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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/27148/2020

CAPH/19/2023 du 15.02.2023 sur JTPH/97/2022 ( OO ) , REFORME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27148/2020-5 CAPH/19/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU MERCREDI 15 FéVRIER 2023

 

Entre

A______, sis ______, partie défenderesse, comparant par Me Véronique MEICHTRY, NANCHEN AVOCATS, boulevard des Philosophes 14, 1205 Genève, en l’Etude de laquelle ils font élection de domicile,

 

et

Madame B______, domiciliée ______, partie demanderesse, comparant par
Me Christian BRUCHEZ, avocat, WAEBER AVOCATS, rue Verdaine 12,
Case postale 3647, 1211 Genève 3, en l’Etude duquel elle fait élection de domicile,

 


EN FAIT

 

A. Par demande du 18 mai 2021, B______ a assigné les A______ en constatation de l’existence d’une atteinte illicite à ses droits de la personnalité, en invoquant (i) des propos tenus par le Professeur C______ lors d’entretiens avec la demanderesse tenus les 4 et 12 octobre 2018 et (ii) une prise de contact du Professeur C______ avec l’administrateur [du centre médical] D______, le Docteur E______, sans son accord préalable, afin de l’inviter à renoncer à l’engagement de B______ au sein du [centre médical] D______, à partir du 1er janvier 2019. B______ a également conclu à la condamnation des A______ à lui payer une somme de Fr. 2'500.- avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 2018, au titre de réparation pour tort moral.

B. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure.

a) Au bénéfice d’un contrat de travail de durée déterminée, B______ a été engagée, durant ses études de médecine, en qualité de médecin 1______ [spécialité] remplaçant au service de 2______, puis de médecin 1______ remplaçant au service de 3______ (ci-après « Service de 3______ ») pour la période du 3 octobre au 6 novembre 2011, prolongée jusqu’au 18 novembre 2012.

b) Après avoir obtenu son diplôme fédéral de médecin en octobre 2011, B______ s’est inscrite pour un poste de médecin 1______ en vue d’obtenir le titre de spécialiste en 4______ et a été engagée au département de 4______ pour la période du 1er décembre 2012 au 31 décembre 2013.

c) Par acte du 27 juin 2013, intitulé « Prolongation de votre contrat », le contrat de travail de droit privé de B______, au sein du département de 4______, a été prolongé, dès le 1er novembre 2013, pour une durée indéterminée. Le contrat du 27 juin 2013 faisait état d’une fonction de médecin 1______ et prévoyait la possibilité de mettre fin aux rapports de travail moyennant un préavis de trois mois pour la fin d’un mois, en application de l’article 92 du Règlement des services médicaux.

d) A l’issue de son congé maternité, B______ a obtenu des A______ un congé sans solde de deux mois, la reprise de son activité ayant été fixée au 25 mai 2015.

e) En dépit de ses évaluations jugées positives à compter de juillet 2015, B______, par courrier du 25 février 2016, a informé son chef de service de sa volonté d’interrompre sa formation de 4______ qui ne correspondait plus à ses souhaits et de s’orienter vers une formation dans la 3______. Ainsi, elle déclarait démissionner avec effet au 1er mai 2016, afin de pouvoir poursuivre sa nouvelle formation post-graduée en vue de l’obtention du titre de spécialiste FMH en 3______.

f) B______ a ainsi poursuivi son activité au sein du Service de 3______, service dépendant du département de 1______, 5______ et 6______, pour un remplacement de longue durée, puis par des rotations à l’Hôpital F______. Elle s’est par la suite engagée à suivre la formation post-graduée en 3______ au sein du Service de 3______ pour deux années, soit du 1er novembre 2017 au 31 octobre 2019.

g) La formation post-graduée en vue de l’obtention du titre de spécialiste en 3______ offre deux orientations professionnelles : l’une en 7______ (cursus de 8______ / de 1______ en pratique ambulatoire) et l’autre en milieu hospitalier (cursus de 1______ hospitalier). Cette formation dure cinq ans et comprend une formation de base de trois ans de 3______ et une formation secondaire de deux ans de modules individuels à choix visant à compléter la formation en vue du titre de 1______ hospitalier ou de 8______. La formation doit comprendre au moins de deux ans de formation en 3______ hospitalière et au moins six mois en 3______ ambulatoire.

g) A teneur de l’évaluation intervenue le 20 mars 2018, B______ avait formulé le souhait, pour sa deuxième année de formation (2018-2019), d’effectuer une rotation au sein du service de 9______ (ci-après « Service de 9______ ») pendant une période de six mois et d’effectuer une rotation de spécialité de quatre mois en 10______ ou 2______. Toujours lors de l’évaluation du 20 mars 2018, elle avait annoncé, sous la rubrique du plan de carrière, vouloir se projeter en médecine ambulatoire, avec un intérêt pour un clinicat au Service de 3______.

h) Lors d’un entretien du 15 mai 2018 avec son mentor le Docteur G______, responsable du service de 3______, entretien ayant donné lieu à une notice, B______ a réitéré son souhait de poursuivre sa formation au sein de Service de 3______, avant une installation en cabinet de groupe. La notice stipulait ainsi sous rubrique « Conclusions » « Formation Service de 3______ 2017-2019, puis installation en cabinet de groupe ».

i) Par courrier adressé le 28 septembre 2018 au Professeur C______, médecin-chef du Service de 3______, B______ a indiqué qu’elle souhaitait démissionner de son poste de médecin 1______ au 1er janvier 2019, ayant obtenu la possibilité de continuer sa formation au [centre médical] D______, suivie d’une installation en cabinet dans un centre de leur réseau. Elle indiquait que, arrivant à la fin de sa formation, elle souhaitait concentrer l’année 2019 autour du perfectionnement de ses compétences en médecine ambulatoire pour sa future pratique.

Dans le cadre de la procédure, B______ a indiqué que cette décision était essentiellement motivée par le planning qui lui avait été communiqué quelques jours auparavant, selon lequel, selon toute vraisemblance, elle ne serait pas affectée aux unités de consultation ambulatoire du Service de 9______ pour l’année 2019. Compte tenu de cette situation, dès lors que B______ avait déjà une promesse d’embauche en tant que médecin généraliste pour le [centre médical] D______ à partir du 1er novembre 2019, elle était intervenue auprès de ses futurs employeurs pour leur demander si elle pouvait rejoindre leur équipe avant la date prévue, requête qui a été agréée par les responsables du [centre médical] D______.

j) La démission de B______ donna lieu à un entretien, tenu le 4 octobre 2018, avec le Professeur C______, auquel assistait le Docteur H______, médecin adjoint responsable au Service de 3______. Il ressort du résumé de l’entretien établi par le Professeur C______ que « la Doctoresse B______ avait adressé un mail à Madame I______ lui indiquant qu’elle aurait souhaité une rotation de spécialités et un mois de garde en moins, mais n’a pas eu de réponse.  Lors de son entretien de mentorat avec le Docteur G______, elle avait surtout exprimé le besoin d’une rotation au Service de 9______ comme priorité. Il est convenu de revoir l’organisation des rotations pour l’année 2018-2019 en gardant les six mois de Service de 9______ que l’on ne peut pas changer et en essayant de diminuer à un mois de gardes et de voir ce qu’il est possible de faire pour la rotation de spécialités en sachant que toutes les rotations ont été attribuées. J’ai indiqué prendre contact avec le Docteur E______ pour voir s’il pouvait lui maintenir le poste comme initialement prévu à novembre 2019. Réponse une semaine plus tard. »

