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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/28511/2019

CAPH/138/2022 du 29.08.2022 sur JTPH/431/2021 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/28511/2019-1 CAPH/138/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 29 aoÛt 2022

 

Entre

A______ SA, c/o B______ SARL, C______, ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 11 novembre 2021 (JTPH/431/2021), comparant en personne,

et

Monsieur D______, domicilié ______, FRANCE, intimé, représenté par le Syndicat E______, ______ [GE], en les bureaux duquel il fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement du 11 novembre 2021, le Tribunal des prud'hommes a condamné A______ SA à verser à D______ la somme brute de 29'470 fr.80 avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er novembre 2019 ainsi que la somme brute de 9'809 fr. 85 avec intérêts moratoires au taux de 5% l’an dès le 1er décembre 2019, sous déduction de la somme nette de fr. 10’500 fr. (ch. 2 du dispositif), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 3), condamné A______ SA à verser à D______ la somme nette de 2’390 fr. avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er novembre 2019 (ch. 4), dit que la procédure était gratuite et qu’il n'était pas alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 6).

B.            a Par acte expédié à la Cour de justice le 13 décembre 2021, A______ SA a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu à son annulation, à ce qu'il soit considéré que le licenciement de D______ était justifié, à ce qu'elle soit exemptée de tous frais ou indemnité et à ce que D______ soit débouté de ses prétentions en indemnisations qu'elle jugeait abusives.

b D______ a conclu au rejet de cet appel et au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions.

c. Les parties ont été informées le 4 avril 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. A______ SA est une société de droit suisse dont le but est notamment l’exploitation d’entreprise générale de construction ; son siège est à Genève.

b. La date d’engagement de D______ par A______ SA est litigieuse entre les parties.

Figure à la procédure un contrat de travail de durée indéterminée, daté du 13 mai 2019, qui prévoyait que D______ était engagé à partir de cette date en qualité d’aide peintre à la demande, pour un salaire horaire brut de 25 fr. 15 et pour une durée moyenne hebdomadaire de 42 heures.

Ce contrat se réfère spécifiquement à la Convention collective du Second-Œuvre (ci-après « CCT-SOR »).

c. Le 1______ octobre 2019, D______ a créé une société en nom collectif avec F______, sous la raison sociale D______/F______ SNC, qui a été inscrite au Registre du commerce le 2______ octobre 2019. Le but de la société est tous travaux du second œuvre, spécialement la peinture, les papiers peints, le carrelage et la petite maçonnerie.

d. Par courrier du 2______ octobre 2019 adressé à A______ SA, D______ s’est plaint d’avoir dû effectuer des heures supplémentaires, d’avoir dû travailler certains samedis sans compensation, de n’avoir jamais reçu l’indemnité panier prévue par la CCT-SOR, de n’avoir pas perçu de part au treizième salaire, de n’avoir pu bénéficier entièrement de son droit aux vacances et de n’avoir pas perçu l’intégralité de ses salaires.

D______ mettait donc son employeur en demeure de lui verser son dû d’ici au 4______ octobre 2019.

e. Par courrier daté du 2______ octobre 2019, expédié le 3______ octobre 2019, A______ SA a licencié D______ avec effet immédiat au motif que celui-ci aurait abandonné son poste de travail, d’une part, et en raison de plaintes de clients, d’autres part.

f. Par courrier du 12 novembre 2019 adressé à A______ SA, D______ a réclamé à cette dernière la somme brute de 50'697 fr. 95 et nette de 16'473 fr. 05, sous déduction d’un montant net de 3'000 fr. reçu en main propre.

g. Par requête déposée au greffe de l'autorité de conciliation des prud’hommes le 10 décembre 2019, puis au greffe du Tribunal des prud’hommes le 7 septembre 2020, D______ a assigné A______ SA en paiement de la somme totale de 62'677 fr. Il a également demandé à ce qu’il soit ordonné à la Commission paritaire du Second-Œuvre de produire l’intégralité des rapports de contrôle de chantier effectués sur les chantiers de A______ SA entre les mois de mai et d’octobre 2019, le concernant.

