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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/22854/2023

ACJC/922/2024 du 16.07.2024 sur JTBL/106/2024 ( SBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22854/2023 ACJC/922/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 16 JUILLET 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 25 janvier 2024,

et

FONDATION D'INVESTISSEMENTS B______, domiciliée ______ (ZH), intimée, représentée par Me C______, avocat.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/106/2024 du 25 janvier 2024, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que de tout tiers les surfaces de bureaux d'environ 127 m2 situées au septième étage et les places de stationnement nos 1______ et 2______ au 1er sous-sol et n° 3______ au rez-de-chaussée de l'immeuble sis no. ______, rue 4______ à Genève (ch. 1 du dispositif), autorisé FONDATION D'INVESTISSEMENTS B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'entrée en force de son jugement (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 12 février 2024 à la Cour de justice et signé par A______ et D______, "recours" a été formé contre ce jugement. A______ a conclu à son annulation, ce jugement étant "entaché de forfaiture et de vices de procédure", à ce qu'il lui soit alloué un montant de 26'000 fr. à titre de tort moral et dommages intérêts et à ce que le sort de la cause soit "suspendu au traitement de [ses] plaintes par le MP, le CSM, les tribunaux ad hoc, la Commission parlementaire du Grand Conseil et autres Cours …".

A______ a produit avec son recours diverses pièces, soit notamment une plainte pénale dirigée contre les juges du Tribunal qui ont rendu le jugement attaqué et contre l'avocat de B______ ainsi qu'un certificat médical du 24 janvier 2024, rédigé par le Dr D______, selon lequel elle souffrait "d'indisposition médicale" et était dans l'incapacité de se présenter à l'audience du Tribunal "de ce jour".

Le 13 avril 2024, A______ a produit de nouvelles pièces, à savoir une plainte pénale datée du même jour dirigée notamment contre l'avocat de B______ et contre des juges du Tribunal.

b. B______ a répondu au recours le 26 février 2024. Elle a conclu à l'irrecevabilité du recours et de l'appel, subsidiairement à son rejet, à la confirmation du jugement attaqué et au déboutement de toutes ses conclusions.

Elle a conclu, préalablement, au retrait de l'effet suspensif à l'appel et à ce que soit autorisée l'exécution anticipée du jugement du 25 janvier 2024 et à ce que A______ soit condamnée à une amende pour inconvenance et témérité.

La Cour a fait droit, par arrêt du 5 mars 2024, à la requête d'exécution anticipée du jugement du 25 janvier 2024; le 12 avril 2024, le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure où il est recevable, le recours formé par A______ contre cet arrêt.

c. Le 8 mars 2024, A______ a répliqué, persistant dans ses explications.

d. Le 8 avril 2024, les parties ont été avisées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a.a B______, bailleresse, et A______ et E______, locataires, ont signé un contrat de bail portant sur la location de surfaces de bureau à l'enseigne "F______ et Fondation G______" d'environ 127 m2 situées au septième étage de l'immeuble sis no. ______, rue 4______ à Genève.

Le contrat a été conclu pour une durée déterminée de trois ans, du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2017. La durée fixe du contrat découlait de la volonté de la bailleresse de surélever l'immeuble, travaux nécessitant de libérer le septième étage.

Le loyer a été fixé à 4'200 fr. par mois, charges comprises.

a.b. Les parties ont également été liées par trois contrats de bail portant sur la location de places de stationnement.

Le premier contrat, concernant la place n° 6 au 1er sous-sol de l'immeuble, a été conclu pour une durée indéterminée dès le 1er mai 2017, le délai de résiliation étant de trois mois pour les termes de fin mars/juin/septembre (décembre excepté), la première fois pour le 30 juin 2018, et fixait le loyer à 180 fr. par mois.

Le deuxième contrat, concernant la place n° 7 au 1er sous-sol de l'immeuble, a été conclu pour une durée indéterminée dès le 1er juin 2017, le délai de résiliation étant de trois mois pour les termes de fin mars/juin/septembre (décembre excepté), la première fois pour le 30 juin 2018, et fixait le loyer à 150 fr. par mois.

Le troisième contrat, concernant la place n° 3______ au rez-de-chaussée de l'immeuble, a été conclu pour une durée indéterminée dès le 1er décembre 2017, le délai de résiliation étant de trois mois pour les termes de fin mars/juin/septembre (décembre excepté), la première fois pour le 30 septembre 2018, et fixait le loyer à 200 fr. par mois.

