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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/12629/2020

CAPH/27/2023 du 07.03.2023 sur JTPH/172/2022 ( OO ) , ARRET/CONTRA

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12629/2020-5 CAPH/27/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 6 MARS 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 3 juin 2022 (JTPH/172/2022), comparant par Me Olivier SIGG, avocat, Walder Wyss SA, Boulevard du Théâtre 3, case postale, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, France, intimé, comparant par
Me Fabien RUTZ, avocat, PYXIS LAW, Rue de Hesse 16, Case postale 1970,
1211 Genève 1, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,


EN FAIT

A.           Par jugement du 3 juin 2022, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal des prud'hommes, après avoir déclaré irrecevable la requête d'audition du témoin C______, a condamné A______ SA à verser à B______ le montant brut de 3'032 fr. 30 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2020 (ch. 4) et le montant net de 45'000 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2020 (ch. 6), ainsi qu'à lui remettre un certificat de travail conforme aux considérants de sa décision [soit considérant 6b, comportant notamment ce qui suit: "M. B______ a exercé les fonctions suivantes: [,,,] Création, gestion et administration de la filiale française de la société", "M. B______ s'est révélé être un collaborateur [ ] sachant s'adapter aux multiples environnements de travail des clients", "Il a entretenu de bonnes relations avec les clients de [l'] entreprise [ ]" et "M. B______ a rempli ses tâches à notre grande satisfaction."] (ch. 7), a invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales légales et usuelles (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions. Il a arrêté les frais à 8'000 fr., compensés avec l'avance opérée, et mise à la charge (ch. 9) de A______ SA, (ch. 10 à 12) en outre condamnée à verser 1'000 fr. à l'ETAT DE GENEVE (ch. 13).

B.            Par acte du 7 juillet 2022, A______ SA a formé appel de la décision précitée. Elle a conclu à l'annulation de la décision entreprise, cela fait à ce que B______ soit condamné à lui verser 100'000 fr., 161'000 euros, respectivement 178'611 fr, 600'000 euros, respectivement 557'999 fr. avec intérêts moratoires dès les 29 novembre 2018, 13 décembre 2018 et 21 novembre 2019, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour audition de C______ et nouvelle décision, et au déboutement de B______.

B______ a conclu à la confirmation de la décision déférée, avec suite de frais et dépens d'appel. Sa réponse de 40 pages en consacre 4 à réfuter les arguments de A______ SA relatifs au déboutement de ses prétentions reconventionnelles.

Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

Par avis du 24 novembre 2022, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants:

a. A______ SA est une société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois, qui a pour but les prestations de services et ventes de produits liés à l'informatique et ______, ______, missions d'organisation, ______, ______ et ______.

Elle est issue, en ______ 2018, de la transformation de A______ SWITZERLAND Sàrl, inscrite au Registre du commerce de Genève en ______ 2009.

E______ et F______ ont été les fondateurs de l'entité. A la transformation de celle-ci en société anonyme, E______ est devenu administrateur président avec signature individuelle, tandis que F______ et B______ sont devenus administrateurs avec signature collective à deux, jusqu'en octobre 2019.

Selon le projet de transformation de la société à responsabilité limitée en société anonyme, non daté, produit par B______, les associés de la première et les actionnaires de la seconde étaient identiques, soit E______, F______, B______, G______, H______ et I______.

Il est admis que B______ est demeuré actionnaire de A______ SA.

b. B______, né le ______ 1982, au bénéfice d'un master en ______ de l'EPFL, domicilié à K______ (France), s'est engagé au service de A______ SA en qualité de consultant, à compter du 19 mars 2010.

c. En 2016, a été créée une société à responsabilité limitée de droit français, A______ FRANCE SARL, dont le siège est à M______ (N______, France), avec pour gérant E______.

B______ allègue avoir proposé la création de cette entité (allégué 22 de la demande), respectivement été à l'origine de cette création (allégué 108 de la réplique de première instance), ou encore avoir contribué à celle-ci (allégué 269 de la triplique), dont il affirme avoir exercé la fonction de gérant, assumant toute la gestion administrative, jusqu'en décembre 2019.

A______ SA allègue avoir créé l'entité, B______ n'ayant pas été à l'origine de cette création. Celui-ci n'avait pas de mandat pour y être actif.

Selon le témoin F______, entendu par le Tribunal, la création de l'entité française était issue de décisions collectives et non de l'initiative d'une personne en particulier; la création de l'entreprise au niveau administratif avait été déléguée par E______ à B______.

Aux termes d'une attestation "à qui de droit" établie le 4 janvier 2016 par A______ SA sous l'intitulé "Représentation de A______ FRANCE Sàrl", B______ était désigné comme "représentant permanent de l'entité A______ SWITZERLAND Sàrl sur le territoire français".

Il résulte d'un échange de courriels entre E______ et B______, daté du 29 novembre 2019, que le premier a demandé au second "la transmission de A______ FRANCE Sàrl", en le remerciant pour ce qu'il avait fait jusqu'alors "avec une exécution sans faille et avec cœur de toutes ces tâches administratives", et l'a prié de ne pas s'occuper des salaires de décembre puisqu'il reprenait "toutes tâches à effectuer".

Selon le témoin F______ (employé de A______ SA depuis octobre 2017 en qualité de responsable du développement, licencié pour raisons économiques avec effet à fin mars 2022; ami de E______ et de B______) B______ s'occupait au quotidien de la gestion et de l'administration de l'entité française; il n'était pas le supérieur des salariés de celle-ci; une fiduciaire rendait des services à la société.

d. En février 2017, la FONDATION O______ d'une part, E______, F______, B______, G______, H______ et I______ d'autre part ont conclu un accord, rédigé en anglais, aux termes duquel la première annonçait son intention d'accorder un prêt convertible de 98'866 fr. à A______ SA au 15 février 2017, qui devait être affecté par cette dernière au développement de son activité, en particulier par des campagnes de marketing. Le prêt était convertible en tout temps à la requête de la fondation O______ en parts du capital de A______ SA à raison de 4% de celles-ci.

e. Dès 2017, B______ a été nommé directeur des opérations ("Chief Operating Officer"), moyennant un salaire annuel de 120'000 fr. Il ne conteste pas que son supérieur était E______.

Il avait des tâches de type administratif, de supports clients et d'implémentation de logiciel, plutôt en termes de réalisation de l'offre que de vente pure, même s'il avait pu participer à des ventes voire à du service après-vente. Il ne s'occupait pas du développement de logiciel (témoin G______).