La somme réclamée se décompose comme suit:

-     26'541 fr. 70 brut, à titre de salaire pour la période du 9 mai 2019 au 10 octobre 2019, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019 sous déduction de la somme nette de 4’500 fr.;

-     6'068 fr. 80 brut, à titre de salaire pour le travail excédentaire avec une majoration à 25% avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019;

-     458 fr. 15 brut, à titre de salaire pour quinze heures effectuées le dimanche avec une majoration de 100%, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019;

-     883 fr. 95 brut, à titre de salaire pour quatre jours fériés tombant dans la période travaillée, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019;

-     3'365 fr. brut, à titre d’indemnité pour jours de vacances non pris en nature pendant la période travaillée, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019;

-     2'914 fr. 75 brut, à titre de treizième salaire pour la période travaillée, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019;

-     2’106 fr. net, à titre d’indemnités forfaitaires pour 117 jours de travail, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019;

-     8'731 fr. 80 brut, à titre de salaire afférent au délai de congé du 11 octobre 2019 au 30 novembre 2019, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er décembre 2019;

-     929 fr. 05 brut, à titre d’indemnité pour jours de vacances non pris en nature durant le délai de congé, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er décembre 2019;

-     804 fr. 75 brut, à titre de treizième salaire afférent au délai de congé, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er décembre 2019;

-     14'367 fr. 05 net, à titre d’indemnité pour licenciement immédiat injustifié, avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er novembre 2019;

A l'appui de ses conclusions, D______ a, en substance, allégué qu’il avait été engagé par A______ SA le 9 mai 2019. Aucun contrat de travail écrit ne lui avait toutefois été remis. Il avait fréquemment effectué 10 à 12 heures de travail par jour en ne prenant que 30 minutes de pause à midi. Ses jours fériés, ses vacances et son 13ème salaire ne lui avaient jamais été payés, ou alors que très partiellement. Il avait travaillé 1'173,50 heures entre les mois de mai et d’octobre 2019 dont 70,75 heures le samedi, 180,15 heures de travail excédentaire et 8,5 heures le dimanche. Pour cette activité, il avait perçu une somme nette de 4’500 fr. et n’avait pas été payé pour le mois d’octobre 2019. Ne pouvant plus travailler dans ces conditions, il avait interpellé son employeur qui l’avait alors licencié avec effet immédiat. Les motifs invoqués étaient fallacieux. Il n’avait, en effet, pas abandonné son poste puisqu’il avait travaillé jusqu’au 10 octobre 2019. Il n’avait pas non plus développé une activité concurrente puisque sa société n’avait été créée que le 2______ octobre 2019.

A l’appui de son écriture, D______ a produit notamment des décomptes d’heures manuscrits pour la période du mois de mai au mois d’octobre 2019, des photographies prises sur les lieux sur lesquels il avait travaillé, un certificat de prévoyance le concernant pour la période du 13 mai 2019 au 10 octobre 2019 ainsi qu’un certificat AVS, une quittance attestant de la remise de 2'000 fr. pour la période du 13 au 31 mai 2019 et des messages lui annonçant la remise de 5'000 fr. en août 2019.

h. Par réponse du 9 novembre 2020, A______ SA a conclu à ce que D______ soit débouté des fins de sa demande.

Elle a notamment allégué qu’ayant obtenu un chantier conséquent, elle avait recruté du personnel au mois de mai 2019, raison pour laquelle elle avait engagé D______ le 13 mai 2019 sur la base d’une rémunération horaire. D______ avait travaillé à raison de 8 heures pas jours pendant 12 jours au mois de mai 2019, 21 jours au mois de juin 2019, 8 jours au mois de juillet 2019 et 5 jours pour le mois de septembre 2019. Il avait également effectué 64 heures durant le mois d’octobre 2019. Les décomptes d’heures manuscrits produits par D______ n’étaient donc pas correct. Pour cette activité, D______ avait reçu la somme de 12'000 fr. en espèces, de la main à la main. Durant le mois de juillet 2019, il était arrivé à D______ de lui faire "faux bon", ce qui avait contribué à détériorer leurs relations. Elle avait également reçu des plaintes de la part de clients et certains avaient même mis un terme à leur contrat. Le 2______ octobre 2019, elle avait appris que D______ avait œuvré sur un autre chantier durant l’été. Elle avait également constaté qu’il avait constitué sa propre société. Elle avait donc décidé de licencier D______ avec effet immédiat.

i. A l’audience de débats d'instruction du 25 janvier 2021, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

j. Le 3 février 2021, le Tribunal a adressé une demande de renseignements écrits à la Commission paritaire du Second-œuvre pour obtenir une copie de l’intégralité des rapports de contrôle de chantier effectués sur les chantiers de A______ SA entre les mois de mai et octobre 2019 concernant D______ ainsi que tous les documents le concernant qui lui auraient été remis.

