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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/17590/2022

CAPH/57/2023 du 23.05.2023 ( CCT ) , ARRET/CONTRA

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17590/2022-CT CAPH/57/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU MARDI 23 MAI 2023

 

Entre

COMMISSION PARITAIRE DES METIERS DU BATIMENT DU SECOND OEUVRE (CPSO), sise rue de Saint-Jean 98, case postale 5278, 1211 Genève 11, recourante contre une sentence arbitrale A-20-22 rendue le 30 juin 2022 par la Chambre des relations collectives de travail, comparant en personne,

et

A______ SARL, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Guillaume RYCHNER, avocat, Gros & Waltenspühl, rue Beauregard 9, 1204 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

 


EN FAIT

A.           Par sentence arbitrale du 30 juin 2022, reçue le 3 août 2022 par la Commission paritaire des métiers du bâtiment du second œuvre Genève (ci-après: CPSO), la Chambre des relations collectives de travail (ci-après: CRCT) a considéré comme disproportionnée la peine conventionnelle de 2'500 fr. infligée le 22 avril 2022 par la CPSO à A______ SARL pour violation de la Convention collective de travail du second-œuvre romand (ci-après: CCT-SOR), pour paiement du salaire par un moyen non conforme, réduit en conséquence le montant de la peine conventionnelle de 2'500 fr. à 2'000 fr., condamné A______ SARL à payer à la CPSO le montant de 2'000 fr., débouté les parties de toutes autres ou contraires conclusions et dit que la sentence arbitrale pouvait faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice dans les 30 jours dès sa notification.

La CRCT a indiqué avoir "été sensible aux arguments soulevés par [A______ SARL] pour se conformer à la CCT-SOR. Elle a considéré que la peine de CHF 2'500.- était élevée et a décidé de la réduire à CHF 2'000. --". En conclusion, elle a estimé que la CPSO avait preuve d'une sévérité disproportionnée en infligeant une peine de conventionnelle de 2'500 fr. qu'elle jugeait excessive.

B.            a. Par acte expédié le 14 septembre 2022 à la Cour de justice, la CPSO a formé recours contre cette sentence arbitrale, concluant à son annulation, et cela fait, à la confirmation de la peine conventionnelle du 22 avril 2022 rendue par elle contre A______ SARL et au déboutement de celle-ci de toutes autres ou contraires conclusions, sous suite de frais et dépens.

Elle a produit une pièce nouvelle.

b. Par réponse du 17 octobre 2022, A______ SARL a principalement conclu au déboutement de la CPSO de toutes ses conclusions et à l'annulation de la peine conventionnelle du 22 avril 2022 infligée par celle-ci, subsidiairement, au déboutement de la CPSO de toutes ses conclusions et à la réduction de la peine conventionnelle du 22 avril 2022 infligée par celle-ci, plus subsidiairement au déboutement de la CPSO de toutes ses conclusions et à la confirmation de la sentence arbitrale, le tout sous suite de frais et dépens.

Elle a produit des pièces nouvelles.

c. Par réplique du 8 novembre 2022, la CPSO a conclu à l'irrecevabilité des conclusions de A______ SARL demandant l'annulation et la réduction de la peine conventionnelle, au rejet de la conclusion de A______ SARL demandant la confirmation de la sentence arbitrale, et a persisté pour le surplus.

d. A______ SARL a persisté dans ses conclusions par duplique du 12 décembre 2022.

e. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 16 janvier 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent du dossier.

a. A______ SARL est inscrite au Registre du commerce de Genève depuis le ______ 2011, avec comme but notamment "toutes activités en matière de maçonnerie, d'aménagement extérieur et de ______, ______ et de ______".

Elle est assujettie à la Convention collective de travail du second-œuvre romand (CCT-SOR).

b. A______ SARL a engagé B______ en qualité d'aide ouvrier, selon contrat de travail (sur appel exclusivement) signé par les parties, débutant le 1er janvier 2021. Il était prévu que le temps de travail hebdomadaire était de 40h pour un poste à 100%, du lundi au vendredi, de 8h à 17h, avec une pause de 12h à 13h (art. 5).