Le travail de B______ avait des aspects techniques (accompagner la mise en place des logiciels vendus aux clients et déployés chez eux), avec un pan important de relation avec la clientèle, parfois la participation au processus de vente et de recherche de clientèle, ainsi que de la facturation (témoin F______).

f. A une date indéterminée (2019 selon A______ SA, auparavant selon B______), une solution web intitulée A______ MS (A______ Management System) a été créée. A______ SA allègue qu'il s'agit de son "produit phare", dont le concept a été développé dès 1995 par E______.

g. A______ SA allègue que B______, durant les rapports de travail, a contesté des instructions reçues de E______, et fait preuve d'un comportement irrespectueux et d'un manque de professionnalisme envers les clients, refusant certaines missions auprès de ceux-ci.

En particulier, A______ SA affirme que le comportement dénigrant de B______ au sujet du logiciel A______ MS auprès du client Q______ a conduit à la révocation du contrat par celle-ci, soit une perte d'au moins 600'000 USD (557'999 fr.). Elle reproche également à B______ un manque à gagner en raison de la non-concrétisation d'un contrat avec l'association R______ (100'000 fr.) et du refus d'une offre soumise à S______ (161'000 euros ou 178'611 fr.). Elle a aussi évoqué un client, T______ SA, auprès de laquelle certaines fonctionnalités n'avaient pas été implantées correctement lors du codage manuel effectué par B______.

B______ conteste ces reproches. Il allègue avoir entretenu d'excellents rapports avec les clients et les divers partenaires de A______ SA, et n'avoir pas été partie prenante dans la circonstance que certains clients auraient été déçus par le produit proposé.

Selon des attestations adressées à A______ SA (datées de février 2021) par diverses entreprises, B______ n'aurait pas été suffisamment disponible et aurait échoué à faire fonctionner le logiciel A______ MS comme prévu (Q______ par le truchement de U______ en Arabie saoudite), aurait échoué à faire une configuration correcte (association R______), aurait eu une approche technique qui ne faisait pas apparaître la valeur ajoutée de A______ MS (S______ par le truchement d'un employé dont B______ allègue qu'il ne représentait pas cette entreprise).

Un employé de l'association R______, entendu comme témoin par le Tribunal, V______, a confirmé un courrier qu'il avait adressé à A______ SA, le 8 février 2021, relatif à deux jours de séances qu'il avait eues avec celle-ci, représentée par B______, en novembre 2018, dont il n'avait pas été satisfait, et qui avaient conduit l'association R______ à ne pas acheter de licence pour le produit A______ MS (contrat qui aurait représenté "100k CHF" pour A______ SA). Il a déclaré que le projet soumis n'avait pas été retenu car il était trop complexe et n'offrait pas assez d'avantages.

La témoin W______, ancienne employée de T______ SA, a déclaré qu'en 2019, B______ l'aidait dans le cadre de l'implantation auprès de la société précitée du logiciel A______ MS, et que tout s'était bien passé. Il y avait eu en 2020 un problème en raison d'un codage erroné par B______, qui avait été corrigé par un autre collaborateur de A______ SA; il avait fallu quelques semaines voire mois pour rétablir la situation, ce qui lui avait causé personnellement un problème.

Il n'y avait eu aucune plainte d'un client en lien avec l'activité de B______, aucune altercation, aucun problème. La relation avec les clients potentiels était normale; E______ demandait à B______ de convaincre certains de ceux-ci, qui pourtant à son sens n'étaient pas susceptibles de devenir clients: il s'ensuivait des "engueulades" entre les deux protagonistes (témoin F______).

h. A______ SA allègue avoir procédé à une restructuration, à la suite de l'obtention, en juin 2019, d'une subvention du programme-cadre de X______ pour la recherche et l'innovation Y______ (2'004'450 euros), et selon des recommandations de la fondation O______, aux fins d'accroître son développement.

Elle se prévaut d'un courriel adressé le 10 octobre 2019 par la fondation O______, laquelle annonçait nécessaire de signer une convention d'actionnaires, avant que celle-ci ne devienne elle-même, actionnaire.

Le témoin Z______, conseiller juridique de la fondation O______ entre 2018 et 2021, a déclaré que la question d'une restructuration de A______ SA s'était posée après que celle-ci avait reçu un don d'une entité dénommée Y______, certains objectifs devant être atteints dans le cadre du paiement de ce don. L'idée était venue de E______. Au souvenir du témoin, il n'avait pas entendu dire que l'un des paramètres de la restructuration aurait résulté de difficultés financières de A______ SA. La restructuration avait impliqué des changements au sein de la direction et du conseil d'administration; du point de vue de la fondation O______, il était important d'avoir une direction plus limitée afin de restreindre le nombre de décideurs et de simplifier la situation à l'égard des tiers. Au souvenir du témoin, la responsabilité des administrateurs, trop nombreux, avait également été discutée.

L'avant-veille de la signature, soit le 16 octobre 2019, B______, après avoir reçu le projet de ladite convention, s'est adressé par courriel à E______ en ces termes: "Je trouve ce document humainement pas correct. [ ] Je suis très étonné du paragraphe 1.2 stipulant "note the resignation from the Board of Directors of B______ and F______" qui est posé sans discussion préalable ni avec les intéressés ni avec les shareholders [ ]", à quoi E______ a répondu : "[ ] Ce n'est pas une démocratie, c'est une SA et c'est ce que je suis en train de structurer en mettant une vraie structure SA. Je ne veux plus avoir 4 administrateurs et chacun se met en CEO. Il y a aujourd'hui un CEO et c'est moi. [ ]".

Aux termes de la convention d'actionnaires, rédigée en anglais, signée notamment par B______ le 18 octobre 2019, il a, entre autres stipulations, été convenu que les administrateurs de la société anonyme seraient E______ et AA______, chacun avec signature individuelle (point 5.1), B______ et F______ ayant en particulier démissionné du "Board of Directors" (point 1.2).

B______ allègue avoir signé, en cédant aux pressions de E______, étant insatisfait du procédé et du résultat, comme d'autres signataires.

Le témoin F______ a déclaré qu'il n'y avait "pas vraiment" eu de pression, sinon des "phrases habituelles" de E______ comme "Je suis dictateur". Chacun avait reçu le document, avait réfléchi et décidé librement de signer. Avant la signature, il y avait eu des discussions longues et conflictuelles, avec d'énormes tensions au quotidien; après la signature, la situation était revenue à la normale et il n'y avait plus eu de problème.

i. A______ SA allègue que le montant de la subvention reçue a été alloué au développement de A______ MS. B______ le conteste, tout en admettant que les charges du personnel étaient couvertes par la subvention.