En procédure, B______ a indiqué avoir été convoquée à l’entretien où il lui a été reproché de faire preuve de déloyauté. Devant son refus de revenir sur la résiliation du contrat de travail notifiée le 28 septembre 2018, le Professeur C______ aurait souligné que son choix de démissionner pouvait lui être préjudiciable si elle désirait continuer à travailler sur Genève, car il connaissait beaucoup de monde. Il a ensuite illustré son propos en mentionnant le cas d’un interne qui avait démissionné sans le prévenir pour débuter une formation en anesthésie et qui avait fini par ne pas pouvoir suivre sa formation suite à un appel du Professeur C______ au professeur responsable de la formation en question. Le Professeur C______ lui avait ensuite demandé si elle était prête à revenir sur sa décision si le planning était modifié, ayant alors répondu que cela n’était pas exclu, mais qu’elle souhaitait en discuter avec ses futurs employeurs. Le Professeur C______ lui avait alors indiqué qu’il pourrait se charger lui-même de cette prise de contact, mais elle n’avait pas donné son accord à cette prise de contact.

k) Immédiatement après l’entretien du 4 octobre 2018, le Professeur C______ s’est entretenu par téléphone avec le Docteur E______, administrateur du [centre médical] D______, entretien suivi d’un courriel par lequel il le remerciait de son accord de conserver la date initialement prévue pour le début de l’activité de B______ au sein du D______ au 1er novembre 2019. Dans le courriel, le Professeur C______ indiquait que « je vais la revoir la semaine prochaine pour lui proposer une adaptation des rotations prévues pour elle au Service de 3______ sur l’année novembre 2018-octobre 2019, en espérant que cela lui conviendra mieux afin qu’elle termine sa formation complètement avant de démarrer chez vous. ».

l) Le lendemain, soit le 5 octobre 2018, B______ adressa un courriel au D______ indiquant avoir eu la veille un entretien avec le Professeur C______ pour discuter de sa démission. Elle indiquait que cet entretien avait été « très concertant » et que le ton de l’entretien était « très manipulateur et menaçant ». Elle précisait « j’aurais bien aimé en discuter avec vous pour être sûre que l’on soit tous au clair sur la situation. Vous m’avez accordé énormément de confiance et je ne voudrais pas que ma décision vous cause des désagréments. Je maintiens ma démission, surtout après cet entretien, mais si la situation n’est pas confortable pour vous, je peux le comprendre et je prendrai d’autres dispositions. ». Dans sa réponse du même jour, le D______ confirmait l’entretien entre le Professeur C______ et le Docteur E______ et indiquait que, bien que gardant toute sa confiance en B______, « la collégialité et la suite de nos excellentes collaborations avec les A______ font que nous favorisons votre maintien aux A______ avec des bonnes rotations promises par le chef de service. ». Il était précisé que « la situation va s’apaiser et nous restons partie prenante pour que votre parcours soit orienté de la bonne manière dans les services universitaires et que, dès que ce parcours sera achevé, nous pourrons envisager la suite. ».

m) Le 12 octobre 2018, B______ fut à nouveau convoquée pour un nouvel entretien par le Professeur C______ en présence de son mentor le Docteur G______. Selon les notes prises par le Docteur C______ lors de cet entretien, il est indiqué que, suite aux contacts avec le D______, cet établissement médical laissait la priorité au Service de 3______ pour la formation de l’intéressée, le Docteur E______ n’ayant pas bien compris que cette dernière avait été engagée pour deux ans aux A______. Le résumé de l’entretien indique que le Professeur C______ a expliqué à B______ que le service avait diminué à un seul mois de garde sur l’année et l’avait mise en tête de liste en cas de défection (arrêt maladie/accident ou maternité) sur une des rotations de spécialités durant les six mois où elle serait au Service de 3______. Le résumé de l’entretien précise également que le Professeur C______ allait prendre contact avec le responsable du Service de 9______, afin que l’intéressée puisse bénéficier, dans toute la mesure du possible, de consultations dans les quartiers en complément des urgences ambulatoires. Le résumé précisait que le Professeur C______ avait insisté, avec le Docteur G______, sur l’importance de l’engagement moral pour maintenir les années de formation post-graduées prévues et anticiper davantage les changements de parcours et surtout de mieux communiquer avant d’envisager les missions, ceci afin de trouver un consensus de toutes les parties.

En procédure, B______ a indiqué que le Professeur C______ lui avait certes proposé un nouveau planning qui ne prévoyait toutefois pas de rotation de spécialités, mais qui la mettait en tête de liste en cas de désistement. Le Professeur C______ lui avait demandé si elle était satisfaite de cette situation et, dans la mesure où son engagement auprès du D______ était compromis, elle n’avait pas d’autre choix mais n’était pas satisfaite du déroulement des événements. Souhaitant maintenir sa démission au 31 décembre 2018, elle indiquait avoir effectué d’autres recherches d’emplois.

n) Le 26 octobre 2018, le Docteur E______ du D______, écrivit à nouveau au Professeur C______ pour lui indiquer qu’il avait eu un message de B______ qui ne souhaitait absolument pas poursuivre son activité aux A______. Pour sortir de cette « impasse », le Docteur E______ proposait de la remplacer par une candidate de qualité disposée à travailler une année aux A______. Il n’indiquait n’avoir pas pris de décision concernant B______ et regrettait cette situation.

Dans sa réponse, le Professeur C______ s’étonnait de cette démarche et demandait quand le Docteur E______ avait eu le retour de B______, dès lors que « tout semblait en ordre » à l’issue de l’entretien du 12 octobre 2018. Le Docteur E______ répondit que B______ les avait contactés le 25 octobre 2018, donc postérieurement à l’entretien du 12 octobre 2018.

Par mail, du 29 octobre 2018, le Professeur C______ a alors indiqué à son confrère que, compte tenu de cette situation, « B______ nous quittera donc au 31.12.2018. » et l’invitait à lui transmettre des possibles candidatures.

o) Par courrier du 1er novembre 2018, les A______, sous la plume du Professeur C______, ont indiqué à B______ qu’ils avaient pris note de son départ pour le 31 décembre 2018. Il regrettait ce départ anticipé, surtout après les efforts effectués par les services pour aménager son plan de formation. Il avait en effet bien compris qu’elle ne souhaitait qu’un mois de garde, une rotation de spécialité supplémentaire pour laquelle elle était en tête de liste et qu’elle ne souhaitait pas faire que des urgences ambulatoires au Service de 9______, ce qui avait pu être obtenu. Il a rappelé enfin que la rotation au Service de 9______ était le premier choix de B______ et que cette rotation correspondait à une rotation de spécialités et qu’il était rare que les internes au Service de 3______ aient deux rotations de spécialités la même année. De plus, B______ aurait pu demander en premier choix une rotation de spécialités, plutôt que le Service de 9______, étant donné qu’elle allait ensuite se diriger vers un centre médical permettant la validation de son ambulatoire. La lettre est adressée en copie au Docteur E______ du D______.

p) Par courrier de son conseil du 9 avril 2019, B______ s’est plainte auprès du département des ressources humaines des A______ des propos qui lui ont été rapportés lors des entretiens des 4 et 12 octobre 2018, ayant été choquée par le ton, l’ambiance et les reproches qui lui ont été formulés lors de ces entretiens. Elle a alors demandé aux A______ de reconnaître que le mode de procéder du Professeur C______ à son égard était contraire au droit et n’était pas accepté par l’institution. Elle a en outre demandé que des mesures soient prises pour que ses droits de la personnalité soient respectés et qu’elle ne soit pas prétéritée dans sa carrière professionnelle du fait de son choix de démissionner pour le 31 décembre 2018.

q) Par réponse du 14 mai 2019, la direction des ressources humaines des A______ a indiqué être navrée « que ces épisodes aient été source de désagrément pour Madame B______. ». Il était précisé que la démission de cette dernière de son poste de médecin 1______ devait être remise dans un contexte de pénurie de médecins dans le service concerné et que, dans une vision globale de gestion du service, mais en aucun cas dans un but de contrainte, le Professeur C______ avait tenté de la faire changer d’avis, tout en assurant qu’il n’était pas porté préjudice à sa carrière.