Le montant du salaire horaire de base était de 27 fr. 60 (vacances, jours fériés, 13ème salaire). Les déductions sociales (AVS, AI, APG, AC, AMAT) étaient déduites du salaire brut, de même que la part de l'employé aux cotisations à la LPP (art. 8).

c. Le 20 décembre 2021, le Bureau de contrôle des chantiers a effectué un contrôle sur un chantier à la rue 1______ no. ______ à C______ [GE] où A______ SARL employait B______ à des travaux de second-œuvre. Le rapport dressé à la suite de ce contrôle a constaté les infractions suivantes commises par l'entreprise précitée: non-respect de la durée contractuelle de travail, non-paiement ou paiement partiel du salaire, non-remise des décomptes d'heures et paiement du salaire par un moyen non conforme.

d. Le 31 janvier 2022, la CPSO a demandé à A______ SARL de lui remettre, notamment, les fiches de salaire de B______ de janvier à juin 2021 et décembre 2021 avec la pièce comptable prouvant le paiement dudit salaire (avis de virement bancaire/postal), le décompte de ses heures travaillées (feuilles d'heures) pour les mois de janvier à décembre 2021.

e. Le 10 février 2022, A______ SARL a fourni les fiches de salaire et décompte demandés, ainsi que les quittances manuscrites de paiement du salaire en espèces. Elle a expliqué que l'employé n'était pas parvenu à ouvrir un compte bancaire. Une demande d'ouverture de compte avait été adressée à [la banque] D______.

Figurent sur les fiches de salaire le salaire horaire, les heures effectuées, les indemnités vacances, jours fériés et le 13ème salaire, ainsi que les déductions sociales.

f. Par décision du 22 avril 2022, la CPSO, en application de la CCT-SOR et du barème genevois complémentaire au calculateur de peine conventionnelle établi par la CPSO, a infligé à A______ SARL une peine conventionnelle totale de 2'500 fr., soit 500 fr. pour paiement du salaire par un moyen non conforme et 2'000 fr. pour défaut de mention dans le contrat de travail du taux de travail et des horaires hebdomadaires.

g. Le 11 mai 2022, A______ SARL a contesté devant la CRCT la décision précitée, faisant valoir que son employé s'était vu refuser l'ouverture d'un compte auprès de [la banque] D______ et des banques E______, F______ et G______, et que le contrat de travail avait été établi sur la base d'un modèle de la CPSO.

h. Par courrier recommandé du 8 juin 2022 à la CRCT, la CPSO a conclu au maintien de sa décision du 23 mars 2022 [recte: 22 avril 2022]. Elle a en particulier fait valoir qu'elle ne pouvait accepter qu'un contrat soit établi sur appel, et que le contrat conclu avec B______ ne correspondait au modèle proposé par elle en annexe à la CTT-SOR.

i. Il ressort du procès-verbal de l'audience du 30 juin 2022 devant la CRCT que les parties ne sont pas parvenues à un accord et qu'elles ont sollicité l'arbitrage de cette autorité.

EN DROIT

1.         1.1 La Cour est saisie d’un recours dirigé contre une sentence arbitrale rendue par la CRCT concernant une violation de la CCT-SOR. Elle examine d’office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC).

La CCT-SOR, conclue dans sa version initiale le 1er novembre 2000, a fait l'objet de divers arrêtés d'extension du Conseil fédéral (cf ATF 134 III 541 consid. 3 p. 543). La CCT-SOR 2019 prévoit à son art. 51 al. 2 que les décisions de la CPSO peuvent faire l’objet d’un recours dans les trente jours auprès de la CRCT. Selon la même disposition, la CRCT est saisie soit en tant qu’instance de conciliation, soit en tant qu’instance d’arbitrage. La CRCT est définie dans le cadre de la loi concernant la Chambre des relations collectives de travail (LCRCT). Cette loi institue une Chambre des relations collectives de travail à Genève, avec les compétences, notamment, de prévenir et concilier les différends d’ordre collectif concernant les conditions de travail et de trancher les différends collectifs comme tribunal arbitral public (art. 1 al. 1 let. a et e LCRCT). L’art.  10 al. 1 LCRCT prévoit quant à lui que la Chambre peut statuer comme tribunal arbitral public sur tout litige qui lui est soumis d’entente entre les parties. L’art. 7 du Règlement d’application de la loi concernant la Chambre des relations collectives de travail (RCRCT) dispose quant à lui que les parties aux conventions collectives et les organisations professionnelles ayant qualité pour agir selon le droit fédéral sont notamment considérées comme parties ayant la qualité pour requérir la réunion de la Chambre des relations collectives de travail. En l’absence d’un compromis écrit, l’art. 11 al. 2 RCRCT dispose que les parties peuvent déclarer conjointement et oralement, lors d’une audience de la chambre fonctionnant en qualité de chambre de conciliation, qu’elles se soumettent à son arbitrage, cette déclaration étant portée au procès-verbal. L’art. 15 al. 3 RCRCT prévoit que la sentence arbitrale rendue par la CRCT est minutée comme un jugement et est assimilée, pour son exécution, à un jugement définitif. Ni la LCRCT ni le RCRCT ne prévoient d’instance de recours cantonale contre une décision prise par la CRCT en tant que tribunal arbitral instaurée par la CCT-SOR. Cette dernière ne prévoit pas non plus un tel recours.