Dans ce contexte, A______ SA a créé de nouveaux postes de travail et émis un organigramme, à une date indéterminée, prévoyant divers postes caractérisés par une couleur orange ou une couleur rouge, dont un muni du prénom "B______", teinté en rouge.

A______ SA affirme que les postes rouges n'étaient pas à pourvoir, en particulier celui dévolu à B______, lequel s'occupait d'aspects techniques mais non du développement de A______ MS. B______ allègue que le poste qu'il occupait figurait parmi les postes prévus dans le cadre du développement de la société.

B______ allègue que deux nouveaux collaborateurs (AB______ et AC______) ont été engagés avec effet au 15 janvier 2020, appelés à reprendre les tâches qu'il exerçait et à se partager son cahier des charges. Il admet que F______ a repris une partie de ses activités de nature technique.

A______ SA conteste ce dernier point, faisant valoir qu'une collaboratrice nouvellement engagée (AB______) était chargée de la relation client et des aspects commerciaux, et un collaborateur nouvellement engagé (AC______) de démarcher et apporter des clients, soit des activités sans lien avec les aspects techniques du système A______ MS, dont s'occupait B______; selon elle, la création de ces postes était essentielle pour accroître sa clientèle.

Elle allègue avoir par ailleurs décidé de confier la supervision des aspects techniques et d'implémentation du système A______ MS à un tiers, AD______. Un nouveau cahier des charges avait ainsi été soumis à B______, lequel avait refusé de travailler avec le précité en qualité de supérieur.

B______ conteste qu'un nouveau cahier des charges lui ait été soumis.

A______ SA affirme avoir alors supprimé le poste occupé par ce dernier, la supervision des tâches techniques et d'implémentation du système A______ MS étant confiée à des prestataires externes. B______ le conteste.

AD______, entendu comme témoin par le Tribunal, a déclaré qu'il avait été mandaté par A______ SA, de septembre 2019 à février 2020, comme conseil dans le cadre du développement de la société en Suisse et en Europe. Il avait eu une activité de propositions de recommandations, sans lien direct avec le produit A______ MS, dans l'implémentation duquel il n'était pas impliqué, et n'avait pas donné de conseils sur des aspects techniques. Pour favoriser la stratégie de développement commercial de A______ SA, il était nécessaire de rechercher davantage de clients pour permettre plus de projets et ainsi avoir plus de ressources de partenaires. Lors d'entretiens avec E______, il avait été envisagé, dans l'examen d'une structuration de la société, qu'il reprenne certaines responsabilités au sein de celle-ci et devienne le supérieur de B______; cela ne s'était pas concrétisé. E______ lui avait fait part du désaccord de B______ au sujet d'une telle réorganisation. Avec B______, il n'avait parlé que de l'évolution des activités de la société et de son développement, mais pas de l'évolution et du statut personnels de celui-ci. Il n'avait pas entendu dire que B______ aurait refusé de participer à une réunion avec lui.

Selon le témoin G______ (actionnaire de A______ SA), au moment de la réception de la subvention Y______, une réflexion avait été engagée sur l'organisation de la société, consistant à soit engager davantage de personnel, soit externaliser certains services, soit combiner les deux approches, ce qui avait été finalement retenu.

Le témoin F______ a déclaré que la subvention Y______ était notamment destinée au salaire de nouveaux employés mais non à celui d'employés déjà en place. B______ n'avait pas manifesté de refus de travailler avec AD______; il était possible que dans le cadre de la restructuration envisagée, B______ devienne le subordonné de AD______. Selon le projet, il y avait six ou sept nouveaux postes à pourvoir, essentiellement en lien avec la vente et la relation aux clients. Deux personnes avaient été engagées, l'un qui était supposé effectuer le même travail que celui assuré par B______, sans en avoir les compétences, l'autre dont l'activité se recoupait partiellement avec celle effectuée par B______ s'agissant des tâches administratives (propositions commerciales, envois de factures, etc.).

Selon la témoin AB______ (employée de A______ SA en qualité de Projet management officier depuis janvier 2020), elle avait été chargée dans un premier temps de conseiller les clients existants, puis dans un second temps de démarcher de nouveaux clients. Elle n'était pas impliquée dans l'implémentation du système A______ MS, dont elle avait connaissance de manière à pouvoir faire son travail de relation avec la clientèle. Elle avait côtoyé B______ durant quinze jours en janvier 2020, en n'ayant que peu d'échanges avec lui puisqu'elle n'était pas concernée par ce qui était technique et relatif à l'implémentation auprès des clients.

j. Le salaire de B______ a été augmenté à 135'000 fr. en décembre 2019; un bonus correspondant à deux mois de salaire lui a été octroyé à fin 2019.

k. Par lettre du 20 janvier 2020, A______ SA a licencié B______ pour le 31 mars 2020, motif pris d'une restructuration, et l'a libéré de l'obligation de travailler dès le 29 février 2020.

A______ SA allègue que, lors de l'entretien de licenciement tenu le 20 janvier 2020, B______ a dit à E______ qu'il était "malhonnête", propos qui a été reproduit dans une note du même jour établie unilatéralement par AE______ "Office Manager".

Selon le témoin F______, au début de 2020, E______ lui avait annoncé son intention de licencier B______, ce dont il avait tenté de le décourager, en vain; le motif avancé par E______ était qu'il n'avait plus confiance et ne pouvait plus travailler avec B______. Après le départ de celui-ci, le témoin avait repris une partie de ses tâches, pour s'occuper des clients, comme d'autres personnes.

Par lettre du 30 janvier 2020, A______ SA a reproché à B______ de tenir des propos lui portant atteinte ainsi qu'à la personne de E______, de contacter les clients en se faisant passer pour son représentant, de refuser de transmettre des connaissances à "la personne assignée pour cette reprise" et de communiquer des données et identifiants informatiques; elle a également relevé, sous forme de "mise en demeure écrite" que "les violations des obligations susmentionnées" constituaient des manquements à ses devoirs d'actionnaire, ce qui pouvait entraîner l'obligation de la cession aux autres actionnaires de ses actions à leur valeur nominale.

Par courrier de son avocat du 17 février 2020, B______ a formé opposition à son licenciement, qu'il a indiqué tenir pour abusif, et relevé que le délai de congé était de trois mois, soit une fin des rapports de travail au 30 avril 2020. Il a contesté les reproches qui lui étaient adressés, et notamment rappelé l'absence de lien entre la position d'actionnaire et celle d'employé.

