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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/8829/2024

ACJC/1176/2024 du 16.09.2024 sur JTBL/634/2024 ( SBL ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8829/2024 ACJC/1176/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU 16 SEPTEMBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 4 juin 2024, représenté par Me Bénédict FONTANET, avocat, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3,

et

Madame B______, domiciliée c/o C______ SA, ______, intimée, représentée par Me Emmanuelle GUIGUET-BERTHOUZOZ, avocate, rue du Général-Dufour 11,
1204 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/634/2024 du 4 juin 2024, reçu par les parties le 12 juin 2024, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______ à évacuer immédiatement l'appartement de 2 pièces au 4ème étage de l'immeuble sis no. ______, rue 1______ à Genève, ainsi que la cave qui en dépend (ch. 1 du dispositif), autorisé B______ à requérir son évacuation par la force publique dès l'échéance d'un délai de quatre mois après l'entrée en force du jugement (ch. 2), précisé que l'exécution du jugement par la force publique devrait être précédée de l'intervention d'un huissier judicaire (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B. a. Le 24 juin 2024, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule et lui octroie un sursis humanitaire à l'exécution de l'évacuation de 12 mois dès l'entrée en force de l'arrêt de la Cour.

Il a déposé des pièces nouvelles.

b. Par arrêt du 2 juillet 2024, la Cour a rejeté la requête d'effet suspensif formulée par A______.

c. B______ a conclu principalement à la confirmation du jugement querellé.

Elle a déposé une pièce nouvelle.

d. A______ a répliqué spontanément le 15 juillet 2024, persistant dans ses conclusions.

e. Les parties ont été informées le 22 août 2024 de ce que la cause était gardée à juger par la Cour.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. Le 8 juin 2020, B______, en tant que bailleresse, et A______, né le ______ 1957, en tant que locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 2 pièces au 4ème étage de l'immeuble sis no. ______, rue 1______ à Genève, dont dépend une cave.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 750 fr. par mois.

Une garantie de loyer de 1'740 fr. a été versée au moment de la conclusion du bail.

b. Par avis comminatoire du 15 décembre 2023, B______ a mis en demeure A______ de lui régler dans les 30 jours 1'090 fr., à titre d'arriéré de loyer et de charges pour la période de novembre et décembre 2023, et l'a informé de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

c. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, B______ a, par avis officiel du 24 janvier 2024, résilié le bail pour le 31 mars 2024.

d. Par requête déposée le 16 avril 2024, elle a introduit action en évacuation par la voie de la protection pour les cas clairs devant le Tribunal et a sollicité le prononcé de mesures d'exécution directes de l'évacuation .

e. Lors de l'audience du 4 juin 2024, A______ a sollicité l'octroi d'un délai humanitaire d'une année compte tenu de son état de santé.

B______ a exposé que l'arriéré de loyer et charges s'élevait à 1'987 fr. au 31 mai 2024. Elle s'est opposée à l'octroi d'un sursis, faisant valoir le caractère récurrent des retards de paiement.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1.             1.1 Selon l'art. 309 let. a CPC, le recours est recevable contre les décisions du Tribunal de l'exécution.

1.2 En l'espèce, le recourant conteste les mesures d'exécution prises par le Tribunal et a interjeté le recours en temps utile, de sorte que celui-ci est recevable (art. 309 et art. 321 al. 2 CPC).

2. Les pièces nouvelles produites par les parties sont irrecevables, conformément à l'art. 326 al. 1 CPC.

3. Le Tribunal a ordonné l'exécution de l'évacuation avec un sursis de quatre mois dès l'entrée en force du jugement, relevant que cette durée permettait d'éviter que le recourant, atteint dans sa santé, ne se retrouve soudainement dépourvu d'abri, étant précisé que le bail avait été conclu il y a de nombreuses années. Cette durée préservait les intérêts de l'intimée, en dépit de l'arriéré, vu le montant peu élevé du loyer.

Le recourant fait valoir qu'il est âgé de plus de 65 ans, vit dans l'appartement depuis près de 25 ans, qu'il a pour seul revenu une rente AVS et que sa santé est fragile. Il avait effectué de nombreuses recherches de logement, restées vaines. Le sursis trop bref octroyé par le Tribunal violait le principe de proportionnalité.

