Skip to main content

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/6598/2022

ACJC/677/2024 du 29.05.2024 sur JTBL/269/2023 ( OBL ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6598/2022 ACJC/677/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 29 MAI 2024

 

Entre

 

FONDATION HBM A______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 31 mars 2021, p. a. et représentée par le SECRETARIAT DES FONDATIONS IMMOBILIERES DE DROIT PUBLIC, sis rue Gourgas 23bis, case postale 12, 1211 Genève 8,

 

et

 

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Mitra SOHRABI, avocate, Keppler Avocats, rue Ferdinand-Hodler 15, 1207 Genève.

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/269/2023 du 31 mars 2023, le Tribunal des baux et loyers a déclaré inefficace le congé extraordinaire notifié le 28 février 2022 pour le 30 avril 2022 à B______ concernant l'appartement de 2 pièces situé au rez-de chaussée de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à C______ [GE] (ch. 1 du dispositif), déclaré valable le congé ordinaire notifié au locataire le 28 février 2022 pour le 31 décembre 2022 (ch. 2), accordé à B______ une unique prolongation de son bail de trois ans et quatre mois, échéant au 30 avril 2026 (ch. 3), débouté la FONDATION HBM A______ de ses conclusions reconventionnelles en évacuation (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

En substance, les premiers juges ont considéré que les conditions cumulatives posées par l'art. 257f al. 3 CO n'étaient pas remplies, de sorte que le congé extraordinaire notifié par la bailleresse devait être déclaré inefficace. En revanche, la seconde résiliation, ordinaire, notifiée au locataire à titre subsidiaire devait être validée, faute pour ce dernier d'avoir démontré que le motif du congé contreviendrait aux règles de la bonne foi. S'agissant de la prolongation du bail, le Tribunal a retenu implicitement que les conditions de l'art. 272 CO étaient remplies et a octroyé au locataire une unique prolongation de bail de trois ans et quatre mois, relevant notamment que l'intérêt de la bailleresse à récupérer le logement ne présentait pas d'urgence particulière. Enfin, les premiers juges ont considéré que la requête en évacuation formée par la bailleresse était prématurée, aucun élément ne laissant présager que le locataire ne restituerait pas les locaux à la fin du contrat, raison pour laquelle la bailleresse a été déboutée de ses conclusions sur ce point.

B. a. Par acte d'appel du 16 mai 2023, la FONDATION HBM A______ (ci-après : la bailleresse) a formé appel contre ce jugement. En date du 17 mai 2023, elle a déposé un chargé de pièces à l'appui de son appel, dans lequel elle a produit une pièce nouvelle (courriel daté du 17 mai 2023) visant à démontrer que B______ continuait d'incommoder le voisinage. Elle a conclu principalement à l'annulation des chiffres 3 et 4 du dispositif du jugement querellé, à ce qu'aucune prolongation de bail ne soit octroyée et à ce que le précité soit immédiatement évacué de l'appartement, avec l'aide de la force publique. Subsidiairement, elle a conclu à ce que la durée de la prolongation du bail soit réduite de manière équitable.

b. Dans sa réponse à l'appel du 19 juin 2023, B______ (ci-après : le locataire) a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Par courrier du 6 juillet 2023, la bailleresse a répliqué, produisant deux pièces nouvelles et persistant dans ses conclusions pour le surplus.

d. Le locataire a produit à l'appui de sa duplique du 25 septembre 2023 plusieurs pièces complémentaires. Pour le surplus, il a persisté dans ses conclusions.

e. Les parties ont été avisées le 24 octobre 2023 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. La FONDATION HBM A______ est une entreprise de droit public dont le but est la construction, l'acquisition et l'exploitation d'immeubles et de logements destinés aux personnes à revenus modestes.

b. En date du 7 décembre 2009, les parties ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 2 pièces au rez-de-chaussée de l'immeuble sis no. ______, rue 1______ à C______ (GE).

Le contrat a été conclu pour une durée d'un an et quinze jours, du 15 décembre 2009 au 31 décembre 2010, renouvelable ensuite tacitement d'année en année.

Le loyer mensuel prévu par le contrat est de 349 fr., auquel s'ajoute une provision mensuelle pour charges de 100 fr, soit un total de 449 fr. par mois ou 5’388 fr. par an. 