A______ SA a admis le point lié à la date d'échéance des rapports de travail.

l. A compter du 18 février 2020, B______ a pris des vacances.

A______ SA allègue que celles-ci n'étaient pas autorisées.

B______ affirme qu'elles avaient été validées par un employé de A______ SA (AE______), selon un échange de courriels intervenu le 30 janvier 2020, dans lequel il avait répondu: "je serai en vacances à partir du mardi 18 février" à la question: "je voulais savoir la date à laquelle tu prenais tes vacances", et étaient connues de F______ dont il s'était assuré de la présence à cette période.

Selon le témoin F______, les vacances des collaborateurs ne nécessitaient pas de validation, B______ et lui-même devant s'arranger pour garantir une couverture du support clients en tout temps; AE______ n'avait aucune responsabilité à cet égard. Le témoin n'avait pas de souvenir de vacances de B______ au début 2020, étant précisé que tous les collaborateurs avaient pris leurs vacances durant la période de fermeture de deux semaines en fin d'année.

A______ SA allègue que B______ a été absent de son poste de travail les 28 janvier, 4 février, 17 février et du 12 au 14 février 2020, sans justification. B______ le conteste.

La fiche de salaire de B______ pour le mois d'avril 2020 comporte une déduction de 3'032 fr. 30 bruts pour "vacances payées".

m. Le 6 avril 2020, B______ a requis de A______ SA la motivation du congé; il lui a en outre fait tenir un projet de certificat de travail.

A______ SA a, le 14 avril 2020, répondu en ces termes: "Comme mentionné dans la lettre de congé du 20 janvier 2020, le licenciement de M. B______ est de nature économique et résulte d'une restructuration en cours au sein de A______ SA".

n. Par requête du 24 juin 2020 adressée à l'Autorité de conciliation du Tribunal des prud'hommes, B______ a conclu à la condamnation de A______ SA à lui verser 73'032 fr. 30 nets avec suite d'intérêts moratoires dès le 30 avril 2020, ainsi qu'à lui remettre un certificat de travail selon le texte soumis.

Au bénéfice d'une autorisation de procéder délivrée le 2 septembre 2020, il a déposé au Tribunal des prud'hommes une demande par laquelle il a conclu à ce que A______ SA soit condamnée à lui verser 67'500 fr. nets avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 30 avril 2020, 3'032 fr. 30 nets avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2020, 2'500 fr. nets avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 30 avril 2020, ainsi qu'à lui remettre un certificat de travail.

A______ SA a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions. Elle a formé une demande reconventionnelle, concluant à la condamnation de B______ à lui verser 100'000 fr., 161'000 euros, respectivement 178'611 fr, 600'000 euros, respectivement 557'999 fr. avec intérêts moratoires dès les 29 novembre 2018, 13 décembre 2018 et 21 novembre 2019, respectivement, à titre de remboursement du dommage causé, ainsi que 64'000 fr. à titre de frais d'avocat avant procès, avec suite de frais.

Elle a produit un certificat de travail, daté du 5 mars 2021, lequel comporte notamment les passages suivants: "M. B______ [ ] a su s'adapter aux divers environnements de travail des clients [ ]", et "[ ] il a entretenu de bonnes relations avec [ ] et les clients de la société [ ]".

B______ a conclu au déboutement de A______ SA des fins de sa demande reconventionnelle, et a requis le prononcé d'une amende disciplinaire de 2'000 fr. Il a répliqué, et persisté dans ses conclusions principales, avec suite de frais et dépens à hauteur de 3'500 fr.

A______ SA a dupliqué et répliqué sur demande reconventionnelle, persistant dans toutes ses conclusions.

B______ a dupliqué sur demande reconventionnelle, et formé une "triplique", persistant dans ses précédentes conclusions.

A______ SA s'est déterminée sur cette dernière écriture, persistant dans ses conclusions antérieures; elle a offert l'audition du témoin C______.

Par ordonnance de preuves du 27 janvier 2022 non motivée, le Tribunal a notamment admis les moyens de preuve offerts par les parties, à l'exception de l'audition du témoin C______ requise par A______ SA

A l'audience du Tribunal du 29 mars 2022, B______ a renoncé à sa conclusion portant sur des frais d'avocat avant procès, alors que A______ SA a réduit sa conclusion relative aux frais avant procès à 16'460 fr.

B______ a déclaré qu'il s'était beaucoup investi pour A______ SA, de sorte que la situation était compliquée et frustrante pour lui; il avait éprouvé des difficultés financières et psychologiques, ayant vécu le déroulement des événements comme une rupture de confiance. Il avait été choqué par le licenciement lui-même et par la manière dont celui-ci s'était déroulé, et il fallait du temps pour qu'il puisse se reconstruire. Pour sa part, A______ SA, représentée par E______, a déclaré que le comportement de B______ durant le contrat et à la fin de la relation, avait été vécu comme une trahison.

A l'issue de l'audience du Tribunal du 30 mars 2022, les parties ont plaidé; le procès-verbal ne fait pas mention de leurs dernières conclusions.

EN DROIT

1.             Interjeté dans le délai utile et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 et 311 CPC), auprès de l'autorité compétente, contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) statuant sur un litige prud'homal dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

2.             La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle contrôle en particulier librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_55/2017 du 16 juin 2017 consid. 5.2.3.2).

Les critiques de l'appelante, en tant qu'elles portaient sur des faits pertinents, ont été prises en compte et intégrées dans l'état de fait dressé ci-dessus.

3.             L'art. 168 al. 1 CPC prévoit que les moyens de preuve sont notamment le témoignage, les titres, ainsi que l'interrogatoire et la déposition des parties.

4.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir admis le caractère abusif du licenciement notifié à l'intimé. A titre subsidiaire, pour le cas où l'abus serait retenu, il critique la quotité de l'indemnité allouée, laquelle serait manifestement excessive.

4.1 Selon l'art. 335 al. 1 CO, le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties. En droit suisse du travail, la liberté de la résiliation prévaut, de sorte que, pour être valable, un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier (ATF 132 III 115 consid. 2.1; ATF 131 III 535 consid. 4.1; ATF 127 III 86 consid. 2a).

Le droit de chaque cocontractant de mettre unilatéralement fin au contrat est toutefois limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336 ss CO) (ATF
132 III 115 consid. 2.1; ATF 131 III 535 consid. 4.1; ATF 130 III 699 consid. 4.1).