Les baux précisent qu'en cas de location conjointe avec des locaux d'habitation ou des locaux commerciaux, la résiliation du bail portant sur ces locaux entraîne celle du bail du garage aux mêmes conditions.

a.c A______ est devenue seule titulaire du bail à la suite du départ de E______, ce qui a été confirmé par un avenant au bail du 6 novembre 2017.

a.d. D______ occupe également les locaux sis rue 4______ no. ______.

b. Le 28 septembre 2018, la locataire a déposé une requête par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, concluant à la constatation du fait que le contrat était devenu un bail à durée indéterminée. La cause a été enregistrée sous le numéro C/5______/2018.

c.a Par requête déposée le 26 octobre 2018 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, la bailleresse a conclu à ce que le Tribunal condamne la locataire à évacuer les locaux et l'autorise à mandater un huissier judiciaire pour faire exécuter le jugement une fois ce dernier exécutoire en faisant appel à un serrurier, aux frais de la locataire, et à une entreprise de déménagement ou si nécessaire à la force publique.

c.b Par jugement JTBL/1249/2019 du 18 décembre 2019, le Tribunal a rejeté la requête en évacuation formée par B______.

Ce jugement a été confirmé par la Cour de justice par arrêt ACJC/12/2021 du 11 janvier 2021.

d. Après avoir introduit sa demande en constatation de la durée indéterminée du bail (C/5______/2018) le 1er février 2019, la locataire l'a retirée le 26 février 2019, avant sa notification à la défenderesse. La cause a ainsi été rayée du rôle.

e. Le 30 août 2019, l'autorisation de construire a été délivrée à la bailleresse, autorisant la surélévation de l'immeuble et la création de quatre logements.

Le recours formé contre cette décision par la locataire a été rejeté par le Tribunal administratif de première instance par jugement JTAPI/516/2020 du 18 juin 2020, confirmé par la Chambre administrative de la Cour de justice dans son arrêt ATA/30/2021 du 12 janvier 2021. Cette autorisation est ainsi en force depuis le mois de mars 2021.

f. Par avis officiels du 23 mars 2021, la bailleresse a résilié les baux des locaux et des places de stationnement pour le 30 septembre 2021.

Le motif du congé réside dans sa volonté de surélever l'immeuble, les locaux loués devant être détruits pour créer de nouveaux étages de logement.

g. Par requêtes déposées le 23 avril 2021 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarées non conciliées lors de l'audience de la Commission du 14 juin 2021 et portées devant le Tribunal le 16 juillet 2021, la locataire a conclu à ce que celui-ci dise que les résiliations sont nulles, subsidiairement, à ce qu'il les annule, interdise à la bailleresse d'empêcher l'usage des locaux, et, subsidiairement, à ce qu'il lui accorde une prolongation de bail de quatre ans.

Les numéros de cause C/6______/2021, C/7______/2021, C/8______/2021 et C/9______/2021 ont été attribués aux procédures relatives aux locaux loués et aux places de stationnement.

g.a Par jugement JTBL/448/2022 du 3 juin 2022, le Tribunal a déclaré valables les congés notifiés à A______ par B______ par avis officiels du 23 mars 2021 pour le 30 septembre 2021 concernant les surfaces de bureaux situées au septième étage et les places de stationnement nos 1______ et 2______ au 1er sous-sol et n° 3______ au rez-de-chaussée de l'immeuble sis no. ______, rue 4______ à Genève, et a accordé à A______ une unique prolongation de bail d'un an et trois mois, échéant au 31 décembre 2022.

g.b Par arrêt ACJC/1071/2023 du 28 août 2023, la Cour de justice a confirmé ce jugement.

g.c. Par ordonnance rendue le 4 octobre 2023 dans la cause 4A_485/2023, le Tribunal fédéral a rejeté la demande d'effet suspensif formulée par A______ à l'appui de son recours, au motif que le recours apparaissait dénué de chances de succès.

g.d Par ordonnance du 26 janvier 2024, le Tribunal fédéral a pris acte du retrait du recours.

h. Par requête en cas clair reçue par le Tribunal le 27 octobre 2023, la bailleresse a introduit une action en évacuation à l'encontre de la locataire, avec exécution directe.

i. Lors de l'audience du 14 décembre 2023, A______ était absente. Selon la note du Tribunal figurant au procès-verbal, la locataire a adressé au Tribunal un certificat médical émanant du Dr D______ semblant identique au courrier d'excuse de la locataire, que le Tribunal a considéré être un certificat de complaisance. Cela étant, afin de respecter le droit d'être entendu de la locataire, le Tribunal a reconvoqué la cause le 11 janvier 2024.