La même communication précisait que « si telle était l’intention, une telle attitude, contraire à nos valeurs ainsi qu’à l’intégrité de nos collaborateurs, serait condamnée par notre institution. ». Il était en outre indiqué que tout médecin, et plus largement tout collaborateur, était en droit de démissionner de ses fonctions dans le respect des délais contractuels, de manière libre et sans aucune objurgation. Enfin, il était confirmé que B______ ne serait par prétéritée pour l’avenir dans le cadre de sa carrière professionnelle du fait de son choix de démissionner des A______ et que, ainsi, « ses droits à la personnalité soient respectés ».

r) Par courrier de son conseil du 7 novembre 2019, B______ réitérait sa requête précédente visant à demander aux A______ de reconnaître que les modes de procéder du Professeur C______ sont contraires au droit et ne sont dès lors pas acceptés par l’institution. La réponse des A______ du 14 mai 2019 rappelait certes des principes incontestables en matière de démission d’un employé, mais contestait la version des faits invoquée par l’employée dans la communication de son conseil du 9 avril 2019. Du chef de cette contestation, B______ subissait un trouble dans ses droits qui subsistait et était donc fondée à agir pour faire constater le caractère illicite des faits qui se s’étaient produits.

s) Par lettre du 20 novembre 2019, le responsable des ressources humaines réitérait que le Professeur C______ n’avait à aucun moment souhaité porter préjudice à la carrière de B______ et considérait que les propos tenus par le Professeur C______ lors des entretiens évoqués ne pouvaient constituer une atteinte aux droits de la personnalité de B______. En perspective de gain de paix et aux fins d’apaisement, le Professeur C______ et la responsable des ressources humaines étaient disposés à recevoir B______ accompagnée de son conseil.

C. Par demande du 18 mai 2021, B______ a donc assigné les A______ en constatation de l’existence d’une atteinte illicite aux droits de la personnalité, du fait des propos tenus par le Professeur C______ lors des entretiens des 4 et 12 octobre 2018 et du fait de la prise de contact avec le Docteur E______, et ceci sans son accord préalable. Elle a conclu au paiement d’une indemnité nette de Fr. 2'500.- au titre de réparation pour tort moral. Elle a indiqué avoir démissionné après avoir reçu un planning qui ne correspondait pas à ses attentes de formation. Elle a réitéré les propos menaçants qui lui ont été signifiés par le Professeur C______ lors de l’entretien du 4 octobre 2018. S’agissant des contacts avec les responsables du D______, elle a précisé que, lors de l’entretien du 4 octobre 2018, le Professeur C______ ne lui avait pas demandé l’autorisation de contacter le Docteur E______, elle-même n’ayant pas donné cette autorisation, mais ne s’y étant pas formellement opposée. Elle a indiqué avoir dit lors de cet entretien qu’elle contacterait elle-même le D______ mais ne s’attendait pas à ce que le Professeur C______ contacte immédiatement le Docteur E______. Lors de l’entretien du 12 octobre 2018, elle n’avait pas accepté de retirer sa démission, mais avait simplement dit qu’elle comprenait qu’elle n’avait pas d’autre choix vu l’intervention du Professeur C______ auprès du Docteur E______ et du report de son engagement au sein du D______.

D. Par mémoire du 10 septembre 2021, les A______ ont contesté la demande. La défenderesse a notamment indiqué que, à aucun moment, B______ ne s’était plainte de son planning et n’avait en tout cas adressé à son mentor aucune réclamation concernant son planning de formation, démarche qu’elle aurait dû effectuer si elle était insatisfaite du planning proposé. De manière soudaine et sans en avoir parlé à son mentor, elle avait envoyé sa démission et, en raison de cette situation inattendue, l’entretien du 4 octobre avait eu lieu dans le but de comprendre les raisons de la démission, de tenter de trouver une solution convenant à l’employée et de garantir l’efficience du service. Il lui avait ainsi été proposé de revoir l’organisation de ses rotations, étant précisé que les rotations de spécialités avaient déjà été attribuées. Le Professeur C______ avait alors proposé de contacter le Docteur E______ pour savoir si le D______ pouvait maintenir l’engagement de l’employée au 1er novembre 2019, afin qu’elle puisse terminer sa période de formation comme prévu. Selon la défenderesse, B______ s’était « déclarée ouverte à cette proposition ». Lors de l’entretien du 4 octobre 2018, le Professeur C______ n'avait nullement tenu des propos menaçants ou déplacés, mais avait seulement fait part de sa surprise et expliqué les conséquences de cette démission soudaine sur la gestion des plannings. Il avait alors contacté le Docteur E______ et, au regard de la collaboration entre les A______ et les autres institutions de santé genevoises, le Docteur E______ s’était déclaré d’accord de maintenir l’engagement de l’employée au 1er novembre 2019. S’agissant de l’entretien du 12 octobre 2018, les A______ indiquaient que B______ avait accepté de revenir sur sa décision et de maintenir son engagement au Service de 3______ comme prévu. Il avait alors été prévu qu’un point serait fait avec son mentor à la mi-décembre 2018. Or, deux semaines plus tard, à la grande surprise des A______, le Docteur E______ avait informé le Professeur C______ que B______ ne voulait absolument pas poursuivre son activité au sein des A______.

La défenderesse a indiqué que son ancienne employée avait pu commencer son activité au D______ le 1er janvier 2019 comme elle l’avait souhaité et que son honneur personnel et professionnel n’avait jamais été atteint, tout en indiquant que les règles élémentaires de la politesse auraient commandé que l’employée informât son supérieur hiérarchique de son changement de décision.

E. Interrogé en qualité de témoin, le Professeur C______ a indiqué avoir convoqué B______ à un entretien du 4 octobre 2018, en présence du Docteur H______, après avoir reçu une lettre de démission sans explication préalable, situation extrêmement rare, de manière à ce qu’il puisse comprendre la situation. Il a précisé que, devant l’insatisfaction exprimée par l’intéressée concernant sa formation, il lui avait indiqué qu’il allait examiner ce qui pouvait être fait pour pouvoir la garder dans son équipe jusqu’au terme initialement convenu et que, si elle ne voyait pas d’objection, il allait contacter le Docteur E______ pour s’assurer que le poste au sein du [centre médical] D______ lui soit conservé au 1er novembre 2019. Il a précisé que B______ « n’était pas très loquace, elle ne m’a ni interdit ni autorisé à contacter le Docteur E______ » et a ajouté « je crois me souvenir qu’elle était ouverte à rester moyennant la réorganisation de ses plannings ». Le témoin a contesté avoir invoqué qu’il pouvait nuire à la carrière de B______. Il a précisé avoir effectivement contacté le Docteur E______, démarche qui n’était pas habituelle, mais a invoqué « des contacts réguliers avec les différents organismes formateurs », en précisant que le Docteur E______ n’avait pas été étonné de cette prise de contact. Le témoin a en outre précisé que, si B______ s’y était formellement opposée, il n’aurait jamais contacté le Docteur E______.