L'art. 336 al. 1 et 2 CO énumère des cas dans lesquels la résiliation est abusive; cette liste n'est toutefois pas exhaustive et une résiliation abusive peut aussi être admise dans d'autres circonstances. Il faut cependant que ces autres situations apparaissent comparables, par leur gravité, aux cas expressément envisagés par l'art. 336 CO ( ATF 132 III 115 consid. 2.1; ATF 131 III 535 consid. 4.2). Ainsi, un congé peut être abusif en raison de la manière dont il est donné (ATF
132 III 115 consid. 2.2; ATF 131 III 535 consid. 4.2), parce que la partie qui donne le congé se livre à un double jeu, contrevenant de manière caractéristique au principe de la bonne foi ( ATF 135 III 115 consid. 2.2; ATF 131 III 535 consid. 4.2; ATF 125 III 70 consid. 2b), lorsqu'il est donné par un employeur qui viole les droits de la personnalité du travailleur ( ATF 132 III 115 consid. 2.2; ATF 131 III 535 consid. 4.2), quand il y a une disproportion évidente des intérêts en présence ou lorsqu'une institution juridique est utilisée contrairement à son but ( ATF 132 III 115 consid. 2.4; ATF 131 III 535 consid. 4.2).

En application de l'art. 8 CC, c'est en principe à la partie qui a reçu son congé de démontrer que celui-ci est abusif. La jurisprudence a toutefois tenu compte des difficultés qu'il peut y avoir à apporter la preuve d'un élément subjectif, à savoir le motif réel de celui qui donne le congé. Le juge peut ainsi présumer en fait l'existence d'un congé abusif lorsque l'employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme non réel le motif avancé par l'employeur. Si elle facilite la preuve, cette présomption de fait n'a pas pour résultat d'en renverser le fardeau. Elle constitue, en définitive, une forme de « preuve par indices ». De son côté, l'employeur ne peut rester inactif; il n'a pas d'autre issue que de fournir des preuves à l'appui de ses propres allégations quant au motif du congé (ATF 130 III 699 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_217/2016 du 19 janvier 2017 consid. 4.1).

4.2 La partie qui résilie abusivement le contrat doit verser à l'autre une indemnité (art. 336a al. 1 CO). Celle-ci est fixée par le juge, compte tenu de toutes les circonstances; toutefois, elle ne peut dépasser le montant correspondant à six mois de salaire du travailleur (art. 336a al. 2 CO).

Le montant doit être évalué selon les règles du droit et de l'équité, conformément à l'art. 4 CC. Il faut notamment prendre en considération la gravité de la faute commise par l'employeur, une éventuelle faute concomitante du travailleur, la gravité de l'atteinte à sa personnalité, son âge, la durée et l'intensité de la relation de travail, les effets du licenciement et les difficultés de réinsertion dans la vie économique (ATF 123 III 391 consid. 3; 123 III 246 consid. 6a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_166/2018 du 20 mars 2019 consid. 4.1).

4.3.1 En l'occurrence, à teneur de la lettre de congé remise à l'intimé, le licenciement était motivé par la restructuration de l'appelante. Après que l'appelant avait requis de connaître le motif de son licenciement, il lui a été répondu par courrier du 14 avril 2020 en ces termes: "le licenciement est de nature économique et résulte d'une restructuration en cours".

Dans son écriture de réponse de première instance, l'appelante a exposé que, dans le cadre de la restructuration qu'elle avait conduite, la répartition des tâches avait été revue, de nouveaux postes créés et le cahier des charges de certaines fonctions adapté; le poste occupé par l'intimé supposait de nouvelles fonctions, que ce dernier avait refusé d'occuper, si bien que ses services n'étaient plus requis et que son poste avait été supprimé et non repourvu.

L'appelante est parvenue à établir la réalité de la restructuration entreprise, au travers des dépositions des témoins Z______, F______, AD______ et G______, qui l'ont tous évoquée. Comme elle l'a souligné dans son écriture de réponse au Tribunal, sa référence, dans sa lettre du 14 avril 2020, à la nature économique du congé n'est pas contradictoire avec la restructuration invoquée à la suite d'un financement accru; il n'y a en effet pas lieu de déduire, contrairement à l'avis de l'intimé, de ces termes une allusion à des difficultés financières, lesquelles ne trouvent en effet pas d'assise dans la procédure.

Il est constant également qu'un organigramme a été établi par A______ SA, comportant de nouveaux postes en sus de postes existant, dont celui occupé par l'intimé. Un tel organigramme tend également à démontrer la réalité de la restructuration, mais également la faisabilité de celle-ci avec le maintien du poste de l'intimé.

Dans la mesure où la réalité de la restructuration est établie, l'audition du témoin C______, qui était offerte en preuve de ce fait, n'est pas nécessaire, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner plus avant le grief de l'appelante à cet égard.

L'appelante reproche aux premiers juges d'avoir retenu que le poste occupé par l'intimé n'aurait en définitive pas été supprimé, contrairement à ce qu'elle avait affirmé, en se fondant sur les déclarations des témoins AB______, W______ et F______. Les deux premières dépositions ne tendent pas, il est vrai, à établir le maintien du poste. Certes, la témoin AB______ a évoqué la formation de son collègue AC______ aux tâches d'implémentation – qui étaient au centre de l'activité de l'intimé -, tout en relevant qu'à sa connaissance celui-ci n'avait en pratique pas effectué ces tâches régulièrement, ayant une fonction davantage commerciale que technique et n'étant pas resté longtemps, tandis que la témoin W______ a fait une allusion à une correction d'erreur de codage commise par l'intimé et corrigée ultérieurement par son collègue AC______. En déduire que le précité aurait été choisi pour succéder à l'intimé ne convainc pas. La témoin AB______ a en outre précisé qu'elle-même n'était pas concernée par l'implantation de logiciels, de sorte que la conclusion du Tribunal selon laquelle elle aurait eu des tâches sensiblement similaires à celles de l'intimé apparaît également sans fondement. Reste la déclaration du témoin F______, qui n'établit pas davantage cette supposée similitude de fonctions, l'activité de la nouvelle collaboratrice AB______ étant décrite comme de nature administrative, et se recoupant partiellement avec celle confiée à l'intimé, à l'instar d'autres pans de son cahier des charges attribués à certains collaborateurs et au témoin lui-même. Ce dernier élément, en particulier, plaide davantage en faveur de la thèse de l'appelante que celle de l'intimé. En outre, il résulte de la déclaration du témoin AD______ que l'hypothèse que lui soient confiées, dans le cadre de la restructuration, des responsabilités dont le fait d'avoir pour subordonné l'intimé, ne s'était pas concrétisée, étant précisé qu'il n'avait plus déployé d'activité pour l'appelante après février 2020.