j. Lors de l'audience du 11 janvier 2024, la locataire n'était ni présente, ni représentée, ni excusée. La cause a été reconvoquée le 25 janvier 2024.

k. Le 24 janvier 2024 à 22h45, A______ a adressé un courriel au Tribunal dans lequel elle a demandé la confirmation de la réception dudit courriel "et sa pièce jointe". Ladite pièce jointe est un courrier du 24 janvier 2024 de A______ comportant ce qui suit : "face à la dérive criminelle de la procédure mentionnée en titre (…), il conviendra d'attendre l'issue des différentes instructions et enquêtes et la suite qui lui sera donnée".

l. La locataire, bien que dûment convoquée, ne s'est pas présentée à l'audience du 25 janvier 2024.

B______ a persisté dans sa requête.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

m. Dans son jugement du 25 janvier 2024, le Tribunal a d'abord relevé que la locataire ne s'était présentée à aucune des trois audiences qui avaient eu lieu. La citation pour l'audience du 25 janvier 2024 lui avait été valablement notifiée le 12 janvier 2024. La locataire avait été défaillante à l'audience. En application de l'article 147 al. 2 CPC, la procédure suivait son cours nonobstant ce défaut.

Tant l'état de fait que la situation juridique étaient clairs. En effet, par jugement JTBL/448/2022 du 3 juin 2022, confirmé par arrêt de la Cour du 28 août 2023, le Tribunal avait déclaré valables les congés notifiés à A______ par B______ et avait accordé à A______ une unique prolongation de bail d'un an et trois mois, échéant au 31 décembre 2022.

Depuis la notification de l'ordonnance du Tribunal fédéral du 4 octobre 2023, A______ ne disposait plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux loués, le jugement du 3 juin 2022 étant exécutoire. En continuant à les occuper, elle violait l'article 267 al. 1 CO. Dès lors, l'évacuation de la locataire devait être prononcée. La bailleresse avait par ailleurs requis du Tribunal qu'il prononce également l'exécution de l'évacuation, ce à quoi il était fait droit.

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC; art. 319 let. a CPC).

1.2 Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle.

S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3, JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, pp. 69-70).

En l'espèce, il ressort des explications de la locataire qu'elle conteste la résiliation de son bail, invoquant une violation de l'art. 271a al. 1 let. e ch. 1 CO. Au vu du montant du loyer, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte en ce qui concerne le prononcé de l'évacuation. Il ne ressort en revanche pas de ses explications qu'elle contesterait de manière motivée l'exécution de son évacuation.

Improprement désigné comme recours, l'acte déposé sera traité comme un appel.

1.3
1.3.1 L’appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l’instance d’appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 CPC).

Pour satisfaire à son obligation de motivation de l'appel prévue à l'art. 311 al. 1 CPC, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée par une argumentation suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3). L'appelant doit tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner à simplement reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs (ATF 147 III 176 consid. 4.2.1; parmi plusieurs: arrêts du Tribunal fédéral 4A_462/2022 du 6 mars 2023 consid. 5.1.1, publié in RSPC 2023 p. 268; 5A_453/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3.1).

Le tribunal fixe un délai pour la rectification des actes illisibles, inconvenants, incompréhensibles ou prolixes (art. 132 al. 2 CPC).

1.3.2 L'appel a été déposé dans le délai prescrit.

Sa recevabilité au regard des exigences en matière de motivation est problématique. Cet acte est en effet particulièrement prolixe, confus et difficilement compréhensible. Il mêle des griefs d'ordres civil, pénal et constitutionnel. En outre, le recours consiste quasiment exclusivement en des reproches adressés aux membres du Tribunal et à l'avocat de l'intimée, qui sont accusés de s'être rendus coupables de "prévarication holistique et multistratifiée" ainsi que d'une multitude d'infractions pénales. Le recours ne comporte en revanche que de manière très marginale et indirecte une critique du jugement attaqué. L'appel sera donc examiné, au fond, dans la limite de sa faible recevabilité, en tant qu'il est formé par la locataire, D______, qui a également signé l'acte déposé devant la Cour, n'étant pas partie à la procédure.