Il avait convoqué B______, en présence de son mentor, à un entretien le 12 octobre 2018, pour faire le point sur les aménagements effectués. Il ne se souvenait pas que B______ ait accepté de revenir sur sa démission, mais il lui semblait qu’elle avait demandé un délai de réflexion. Enfin, le témoin a indiqué que les entretiens ne se déroulaient pas dans un contexte émotionnel et contestait avoir proféré des menaces ou dénigré l’employée. Il avait cependant dit qu’il y avait un défaut de loyauté dans son comportement, mais n’en avait parlé à personne, relevant que sa démission soudaine posait des problèmes d’organisation car il y avait une pénurie de médecins de formation avancée.

Entendu en qualité de témoin, le Docteur H______ a indiqué avoir assisté à l’entretien du 4 octobre 2018. Il a déclaré qu’il était possible que le Professeur C______ ait parlé de déloyauté envers l’équipe lors de l’entretien, le chef de service s’étant plaint d’un manque de collégialité. Le témoin a précisé que le Professeur C______ avait proposé de contacter le Docteur E______, mais n’avait pas le souvenir que l’employée avait répondu par la négative ou l’affirmative, lui semblant toutefois se souvenir qu’il y avait un consensus sur le fait qu’il allait le contacter. Concernant l’entretien, le Docteur H______ a précisé qu’une telle démission était tellement rare qu’il imaginait que le Professeur C______ voulait en comprendre les raisons. Le témoin a confirmé qu’il était extrêmement difficile de faire deux rotations de spécialités la même année. Le départ au 31 décembre 2018 posait ainsi un problème d’organisation. Le témoin a confirmé que l’entretien s’était déroulé de manière cordiale, que B______ était « posée » et qu’il n’avait jamais entendu le Professeur C______ tenir, lors de ces entretiens, des « propos dépréciants ou menaçants à l’égard de B______ ».

Entendu en qualité de témoin, le Docteur G______ a confirmé avoir été le mentor de B______. Entré en mai 2018 dans le cadre du mentorat, il ne l’avait pas revue avant l’entretien du 12 octobre 2018 auquel il a assisté. Il a précisé ne pas se souvenir que B______ se soit plainte de son planning 2018-2019. S’agissant de l’entretien du 12 octobre 2018, le témoin a confirmé que l’idée était de savoir si un changement de plan de rotation pouvait amener B______ à reconsidérer sa démission. Il ne se souvenait pas si B______ avait accepté ces propositions et si une décision avait été prise au sujet de sa démission. Le témoin a précisé avoir eu, après cet entretien, un échange avec B______ qui s’était montrée mal à l’aise sur le fait qu’elle avait l’impression qu’on voulait la contraindre de rester dans l’entreprise, le témoin lui ayant alors dit qu’elle devait aller de l’avant dans ses projets. Bien qu’il n’ait pas perçu de tristesse, il a ressenti que B______ était mécontente. Aucun propos menaçant n’a été formulé lors de l’entretien du 12 octobre 2018.

F. Par jugement JTPH/97/2022 du 28 mars 2022, le Tribunal des prud'hommes a constaté que les A______ avaient porté atteinte aux droits de la personnalité de B______ du fait de la prise de contact du Professeur C______ avec le Docteur E______, sans l’accord préalable de l’employée, pour inviter son interlocuteur à renoncer à son engagement à partir du 1er janvier 2019. Statuant sur l’indemnité de tort moral, le Tribunal a condamné les A______ à payer à B______ la somme nette de Fr. 1.-, considérant que la demanderesse n’avait pas démontré avoir subi des souffrances psychiques suffisamment graves suite à l’atteinte subie.

En substance, les premiers juges ont considéré que le contact avec le Docteur E______, intervenu le 4 octobre 2018, n’avait pas recueilli l’accord de la demanderesse. Même si les contacts entre responsables de deux institutions médicales étaient fréquents, le Professeur C______ devait toutefois s’assurer du consentement sans équivoque de B______ sur le contenu de la discussion du 4 octobre 2018 et son rapport au Docteur E______.

Par contre, les premiers juges n’ont pas retenu une atteinte aux droits de la personnalité de l’employée pour les propos lors des entretiens des 4 et 12 octobre 2018, dès lors que l’administration des preuves n’avait pas révélé des propos désobligeants et menaçants tenus à l’encontre de B______ lors de ces deux entretiens, la réaction du Professeur C______ s’inscrivant plus dans une surprise liée à une démarche inhabituelle de l’employée qui avait mis fin abruptement à sa formation sans en parler à son mentor.


 

G. A l’encontre de ce jugement notifié le 29 mars 2022, les A______ ont fait appel par acte déposé au Greffe le 13 mai 2022. L’appelante fait grief aux premiers juges d’avoir retenu :

(i) la recevabilité de la conclusion constatatoire au sujet d’une atteinte aux droits de la personnalité de B______, alors qu’un intérêt digne de protection faisait défaut ;

(ii) la constatation d’une atteinte au droit de la personnalité de B______ du fait de la prise de contact du Professeur C______ avec le Docteur E______ et ceci au mépris de l’appréciation des preuves ;

(iii) la condamnation à une indemnité pour tort moral de Fr. 1.-.

A l’appui du premier moyen, l’appelante nie un intérêt digne de protection à la constatation immédiate de la situation de droit, dès lors que la notion de persistance du trouble, condition nécessaire à la constatation du caractère illicite, n’est en l’espèce pas réalisée.

S’agissant du second moyen, l’appelante conteste toute atteinte à la personnalité de l’intimée qui ne peut se plaindre d’une violation de la loi sur la protection des données, essentiellement au motif que l’employée ne s’était pas opposée à la prise de contact du Docteur E______ par le Professeur C______. De plus, le contact entre le Professeur C______ et le Docteur E______ s’inscrivait dans un contexte d’exécution du contrat de travail et, dès lors, la présomption de licéité du traitement de données au sens de l’article 328b CO trouve application.

S’agissant du troisième moyen, l’intimée relève la contradiction retenue par les premiers juges qui, tout en contestant l’existence de souffrances psychiques graves suite à l’atteinte subie, ont néanmoins alloué à l’intimée une réparation de tort moral, fut-elle symbolique.

En conclusion, l’appelante conclut à l’annulation du jugement entrepris, à l’irrecevabilité de la demande formée par B______ le 18 mai 2021 en tant qu’elle conclut à la constatation d’une atteinte à ses droits de la personnalité, au rejet de la demande formée par B______ le 18 mai 2021 et à la constatation que cette dernière n’a pas fait l’objet d’une atteinte illicite à ses droits de la personnalité de la part des A______.

H. Par mémoire du 17 juin 2022, B______ a répondu à l’appel et a formé appel-joint. L’intimée conclut à la recevabilité de sa conclusion constatatoire relative à l’existence d’une atteinte aux droits de sa personnalité, considérant qu’elle possède un intérêt à faire constater que l’attitude des A______ et du Professeur C______ est illicite. Elle conteste la licéité du traitement des données sous l’angle de l’article 328b CO et de la loi sur la protection des données (LPD), considérant que le Tribunal a justement appliqué ces dispositions concernant la communication de ses données personnelles.