Pour autant, on cherche en vain dans les éléments de preuve fournis par l'appelante, ce qui aurait rendu indispensable, dans le cadre de la restructuration établie de la société, le départ de l'intimé. Les éléments présentés en lien avec l'externalisation des tâches de celui-ci sont demeurés peu précis; le témoin AD______ a rapporté l'absence de concrétisation sur ce point en ce qui le concernait, tandis que le témoin G______ a évoqué la voie médiane (nouveaux postes et externalisation) adoptée, sans davantage de détails relatifs à la mise en œuvre de celle-ci.

L'intimé, pour sa part, soutient que le congé serait dû aux différences de vue apparues durant les mois ayant précédé le licenciement, non pas sur le plan des rapports de travail mais en sa qualité d'"associé" de l'appelante. De fait, l'intimé est actionnaire de l'appelante, et a été administrateur de celle-ci, durant quelques mois, parallèlement à son emploi au service de l'appelante. Il a établi, de par l'échange de courriels intervenu en octobre 2019, qu'il avait faire valoir une opposition à la façon dont se passait la réorganisation de l'entreprise et exprimé une certaine déception, mais également qu'il avait adhéré à celle-ci en signant l'acte proposé en date du 18 octobre 2019, manifestant pas là son consentement à sa radiation de sa qualité d'administrateur. Il n'a pas allégué qu'il aurait remis en cause cet acte pour vice de la volonté, de sorte que ses affirmations selon lesquelles il aurait subi des pressions ne sont pas démontrées. Au demeurant, le témoignage de son collègue F______ tend plutôt à prouver l'inverse, à savoir que chacun des signataires avait procédé, après réflexion, en toute connaissance de cause, s'agissant de l'actionnariat de l'appelante.

Ainsi, prétendre, comme l'intimé le fait, que sa position d'"associé" (faisant obstacle à la mainmise "quasi dictatoriale" de E______) aurait conduit à la rupture de son contrat de travail en janvier 2020 n'emporte pas conviction, les différends entre actionnaires – étrangers aux rapports de travail - ayant ainsi été aplanis à tout le moins en novembre 2019. Au demeurant, une hausse de salaire et un bonus ont été consentis à l'intimé en décembre 2019, ce qui ne plaide pas non plus en faveur de la thèse d'un employé dont son employeur n'est pas satisfait et qu'il cherche à évincer. L'intimé voit, pour sa part, dans ses augmentations salariales une contradiction avec la restructuration évoquée comme motif de congé, sans expliciter en quoi celles-ci seraient incompatibles. Il sera rappelé à cet égard que l'appelante a établi la réalité de ladite restructuration, liée non pas à des difficultés financières, mais au contraire à des projets de croissance après la réception de la subvention.

Reste que le témoin F______ a fait état de ce que E______ lui avait fait part de son intention de licencier l'intimé parce qu'il n'avait plus confiance en lui et ne voulait plus travailler avec lui et que AC______ avait été engagé pour le remplacer. Cette déclaration, qui n'a pas été prise en compte par le Tribunal dans son appréciation, est de nature à étayer l'abus soutenu par l'intimé. Rapprochée du bref laps de temps séparant le renouvellement du contrat (2 décembre 2019) du licenciement (20 janvier 2020), durant lequel l'appelante n'a démontré aucun changement de circonstance, ainsi que l'unique déclaration faite par l'appelante lors de son audition par le Tribunal, dont résulte une déception personnelle de E______ du fait du comportement de l'intimé (lequel n'a pas été démontré), elle constitue un élément de poids dans l'appréciation du motif réel du congé.

Au vu de ce qui précède, il apparaît que l'appelante est parvenue à établir le motif qu'elle a avancé à l'appui du congé signifié à l'intimé, soit la réalité de la restructuration, laquelle impliquait la création de postes à profil commercial, mais non en quoi le départ de l'intimé, chargé d'un poste technique maintenu dans l'organigramme de l'automne 2019, s'imposait en janvier 2020. Pour sa part, l'intimé a, outre la chronologie des faits, apporté un élément probant selon lequel son supérieur avait exprimé ne plus vouloir continuer les rapports de travail avec lui, élément qui rejoint la déclaration au Tribunal dudit supérieur.

En définitive, le congé revêt ainsi un caractère abusif, ainsi que l'a retenu le Tribunal.

4.3.2 En ce qui concerne la quotité de l'indemnité allouée, les éléments déterminants sont la faute non négligeable de l'employeur dans le libellé du motif du congé et les reproches (non établis) subséquents exprimés dans le courrier du 30 janvier 2020, la durée des rapports de travail (environ 10 ans), l'implication de l'employé dont il est établi, par les termes (non contestés de façon recevable) du certificat de travail à remettre, qu'il a rempli ses tâches à "grande satisfaction", et qui est resté actionnaire de l'appelante, ainsi que l'absence de remise d'un certificat de travail avant la présente procédure (propre à compliquer les recherches d'emploi), mais également l'âge de l'employé (37 ans) et sa formation, qui ne rendaient objectivement pas difficile à l'excès une suite de carrière professionnelle. Dès lors, la quotité de l'indemnité allouée par le Tribunal apparaît excessive au vu des circonstances d'espèce, et, en fonction de ce qui précède, sera arrêtée à 35'000 fr.

Le chiffre 6 du dispositif de la décision attaquée sera donc annulé, et il sera statué à nouveau dans le sens de ce qui précède.

5.             L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir admis la prétention en vacances élevée par l'intimé.

5.1 L'art. 329c al. 2 CO dispose que l'employeur fixe la date des vacances en tenant compte des désirs du travailleur dans la mesure compatible avec les intérêts de l'entreprise ou du ménage.

5.2 Aucune des parties ne remet en cause le principe du droit aux vacances ni la quotité de la déduction opérée, comme correspondant au nombre de jours de vacances pris par l'intimé. Seul le principe de la retenue de celles-ci est litigieux.

En l'occurrence, l'appelante se prévaut de ce que les vacances souhaitées devaient, selon l'usage au sein de l'entreprise, faire l'objet d'une approbation par E______, et qu'il n'était pas suffisant qu'elles soient annoncées entre collègues, comme l'intimé l'avait fait. Elle insiste également sur le fait que l'intimé était en période de préavis, et qu'il avait été libéré de l'obligation de travailler durant un (puis deux) des deux (puis trois) mois dudit préavis.