De plus, l'acte d'appel, qui use d'un ton inutilement agressif et outrancier, recourant de surcroit à la menace, en "informant formellement" les juges de la Cour qu'ils seront poursuivis pénalement s'ils ne font pas droit aux conclusions prises, est inconvenant au sens de l'art. 132 al. 2 CPC. Au vu du sort de l'appel et afin de ne pas prolonger la procédure, il sera toutefois exceptionnellement renoncé à requérir de l'appelante de rectifier son acte, ce qui nécessiterait une reprise complète de l'acte déposé et le dépôt d'un acte qui serait totalement nouveau.

2. La recevabilité de l'appel doit encore être examinée sous un autre angle. En effet, à retenir que l'appelante n'a pas comparu devant le Tribunal, et ce sans être excusée selon ce dernier, les conclusions de l'appelante devant la Cour sont nouvelles. La recevabilité de telles conclusions est soumise à certaines conditions.

L'appelante conteste cependant l'affirmation du Tribunal selon laquelle elle ne se serait pas excusée lors de l'audience du 25 janvier 2024. Le procès-verbal avait été rédigé en son absence, ce qui relevait de la "forfaiture". Ayant été excusée, l'art. 147 CPC aurait été violé.

2.1 Il convient dès lors d'examiner si l'appelante était valablement excusée lors de l'audience du 25 janvier 2024.

L'intéressée invoque à cet égard un "certificat médical", daté du 24 janvier 2024, rédigé par le Dr D______ selon lequel elle souffrait d'indisposition médicale et était dans l'incapacité de se présenter à l'audience "de ce jour".

Ledit certificat ne figure pas à la procédure de première instance. Dans son courriel du 24 janvier 2024, l'appelante demandait d'ailleurs au Tribunal la confirmation de la réception de ce courriel "et sa pièce jointe", soit un courrier du 24 janvier 2024, lequel ne faisait pas état de l'incapacité de l'appelante à se présenter à l'audience du lendemain, mais demandait une suspension de la procédure, que le Tribunal n'a pas eu l'occasion d'examiner compte tenu de l'absence de l'appelante à l'audience du lendemain. Il n'est en revanche pas fait mention de plusieurs pièces jointes et en particulier pas d'un prétendu certificat médical daté du 24 janvier 2024.

En tout état de cause, même s'il fallait admettre que l'appelante avait joint à son courriel le certificat médical du 24 janvier 2024 produit devant la Cour, la valeur probante dudit certificat serait extrêmement faible. En effet, il a été rédigé par le Dr D______, qui partage les locaux litigieux avec l'appelante et qui est également signataire de l'appel. Il fait en outre mention d'une "indisposition médicale", soit un terme très vague qui ne permet pas de considérer que l'appelante n'aurait pas été en mesure de se présenter à l'audience devant le Tribunal.

Au surplus, même à admettre qu'une demande de report de l'audience pour des raisons médicales aurait été jointe au courriel du 24 janvier 2024, ce dernier ne respecterait pas la forme prescrite par l'art. 130 al. 1 et 2 CPC. En effet, les actes des parties adressés au tribunal sous forme de documents papier ou électroniques doivent être signés et, lorsqu'ils sont transmis par voie électronique, ils doivent être munis de la signature électronique qualifiée de l’expéditeur au sens de la loi du 18 mars 2016 sur la signature électronique. Or, le courriel du 24 janvier 2024 ne comportant pas de signature qualifiée, il ne respecte pas les conditions de forme prescrites et ne constituait donc pas une demande de report formellement valable. Le fait que le Tribunal a confirmé avoir reçu ce courriel, comme il le lui était demandé, ne signifie pas encore qu'il en admettait la validité au regard des règles du code de procédure civile.

Au vu de ce qui précède, c'est donc à bon droit que le Tribunal a considéré que l'appelante n'était pas valablement excusée à l'audience du 25 janvier 2024. En outre, dans la mesure où l'appelante invoque avoir été valablement excusée à cette audience au vu de son courriel adressé la veille au Tribunal, la question de la restitution de l'audience ne se pose pas; tel ne serait en effet le cas que si elle avait été empêchée d'agir avant l'audience.

2.2 Compte tenu de son absence, non excusée valablement, à l'audience du 25 janvier 2024, les conclusions que l'appelante prend pour la première fois devant la Cour doivent être qualifiées de nouvelles.

Selon l'art. 317 al. 2 CPC, la demande ne peut être modifiée que si les conditions fixées à l’art. 227, al. 1, sont remplies (let. a) et la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (let. b).

Ces conditions ne sont pas remplies dans la mesure où les conclusions nouvelles ne reposent pas sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux qui seraient recevables. Elles sont donc irrecevables.