Dans le cadre d’un appel-joint, B______ fait grief aux premiers juges de n’avoir pas retenu une atteinte illicite à ses droits de la personnalité par les propos rapportés lors des entretiens des 4 et 12 octobre 2018, considérant que le Tribunal a effectué à cet égard une appréciation erronée des preuves en niant les pressions et menaces proférées lors de l’entretien des 4 et 12 octobre 2018. S’agissant de l’indemnité pour tort moral, l’intimée, si elle retient la motivation du Tribunal concernant l’existence d’un tort moral, en conteste la quotité telle que retenue par les premiers juges (Fr. 1.- symbolique) et conclut au paiement d’une indemnité de Fr. 2'500.-. En conclusion, B______ conclut ainsi à l’annulation des chiffres 3 et 5 du jugement du Tribunal des prud'hommes du 28 mars 2022 et à la constatation d’une atteinte illicite aux droits de sa personnalité du fait des propos tenus par le Professeur C______ lors des entretiens des 4 et 12 octobre 2018 et à la condamnation des A______ de lui payer la somme nette de Fr. 2'500.-, avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 2018 au titre de réparation pour tort moral.

I. Les A______ ont répliqué à l’appel principal et répondu à l’appel-joint par acte du 12 août 2022. B______ a répliqué sur appel-joint et dupliqué sur appel principal par acte du 21 septembre 2022, qui a suscité la détermination des A______ du 24 octobre 2022.

J. Les arguments développés par les parties seront repris dans la mesure utile.

EN DROIT

1.1 L’appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l’autorité compétente (article 124 lit. a LOJ), dans le délai et formes utiles (articles 130, 131, 142 al. 1 et 311 CPC) par une partie qui y a intérêt (article 59 al. 2 lit. a CPC) à l’encontre d’une décision finale (article 308 al. 1 lit. a CPC) rendue par le Tribunal des prud'hommes dans une affaire non patrimoniale.

1.2 Le juge d’appel dispose d’un pouvoir d’examen complet et revoit librement les questions de fait, comme les questions de droit (article 310 CPC). En particulier, il contrôle librement l’appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu’il a retenus (art. 156 CPC ; ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_55/2017 du 16 juin 2017 consid. 5.2.3.2). Conformément à l’article 311 al. 1 CPC, le juge d’appel le fait uniquement sur les points du jugement que l’appelant estime entachés d’erreurs et qui ont fait l’objet d’une motivation suffisante pour violation du droit (art. 310 lit. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (article 310 lit. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, la Cour doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

2. Le litige porte sur la problématique de l’existence d’une atteinte illicite aux droits de la personnalité dans le domaine du contrat de travail et liée au traitement des données d’un travailleur.

2.1 En vertu de l’article 328 al. 1 CO, l’employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur ; il manifeste les égards voulus pour sa santé et veille au maintien de la moralité.

Selon la jurisprudence, l’article 328 CO instaure une protection plus étendue que celle qu’assurent les articles 27 et 28 CC. D’une part, cette disposition interdit à l’employeur de porter atteinte, par ses directives, aux droits de la personnalité du travailleur ; d’autre part, elle impose à l’employeur la prise de mesures concrètes en vue de garantir la protection de la personnalité du travailleur, laquelle comprend notamment la vie et la santé, l’intégrité corporelle et intellectuelle, l’honneur professionnel et personnel, la position et la considération dont jouit le travailleur dans l’entreprise (WYLER/HEINZER, Droit du travail, 4è éd., 2019, p. 391 ss et le références citées ; arrêt du Tribunal fédéral dans la cause 4C.253/2001 du 18 décembre 2001, consid. 2c et le références citées). Il y a violation de la personnalité notamment lorsque l’honneur d’une personne est ternie, lorsque sa réputation sociale et professionnelle est dépréciée. Il n’est pas nécessaire que l’honneur soit effectivement lésé et il suffit que le comportement incriminé soit propre à ternir celui-ci, la perturbation devant toutefois présenter une certaine intensité (ATF 143 III 297 consid. 6.4.2, p. 308 ; 129 III 715 consid. 4.1, p. 722 ; arrêt 4A_123/2020 du 30 juillet 2020, consid. 4.2 et les références citées).

2.2 Dans le cadre de la protection de la personnalité du travailleur, l’employeur ne peut traiter des données concernant le travailleur que dans la mesure où elles portent sur les aptitudes du travailleur à remplir son emploi et sont nécessaires à l’exécution du contrat de travail. En outre, en application de l’article 328b CO, les dispositions de la loi fédérale sur la protection des données sont applicables (LPD dans sa version du 19 juin 1992, qui sera abrogée le 1er septembre 2023). Selon l’article 3 lit. a LPD, constituent des données personnelles toutes les informations se rapportant à une personne identifiée ou identifiable. Les informations (données visées à cette disposition) peuvent consister en des constatations de fait ou en des jugements de valeur se rapportant à une personne identifiée ou identifiable. Peu importe la forme des données et le support sur lequel elles reposent. Constituent ainsi des données, au sens de l’article 328b CO, tous les renseignements, indications ou notes concernant la personne du travailleur, ses relations et ses activités, qu’elles portent sur sa vie privée ou professionnelle (Philippe MEIER, Protection des données, 2011, n° 2031).

Par traitement, il faut comprendre toute opération relative à des données personnelles quels que soient les moyens et procédés utilisés, notamment la collecte, la conservation, l’exploitation, la modification, la communication, l’archivage ou la destruction de données. La notion de traitement est très large et la simple transmission de données personnelles constitue une communication au sens des articles 3 lit. f LPD et, partant, un traitement de données selon l’article 3 lit. e LPD (arrêt du Tribunal fédéral 4A_661/2016 du 31 août 2017, consid. 3.1).

2.3 In casu, il convient de déterminer si le traitement de données constitue une atteinte illicite à la personnalité du travailleur au sens de l’article 328b CO. Dans un récent arrêt du 25 août 2021 (arrêt 4A_518/2020) le Tribunal fédéral a rappelé qu’il existait des dissensions doctrinales sur la nature et la portée de l’article 328b CO (cf. sur cette controverse doctrinale DUNAND/RAEDLER in Commentaire du contrat de travail par Jean-Philippe DUNAND et Pascal MAHON, 2è éd, n°4 ad art. 328b CO). En substance, selon certains auteurs majoritaires, l’article 328b CO aurait essentiellement pour fonction de concrétiser en droit du travail les principes de proportionnalité et de finalité inscrits dans la loi sur la protection des données (article 6 al. 2 et 3 LPD). Selon d’autres auteurs, l’article 328b a, au contraire, une importance matérielle considérable et poserait comme principe que tout traitement de données par l’employeur est en principe illicite, sauf s’il est couvert par les deux catégories de motifs justificatifs prévus dans la disposition elle-même. Dans cette seconde hypothèse, l’article 328b CO serait vu comme une lex specialis par rapport au régime général des articles 30 et 31 LPD selon lesquels un traitement portant atteinte à la personnalité de l’employé – et donc normalement illicite au sens de l’article 12 LPD – peut néanmoins être justifié et rendu licite si un des motifs justificatifs de l’article 13 LPD est réalisé. Enfin, un autre courant retient que l’article 328b CO constitue une base légale au traitement rendant celui-ci licite sur le principe dès qu’il intègre les cas qui y sont couverts (sur ces courants doctrinaux divergents cf. DUNAND/RAEDLER, loc. cit., n° 4 ad. art. 328b).