L'usage au sein de l'appelante, s'agissant du processus de la prise de vacances, n'a pas été établi. L'appelante n'a, en effet, fait aucune déclaration sur ce point, contrairement à l'offre de preuve de l'allégué (n. 101) qu'elle lui a consacré dans sa réponse. Quant à l'intimé, il a démontré, par la déclaration du témoin F______, qu'il n'existait pas de processus de demande d'autorisation de vacances pour les collaborateurs si ce n'est d'informer ses collègues. Le témoin a pour le surplus déclaré qu'il n'avait pas de souvenir de vacances évoquées par l'intimé au début 2020, ajoutant qu'il ne se souvenait pas non plus que l'intéressé aurait été absent à ce moment-là, alors que le fait est admis par les deux parties. La portée du témoignage sur cet élément apparaît ainsi relative.

Certes, l'intimé, licencié avec une libération de l'obligation de travailler durant une partie de son préavis, aurait pu faire coïncider ses vacances avec cette période, sous la réserve du rapport de la durée de celle-ci avec la nécessité de trouver un emploi. Compte tenu de ce que la durée du préavis signifié à l'intimé, au moment de la prise des vacances, était inférieure à la durée légale, le calcul de ce rapport était délicat.

Au vu de ces circonstances particulières, il apparaît que la retenue opérée par l'appelante n'était pas fondée, si bien que le Tribunal a condamné à raison l'employeur au versement de 3'032 fr. 30 avec suite d'intérêts moratoires.

6. Bien qu'à teneur de ses conclusions, l'appelante paraisse conclure à l'annulation du chiffre 7 du dispositif de la décision attaquée dans son entier, elle ne critique de façon motivée (et donc recevable) que deux passages du certificat de travail qu'elle a été condamnée à remettre à l'intimé, lesquels ont trait d'une part à l'entité française (dont la qualification de "filiale" n'est pas remise en cause), d'autre part aux relations entretenues par l'employé avec ses clients et sa faculté de s'adapter à ceux-ci.

6.1 Selon l'art. 330a al. 1er CO, le travailleur peut demandeur en tout temps à l'employeur un certificat de travail portant sur la nature et la durée des rapports de travail, ainsi que sur la qualité de son travail et sa conduite. Ce document a pour but de faciliter l'avenir économique du travailleur. Il doit être véridique et complet (ATF 129 III 177 consid. 3.2). Le choix de la formulation appartient en principe à l'employeur; conformément au principe de la bonne foi, la liberté de rédaction reconnue à celui-ci trouve ses limites dans l'interdiction de recourir à des termes péjoratifs, peu clairs ou ambigus, voire constitutifs de fautes d'orthographe ou de grammaire. Le certificat doit contenir la description précise et détaillée des activités exercées et des fonctions occupées dans l'entreprise, les dates de début et de fin de l'engagement, l'appréciation de la qualité du travail effectué ainsi que de l'attitude du travailleur. S'il doit être établi de manière bienveillante, le certificat peut et doit contenir des faits et appréciations défavorables, pour autant que ces éléments soient pertinents et fondés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_117/2007 du 13 septembre 2007 consid. 7.1).

Si, après avoir reçu le certificat, le travailleur estime que son contenu est faux ou incomplet, il peut ouvrir action en rectification auprès du Tribunal compétent (ATF 129 III 177 consid. 3.3 et les références citées). Dans le cadre de l'action en justice, il appartient au travailleur de prouver les faits justifiant l'établissement d'un certificat de travail différent de celui qui lui a été remis. L'employeur devra collaborer à l'instruction de la cause, en motivant les faits qui fondent son appréciation négative. S'il refuse de le faire ou ne parvient pas à justifier sa position, le juge pourra considérer que la demande de rectification est fondée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_117/2007 précité).

6.2 En l'espèce, après qu'il avait allégué avoir proposé, puis avoir été à l'origine de la création de l'entité française, l'intimé a fait valoir en dernier lieu avoir contribué à cette création. Dans son appel, l'appelante admet que l'intimé a participé à la mise en place de la structure française.

Par le témoignage F______, l'intimé, qui a la charge de la preuve, a démontré qu'il avait été actif dans les démarches de création de l'entité française, dont l'idée était collective.

Dès lors, et tenant compte du dernier allégué de fait de l'intimé devant le Tribunal, et de la position de l'employeur dans son appel, il convient de retenir que l'employé a eu l'activité de coparticipation à la création de l'entité française.

Pour le surplus, tant les courriels du 29 novembre 2019 que la déclaration du témoin F______ établissent l'activité de gestion et d'administration de l'entité française. Le fait que le témoin précité ait évoqué l'implication d'une fiduciaire n'est pas, en soi et contrairement à l'avis de l'appelante, contradictoire avec sa déposition sur les tâches précitées de l'intimé; il n'est en tout état pas de nature à remettre en cause le contenu clair du courriel précité.

En ce qui concerne l'aspect du grief touchant aux relations avec les clients, l'intimé a allégué avoir entretenu d'excellents rapports avec les clients; le témoignage F______ a appuyé l'allégué. Pour sa part, l'appelante n'a pas fait de déclaration sur ce point, contrairement à son offre de preuve. Elle se réfère aux témoignages V______ et W______, dont ne résulte pourtant aucun élément dont il pourrait être déduit que l'intimé n'entretenait pas de bonnes relations avec les clients; les témoins précités ont fait part de leur insatisfaction par rapport au produit, respectivement évoqué une erreur commise par l'intimé, sans se prononcer sur la qualité des relations entretenues avec celui-ci. Quant aux attestations produites par l'appelante, établies alors que la procédure était déjà pendante, qui ne relaient ainsi pas des plaintes qui auraient été exprimées durant les rapports de travail et ont une force probante relative, elles font état de mécontentements face au produit, ou aux prestations de l'appelant, mais sont muettes sur la qualité de l'aspect relationnel. Enfin, l'appelante paraît avoir perdu de vue qu'elle a elle-même, dans le certificat de travail qu'elle a établi le 5 mars 2021, fait figurer que l'intimé avait entretenu de "bonnes relations" avec "les clients de la société".

Pour le surplus, le passage consacré à l'adaptation aux clients, que l'appelante cite dans son grief, n'a pas fait l'objet d'une contestation précise en première instance. Au demeurant, à nouveau, le certificat rédigé par l'appelante le 5 mars 2021, comporte les phrases: "M. B______ [ ] a su s'adapter aux divers environnements de travail des clients".