Faute de conclusions recevables, l'appel est donc, en lui-même, irrecevable.

3. En tout état de cause, même s'il avait été recevable, l'appel n'aurait pas été fondé.

En effet, l'appelante perd de vue que le jugement attaqué statue uniquement sur la question de son évacuation et l'exécution de cette évacuation. La question de la résiliation du bail a fait l'objet d'une procédure distincte, qui a abouti à un jugement du Tribunal du 3 juin 2022 selon lequel les congés notifiés à l'appelante sont valables et qui a accordé à l'appelante une unique prolongation de bail d'un an et trois mois, échéant au 31 décembre 2022. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour du 28 août 2023 et le recours formé par la l'appelante au Tribunal fédéral contre cet arrêt a été retiré (comme l'a allégué l'intimée dans sa réponse à l'appel, ce qui constitue un fait qui doit être qualifié de notoire, cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_755/2022 du 20 février 2023, consid. 2.3). Il ne saurait donc être revenu dans le cadre de la présente procédure sur la question de la validité des congés notifiés à l'appelante, qui est désormais tranchée de manière définitive. L'invocation d'une prétendue violation de l'art. 271a let. e ch. 1 CO n'est donc pas pertinente dans le cadre de la présente procédure d'évacuation.

L'appelante invoque par ailleurs diverses dispositions de la Constitution fédérale, relatives à l'accès aux soins (art. 41 al. 2 let. b, 117, 118 al. 1 Cst.). Il est rappelé à cet égard que les rapports entre particuliers relèvent directement des seules lois civiles et pénales. C'est donc par celles-ci que l'individu est protégé contre les atteintes que d'autres sujets de droit privé pourraient porter à ses droits constitutionnels (ATF 143 I 217 consid. 5.2). L'appelante n'est dès lors pas fondée à se prévaloir directement, dans une cause relevant du droit du bail, des droits constitutionnels mentionnés, étant relevé, en tout état de cause, que la résiliation de son bail et son évacuation ne l'empêchent pas d'exercer la médecine dans d'autres locaux.

Enfin, l'appelante se plaint d'une violation de la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ; RS/GE E 2 05) par la juge H______ et par le "juge" C______, lesquels auraient en particulier violé leurs obligations découlant de leur serment de juge (art. 12 LOJ). La première n'a pas appartenu à la composition du Tribunal qui a rendu la décision attaquée, pas plus que le second qui, s'il est effectivement juge assesseur au Tribunal, est apparu dans la présente procédure en sa seule qualité d'avocat de l'intimée. En tout état, il sera relevé que le grief soulevé ne relève pas de la compétence de la juridiction d'appel, en tant qu'il est de nature disciplinaire.

Enfin, la demande de l'appelante tendant à ce qu'il lui soit alloué une somme de 26'000 fr. à titre de tort moral et dommages intérêts ou à ce que la cause soit suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur ses plaintes ne comporte aucune motivation dans l'appel déposé le 12 février 2024, de sorte qu'il ne sera pas entré en matière sur ces points.

4. L'intimée a conclu à la condamnation de l'appelante à une amende pour téméraire plaideur.

4.1 Aux termes de l'art. 128 al. 3 CPC, la partie ou son représentant qui usent de mauvaise foi ou de procédés téméraires sont punis d'une amende disciplinaire de 2'000 fr. au plus; l'amende est de 5'000 fr. au plus en cas de récidive. A titre de procédé téméraire, l'on peut citer le fait de bloquer une procédure en multipliant les recours abusifs ou de déposer un recours manifestement dénué de toutes chances de succès dont s'abstiendrait tout plaideur raisonnable et de bonne foi (Haldy, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 9 ad art. 128 CPC et les références citées).

4.2 Il sera en l'espèce renoncé à infliger une amende à l'appelante qui a certes déposé un appel qui paraissait d'entrée de cause objectivement dépourvu de toute chance de succès, ce qui semble toutefois lui avoir largement échappé au vu des explications confuses qu'elle a fournies à l'appui de l'acte qu'elle a déposé, et compte tenu de ce qu'il n'a exceptionnellement pas été requis d'expurger l'acte de ses développements inconvenants.

5. À teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


Déclare irrecevable l'appel interjeté le 12 février 2024 par A______ contre le jugement JTBL/106/2024 rendu le 25 janvier 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/22854/2023.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe FERRERO, Madame Sibel UZUN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.