La jurisprudence du Tribunal fédéral a navigué entre ces différentes positions sans pour autant trancher définitivement et clairement la question. Dans un arrêt déjà ancien, notre Haute Cour avait retenu que l’article 328b CO exprimait une présomption d’absence d’atteinte à la personnalité. Puis, en 2012 et une nouvelle fois en 2019, elle a implicitement exclu une application stricte du second courant précité en admettant que l’un des motifs justificatifs de l’article 13 LPD pouvait également être invoqué par l’employeur. Lequel pourrait donc, aux conditions de l’article 13 LPD, traiter des données sortant du cadre des rapports de travail. Enfin, dans un arrêt plus récent et cité précédemment (TF 4A_518/2020 du 25 août 2021, consid. 4.2.4), le Tribunal fédéral a rejeté également le premier courant en retenant que l’article 328b CO avait un rôle propre en ce sens qu’il introduirait une « présomption de licéité » du traitement dès le moment où celui-ci porte sur l’aptitude du travailleur à remplir son emploi ou est nécessaire à l’exécution d’un contrat, apparaissant donc reprendre en partie le troisième courant précité. Nonobstant cela, le traitement doit néanmoins toujours respecter les principes généraux de la LPD dont celui de la proportionnalité. Si le traitement de données personnelles n’intègre pas le cadre de l’article 328 CO, il est « présumé illicite », selon le Tribunal fédéral et doit alors se fonder sur un autre motif justificatif au sens de l’article 13 LPD. (Sur ces questions, cf. DUNAND/RAEDLER, loc. cit., n°4 et 5, ad. art. 328b CO).

2.4 S’agissant de la remise de données à des employeurs potentiels, la communication d’informations entre employeurs n’est licite qu’avec l’accord du travailleur concerné. Ainsi, un employeur ne peut fournir d’informations allant au-delà du certificat de travail ou d’explications complémentaires, sans avoir obtenu l’accord préalable du travailleur (JAR 1996 p. 161 ; BRUCHEZ/MANGOLD/SCHWAAB, Commentaire du contrat de travail, 4è éd. 2019, n°8, ad. art. 320 CO ; CARRUZZO, Le contrat individuel de travail, n°8, ad. art. 328b CO, p. 324 ; VISCHER/MULLER, Der Arbeitsvertrag, 4è éd., p. 209 ss ; DUNAND/RAEDLER, loc. cit., n°121 ad. art. 328 CO). Le travailleur a le droit de savoir quelles données personnelles ont été communiquées aussi bien auprès de l’ancien employeur que de l’employeur potentiel. Des appréciations contraires à la réalité engagent la responsabilité de l’employeur (arrêt du Tribunal fédéral 4A_231/2021 du 31 août 2021, consid. 6.2).

2.5 Le salarié victime d’une atteinte à sa personnalité contraire à l’article 328 CO, respectivement à l’article 328b CO, du fait de son employeur peut prétendre à une indemnité pour tort moral aux conditions fixées par l’article 49 al. 1 CO (ATF
130 III 699 consid. 5.1, p. 704 ; arrêt du Tribunal fédéral précité 4A_518/2020 du 21 août 2021, consid. 4.2.5). Selon cette dernière disposition, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. N’importe quelle atteinte légère à la réputation professionnelle, économique ou sociale d’une personne ne justifie pas une telle réparation. L’atteinte doit avoir une certaine gravité objective et doit avoir été ressentie par la victime subjectivement comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu’il apparaisse légitime qu’une personne, dans ces circonstances, s’adresse au juge pour obtenir réparation (ATF 133 III 699 consid. 5.1 ; 125 III 70 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_665/2010 du 1er mars 2011, consid. 6.1 ; arrêt précité du Tribunal fédéral 4A_518/2020 du 21 août 2021, consid. 4.2.5).

3. Reprenant son argumentation développée en première instance, l’appelante principale fait grief aux premiers juges d’avoir admis la recevabilité de la conclusion constatatoire relative à l’existence d’une atteinte aux droits de la personnalité de l’intimée. Elle déniait en effet à cette dernière l’existence d’un intérêt juridique à l’action, compte tenu de l’absence de persistance du trouble créé par l’atteinte illicite.

3.1 A teneur de l’article 28a al. 1 CC, une partie peut requérir du juge d’interdire une atteinte illicite si elle est imminente (de la faire cesser si elle dure encore) ou d’en constater le caractère illicite si le trouble qu’elle a créé subsiste. Il s’agit d’une action en constatation de droit au sens de l’article 88 CPC qui, pour être recevable, suppose la présence d’un intérêt digne de protection au sens de l’article 59 al. 2 lit. a CPC (MEIER/DE LUZ, Droit des personnes, 2014, n°765, p. 364 ss).

Selon l’article 28a al. 1 ch. 3 CC, celui qui subit une atteinte à sa personnalité peut donc requérir du juge d’en constater le caractère illicite si le trouble qu’elle a créé subsiste. D’après la jurisprudence la persistance du trouble peut résulter principalement dans deux situations : soit lorsque des tiers peuvent avoir connu l’atteinte et en retirer de façon durable une impression défavorable concernant tel ou tel aspect de la personnalité de la victime, soit lorsque le trouble consécutif à l’atteinte ne touche que les parties à l’atteinte, mais que l’intéressé peut avoir un intérêt à faire constater l’illicéité de l’atteinte subie de façon à mettre un terme à la situation juridique incertaine, dont l’auteur risque de profiter pour récidiver (JEANDIN, Commentaire romand du Code civil, 2010, n°11, 12 ad. art. 28a).

3.2 Bien que la Chambre des prud’hommes reconnaisse que la question fait débat, l’admission par les premiers juges de la recevabilité de la conclusion constatatoire ne viole pas la loi.

A l’appui de son moyen, l’appelante principale indique que la première condition nécessaire à la persistance du trouble (impression défavorable) ne serait pas réalisée en l’espèce, dès lors que B______ a pu commencer son activité le 1er janvier 2019 comme souhaité et que les échanges intervenus entre le Professeur C______ et les responsables de D______ se référaient à de simples questions d’agenda. Cette situation implique que les responsables du D______ n’ont pu avoir retiré de ces contacts une impression durablement défavorable sur la personnalité de B______. Cet argumentaire ne convainc pas. S’il est vrai que, finalement, l’intéressée a pu commencer son activité le 1er janvier 2019, cette situation ne saurait faire disparaître l’impression défavorable qu’ont pu retirer les responsables du D______ à la suite de leurs échanges avec le Professeur C______. On rappellera qu’à l’issue de l’entretien téléphonique du 4 octobre 2018, le D______ avait déféré à la requête des A______ et accepté de maintenir l’intimée aux A______, l’entretien téléphonique – dont le contenu n’a certes pas été rapporté à la procédure – laissant entrevoir un comportement critiquable de l’employée, voire l’existence d’un différend entre les A______ et l’intimée, situation qui a dissuadé le D______ d’engager le médecin à compter du 1er janvier 2019. Le lendemain de l’entretien téléphonique entre le Professeur C______ et le Docteur E______, B______ rapporta à son futur employeur le ton manipulateur et menaçant adopté par le Professeur C______ à son endroit, le Docteur E______ justifiant alors le report de son entrée en fonction au regard des bonnes relations avec les A______ qu’il ne souhaitait pas entacher par l’engagement du médecin sous contrat avec les A______. La communication du Docteur E______ à l’intimée parle de « situation qui va s’apaiser » laissant apparaître la naissance d’un conflit entre les A______ et son employée démissionnaire. De plus, le contenu du courrier des A______ à l’intimée du 1er novembre 2018, adressé en copie au nouvel employeur de B______, était propre à ternir la réputation professionnelle de l’intimée en tant qu’il la faisait apparaître comme une personne ayant quitté son emploi plutôt que prévu et malgré les efforts mis en œuvre pour satisfaire son désir de planning. Il découle de ces éléments que plusieurs personnes pouvaient garder une impression défavorable de l’intimée à la suite de l’atteinte à la personnalité subie, de telle sorte que cette première condition se trouve réalisée.

