était pas stationné à Genève; lui-même déclare que sa connaissance de ce qui s'y passait ne provenait pas de constats directs, mais lui était transmis par les témoins S______ et R______; il a en outre fait une déclaration en total décalage avec les autres témoins s'agissant des mesures prises pour la protection de l'appelante durant sa grossesse, prouvant sa méconnaissance de ce qui se passait sur le site de F______ [GE]; ses déclarations n'ont donc qu'une valeur probante très réduite et le fait qu'elles concordent sur certains points avec celles du témoin R______ n'est pas un indice de la véracité des circonstances visées.

Les déclarations du témoin R______ sont par conséquent à considérer avec une retenue vu les contradictions qu'elles contiennent et leur incohérence avec les allégués des parties. Or, c'est essentiellement lui qui a été en relation avec A______ et a transmis la teneur de leurs échanges à S______ et T______. Les déclarations de ces derniers, qui ont peu été en contact direct avec l'appelante, sont par conséquent essentiellement fondées sur les informations communiquées par R______ de sorte qu'elles sont également sujettes à caution.

Le courriel adressé le 3 mai 2019 par S______ à une collaboratrice afin d'indiquer le licenciement à venir de l'appelante au motif que "son souhait serait de quitter l'entreprise car le travail la nuit n'est plus possible avec une enfant en bas âge" doit également être lu dans ce contexte d'information potentiellement biaisée.

Les témoignages R______ et S______ ainsi que le courriel du 3 mai 2019 sont par conséquent des preuves fragiles qui n'emportent pas la conviction.

Par ailleurs, le témoin O______, qui n'est plus employé de l'intimée et peut être considéré comme fiable, même s'il a été proche de l'appelante, n'a pas confirmé que A______ aurait réellement souhaité mettre fin à son emploi auprès de l'intimée, même si celui-ci ne la satisfaisait pas, car elle en avait besoin financièrement.

3.2.4.2 Les circonstances entourant la résiliation des rapports de travail ne plaident pas non plus dans le sens d'une demande de l'appelante d'être licenciée.

L'intimée a contacté à deux reprises son employée durant son congé maternité s'agissant de la reprise prochaine du travail, lui indiquant par deux fois de manière erronée que son congé maternité touchait à sa fin. L'intimée a également contacté l'appelante afin de fixer un rendez-vous de reprise du travail. C'est à l'occasion de ces contacts qu'il aurait été question du licenciement. Il apparaît dès lors vraisemblable que l'intimée, qui a pris l'initiative de ces contacts, soit à l'origine de la résiliation du contrat de travail de l'appelante. Il est dans ce contexte nettement moins probable que l'appelante ait spontanément demandé à l'intimée de mettre un terme à son emploi alors qu'elle n'était pas à l'origine de ces contacts.

Si les témoins S______ et R______ ont déclaré que l'appelante leur avait dit qu'elle ne se plaisait plus au travail et qu'elle ne se sentait pas de revenir – propos qui apparaissent vraisemblables compte tenu des atteintes à la personnalité subies par l'employée –, ils ne signifient pas encore que l'appelante souhaitait son licenciement. Le soutenir procèderait d'une interprétation extensive.

La signature par l'appelante de sa lettre de licenciement avec la mention "lu et approuvé" – au demeurant une formule de style souvent employée dont la portée n'est la plupart du temps pas réellement comprise ni voulue par son auteur – ne signifie pas non plus que cette dernière aurait demandé à être licenciée ou aurait accepté son licenciement, cela ne ressortant pas du contenu de la lettre.

On ne peut pas non plus interpréter le fait que l'appelante ne s'est pas immédiatement opposée à son congé comme une acceptation de celui-ci.

Enfin, le prétendu motif qui aurait poussé l'appelante à demander à être licenciée par son employeuse – soit éviter une sanction de la Caisse de chômage si elle résiliait elle-même son contrat de travail – n'est pas crédible. La Caisse de chômage n'aurait certainement pas pu sanctionner l'appelante pour la résiliation d'un contrat de travail portant sur une activité de nuit pénible alors qu'elle venait de devenir mère (art. 16 al. 2 let. c et 30 al. 1 let. a LACI; art. 44 al. 1 let. b OACI; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 160/03 du 15 mai 2006 consid. 5).

3.2.4.3 Au vu de ce qui précède, l'intimée n'est pas parvenue à apporter la preuve stricte que l'appelante aurait demandé à être licenciée, ce qui aurait ôté tout caractère discriminatoire au congé.