Dans un arrêt 4A_53/2016 du 13 juillet 2016, la première Cour de droit civil du Tribunal fédéral a considéré que la CRCT est une instance publique cantonale lorsqu’elle agit en qualité de tribunal arbitral public et que sa composition et la détermination de son siège étant soustraites au choix des parties, elle ne peut pas être considérée comme un tribunal arbitral au sens des art. 353 et ss CPC, avec la conséquence qu’un recours direct au Tribunal fédéral sur la base de l’art.  77 al. 1 LTF est dès lors exclu et que la CRCT statue ainsi dans ces situations en tant qu’autorité judiciaire cantonale de première instance et que sa décision, comme jugement étatique, n’est pas susceptible d’être attaquée directement devant le Tribunal fédéral. En effet, le recours en matière civile est ouvert contre une décision cantonale, pour autant que cette décision ait été rendue par un tribunal supérieur du canton, lequel, sauf exception n’entrant pas en ligne de compte en l’espèce, aura statué lui-même sur recours, au sens de l’art. 75 al. 1 et 2 LTF. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré qu’en vertu du droit fédéral, une voie de recours cantonale doit être ouverte contre une décision judiciaire de première instance de la CRCT, de sorte qu’à Genève, la Cour de justice est compétente pour connaître d’un tel recours, en sa qualité d’autorité judiciaire supérieure du Canton (ATF 139 III 252 consid. 1.6 p. 255 et ss.).

A Genève, la Chambre des prud’hommes de la Cour civile est compétente pour les appels et les recours dirigés contre les jugements du Tribunal des prud’hommes (art. 124 LOJ). La Chambre de céans, second degré de juridiction civile à Genève pour un litige ayant trait au droit du travail, est dès lors compétente pour connaître de la présente cause (CAPH/204/2017 du 12 décembre 2017), ce qui n’est au demeurant pas contesté par les parties.

 

1.2 Le Code de procédure civile est applicable devant les juridictions cantonales aux affaires civiles contentieuses (art. 1 CPC). L’appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins dans les affaires patrimoniales (art. 308 CPC). Le recours est quant à lui recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l’objet d’un appel (art. 319 let. a CPC). Le recours écrit et motivé, doit être introduit auprès de l’instance de recours dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 1 CPC).

 

En l’espèce, compte tenu de la valeur litigieuse inférieure à 10'000 fr., seule la voie du recours est ouverte. Celui-ci a été interjeté en temps utile (art. 145 al. 1 let. b, 146 al. 1 et 321 al. 1 CPC) et dans les formes requises par la loi. Il est donc recevable à la forme.

 

1.3 Le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

 

Aux termes de l'art. 327 al. 3 CPC, si l'instance d'appel admet le recours, elle annule la décision ou l'ordonnance d'instruction et renvoie la cause à l'instance précédente (let. a); elle rend une nouvelle décision, si la cause est en état d'être jugée (let. b).

1.4 Les parties ont produit des pièces nouvelles.

1.4.1 Dans le cadre d'un recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Les faits qui sont immédiatement connus du Tribunal, notamment parce qu'ils ressortent d'une autre procédure entre les mêmes parties, sont des faits notoires qui n'ont pas à être prouvés et ne peuvent être considérés comme nouveaux (art. 151 CPC; ATF 143 II 224 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2021 du 8 novembre 2021 consid. 2.3).

1.4.2 En l'espèce, la pièce nouvelle n°1 produite par la recourante ainsi que les pièces nouvelles nos. 3, 5 et 6 produites par l'intimée sont irrecevables, de même que les allégations de fait qui s'y rapportent.

En revanche, les pièces nos. 15 à 17 produites par l'intimée, sont relatives à une peine conventionnelle infligée par la recourante à l'intimée le 14 juin 2022. Elles concernent une autre procédure entre les mêmes parties et constituent un fait notoire. Elles sont dès lors recevables mais toutefois sans portée dans la présente procédure.

1.5 S'agissant des conclusions de l'intimée en annulation, respectivement en réduction de la peine conventionnelle, formulées au stade de sa réponse au recours, elles s'apparentent à un recours joint et sont par conséquent irrecevables (art. 323 CPC).