Ladite Commission paritaire du Second-œuvre a transmis le 9 février 2021 le contrat de travail de D______, son certificat de salaire pour l’année 2019 ainsi que ses fiches de salaire des mois de mai à octobre 2019. Elle a également produit des rapports de chantier du 5 juin 2019 et du 18 juillet 2019 effectués sur le chantier 5______ [GE].

k. Plusieurs témoins ont été entendus par le Tribunal.

k.a F______ a indiqué qu’il avait travaillé avec D______ pour A______ SA. Ce dernier avait été engagé dans le courant du mois de mai 2019. G______ leur indiquait les horaires qu’ils devaient effectuer qui étaient généralement de 8h à 19h ou 20h avec une pause d’une heure à midi. G______ leur versait des acomptes qui allaient de 200 fr. à 1'500 fr. Il lui était arrivé de travailler tard le soir, entre 19h30 et 21h00, ainsi que le samedi et le dimanche. D______ s’était plaint de ne pas avoir reçu son salaire. Il ne savait en revanche pas s’il avait reçu un 13ème salaire ou s’il avait pu prendre ses vacances. Durant le mois d’août 2019, il avait travaillé avec D______ tous les jours, sauf les weekends. Lorsque ce dernier ne travaillait pas avec lui, il œuvrait sur d’autres chantiers pour le compte de A______ SA.

k.b H______ a indiqué qu’il connaissait D______ qui avait travaillé dans son appartement au mois d’avril ou de mai 2019 en compagnie d’une autre personne. Il s’agissait de casser le faux plafond pour changer les installations de chauffage. D______ débutait son travail vers 9h00 et il le terminait vers 15h00 avec une heure de pause à midi. Il ne se souvenait pas si D______ avait travaillé chez lui un samedi ou un dimanche.

k.c Selon I______, agent immobilier, seuls D______ et F______ avaient travaillé pour A______ SA sur le chantier de [l'avenue] 5______ no. ______. Celui-ci avait duré du mois de mai 2019 jusqu'au mois d'octobre 2019. G______ était le sous-traitant de sa société J______ Sàrl. Les travaux de démolition s’étaient bien passés, mais lorsque la rénovation des appartements avait débuté, il y avait eu des problèmes. Les délais n'étaient pas respectés. Comme les appartements étaient habités, il avait fallu gérer appartement par appartement, ce qui n'avait pas été une tâche facile. Trois appartements devaient être aménagés dans les combles. Il devait y avoir deux employés en permanence sur le chantier. Souvent, à partir du mois d'août 2019, lorsqu’il venait sur le chantier, il avait constaté qu'il n'y avait personne. L'architecte, K______, l’avait également appelé pour le prévenir de ce fait. Il avait alors contacté G______ qui lui avait dit qu'il allait s'en occuper. La colonne de chauffage devait être changée dans tous les étages et il y avait eu des malfaçons dans les travaux effectués sur celle-ci à la fin août, début septembre 2019. Il avait prévenu A______ SA que si cela continuait, il risquait de perdre le chantier par sa faute. Des discussions avaient eu lieu avec D______ et F______ pour essayer d'améliorer les choses mais cela n'avait pas donné de résultats. Il leur avait fait des remarques sur la qualité de leur travail. Il était arrivé plusieurs fois que F______ et D______ montent des murs qui n’étaient pas droit, ce dont l’architecte s’était plaint. Il avait été remercié par le maître d'ouvrage, soit L______ Sàrl au début du mois d'octobre 2019. Une réunion entre lui-même, G______ et K______ avait eu lieu dans les locaux de L______ Sàrl. K______ leur avait expliqué qu'il n'était pas du tout content du travail qui avait été fait et qu'il y avait trop de problèmes entre A______ SA et ses employés, ce qui se ressentait sur le chantier. K______ était allé sur le chantier et il avait vu une inscription anonyme dans les combles selon laquelle que J______ Sàrl et A______ SA étaient des mauvais payeurs. A ce moment-là, il avait mis un terme au contrat de A______ SA. Il avait entendu dire qu'il y avait eu des discussions assez fortes entre les employés de A______ SA et G______ et que la police était intervenue, mais il n’était pas présent. Il se rendait au moins deux fois par semaine sur le chantier. Il était parti en vacances au mois d'août 2019.