3.2.5 Reste donc à examiner si l'intimée a établi que le licenciement reposait exclusivement sur des motifs économiques.

S'il a effectivement été démontré que l'intimée a rencontré des difficultés économiques en raison de la rupture du contrat qui la liait à E______ SA, les coupures de presse qu'elle produit et les déclarations des témoins font état de circonstances et de licenciements intervenus plusieurs mois après celui de l'appelante. L'appelante n'allègue pas qu'elle était déjà informée de la rupture du contrat avec E______ SA en avril 2019 au moment de la décision de résilier le contrat de l'appelante.

L'intimée n'allègue pas non plus que la restructuration du Groupe G______ annoncée en ______ 2019 par la presse était consécutive à des difficultés économiques mais s'inscrivait, à teneur des coupures de presse produites, dans une démarche d'adaptation au marché et de redéploiement.

Si T______ a par ailleurs évoqué lors de l'interrogatoire des parties que E______ SA "était sur le point de perdre un client représentant 25 % de son chiffre d'affaires", "à cette époque", entraînant une baisse des effectifs, il s'agit de circonstances très vagues qui ne sont étayées par aucun élément de preuve. La déclaration du témoin S______ selon lequel "la diminution d'activité [de E______ SA était] un sujet récurrent depuis décembre 2018", n'est pas un élément probant suffisant.

Au demeurant, selon les déclarations de T______ et de l'appelante, le poste de cette dernière n'a pas été supprimé mais a été occupé par des employés temporaires après son départ.

Il n'est pas non plus établi que l'intimée aurait procédé à d'autres licenciements concomitamment, ou du moins avec une grande proximité temporelle permettant de retenir que le licenciement de l'intimée s'inscrivait dans une tendance bien établie de réduire les effectifs pour des raisons économiques en mai-juin 2019. Les licenciements motivés par des raisons économiques ne sont intervenus que pour fin juillet 2020.

Dans ces circonstances, l'intimée n'a pas non plus apporté la preuve stricte que le licenciement litigieux reposait sur des motifs économiques.

3.2.6 Faute d'avoir pu apporter la preuve d'un motif non-discriminatoire, l'intimée doit se voir imputer le caractère discriminatoire du congé rendu vraisemblable par l'appelante et la présomption non renversée de son caractère abusif découlant l'art. 6 LEg, de sorte qu'une indemnité pour licenciement abusif doit lui être accordée.

4. 4.1
4.1.1 S'agissant de la fixation de l'indemnité, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il doit notamment tenir compte de la gravité de la faute de l'employeur, de la gravité de l'atteinte à la personnalité du travailleur, de l'intensité et de la durée des rapports de travail, des effets économiques du licenciement, de l'âge et de la situation personnelle du travailleur, des conditions existantes sur le marché du travail, de la situation économique des parties et d'une éventuelle faute concomitante du travailleur (Staehelin, op. cit., n° 7 ad art. 336a CO; Portmann, Rudolf, Basler Kommentar Obligationenrechts I, 2015, n° 2 ad art. 336a CO; ATF 123 111 255; 119 II 161).

4.1.2 Vu sa fonction large punitive et réparatrice, l’indemnité prévue à l'article 336a CO englobe en principe toutes les prétentions que pourrait formuler le travailleur en raison de son congé. Dès lors, cette indemnité embrasse toutes les atteintes du travailleur qui découlent de la résiliation abusive du contrat et ne laisse donc pas de place à l’application cumulative de l’article 49 CO (Wyler, Heinzer, Droit du travail, 4è éd., 2019, p. 832; Dunant, Commentaire du contrat de travail, 2è éd., n° 35 ad article 336a CO). Seule est réservée l’hypothèse selon laquelle l’atteinte aux droits de la personnalité du travailleur serait à ce point grave qu’une indemnité correspondant à six mois de salaire du travailleur ne suffirait pas à la réparer (ATF 135 III 405 consid. 3.1). Un cumul d’indemnités spécifiques de licenciement abusif avec une autre prétention pour tort moral fondée sur l’article 49 CO ne peut ainsi entrer en considération que si le travailleur a subi une atteinte à sa personnalité qui se distingue nettement de celle qui résulte déjà d’un congé abusif (arrêt 4A_307/2012 du 1er novembre 2012 consid. 2.1). Il en va ainsi notamment de comportements relevant du harcèlement ou de la discrimination durant les rapports de travail (Wyler, Heinzer, op. cit., p. 832-833).