2. La recourante reproche à la CRCT d'avoir arbitrairement réduit la peine conventionnelle infligée à l'intimée, sans expliquer pourquoi elle considérait cette peine comme excessive. Elle lui reproche aussi de ne pas avoir traité la question de la peine conventionnelle sous l'angle de la non-conformité au contrat de travail.

2.1.1 La CCT-SOR 2019 s'applique à tous les employeurs, toutes les entreprises et aux secteurs d'entreprises qui exécutent ou font exécuter, à titre principal ou accessoire, des travaux de peinture (art. 1 let. c).

Elle prévoit à son art. 6 al. 2 que le contrat de travail doit mentionner au moins les points suivants: a) le nom des parties ; b) la date du début du rapport de travail ; c) la fonction et la classe de salaire du travailleur ; d) le salaire et les éventuels suppléments salariaux ; e) la durée hebdomadaire du travail. f) En cas d’engagement à temps partiel, la présence du travailleur sur les chantiers (matin et/ou après-midi) et les horaires de travail sur les chantiers.

Selon l'art. 31 al. 1 CCT-SOR, le salaire est payé une fois par mois mais au plus tard avant le 7 du mois suivant. Il est versé au travailleur sur un compte bancaire ou postal.

En vertu de l'art. 52 al. 2 et 3 CCT-SOR, toute infraction aux dispositions de la CCT-SOR peut être sanctionnée par une amende d'un montant de 30'000 fr. au plus par cas d'infraction, sans préjudice de la réparation des dommages éventuels. La CPSO peut déroger et aller au-delà de ce montant si le préjudice subi est supérieur à cette somme; ce montant peut être porté à 120'000 fr. en cas de récidive ou de violation grave des dispositions de la CCT-SOR, la CPSO pouvant aller au-delà de cette somme si le préjudice subi est supérieur à ce montant.

Selon le barème genevois complémentaire au calculateur de peine conventionnelle, le paiement du salaire par un moyen non conforme est sanctionné par une peine de 500 fr. par travailleur.

2.1.2 La convention collective de travail étant un contrat de droit privé, les parties peuvent agir en cas d'inexécution des dispositions obligationnelles conventionnelles ou légales, selon les voies ordinaires (art. 97ss CO).

Ainsi, les peines conventionnelles constituent des amendes infligées aux personnes liées par une convention collective de travail et qui n'en respectent pas les dispositions (...). Elles relèvent purement du droit privé et non du droit pénal puisque les organes de la convention n'ont aucun caractère public. Les montants ainsi payés reviennent directement dans les caisses des commissions paritaires. (Jean-Philippe Dunand, in L'exécution des peines conventionnelles notifiées par les commissions paritaires, Arbeit und Arbeitsrecht, 2017, p. 62).

Les sanctions infligées par une commission paritaire chargée de l'application d'une convention collective de travail sont des clauses pénales au sens de l'art. 160 CO, que le juge doit réduire si elles sont exagérées (cf. art. 163 CO). Pour déterminer l'éventuel caractère excessif d'une peine, il faut, selon le Tribunal fédéral, tenir compte de la gravité de la violation contractuelle et de la faute, ainsi que du but tendant à empêcher, par une peine efficace, de futures violations du contrat (Dunand, op. cit., p. 63, ATF 116 II 302 consid. 3 et 4). La réduction d'une peine conventionnelle est un cas d'application du principe général de l'interdiction de l'abus de droit (...) Une réduction de la peine se justifie en particulier lorsqu'il existe une disproportion crasse entre le montant convenu et l'intérêt du créancier à maintenir la totalité de sa prétention, mesuré concrètement au moment où la violation contractuelle est intervenue (arrêt du Tribunal fédéral 4A_257/2020 du 18 novembre 2020 consid. 5.2; ATF 133 201 consid. 5.2).

2.1.3 Selon l'art. 14 RCRCT, relatif à la procédure applicable à l'arbitrage, la CRCT statue en droit, à moins que les parties ne l’aient en commun autorisée à statuer en équité, soit dans le compromis d’arbitrage, soit par déclaration portée au procès-verbal.

La sentence arbitrale est motivée en fait, en droit et, le cas échéant, en équité et contient le dispositif (art. 15 al. 1 RCRCT).