k.d M______ a indiqué qu’il connaissait D______ qui avait travaillé sur le chantier [de l'avenue] 5______ no. ______. Ce dernier avait refait la courette de son appartement ainsi que les faux plafonds. La plupart du temps, D______ travaillait seul. Il commençait à 8h00 ou 9h00 et terminait vers 16h00 ou 17h00 avec une pause à midi. D______ n’avait pas travaillé chez lui le samedi ou le dimanche. Celui-ci avait été très correct avec lui et ils s’étaient arrangés pour les horaires d’intervention.

k.e K______, architecte, a indiqué qu’il avait mandaté A______ SA pour la réalisation de travaux de platerie et peinture sur un chantier à l'avenue 5______ no. ______. Celui-ci avait débuté en avril ou en mai 2019 et ne s'était pas très bien passé. Certains locataires étaient difficiles et le fait que D______ et F______ n'étaient pas précautionneux avaient créé des tensions. Le temps de travail était clairement défini, à savoir du lundi au vendredi, pas avant 8h du matin et pas après 17h. Il passait tous les deux ou trois jours sur le chantier. Il lui était arrivé plusieurs fois de ne pas y trouver D______ et F______.

k.f N______, agent immobilier, a indiqué qu’il connaissait G______ ainsi que A______ SA. Il avait rencontré les deux premiers cités sur les chantiers de 6______ [France] et 5______ [GE]. Chaque fois que G______ avait un problème sur ce chantier, il l'appelait pour intervenir. Un prénommé O______, qui avait le mandat pour rénover l'immeuble, s’était plaint de l'absence des ouvriers en juin ou juillet 2019. L'architecte n’était également pas satisfait des travaux effectués.

Au mois d'août 2019, alors qu’il était en train de boire un thé vers 11h30, il avait vu D______, en tenue de travail, sortir d'un chantier P______ [pizzeria], à la rue 7______ [GE]. Celui-ci était venu lui dire bonjour. Il ne s’agissait pas d’un chantier de A______ SA. Il n’avait pas demandé à D______ ce qu'il faisait là, mais il avait été étonné car il aurait dû être sur un chantier de A______ SA. Il avait tout de suite appelé G______ pour lui dire qu’il avait vu son employé sur un chantier. Il n’avait pas vu F______, mais il y avait la voiture de A______ SA garée devant la pizzeria, laquelle était sous la responsabilité de ce dernier. Mécontent, G______ avait alors interrompu son voyage. Au mois de septembre 2019, il y avait eu des réunions entre G______ et D______. Il avait essayé de réconcilier les deux parties mais ce dernier n'avait rien voulu savoir. Q______, fonctionnaire de l'Organisation [internationale] R______, lui avait dit que D______ et F______ avaient refait la cuisine chez lui et qu’il n’avait pas été satisfait de leurs services, étant précisé qu’à chaque fois que G______ les appelait, ils quittaient son chantier.

k.g S______, menuisier, a indiqué qu’il avait été employé de A______ SA du mois de janvier 2018 jusqu'au 13 février 2018 et qu’il avait recommencé à travailler pour cette dernière en décembre 2020. Il connaissait D______ et F______ avec lequel il avait travaillé pour T______ Sàrl de septembre à décembre 2017. En octobre 2019, il avait réalisé un petit comptoir pour la pizzeria P______ [rue 7______]. Il avait travaillé avec D______ et F______. Ceux-ci avaient exécuté un plafond et réparé un mur. Il avait vu D______ et F______ quatre ou cinq soirs. Selon lui, ceux-ci ne travaillaient que pour P______.