L'immeuble est soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires (LGL) et à son règlement d'exécution. Il est classé dans la catégorie HBM. Il est géré par D______ (ci-après : la régie).

c. B______ souffre d'importants problèmes de santé. En raison de problèmes d'addictions, il est suivi depuis le mois de juin 2016 par la Fondation E______.

d. Au cours des années précédant la résiliation, B______ a fait l'objet de plusieurs doléances quant à son comportement au sein de l'immeuble sis no. ______, rue 1______. Ainsi, au cours du week-end du 11 et 12 novembre 2017, il a vidé tous les extincteurs de l'immeuble, ce qui lui a été reproché par la régie le 14 novembre 2017. B______ a pris en charge la facture relative au remplacement des extincteurs.

e. Une ancienne habitante du 2ème étage de l'immeuble concerné avait demandé à pouvoir changer d'appartement depuis décembre 2017 au motif que son fils présentait des crises d'angoisses et des troubles du sommeil à cause du comportement perturbé d'un voisin, qui l’intimidait et occasionnait des bruits importants. Il s'est par la suite avéré qu'il s'agissait de B______. L'habitante concernée a été relogée avec son fils au début de l'année 2022 dans un autre appartement.

f. Par courrier du 23 août 2021, F______, habitant au 5ème étage de l'immeuble concerné, s’est plaint du comportement de plusieurs locataires de l’immeuble, dont B______. Il a fait valoir que ce dernier avait notamment disposé des seringues sur le haut des portes du rez-de-chaussée et dans la boîte à journaux ; qu’il avait menacé son amie avec un couteau de cuisine, avec lequel il avait arpenté l'immeuble et avait fini par se blesser, saignant jusque sur le palier de sortie, avant de se jeter à travers sa fenêtre fermée. F______ mettait en évidence la nécessité de protéger les autres locataires de l’immeuble, en particulier les enfants, lesquels risqueraient de souffrir de problèmes psychiques du fait des perturbations constatées.

g. Par pli du 7 septembre 2021, la régie a informé B______ avoir reçu des réclamations des locataires de l'immeuble concernant son comportement inadéquat au sein de l'immeuble, créant un sentiment d'insécurité et portant notamment sur un va-et-vient récurrent dans son logement et dans l'immeuble et sur le fait qu'il se déplacerait dans les parties communes avec un couteau. Du sang aurait également été déversé sans même avoir été nettoyé. La régie a requis du locataire qu'il cesse ces agissements sans délai et lui a rappelé qu'il devait avoir un comportement respectueux envers le voisinage. Elle s'est pour le surplus référée aux obligations figurant dans les conditions générales, prévoyant notamment une interdiction de faire un usage excessif, de nuit comme de jour, d'appareils bruyants ou d'appareils à reproduire le son, d'incommoder d'une quelconque manière les voisins – toute musique et tout bruit susceptibles d'être perçus hors de l'appartement étant interdits entre 22h et 7h – et d'avoir en dépôt des marchandises ou objets dangereux, nuisibles à l'immeuble ou pouvant incommoder les voisins. B______ était informé qu'en cas de nouvelles plaintes, la régie serait amenée à prendre des mesures à son encontre pouvant aller jusqu'à la résiliation de son bail.

h. Le locataire a répondu à la régie le 20 septembre 2021 qu'il s'excusait pour ses comportements passés inadéquats, même si ces derniers étaient pour certains anciens ou exagérés, et s'est engagé à ce que cela ne se reproduise plus.

i. Le 6 février 2022, la police a été alertée au sujet d'un comportement dangereux émanant prétendument de B______, lequel se serait retranché, armé, dans son appartement. Elle est donc intervenue dans l'immeuble litigieux en déployant un important dispositif de sécurité aux abords immédiats de celui-ci, et ce pendant plusieurs heures. Considérant que l'intervention de la police était consécutive à une alerte donnée par son ex-compagne pour des faits qu'il n'avait pas commis, le locataire a déposé plainte contre cette dernière le même jour pour calomnie. Il a affirmé ne pas avoir été présent dans son appartement lors de cet incident. La facture relative à la réparation de sa porte palière, enfoncée par la police au cours de son intervention, a été finalement prise en charge par cette dernière.

j. Entre le 9 et le 10 février 2022, plus d'une dizaine d'habitants de l'immeuble se sont plaints à la régie de l'événement du 6 février 2022. Outre les nuisances et craintes ayant découlé de cet incident, les voisins ont également dénoncé l'état "second" dans lequel B______ se trouvait parfois, de même que les nuisances sonores et le climat anxiogène qu’il occasionnait.