4.1.3 Les créances devenant exigibles par l’expiration du contrat, le créancier peut en réclamer le paiement avec un intérêt moratoire à 5% dès la fin des rapports de travail, sans qu’une mise en demeure soit nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 4C_414/2005 du 29 mars 2006 consid. 6, relatif à l'indemnité pour licenciement abusif). Le dies a quo des intérêts moratoires démarre ainsi le lendemain de la fin des rapports de travail, moment auquel les créances sont devenues exigibles en vertu de l'art. 339 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4C_320/2005 du 20 mars 2006 consid. 6.2, relatif à l'indemnité pour licenciement abusif).

4.2 En l'espèce, pour fixer le montant de l'indemnité, il sied de prendre en considération l'ancienneté de l'appelante (quatre ans), son jeune âge et sa situation personnelle, à savoir sa maternité récente. La naissance d'un premier enfant est une étape importante, mais également source d'inquiétude, dans la vie de jeunes parents, de sorte qu'un licenciement dans une telle période représente un inconvénient particulièrement éprouvant, tant sur le plan financier qu'organisationnel ainsi que pour entreprendre une recherche d'emploi. Le fait que ce licenciement soit consécutif à des atteintes à la personnalité de l'appelante et du fait qu'elle a fait l'objet d'une indemnisation, non contestée, du tort moral joue un certain rôle dans la fixation de l'indemnité compte tenu de l'imbrication de ces atteintes dans la survenance du congé.

En revanche, les contacts répétés que l'intimée a imposés à l'appelante durant son congé maternité et les tensions engendrées par les discussions sur une fin à venir de son contrat de travail, de même que l'absence de faute concomitante de l'appelante, conduisent la Cour à retenir que la faute de l'intimée n'est pas négligeable.

En faveur de l'intimée, il sera tenu compte des difficultés financières auxquelles elle a été ultérieurement confrontée et des licenciements massifs qu'elle a dû opérer quelques mois après celui de l'appelante.

Au vu de ces éléments, il se justifie d'allouer à l'appelante une indemnité équivalente à quatre mois de salaire.

L'appelante percevait un salaire de 3'698 fr. treize fois l'an, ce qui correspondait à un salaire mensuel de 4'006 fr. 15. A cela s'ajoutaient ses indemnités pour travail de nuit pour un montant moyen, entre janvier et juillet 2018 (période déterminante puisqu'elle a été ultérieurement en arrêt de travail), de 314 fr. 50 ([235 fr. 45 + 249 fr. 85 + 469 fr. 45 + 373 fr. 10 + 335 fr. 50 + 223 fr. 70] / 6) ainsi qu'un montant mensuel moyen de 109 fr. 60 de primes d'objectif (767 fr. 15 / 7). Aussi, la rémunération mensuelle totale de l'appelante s'élevait à 4'430 fr. 25.

Par conséquent, l'intimée sera condamnée à verser à l'appelante 17'721 fr. nets avec intérêts à 5% l'an dès le lendemain de la fin des rapports de travail, soit dès le 1er août 2019.

5. 5.1 Lorsque l'autorité d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens dans les litiges en matière de LEg (art. 114 let a et 116 al. 2CPC; art. 22 al. 2 LACC).

C'est ainsi à raison que le Tribunal n'a pas fixé de frais judiciaires ni de dépens. Le fait que la Cour ait modifié la solution retenue par le Tribunal n'y change rien. Le jugement querellé sera donc confirmé sur ce point.

5.2 Pour les mêmes raisons, il ne sera pas perçu de frais ni alloué de dépens d'appel.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 3 :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPH/402/2021 rendu le 21 octobre 2021 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/1215/2020.

Ordonne la rectification des qualités de la partie intimée dont la raison sociale a été modifiée de D______ SAGL en C______ SAGL depuis le 15 février 2022.

Au fond :

Annule le chiffre 6 du jugement entrepris, et statuant à nouveau sur ce point :

Condamne C______ SAGL à verser à A______ 17'721 fr. nets avec intérêts à 5% l'an dès le 1er août 2019.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Monsieur Claudio PANNO, juge employeur, Madame Agnès MINDER-JAEGER, juge salarié; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Fabia CURTI

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.