Toujours à l’appui de son moyen, l’appelante principale conteste la seconde condition relative à l’intérêt à faire constater la prétendue illicéité de l’atteinte subie en niant tout intérêt à mettre un terme à une situation juridique incertaine dont les A______ risquaient de profiter pour récidiver. Elle indique à cet égard que les événements litigieux se sont déroulés à l’automne 2018 et que le risque de récidive est dès lors inexistant, sinon ténu. A cet argument, l’intimée objecte que la situation juridique demeure incertaine du fait que l’appelante principale persiste, depuis plusieurs années et de manière totalement inexpliquée, à justifier les atteintes à la personnalité subies par son ancienne employée. Par ce comportement, l’appelante principale reconnaît qu’elle adhère à la transmission de données personnelles des tiers en violation des droits de la personnalité et de la LPD, en tolérant les atteintes subies par l’intimée et acceptant qu’un employeur fasse « usage de son influence pour s’ingérer dans l’accord intervenu entre « [un employé] et son futur employeur ». Selon la Chambre, le risque que cette situation soit susceptible de se reproduire est certes très limité, mais non exclu compte tenu du fait que l’appelante principale conteste l’atteinte à la personnalité subie par son ancienne employée liée notamment à la transmission de données. L’intimée possède dès lors un intérêt à faire constater l’attitude alléguée d’illicite des A______.

Le jugement sera ainsi confirmé sur ce point.

4. Dans son appel-joint, l’intimée/appelante-jointe fait grief au Tribunal d’avoir écarté l’existence d’une atteinte illicite pour les propos tenus lors des entretiens des 4 et 12 octobre 2018. Elle se plaint à cet égard d’une appréciation erronée des preuves.

Cette critique tombe à faux. L’entretien du 4 octobre 2018 s’est déroulé à la suite de la démission, sans explication préalable – situation rare – du médecin employé qui n’en avait pas référé à son mentor. Le Professeur C______ voulait comprendre les raisons de cette situation et il était donc normal que cet entretien se tint. Les éléments de preuve rapportés à la procédure, notamment l’audition du Docteur H______ qui assistait à l’entretien ne permettent pas de retenir la tenue de propos attentatoires à la personnalité de l’employée. Des propos désobligeants ou attentatoires à la personnalité ne ressortent pas du compte-rendu de ces entretiens établi par Professeur C______. Entendu en qualité de témoin, ce dernier a nié avoir dénigré l’employée ou proféré des menaces à son endroit, de même qu’il a nié avoir dit qu’il avait de l’influence qui pouvait nuire à sa carrière. Ayant assisté à l’entretien du 4 octobre 2018, le Docteur H______ a confirmé que « l’entretien s’était déroulé de manière cordiale » et a précisé l’absence de propos ou de pressions menaçants à l’égard de B______. « Je n’ai jamais tenu des propos ou pressions menaçants à l’égard de B______ et je n’ai pas entendu le Professeur C______ en tenir non plus ».

On cherche en vain, dans l’administration des preuves, un propos désobligeant ou menaçant qui porterait atteinte aux droits de la personnalité de l’employée. L’entretien du 4 octobre 2018 était légitime, compte tenu de la situation créée par la démission, elle-même légitime, de l’employée et des réorganisations qui s’imposaient du chef de ce départ non anticipé par l’employeur.

S’agissant de l’entretien du 12 octobre 2018, sa tenue est également légitime et il s’est tenu en présence du mentor de B______, le Docteur G______ pour faire le point sur les aménagements effectués. Là également, il ne ressort pas des mesures probatoires l’existence de menace et propos dénigrant prononcés à l’endroit de B______. Ayant participé à l’entretien, son mentor, le Docteur G______, a précisé que « lors d’un entretien le 12 octobre 2018, il n’y a eu aucun propos menaçant. L’état d’esprit était de trouver une solution. ». C’est ainsi à juste titre que le Tribunal des prud'hommes a nié l’existence d’une atteinte à la personnalité de l’employée, s’agissant des entretiens des 4 et 12 octobre 2018. Le jugement sera sur ce point confirmé et l’appel-joint rejeté.

5. A l’appui de leur appel principal, les A______ invoquent cumulativement (i) la licéité du traitement de données, sous l’angle de l’article 328b CO et de la LPD, (ii) l’absence d’atteinte à la personnalité au sens de l’article 12 al. 3 LPD compte tenu du contenu des données et (iii) un consentement de la personne concernée au sens de l’article 13 LPD.

Sur le premier élément, il est plaidé que la présomption de licéité du traitement de données au sens de l’article 328b CO doit trouver application, dès lors qu’il s’agit de données nécessaires à l’exécution du contrat. Et l’appelante principale de se référer au témoignage du Professeur C______ qui a indiqué, en substance, que l’entretien du 4 octobre 2012 avait pour objet de trouver des solutions à la pérennité de la collaboration de B______ au sein des A______ avant son engagement auprès du D______. Cet argumentaire ne peut être retenu. Aux termes de l’article 328b CO, l’employeur ne peut traiter des données concernant le travailleur que dans la mesure où ces données portent sur les aptitudes du travailleur à remplir son emploi ou sont nécessaires à l’exécution du contrat de travail. En outre, les dispositions de la LPD sont applicables. Ainsi, en application de ces dispositions, le traitement des données admissibles doit présenter un lien fonctionnel avec l’emploi et l’exécution du contrat (WYLER/HEINZER, loc. cit., p. 434). Le traitement des données doit aussi être en relation matérielle avec le contrat de travail, telles les données objectivement et matériellement nécessaires à l’exécution du contrat pour les raisons organisationnelles (état civil, AVS, domicile, références bancaires), par rapport à la position de l’employé (présences, absences, vacances, heures supplémentaires, qualifications, formation), en résumé des données dont l’employeur a besoin pour satisfaire à ses obligations légales ou contractuelles (MEIER, loc. cit., n°2046-2047, p.655). En l’espèce, on peut difficilement retenir que l’entretien téléphonique entre le Professeur C______ et le Docteur E______ s’inscrivait dans un traitement de données personnelles « nécessaires à l’exécution du contrat », dès lors que Professeur C______ s’est ingéré dans un autre contrat que celui qui liait les A______ à l’intimée. Cet entretien téléphonique entre l’employeur actuel et le futur employeur excède le traitement des données « nécessaire à l’exécution du contrat » et la présomption de licéité du traitement de données au sens de l’article 328b CO ne trouve ainsi pas application dans le cas d’espèce. L’article 328b CO n’autorisait pas le Professeur C______ à traiter de données personnelles en lien avec un autre contrat de travail. Or, dans le cas d’espèce, le Professeur C______ a pris contact avec le Docteur E______ afin d’examiner si ce dernier pouvait maintenir l’engagement de B______ avec le D______ à la date initialement convenue (1er novembre 2019) et renoncer à l’engager au 1er janvier 2019, comme souhaité par l’employé. La prise de contact avec le D______ n’était ainsi pas en lien avec le contrat liant l’intimée aux A______ et n’apparaissait pas nécessaire à son exécution. Ce moyen ne peut être retenu.

