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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/27037/2023

ACJC/745/2024 du 11.06.2024 sur JTBL/177/2024 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27037/2023 ACJC/745/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 11 JUIN 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], recourante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 15 février 2024,

 

et

B______ SA, sise ______ [ZH], intimée, représentée par Me David BENSIMON, avocat, Rhône Avocat.e.s SA, rue du Rhône 100, 1204 Genève.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/177/2024 du 15 février 2024, expédié pour notification aux parties le lendemain, le Tribunal des baux et loyers a condamné C______ et A______ à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec elles l'appartement de 4,5 pièces situé au 8ème étage de l'immeuble sis no. ______ chemin 1______ à Genève (ch. 1), autorisé B______ SA à requérir l'évacuation par la force publique des précitées dès l'entrée en force jugement (ch. 2), condamné celles-ci conjointement et solidairement à verser à B______ SA 4'656 fr. 25 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2024 (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4), et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

Le Tribunal, s'agissant du chiffre 2 du dispositif susmentionné, a retenu que A______ était au bénéfice d'une aide de l'Hospice général, qu'elle avait bénéficié d'un délai de plus de trois mois dès la fin du bail principal et utilisé à d'autres fins les montants qu'elle percevait de cette institution pour payer les indemnités, et qu'elle n'exposait pas de raisons à l'appui du délai humanitaire de sept mois qu'elle avait requis.

B.            Par acte du 22 février 2024 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre le chiffre 2 du dispositif de la décision précitée. Elle a conclu à l'annulation de celui-ci, cela fait à ce qu'un sursis humanitaire de sept mois lui soit octroyé.

A titre préalable, elle a requis la suspension du caractère exécutoire de ce point du jugement, ce qui a été rejeté par arrêt du 5 mars 2024 de la Cour.

B______ SA a conclu au rejet du recours.

Par avis du 8 avril 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants:

a. A une date indéterminée, A______ a pris en sous-location un appartement de 4,5 pièces situé au huitième étage de l'immeuble sis no. ______ chemin 1______ à Genève, dont la locataire était C______ et la bailleresse B______ SA.

Le loyer principal était de 1'126 fr. par mois, charges de 85 fr. en sus.

b. A l'initiative du curateur de la locataire principale, le bail a été résilié pour le
31 octobre 2023.

c. Par courrier du 26 octobre 2023, A______ (signant D______) a sollicité un délai d'un an pour restituer le logement, faisant valoir qu'elle était sous-locataire depuis 2015 et que la résiliation du bail principal la mettait dans une situation "catastrophique" puisqu'elle ne disposait pas d'une solution de relogement.

d. Le 12 décembre 2023, B______ SA a déposé au Tribunal une requête en évacuation, dirigée contre A______, "D______" et E______, avec exécution directe, ainsi qu'en paiement de 2'243 fr. 25 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 30 novembre 2023.

e. A l'audience du Tribunal du 15 février 2024, A______ a déclaré qu'elle avait porté "anciennement" le nom d'épouse D______. E______ avait vécu avec elle dans l'appartement, jusqu'en décembre 2021. Elle avait reçu de l'argent de l'Hospice général, qu'elle avait dépensé pour régler des dettes, de sorte qu'elle ne pouvait pas s'acquitter des indemnités courantes. Elle était inscrite auprès des Fondations de [la commune] F______. Elle n'a pas fait d'autres déclarations sur sa situation personnelle et a requis un sursis humanitaire de sept mois, sans explications.

Elle a déposé copie de son inscription, effectuée le 22 novembre 2023, auprès de la Fondation de G______ (G______).

B______ SA a retiré la requête en tant qu'elle était dirigée contre "D______" et contre E______. Elle a persisté dans ses conclusions pour le surplus, amplifiant sa prétention pécuniaire à 4'626 fr. 25. Elle s'est opposée à l'octroi d'un délai de départ.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 309 let. a CPC, le recours est recevable contre les décisions du Tribunal de l'exécution.

1.2 En l'espèce, la recourante conteste les mesures d'exécution prises par le Tribunal et a interjeté le recours en temps utile et selon les formes légales, de sorte que celui-ci est recevable (art. 309 et art. 321 al. 2 CPC).

2. La recourante fait valoir une violation par le Tribunal du principe de proportionnalité. Elle soutient qu'il n'aurait pas été tenu compte de ce qu'elle était sous-locataire depuis 2015 et qu'elle avait fait des efforts pour retrouver un logement, s'étant inscrite auprès de la Fondation G______.

2.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'évacuation d'un locataire est régie par le droit fédéral (art. 335 ss CPC).

En autorisant l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Dans le cas de l'évacuation d'une habitation, il s'agit d'éviter que des personnes concernées soient ainsi privées de tout abri. De ce fait, l'expulsion ne saurait être exécutée sans un ménagement particulier, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. Dans tous les cas, le sursis doit être relativement bref et ne doit pas équivaloir à une prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b p. 339; arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC prévoit également que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements n'est pas un motif d'octroi d'un sursis (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).

2.2 En l'espèce, la recourante n'a fait aucune déclaration au sujet de sa situation personnelle, en particulier sur son âge, sa situation de famille, ou son état de santé. Certes, étant au bénéfice de prestations de l'Hospice général, sa situation financière apparaît modeste, sans qu'aucune autre particularité ne puisse être mise en avant. Le fait qu'elle ait été, comme elle l'affirme, sous-locataire de l'appartement depuis 2015 et à jour dans ses paiements du sous-loyer, n'est pas établi, et est en tout état dépourvu de pertinence face à la bailleresse principale.

Il sera noté que l'écriture de la recourante est manifestement démarquée d'un recours formé dans une affaire tierce, puisqu'elle évoque notamment un nom qui n'est le sien, affirme qu'elle aurait un emploi, pas d'arriéré de loyer, "simplement omis de demander une prolongation du contrat de durée déterminée qu'elle n'avait pas signé", "deux enfants en bas âge dont il faut s'occuper en plus d'un emploi", soit autant de circonstances étrangères à la présente espèce. La casuistique de la Cour mise en regard des circonstances qui précèdent sera donc purement ignorée.

Comme l'a retenu le Tribunal, qui n'est pas critiqué sur ce point, la circonstance que les montants alloués par l'institution précitée aient été affectés à d'autres fins que celles pour lesquelles ils étaient consentis (indemnités en faveur de la bailleresse) ne plaide pas en faveur de la recourante. Celle-ci sait, au demeurant, depuis le 26 octobre 2023 à tout le moins qu'il lui appartient de quitter le logement; ses supposés efforts en vue de trouver à se reloger sont étiques, puisqu'ils ne consistent qu'en une inscription, opérée près d'un mois après la date susmentionnée, auprès d'une fondation. Enfin, de par la durée de la présente procédure, la recourante aura obtenu un délai de près de sept mois depuis octobre 2023.

Le grief de violation du principe de proportionnalité, adressé au Tribunal, est ainsi infondé.

Le recours sera dès lors rejeté.

3. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC; ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 24 février 2024 par A______ contre le jugement JTBL/177/2024 rendu le 15 février 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/27037/2023.

Au fond :

Rejette ce recours.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.