k. Par avis de résiliation du 28 février 2022, la bailleresse a résilié le bail de façon anticipée pour le 30 avril 2022 sur la base de l'article 257f al. 3 CO. Par avis du même jour, elle a également résilié le bail de façon ordinaire pour le 31 décembre 2022.

l. A la demande du locataire, la bailleresse a motivé ces congés par le fait que le locataire avait manqué à son devoir de diligence par ses divers comportements, lesquels engendraient un sentiment d'insécurité dans l'immeuble et avaient déjà provoqué le départ de plusieurs familles avec enfants.

m. Par requête du 29 mars 2022, déclarée non conciliée à l'audience de la Commission de conciliation du 20 mai 2022 et portée devant le Tribunal des baux et loyers le 17 juin 2022, le locataire a conclu, principalement, à la nullité ou l'annulation des congés du 28 février 2022 donnés pour le 30 avril et le 31 décembre 2022 et, subsidiairement, à une prolongation de bail de quatre ans échéant le 30 avril 2026.

n. Dans sa réponse du 20 septembre 2022, la bailleresse a conclu à la validation des résiliations et, sur demande reconventionnelle, à l'évacuation du locataire du logement concerné, avec mesures d’exécution directe.

o. Dans sa réponse à la demande reconventionnelle, le locataire a conclu au déboutement de la bailleresse de sa demande en évacuation avec exécution directe, persistant dans ses conclusions pour le surplus.

p. Lors de l'audience du 13 décembre 2022, la bailleresse a produit un chargé de pièces complémentaire comprenant des courriels de plainte émanant de F______ et d'une autre habitante de l’immeuble, G______, datant des 29-30 octobre et 7 novembre 2022, faisant notamment état de nuisances sonores nocturnes provenant de l’appartement occupé par le locataire et du fait qu'il surveillerait les allées et venues de l'immeuble.

q. Par ordonnance du 21 décembre 2022, le Tribunal a refusé d'entendre les témoins sollicités par la bailleresse, considérant que la cause était en état d'être jugée. Le Tribunal a notamment retenu que le locataire n'avait pas contesté les allégués portant sur les accusations formulées par les voisins à son encontre en ce qu’ils visaient des comportements inappropriés au sein de l'immeuble.

r. Par courrier daté du 30 décembre 2022, envoyé le 4 janvier 2023 au Tribunal, B______ s'est déterminé en personne sur les pièces déposées par la bailleresse à l’audience du 13 décembre 2022. Il a contesté la véracité des plaintes formulées par F______ et G______ à son encontre, faisant valoir que le premier aurait pour unique intention de se débarrasser de lui en lui faisant perdre son logement, alors même qu’il entretenait de bons rapports avec la majorité de ses autres voisins. Il a également affirmé avoir déposé un dossier de demande de logement auprès de la Gérance immobilière municipale, sans pourtant produire de pièce à cet égard.

s. Lors de l'audience de plaidoiries finales du 14 mars 2023, les parties ont chacune déposé un chargé de pièces complémentaires, la bailleresse produisant deux courriels de plaintes émanant de F______, datés des 13 janvier et 10 mars 2023, tandis que le locataire a produit une décision du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant du 14 décembre 2022, laquelle constatait que la collaboration du locataire dans sa prise en soins auprès de la Fondation E______, garante de sa stabilité, et l'évolution favorable de sa situation, telle que rapportée par son curateur d'office, ne justifiaient pas, en l'état, l'instauration d'une curatelle en sa faveur. A l'issue de l'audience, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions et le Tribunal a gardé la cause à juger.

t. En date des 17 et 22 mai 2023, F______ a adressé de nouveaux courriels à la bailleresse, se plaignant du comportement de B______ qui aurait causé des déprédations dans les parties communes de l’immeuble et apeuré l’une de ses voisines. Une visite de la police y était en outre évoquée. Un autre locataire, H______, s’est également plaint du comportement de B______ par courriel du 8 juin 2023, indiquant que ce dernier constituait selon lui une menace pour tous les locataires. Une nouvelle mise en demeure a été adressée par la régie au locataire le 29 août 2023, relative à un évènement survenu le 30 juillet 2023 ayant une nouvelle fois nécessité l’intervention de la police.

u. Le 12 juillet 2023, la Gérance immobilière municipale a confirmé à B______ que sa demande de logement avait été reconduite jusqu’au 24 août 2024.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

1.2 En l'occurrence, la contestation du jugement porte uniquement sur la durée de la prolongation octroyée par le Tribunal, la décision de ce dernier d'admettre la validité du congé ordinaire notifié à l'intimé n'ayant pas été remise en question au stade de l'appel.