2.1.4 Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision. Il n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, apparaissent pertinents (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2; 142 II 154 consid. 4.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1). Il n'y a violation du droit d'être entendu que si l'autorité n'a pas satisfait à son devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes pertinents (ATF 135 III 670 consid. 3.3.1; 133 III 235 consid. 5.2 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 5A_609/2012 du 12 septembre 2012 consid. 3.1). L'essentiel est que la décision indique clairement les faits qui sont établis et les déductions juridiques qui sont tirées de l'état de fait déterminant (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 135 II 145 consid. 8.2). En revanche, l'autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 142 III 433 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_10/2021 précité).

La violation du droit d'être entendu entraîne l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; 137 I 195 précité consid. 2.2); celle-ci peut toutefois, à titre exceptionnel, être réparée, pour autant qu'elle ne soit pas particulièrement grave et que la partie concernée ait la possibilité de s'exprimer devant une autorité de seconde instance disposant d'un pouvoir de cognition complet en fait et en droit (ATF 145 I 167 consid. 4.4; 142 II 218 consid. 2.8.1; 137 I 195 consid. 2.3.2 et les arrêts cités).

2.2 En l'espèce, la CRCT a indiqué avoir "été sensible aux arguments soulevés par [A______ SARL] pour se conformer à la CCT-SOR". Puis, elle a estimé, sans donner d'autres explications, que la peine conventionnelle qui avait été infligée par la recourante était excessive et a réduit la peine conventionnelle de 2'500 fr. à 2'000 fr. Ce faisant, il semble qu'elle ait statué en équité. Or, aucune déclaration des parties l'autorisant à agir en ce sens ne ressort du procès-verbal du 30 juin 2022, de sorte que la CRCT ne pouvait statuer en équité et aurait dû statuer en droit. La CRCT a, ainsi, outrepassé son pouvoir d'examen et violé l'art. 14 RCRCT. Elle a également violé l'art. 15 RCRCT ainsi que le droit d'être entendu des parties en ne motivant ni en équité, ni en droit, sa sentence arbitrale. En effet, même à considérer que la CRCT a statué en droit et fait application de l'art. 163 al. 3 CO pour réduire la peine conventionnelle, force est de constater qu'elle n'a pas exposé, même brièvement, les circonstances du cas d'espèce qu'elle a pris en considération pour juger du caractère excessif de la peine conventionnelle au sens de la disposition précitée. En particulier, elle n'a pas examiné la gravité de la violation de l'intimée à la CCT-SOR, la situation économique de l'intimée, l'adéquation de l'amende avec le but poursuivi par la CCT-SOR, ni expliqué pourquoi il existerait une disproportion crasse entre le montant de la peine conventionnelle et l'intérêt de la recourante au respect de la convention collective. Ainsi, en n'exposant pas les motifs sur lesquels elle a fondé sa décision, la CRCT ne permet pas aux destinataires d'en saisir la portée, ni à la Cour de céans d'exercer son contrôle, de sorte qu'elle a violé son obligation de motiver sa décision pour cette première raison déjà. En outre, la CRCT a fait abstraction de la violation à la CCT-SOR pour non-conformité du contrat de travail ne la mentionnant ni dans la partie en droit, ni dans le dispositif de la sentence querellée. Or, la problématique de la non-conformité au contrat de travail, soulevée par les deux parties devant la CRCT, est susceptible d'influer sur le montant de la peine conventionnelle de manière conséquente, l'essentiel de l'amende étant basé sur cette violation. En ne l'examinant pas, la CRCT n'a pas satisfait à son devoir d'examiner et de traiter les problèmes pertinents pour la solution du litige, violant ainsi encore une fois son obligation de motiver la décision.

Cette violation ne peut être guérie dans la présente procédure de recours, dès lors qu'in casu le pouvoir de cognition de la Cour est restreint à la violation de la loi et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

Il convient, en conséquence, d'annuler la sentence arbitrale du 30 juin 2022 et de renvoyer la cause à la CRCT (art. 327 al. 3 let. a CPC), laquelle statuera à nouveau sur la question de la réduction de la peine conventionnelle.

3. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 19 al. 3 let. c LaCC). Il n'est en outre pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe CT :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2022 par la COMMISSION PARITAIRE DES METIERS DU BATIMENT SECOND ŒUVRE (CPSO) contre la sentence arbitrale A-20-22 rendue le 30 juin 2022 par la Chambre des relations collectives de travail (CRCT) dans la cause C/17590/2022-CT.

Au fond :

Annule la sentence arbitrale attaquée.

Renvoie la cause à la Chambre des relations collectives de travail pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Fiona MAC PHAIL, juge employeur; Madame Nadia FAVRE, juge employeur; Monsieur Kasum VELII, juge salarié; Madame Ana ROUX, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

Le greffier :

Javier BARBEITO

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.