k.h U______, mécanicien, a expliqué qu’il s’occupait des réparations des véhicules de A______ SA. Il connaissait D______ ainsi que F______. Ceux-ci avaient effectué des travaux dans son garage au mois d'août 2019. F______ lui avait dit qu'il travaillait pour son compte. Quand il était venu travailler chez lui en août et septembre 2019 avec D______, il utilisait la camionnette de A______ SA. Ils venaient parfois à 10h, parfois à 14h, parfois à 17h et une fois à 18h. Il leur avait laissé les clés. Lorsque F______ avait commencé à travailler, il lui avait dit qu'il était en train de créer une entreprise. D______ ne lui avait pas présenté de facture; il lui avait versé 10'000 fr. en espèces.

Interrogé, D______ a indiqué qu’il n’avait jamais vu U______ et qu’il ne le connaissait pas.

k.i V______ a expliqué que G______ lui avait présenté D______ et F______. Ces derniers lui avaient proposé de travailler directement avec eux. Ils lui avaient indiqué qu'ils envisageaient de quitter A______ SA et de créer leur propre société.

k.j W______ a exposé que A______ SA travaillait pour lui dans le cadre des mandats qu’il lui confiait, en particulier pour tout ce qui touchait à la construction. Il avait rencontré D______ et F______ sur les chantiers dont il s’occupait et qui étaient confiés à A______ SA. Il avait dû mettre fin au mandat de la rue 8______ no. ______ [GE] qui avait été confié à cette dernière, et sur lequel D______ et F______ avaient travaillé, car le travail avait mal été effectué. Sur ses chantiers, les ouvriers commençaient à 8h et terminaient à 18h avec une pause de deux heures. A plusieurs reprises, il avait dû demander à A______ SA de respecter les horaires car il s’était rendu de temps en temps vers 8h sur le chantier et il n'y avait ni ouvriers ni G______.

k.k X______, a indiqué qu’il avait travaillé pour A______ SA en qualité de peintre et de manœuvre. Il avait eu un premier contrat qui avait débuté le 15 janvier 2019 pour une durée de vingt jours, puis un second contrat qui avait débuté le 13 mars 2019 jusqu'au mois de juin 2019. Il avait travaillé avec F______, qui était déjà là au mois de janvier 2019 et avec D______ qui avait commencé en même temps que lui, le 13 mars 2019. Leur contrat avaient été établis ensemble. Ceux-ci prévoyaient un travail sur appel. Il avait formé une équipe avec D______, F______ et une quatrième personne prénommée Y______. Sur le chantier de l'avenue 5______, ils avaient travaillé tous les jours de 8h jusqu'à midi et de 13h jusqu'à 16h. Ils n’avaient jamais travaillé le samedi. Il était logé par G______ dans une maison dans laquelle il y avait également F______ et le prénommé Y______. Lorsque G______ venait le payer, ce dernier déduisait le montant du loyer qui était de 2'000 fr., soit 600 fr. par personne.

l.a Interrogé lors de l’audience du 20 avril 2021, D______ a indiqué qu’il n’avait jamais signé le contrat produit en pièce 3 dem. La signature qui y figurait ressemblait à la sienne; selon lui, celle-ci devait avoir été scannée. Il n’avait pas non plus reçu les décomptes de salaire pour les mois de mai à octobre 2019, produits par A______ SA par courrier du 12 février 2021. Il se souvenait avoir été engagé le 10 mai 2019, mais il ne se rappelait pas à quel jour correspondait cette date. Un ami de G______ l’avait mis en relation avec ce dernier et il avait débuté son emploi le lendemain. Ils avaient convenu que son activité s’exercerait cinq jours par semaine à raison de huit heures par jour. Il avait demandé le versement d’un salaire mensuel de 5'000 fr., mais G______ lui avait répondu qu’il devait faire ses preuves. Le salaire convenu avait été de 200 fr. par jour. Il était qualifié en tant que poseur de revêtement de sol, parquet et carrelage. Il avait un CAP dans ce domaine et pouvait justifier d’une expérience de plus de quinze ans dans ce domaine.