L’appelante principale invoque en outre l’application de l’article 12 al. 3 LPD qui stipule que « il n’y a pas d’atteinte à la personnalité lorsque la personne concernée a rendu les données accessibles à tout un chacun et ne s’est pas opposée formellement au traitement ». Invoquée pour la première fois en appel, la recevabilité de ce moyen est contestable. En tout état, il doit être rejeté. Il ne ressort pas de la procédure que l’employée aurait rendu ses données personnelles « accessibles à tout un chacun ». Le fait que les protagonistes aient discuté du même objet ne saurait être assimilé à la situation visée par la disposition légale précitée, sauf à rendre sans effet son application. L’article 12 al. 3 LPD crée une présomption exceptionnelle d’absence d’atteinte à la personnalité, cette disposition posant une présomption légale de défaut d’atteinte qui est toutefois réfragable (MEIER, loc. cit., n°1575, p. 523 et les références citées). Il s’agit essentiellement de données personnelles rendues publiques dans les médias ou internet et cette disposition n’a pas vocation à s’appliquer au cas d’espèce.

Subsiste dès lors la question essentielle du motif justificatif donné en vertu de l’article 13 LPD, soit le consentement de l’intéressée au traitement de ses données. La Chambre de prud’hommes rappelle que la communication entre employeurs n’est licite qu’avec l’accord du travailleur concerné. Le consentement doit être libre et éclairé ; il doit être explicite lorsque le traitement porte sur des données sensibles ou des profils de la personnalité. Pour construire un consentement, l’appelante principale indique que B______ aurait consenti, du moins tacitement, à la prise de contact du D______ par Professeur C______, à tout le moins ne s’y serait pas opposée et de citer à l’appui le témoignage du Docteur H______ qui a déclaré ne pas avoir le souvenir que l’employée ait répondu par la négative ou l’affirmative à la proposition du Professeur C______ de contacter le Docteur E______, mais semblant se souvenir qu’il y avait un consensus sur le fait qu’il allait le contacter. L’élément de ce témoignage est trop ténu pour retenir un consentement de l’intéressé au sens de l’article 13 LPD qui doit être libre et éclairé. Lors de l’entretien du 4 octobre 2018, B______ n’a pas été « très loquace », et, de l’aveu même du témoin C______, elle ne l’a ni interdit ni autorisé à contacter le Docteur E______. Ainsi, un consentement libre et éclairé ne peut être retenu, l’intéressée n’ayant pas, à teneur des propres déclarations de son interlocuteur, autorisé ce dernier à prendre contact avec les responsables de son nouvel employeur. A cela s’ajoute le fait que, le lendemain de cet entretien, soit avant d’apprendre que le Professeur C______ avait déjà pris contact avec le D______, B______ a qualifié l’entretien de la veille de « très manipulateur et menaçant », propos qui ne plaident pas en faveur d’un consentement donné à l’occasion de cet entretien. Les premiers juges ont ainsi retenu que l’appelante principale n’avait pas démontré que l’intimée avait expressément donné son consentement pour que son employeur actuel puisse contacter son futur employeur. Le Professeur C______ aurait dû s’assurer du consentement sans équivoque de son employée en ce qui concerne cette prise de contact. Faute de consentement de l’intéressée, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que les A______ avaient porté atteinte aux droits de la personnalité de B______ du fait de la prise de contact du Professeur C______ avec le Docteur E______, sans son accord préalable. Le jugement sera donc sur ce point confirmé.

Compte tenu de l’absence de consentement retenu par la Chambre de céans, il ne paraît pas nécessaire de se prononcer sur la querelle doctrinale liée au caractère relativement impératif de l’article 328b CO en relation avec l’article 362 al. 2 CO et des dérogations qui ne peuvent être faites au détriment du travailleur (cf. MEIER, loc. cit., n° 2037 qui considère que l’application de ces dispositions ne fait pas obstacle à ce que, dans un cas concret, le travailleur puisse valablement consentir à un traitement de données allant au-delà du cadre de l’article 328b CO; DUNAND/RAEDER, loc. cit., n°49, ad. art. 328b CO qui considère que, pour que le traitement des données du travailleur soit valable, il faut qu’il porte sur une atteinte qui puisse être considérée comme étant dans son propre intérêt).

6. Enfin, l’appelante principale conteste sa condamnation à payer Fr. 1.- symbolique au titre de réparation du tort moral, considérant que les conditions d’application de l’article 49 al. 1 CO ne sont en l’espèce pas réalisées. Les premiers juges ont en effet retenu que l’intimée n’avait pas démontré avoir subi des souffrances psychiques suffisamment graves suite à l’atteinte subie et cette circonstance aurait dû exclure l’application de l’article 49 CO, quel que soit le montant alloué au titre de réparation de tort moral. De plus, l’intimée a pu commencer son activité chez son nouvel employeur comme souhaité. Sans doute, l’épisode du contact téléphonique avec le D______ a-t-il eu un effet contrariant pour B______, mais cela ne saurait justifier la réparation de cette contrariété par une indemnité pour tort moral. En effet, pour justifier un tort moral, la gravité de l’atteinte à la personnalité doit supposer une atteinte extraordinaire dont l’intensité dépasse l’émoi ou le souci habituel de telle sorte qu’elle peut fonder une prétention particulière contre son auteur, alors même que la vie exige de chacun qu’il tolère de petites contrariétés. Les souffrances importantes dépassant par leur intensité celles qu’une personne peut être en mesure de supporter n’ayant pas été prouvées, les premiers juges auraient dû débouter l’intimée de sa conclusion en paiement d’une indemnité pour tort moral.

Cette critique de l’appelante principale est pertinente et une indemnité pour tort moral, fut-elle symbolique, ne peut être retenue. Le jugement du Tribunal sera donc modifié sur ce point. De même que l’appel-joint formulé par B______, cette dernière n’ayant pas démontré la gravité particulière de l’atteinte à sa personnalité. La Chambre de céans rappelle que l’appelante principale n’a pas tenu les propos dégradants ou menaçants rapportés par l’intimée pour justifier une atteinte illicite à ses intérêts personnels liée aux entretiens tenus les 4 et 12 octobre 2018. La Chambre d’appel a retenu une atteinte illicite aux droits de la personnalité de l’intimée pour avoir, sans son consentement libre et éclairé, pris contact avec son nouvel employeur dans un contexte au demeurant lié à l’aménagement des relations de travail. Selon la Chambre des prud’hommes, cette situation ne présente pas une atteinte d’une gravité particulière qui justifierait l’octroi d’une indemnité pour tort moral, avec la précision que, dans un esprit apaisé, dans deux communications adressées au conseil de l’intimée les 14 mai et 20 novembre 2019, les A______ ont rappelé la possibilité pour tout collaborateur, fut-il médecin, de démissionner de ses fonctions dans le respect des délais contractuels et ceci de manière libre, ont veillé à ce que B______ ne soit pas prétéritée pour l’avenir de sa carrière professionnelle du fait de son choix de démissionner des A______ et ceci afin que ses droits soient respectés, ont souhaité plein succès à B______ pour la suite de sa carrière professionnelle et ont proposé à son ancienne employée et à son conseil un entretien afin de réitérer ces considérations, demande d’entretien à laquelle l’intimée n’a pas donné suite.

7. La procédure d'appel est gratuite (art. 114 let. c cum 116 al. 1 CPC; 19 al. 3 let. c LaCC; 71 RTFMC) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

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PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 5

 

A la forme :

Déclare recevable l’appel formé le 13 mai 2022 par A______ contre le jugement JTPH/97/2022 rendu par le Tribunal des prud'hommes le 28 mars 2022 dans la cause C/27148/2020-5.

Déclare recevable l’appel-joint formé par B______ à l’encontre dudit jugement.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif de ce jugement.

Confirme le jugement pour le surplus.

Déboute les parties de toute autre conclusion.

Siégeant :

Monsieur Guy STANISLAS, président; Monsieur Michael RUDERMANN, juge employeur; Madame Shirin HATAM, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

Le président :

Guy STANISLAS

 

Le greffier :

Javier BARBEITO

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.