Dans ces cas, la valeur litigieuse correspond au loyer et aux provisions pour frais accessoires dus pour la durée de la prolongation restant à courir (arrêt du Tribunal fédéral 4C_201/2003 du 28 octobre 2003).

A la date du dépôt de l'appel, la durée restante de la prolongation – qui a été octroyée par le Tribunal jusqu'au 30 avril 2026 – était de deux ans et onze mois. Compte tenu du loyer mensuel (charges comprises) de 449 fr., la valeur litigieuse en appel s'élève à 15'715 fr. (449 x 35 mois) et dépasse donc le seuil prévu par l'art. 308 al. 2 CPC.

La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), contre une décision finale de première instance au sens de l'art. 308 al. 1 CPC. Il est ainsi recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit, mais uniquement dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4); en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.5 Dans la mesure où l'instance d'appel assure la continuation du procès de première instance, elle doit user du même type de procédure et des mêmes maximes que celles applicables devant la juridiction précédente (ATF 138 III 252 consid. 2.1; Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 6 ad art. 316 CPC). En l'espèce, la procédure simplifiée s'applique (art. 243 al. 2 let. c CPC), s'agissant d'une procédure relative à la prolongation du bail.

La maxime inquisitoire sociale régit la procédure (art. 247 al. 2 let. a CPC).

2. Tant l'appelante que l'intimé ont allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles dans le cadre de leurs écritures d'appel.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, op. cit., n. 6 ad art. 317 CPC).

2.2 Tant les allégués de fait que les pièces complémentaires dont les parties se prévalent en appel sont recevables, dans la mesure où ils sont postérieurs au 14 mars 2023, date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger. Ils seront donc pris en compte par la Cour de céans dans la mesure de leur pertinence.

3. L'appelante reproche à l'instance précédente d'avoir constaté les faits de manière incomplète en ne retenant pas l’ensemble des comportements reprochés à l’intimé et en ne constatant pas l’absence de recherches de logement par le précité. Elle remet également en cause l'appréciation opérée par le Tribunal ayant conduit à l'octroi d'une (longue) prolongation de bail en faveur de l'intimé, reprochant aux premiers juges d'avoir mésusé de leur pouvoir d'appréciation tel qu'il ressort de l'art. 272 al. 2 CO et, partant, d'avoir violé l'art. 4 CC.

3.1 Selon l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation d'un bail de durée déterminée ou indéterminée lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient. Pour trancher la question, le juge doit procéder à une pesée des intérêts en présence, en prenant en considération notamment les critères énumérés à l'al. 2 de cette disposition. Lorsqu'il s'agit d'un logement, la durée maximale de la prolongation est de quatre ans ; dans cette limite, le juge peut accorder une ou deux prolongations (art. 272b al. 1 CO).

Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée.

Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but de la prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux de remplacement (ATF 142 III 336 consid. 5.3.2 p. 345; 125 III 226 consid. 4b p. 230) ou à tout le moins pour adoucir les conséquences pénibles résultant d'une extinction du contrat (ATF 142 III 336 consid. 5.3.1 p. 344; 116 II 446 consid. 3b p. 448). Il lui incombe de prendre en considération tous les éléments du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, de même que la situation sur le marché locatif local (ATF
142 III 336 consid. 5.3.2 p. 345; 125 III 226 consid. 4b p. 230). Il peut tenir compte du délai qui s'est écoulé entre le moment de la résiliation et celui où elle devait prendre effet, ainsi que du fait que le locataire n'a pas entrepris de démarches sérieuses pour trouver une solution de remplacement (ATF 125 III 226 consid. 4c p. 230; arrêt du Tribunal fédéral 4A_459/2020 du 15 décembre 2020 consid. 4.1). Le choix entre une ou deux prolongations doit permettre au juge de choisir la solution la plus adaptée aux circonstances ; il peut donc, dans la pesée des intérêts des deux parties, décider d'accorder une première prolongation du bail ou une prolongation définitive et, cas échéant, en fixer la durée. Il n'y a pas de priorité de l'une de ces solutions par rapport à l'autre (arrêt du Tribunal fédéral 4A_459/2020 précité consid. 4.1 et les arrêts cités).