Le 10 octobre 2019, soit le dernier jour où il avait travaillé, il s’était disputé avec G______. Celui-ci avait appelé la police en soutenant qu’il bloquait le chantier. G______ avait alors appelé son comptable qui avait rédigé sa lettre de démission. Il avait reçu cette dernière par courriel sur son portable. Il avait adressé un courrier à G______ qui avait dû le recevoir le 10 ou le 11 octobre 2019. La somme de 2'000 fr. qui figurait sur la pièce 11 dem. ne lui avait pas été payée. Dès le 20 octobre 2019, il avait travaillé à son compte avec F______ sur le chantier P______ [rue 7______]. Il avait ensuite trouvé un emploi en France dans le courant de l’année 2020. Il n’avait pas perçu la somme de 12'600 fr. à titre de rémunération comme le soutenait A______ SA.

Il avait été engagé par A______ SA pour être le chef d’une équipe composée de F______, S______ et X______. Ce dernier avait travaillé avec lui sur les chantiers "5______" et "9______ [GE]" de mai à juillet 2019. Il n’avait jamais vu U______ lequel avait des liens très étroits avec G______. Les travaux à effectuer dans l’appartement de Madame Z______ consistaient à casser un mur et le reconstruire, casser le carrelage sur les murs et enlever la baignoire et la remplacer. Cette cliente n’avait pas vidé son appartement, ce qu’il avait signalé à G______. Ce dernier lui avait ordonné d’installer des protections en plastique qui s’étaient révélées être insuffisantes raison pour laquelle il y avait eu beaucoup de poussière dans l'appartement. Il n’avait pas pu ouvrir de compte bancaire en Suisse car il n’avait pas pu présenter un contrat de travail écrit.

l.b Interrogé, G______ a indiqué que D______ avait perçu une somme totale de 12'600 fr. pour son activité au sein de A______ SA. Le 7 octobre 2019, il avait appris que D______ travaillait sur un chantier situé à la rue 7______ alors qu’il était censé travailler pour A______ SA. À 11h., I______ l’avait contacté pour lui demander où se trouvaient ses ouvriers qui n’étaient pas sur le chantier. Il avait alors appelé D______ qui lui avait indiqué qu’il avait été chercher de la peinture avec F______. Ce dernier et D______ étaient revenus sur le chantier vers midi. Le 2______ octobre 2019, il s’était rendu à la rue 7______ vers 15h30 où il avait attendu D______ et F______. Ceux-ci étaient arrivés avec le fourgon de A______ SA.

Il n’y avait pas eu d’avertissements écrits concernant le mécontentement des clients. Il avait toutefois fait suivre les messages d’insatisfaction de Madame Z______ et de I______ à D______. Le 12 octobre 2019, il avait demandé à ce dernier de se rendre chez le comptable de A______ SA pour établir un solde de tout compte. D______ n’y était toutefois pas allé. Il ne pouvait pas expliquer les raisons pour lesquelles le comptable avait indiqué que la durée hebdomadaire de travail était de 42 heures, ni pourquoi les dispositions de la CCT concernant la limitation du travail sur appel n’avaient pas été respectées. Le contrat de travail produit en pièce 3 dem. portait sa signature. Ce contrat avait été établi le 13 mai 2019 et il avait bien été signé par D______.

m. A l’issue de l'audience du 4 mai 2021, les parties ont plaidé et le Tribunal a gardé la cause à juger.

n. Par jugement du 11 novembre 2021, le Tribunal a considéré qu'à teneur du contrat de travail signé entre les parties le 13 mai 2019, le salaire horaire prévu en faveur de D______ était de 25 fr. 15. Il s’avérait cependant qu’au vu de son expérience, accomplie tant à l’étranger qu’en Suisse, et qui n’a pas été remise en cause par A______ SA, le salaire de D______ aurait dû être celui d’un ouvrier de classe B. Par conséquent, le Tribunal retiendra pour ses calculs, un salaire horaire brut de 26 fr. 95 et mensuel brut de 4'789 fr.