L'appelante est ainsi particulièrement malvenue à critiquer le Tribunal sur ces deux derniers points, qui correspondent, à l'insignifiante différence près qu'elle a recouru au terme "divers" alors que les premiers juges ont employé "multiples", au texte du certificat de travail soumis par ses soins.

Au vu de ce qui précède, le chiffre 7 du dispositif du jugement entrepris sera réformé uniquement en ce sens que le terme "création" sera remplacé par le terme "cocréation".

7.             L'appelante reproche au Tribunal de l'avoir déboutée de ses prétentions reconventionnelles, faute d'établissement du dommage allégué.

Elle se contente, en guise de motivation, de répéter qu'elle a allégué avoir subi un dommage, sans viser aucun moyen de preuve que les premiers juges auraient négligé, ce qui rend la critique à la limite de la recevabilité.

En tout état, il apparaît que, dans sa demande reconventionnelle, elle a fait valoir trois postes de dommage chiffrés, relatifs respectivement à ses clients de l'association R______, S______ et Q______. En ce qui concerne les deux derniers cas, on cherche en vain une explication relative à la quotité du dommage avancée; à cet égard les pièces offertes en preuve des allégués (n. 38 et 41 respectivement) ne sont pas décisives puisqu'elles ne comportent aucun chiffre utile, et l'appelante n'a fait aucune déclaration sur ce point contrairement à ce qu'elle offrait; le Tribunal a ainsi retenu à raison que le dommage n'avait pas été prouvé. S'agissant du premier cas, le témoin V______ a confirmé son courrier dans lequel il évoquait un profit vraisemblable de "100k CHF", sans déposer sur les éléments l'ayant conduit à cette estimation; l'appelante n'a pas non plus fait de déclaration sur ce point, contrairement à son offre de preuve. Elle n'a donc pas apporté la démonstration de ses allégués.

Elle se prévaut encore de manquements imputables à l'intimé, qui n'auraient pas été retenus par le Tribunal, sans exposer en quoi ceux-ci, à supposer qu'ils aient été prouvés par les pièces produites relatives à des entreprises différentes des trois entités mentionnées ci-dessus, auraient été en lien de causalité avec le dommage prétendu, lequel n'a trait qu'à ces trois entités.

Il s'ensuit que les premiers juges ont à raison débouté l'appelante de ses conclusions reconventionnelles en réparation de dommage.

8.             Le Tribunal a prononcé une amende disciplinaire de 1'000 fr. à l'encontre de l'appelante, que celle-ci considère comme infondée.

8.1 L'art. 128 al. 3 CPC prévoit que la partie ou son représentant qui usent de mauvaise foi ou de procédés téméraires sont punis d'une amende disciplinaire de 2000 francs au plus.

8.2 En l'espèce, il est vrai, comme l'a retenu le Tribunal, que le dommage allégué, objet des conclusions reconventionnelles de l'appelante, n'a pas été tenu pour établi, au terme de l'appréciation des preuves effectuée par les premiers juges, appréciation que la Cour partage. Cela étant, et même si les chances de succès des prétentions ainsi élevées étaient ténues, il n'y a pas lieu, en se basant sur des conjectures comme l'a fait le Tribunal, d'y voir un procédé téméraire au sens de l'art. 128 al. 3 CPC.

Le chiffre 13 du dispositif de la décision attaquée sera dès lors annulé.

9.             Les frais judiciaires de première instance de première instance ne seront pas revus, puisque ceux-ci ont été perçus en lien avec les prétentions reconventionnelles de l'appelante, sur lesquelles la Cour n'a pas statué à nouveau (cf. art. 69 RTFMC et 318 al. 3 CPC).

10.         Les frais judiciaires de l'appel, générés uniquement par les conclusions de l'appelante relatives à ses prétentions reconventionnelles de l'ordre de 830'000 fr., seront arrêtés à 6'000 fr. (art. 71 RTFMC), Ils seront partiellement compensés avec l'avance de frais de 4'000 fr., acquise à l'Etat de Genève.

L'appelante, qui obtient certes partiellement gain de cause en appel (relativement à des prétentions de l'intimé dont la valeur litigieuse était inférieure au seuil minimal visé à l'art. 71 RTFMC), succombe entièrement dans ses prétentions reconventionnelles. Elle supportera dès lors la totalité des frais judiciaires d'appel (art. 106 al. 1 CPC), et versera ainsi 2'000 fr. à l'Etat de Genève.

11.         L'intimé conclut à l'octroi de dépens d'appel, motif pris de ce que l'appel était selon lui largement voué à l'échec, "ajouté aux conclusions reconventionnelles" de l'appelante.

11.1 Selon l'art. 22 al. 2 LaCC, il n'est pas alloué de dépens.

L'art. 115 CPC prévoit que les frais judiciaires (ce qui inclut les dépens; ATF
139 III 190 consid. 4.3) peuvent, même dans les procédures gratuites, être mis à la charge de la partie qui a procédé de façon téméraire ou de mauvaise foi.

11.2 En l'occurrence, il a déjà été retenu que l'appelante n'a pas procédé de façon téméraire ou de mauvaise foi, en dépit de la faiblesse des chances de succès de ses prétentions reconventionnelles. Au demeurant, l'intimé n'a eu besoin de consacrer que 4 des 40 pages de son écriture de réponse à se prononcer sur les griefs, peu consistants, de l'appel liés auxdites prétentions.

Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 5 :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel formé par A______ SA contre le jugement rendu le 3 juin 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/12629/2020-5.

Au fond :

Annule les chiffres 6, 7 et 13 du dispositif de ce jugement. Statuant à nouveau sur les points 6 et 7:

Condamne A______ SA à verser à B______ 35'000 fr. nets avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2020.

Condamne A______ SA à remettre à B______ un certificat de travail conforme au considérant 6b du jugement susmentionné, à l'exception du point 6 de celui-ci, lequel sera formulé ainsi: "Cocréation, gestion et administration de la filiale française de la société".

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais:

Arrête les frais judiciaires de l'appel à 6'000 fr., compensés partiellement avec l'avance opérée en 4'000 fr. acquise à l'ETAT DE GENEVE, et les met à la charge de A______ SA.

Condamne A______ SA à verser 2'000 fr. à l'ETAT DE GENEVE.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Monsieur Michael RUDERMANN, juge employeur; Monsieur Willy KNOPFEL, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

La présidente :

Sylvie DROIN

 

Le greffier :

Javier BARBEITO


Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.