L'intimée relève pour sa part que les retards de paiement du recourant sont récurrents; il avait attendu quatre mois après la réception de l'avis de résiliation pour chercher un nouveau logement et ses démarches portaient sur un appartement plus grand que son logement actuel, avec un loyer hors de proportion par rapport à ses moyens. Les indemnités courantes n'étaient pas régulièrement versées, de sorte qu'elle avait un intérêt digne de protection à récupérer aussi vite que possible l'usage de son bien.

3.1.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'exécution d'un locataire est régie par le droit fédéral (art. 355 ss CPC).

En autorisant l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Dans le cas de l'évacuation d'une habitation, il s'agit d'éviter que des personnes concernées soient ainsi privées de tout abri. De ce fait, l'expulsion ne saurait être exécutée sans un ménagement particulier, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. Dans tous les cas, le sursis doit être relativement bref et ne doit pas équivaloir à une prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b p. 339; arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC prévoit également que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements n'est pas un motif d'octroi d'un sursis (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).

3.1.2 Une décision qui ne peut faire l'objet que du recours limité au droit des art. 319 ss CPC acquiert force de chose jugée et force exécutoire dès son prononcé, c'est-à-dire au moment où elle est rendue. En effet, un tel recours ne suspend ni la force de chose jugée, ni le caractère exécutoire (art. 325 al. 1 CPC). Une décision qui est susceptible d'un appel, qui a effet suspensif de par la loi (art. 315 al. 1 CPC), acquiert force de chose jugée et force exécutoire, si aucun appel n'est interjeté, à l'échéance du délai d'appel ou, si un appel est interjeté, soit à l'échéance du délai d'appel joint pour les questions non remises en cause, soit au moment où l'arrêt d'appel est prononcé, le recours au Tribunal fédéral n'ayant pas d'effet suspensif de par la loi, sauf pour les jugements formateurs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2023 du 25 juin 2024 , consid. 5.2.1). 

3.2 En l'espèce, le sursis de quatre mois accordé par le Tribunal tient compte de manière adéquate de la situation personnelle du recourant et des autres circonstances pertinentes ressortant du dossier.

Le bail a été résilié en janvier 2024, avec effet au 31 mars suivant. Or, à teneur des pièces du dossier, le recourant n'a effectué que deux demandes de logement, en mai et juin 2024, ce qui est insuffisant pour retenir qu'il a cherché activement à trouver un nouvel appartement.

L'on ne saurait considérer que l'âge du recourant, à savoir 66 ans, l'entrave significativement dans ses recherches. Le certificat médical produit n'atteste par ailleurs pas que ses problèmes de santé l'empêcheraient de déménager ou de faire des recherches de logement, étant précisé qu'il a la possibilité de requérir l'aide des services sociaux.

Le délai de quatre mois fixé par le Tribunal sera dès lors confirmé, dans la mesure où le délai de 12 mois requis par le recourant est excessif et équivaudrait à une prolongation de bail, prohibée dans le cadre d'une résiliation pour défaut de paiement de loyer.

Le point de départ du délai en question sera par contre modifié, pour tenir compte du fait que le recourant vit dans l'appartement depuis plus de 24 ans et qu'il est constant que l'obtention d'un logement à Genève, avec des moyens modestes comme ceux du recourant, nécessite du temps. En outre, même si l'intimée a, pour sa part, un intérêt certain à récupérer l'usage de son bien, dans la mesure où il n'est pas contesté que les indemnités pour occupation illicite ne sont pas régulièrement payées, il convient de relever que l'arriéré, en 2'000 fr. environ, est partiellement couvert par la garantie de loyer de 1'750 fr. environ versée par recourant.

A cela s'ajoute que la question de savoir à quelle date précisément le jugement du Tribunal est entré en force est de nature à susciter des controverses entre les parties.

Il convient ainsi de prévoir que le délai de quatre mois fixé par le Tribunal courra dès le prononcé du présent arrêt.

Le chiffre 2 du jugement querellé sera modifié en conséquence.

4. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 24 juin 2024 par A______ contre le jugement JTBL/634/2024 rendu le 4 juin 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/8829/2024.

Au fond :

Modifie le chiffre 2 du dispositif du jugement querellé en ce sens que B______ est autorisée à requérir l'évacuation par la force publique de A______ à l'échéance d'un délai de quatre mois dès la date du prononcé du présent arrêt, soit dès le 17 janvier 2025.

Confirme le jugement querellé pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119
et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.