En outre, le travail de D______ n’avait certes pas toujours donné satisfaction à A______ SA. Cela étant, l’exécution insatisfaisant ou de manière négligente du travail ne justifiait pas, à elle seule, un licenciement avec effet immédiat, à moins d’avoir été précédée de plusieurs avertissements. Or, en l’occurrence, G______ a indiqué qu’il n’y avait pas eu d’avertissement écrit. De plus, D______ avait travaillé pour son propre compte alors qu’il était employé de A______ SA. Les enquêtes avaient permis de démontrer que cette dernière était informée de ce fait depuis le mois d’août 2019, au moins. Malgré cette faute qui peut être qualifiée de grave, A______ SA n’avait pas mis un terme, à ce moment-là, au contrat de travail de D______. En le conservant à son service, elle s'était manifestement accommodée de ce comportement et elle avait donc renoncé à se prévaloir de ce motif. Ainsi, en invoquant, plus d’un mois plus tard, le même motif pour justifier le licenciement de son employé, A______ SA avait agi de manière tardive. Dès lors, même si le comportement de D______ pouvait être qualifié de grave, il n'était pas non plus suffisant pour justifier son licenciement immédiat.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions incidentes de premières instance, dans les affaires patrimoniales si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 CPC). L'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision (art. 311 al. 1 CPC).

L'appel, qui respecte les dispositions précitées, est recevable.

1.2 La valeur litigieuse en première instance étant supérieure à 30'000 fr. (art. 94 al. 1 CPC), la procédure ordinaire s'applique et le procès est régi par la maxime des débats, qui prévoit que les parties allèguent les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produisent les preuves qui s'y rapportent (art. 55 al. 1 CPC, art. 243 et art. 247 al. 2 CPC a contrario).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2).

2. L'appelante soutient que l'intimé a été engagé comme simple manœuvre polyvalent sans qualification particulière et que lors de la conclusion du contrat, il n'avait fait valoir aucune qualification ou expérience particulières. Il doit être compris de cette argumentation que l'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré que l'intimé devait être considéré comme un ouvrier de classe B et ainsi, que son salaire horaire brut devait être de 26 fr. 95 et non de 25 fr. 15.

2.1 Selon l'art. 18 al. 1 CCT-SOR, est défini comme travailleur de la Classe B le travailleur sans certificat fédéral de capacité occupé à des travaux professionnels, et le travailleur titulaire d’une attestation fédérale de formation professionnelle (AFP) ou répondant aux dispositions de l’art. 18 al. 4 qui prévoit qu'une formation professionnelle d’au moins deux ans acquise à l’étranger additionnée de deux ans d’expérience dans la branche considérée est équivalente au niveau d’une attestation fédérale de formation professionnelle (AFP).

Est en revanche un travailleur de la Classe C le manœuvre et le travailleur auxiliaire. Il est précisé que le passage automatique de la classe C à la classe B interviendra après trois ans d’expérience dans la branche considérée et sera effectif au 1er janvier qui suivra cette échéance. L’expérience dans la branche considérée peut être acquise de manière cumulée auprès de plusieurs employeurs en Suisse ou dans l’Union Européenne. Le travailleur démontrera son expérience de manière documentée.

2.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que la CCT-SOR s'applique aux relations contractuelles entre les parties. Ces dernières divergent en revanche sur la classe de salaire dans laquelle l'intimé doit être placé.

Il résulte des faits que l'intimé a essentiellement travaillé avec F______, sans qu'il soit constaté que ce dernier avait un rôle principal ou dirigeant par rapport à l'intimé. Aucun tiers n'était quotidiennement sur le chantier pour lui donner des instructions quant aux tâches à effectuer. L'intimé a réalisé de manière indépendante des travaux de rénovation variés, par exemple de plâtrerie et de peinture – dont la qualité est certes discutée, ce qui n'est toutefois pas pertinent pour déterminer la Classe à laquelle appartient l'intimé – dont la nature tend à démontrer qu'ils n'étaient pas qu'accessoires et que l'intimé n'avait pas qu'un rôle subalterne. Dès lors, au-delà de la désignation de la fonction de l'intimé figurant dans son contrat de travail, il apparaît que dans les faits, il n'avait pas qu'une fonction de manœuvre ou d'auxiliaire, mais qu'il était employé comme travailleur à part entière.

L'intimé peut donc être qualifié de travailleur occupé à des travaux professionnels, de sorte que c'est à bon droit que le Tribunal a tenu compte dans ses calculs du salaire applicable à un travailleur de classe B.