La doctrine reconnaît que le juge peut tenir compte du comportement des parties non seulement avant mais aussi après la résiliation pour déterminer la durée de la prolongation de bail (Lachat Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 1006 et les références citées).

Les exigences de motivation des décisions en équité sont élevées. Le juge doit motiver son choix et exposer dans son jugement les motifs qui ont emporté sa conviction (arrêt du Tribunal fédéral 4A_386/2014 du 11 novembre 2014, consid. 4.3.1).

3.2 En l’espèce, après avoir déclaré inefficace le congé extraordinaire notifié pour le 30 avril 2022 et admis la validité du congé ordinaire notifié pour le 31 décembre 2022, le Tribunal a octroyé au locataire une unique prolongation de bail de trois ans et quatre mois, soit jusqu'au 30 avril 2026.

A l'appui de leur décision, les premiers juges ont retenu que le locataire occupait l’appartement depuis 2009 et que ses problèmes de santé étaient de nature à rendre plus difficile la recherche d'un appartement de remplacement, qui plus est au loyer modeste, ce d'autant plus considérant le contexte de pénurie sévissant à Genève. Les premiers juges se sont également fondés sur la décision du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant du 14 décembre 2022, laquelle faisait référence au suivi de l’intimé par la Fondation E______ et retenait une évolution favorable de sa situation.

Il y a lieu de reconnaître avec l'appelante que les premiers juges ont passé sous silence les intérêts de la bailleresse dans le cadre de la fixation de la durée de la prolongation de bail. Alors que le jugement querellé retient l'existence d'un comportement inadéquat du locataire justifiant que soit admise la validité du congé ordinaire notifié par la bailleresse, cette circonstance n’a pourtant pas été prise en compte dans la pesée des intérêts opérée.

L’argument de l’intimé selon lequel il n’aurait pas réellement admis les manquements qui lui étaient reprochés tombe à faux, dès lors qu’une telle admission ressort expressément de son courrier du 20 septembre 2021. Il doit également se laisser opposer le fait qu’il a choisi de ne pas lui-même attaquer le jugement querellé, renonçant ainsi à contester la validation du congé admise par le Tribunal sur la base de ce motif.

S’agissant des courriers de plaintes émanant des locataires de l’immeuble, transmis à la régie entre le 9 et le 10 février 2022, la Cour retiendra au demeurant que, si les évènements du 6 février 2022 ont manifestement suscité l’exaspération de ces derniers et motivé l’envoi de tels courriers, ceux-ci ne dénoncent pas uniquement les événements en question mais également des nuisances plus générales découlant du comportement inadéquat de l’intimé, en particulier les nombreuses interventions policières engendrées par ce dernier dans l’immeuble. De telles plaintes ont été réitérées, par plusieurs voisins, postérieurement à la notification du congé. Les pièces produites en appel par la bailleresse tendent par ailleurs à démontrer que le comportement de l’intimé continue d’incommoder régulièrement certains autres locataires et d’entraver la bonne gestion de l’immeuble.

Il apparaît donc que le Tribunal n’a pas adéquatement pris en compte tous les intérêts en présence dans sa décision d’octroyer une prolongation de bail de trois ans et quatre mois à l’intimé. En particulier, il n’a pas tenu compte des nuisances subies par les autres locataires de l’immeuble, qui sont à mettre en balance avec l’intérêt de l’intimé à rester dans le logement.

S’agissant des recherches de logement entreprises par l’intimé, attestées en appel, il convient de constater, comme le relève l’appelante, qu’elles ont été très limitées. Toutefois, il y a lieu de tenir compte du fait que le relogement de l’intimé sera probablement rendu plus difficile en raison de sa situation financière précaire et de ses problèmes de santé.

Dans ces circonstances, la Cour de céans estime que la durée de la prolongation octroyée par le Tribunal est excessive. Elle sera ainsi ramenée à un an et demi.

Partant, le jugement attaqué sera modifié en ce sens qu’une unique prolongation de bail d’une durée d'un an et demi, expirant le 30 juin 2024, sera octroyée au locataire.

3.3 Au vu de la solution retenue et des conclusions subsidiaires de l’appelante, il n’y a pas lieu d’examiner la question de l’évacuation du locataire.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 16 mai 2023 par la FONDATION HBM A______ contre le jugement JTBL/269/2023 rendu le 31 mars 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/6598/2022.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau:

Accorde à B______ une unique prolongation de bail d'une année et demi, échéant le 30 juin 2024.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Cosima TRABICHET-CASTAN, Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.