3. L'appelante conteste que le licenciement immédiat de l'intimé était injustifié. Ledit licenciement faisait suite à des manquements divers et à la réitération de l'infraction d'août 2019, l'intimé ayant été confondu le 7 octobre 2019 sur un chantier à la rue 7______, soit seulement deux jours avant le licenciement immédiat.

L'intimé conteste tout acte de concurrence.

3.1 Selon l'art. 337 al. 1, 1ère phrase, CO, l'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs. Doivent notamment être considérées comme telles toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al. 2 CO). Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive; d'après la jurisprudence, les faits invoqués à l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Le travailleur doit en effet sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de son employeur: il doit s'abstenir d'entreprendre tout ce qui pourrait lui nuire économiquement (ATF 117 II 560 consid. 3a p. 561).

Seul un manquement particulièrement grave peut justifier une telle mesure (ATF 142 III 579 consid. 4.2). Par manquement, on entend généralement la violation d'une obligation découlant du contrat de travail, mais d'autres incidents peuvent aussi justifier une telle mesure (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; 130 III 28 consid. 4.1; 129 III 380 consid. 2.2). Ce manquement doit être objectivement propre à détruire le rapport de confiance essentiel au contrat de travail ou, du moins, à l'atteindre si profondément que la continuation des rapports de travail ne peut raisonnablement pas être exigée; de surcroît, il doit avoir effectivement abouti à un tel résultat (ATF 142 III 579 consid. 4.2 et les arrêts cités). Lorsqu'il est moins grave, le manquement ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 142 III 579 consid. 4.2; 130 III 213 consid. 3.1).

Un manquement au devoir de fidélité de l'employé peut constituer un juste motif de congé. Le travailleur doit en effet sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de son employeur: il doit s'abstenir d'entreprendre tout ce qui pourrait lui nuire économiquement (ATF 140 V 521 consid. 7.2.1; 124 III 25 consid. 3a). Il ne doit pas faire concurrence à l'employeur pendant la durée du contrat (art. 321a al. 3 CO).

S'il existe un juste motif, la résiliation avec effet immédiat doit être donnée sans tarder sous peine de déchéance. Si elle tarde à agir, la partie concernée donne à penser qu'elle a renoncé à la résiliation immédiate, respectivement qu'elle peut s'accommoder de la continuation des rapports de travail jusqu'à l'échéance ordinaire du contrat (ATF 138 I 113 consid. 6.3.1; 130 III 28 consid. 4.4 p. 34; 123 III 86 consid. 2a p. 87). Un délai de deux à trois jours ouvrables de réflexion est présumé approprié; un délai supplémentaire n'est accordé à celui qui entend résilier le contrat que lorsque les circonstances particulières du cas concret exigent d'admettre une exception à la règle (ATF 130 III 28 consid. 4.4 p. 34).

3.2 En l'espèce, il ressort du jugement attaqué que l'intimé a travaillé pour son propre compte alors qu’il était employé de l'appelante et que les enquêtes avaient permis de démontrer que cette dernière était informée de ce fait depuis le mois d’août 2019, au moins. Il ressort des explications de l'appelante elle-même que tel était le cas puisqu'elle justifie le licenciement immédiat par la "réitération de l'infraction d'août 2019", dont elle avait dès lors connaissance. Elle n'allègue par ailleurs pas avoir averti l'intimé à la suite de cette "infraction". L'appelante ayant licencié l'intimé avec effet immédiat que plusieurs semaines après celle-ci, un tel licenciement est tardif, quand bien même l'intimé aurait à nouveau été aperçu sur un autre chantier et notamment le 7 octobre 2019, ce qui n'est en tout état de cause pas suffisamment établi.

Pour le surplus, la prétendue mauvaise qualité des travaux réalisés par l'intimé ne justifie pas davantage un licenciement immédiat, lequel n'avait pas été précédé d'avertissements.

Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que le licenciement immédiat de l'intimé n'était pas justifié.

4. La procédure est gratuite (art. 71 RTFMC).

Il n'est pas alloué de dépens d'appel (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 1 :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel formé le 13 décembre 2021 par A______ SA contre le jugement JTPH/431/2021 rendu par le Tribunal des prud'hommes le 11 novembre 2021 dans la cause C/28511/2019.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toute autre conclusion.

Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Christian PITTET, juge employeur; Monsieur Yves DUPRE, juge salarié; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.