Skip to main content

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/23926/2022

ACJC/386/2024 du 22.03.2024 sur JTBL/827/2023 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23926/2022 ACJC/386/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU VENDREDI 22 MARS 2024

 

Entre

1) A______ SARL, sise c/o B______ SA, ______ [GE],
2) C______ SA, sise ______ [GE],
3) Madame D______,
p.a. [régie immobilière] E______ SA, ______ [GE], recourantes contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 10 octobre 2023, tous trois représentées par Me Pascal PETROZ, avocat, rue du Mont-Blanc 3, 1201 Genève,

et

1)F______ SARL, sise ______ [GE],
2) Monsieur G______, domiciliée ______ [GE], intimés, tous deux représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6.

 


EN FAIT

A.                Par jugement JTBL/827/2023 du 10 octobre 2023, expédié pour notification aux parties le lendemain, le Tribunal des baux et loyers a ordonné l'exécution de la transaction judiciaire du 16 décembre 2019 (ch. 1), ordonné en conséquence l'exécution des travaux suivants dans les locaux occupés par F______ Sàrl et G______ au no. ______ rue 1______: pose de nouveaux joints à écrasement sur le pourtour de la porte du local poubelles et des portes attenantes donnant sur le local poubelle, changement des fenêtres et cadres et pose d'un double vitrage de toutes les portes et vitrines de l'arcade y compris le vitrage donnant sur la cour intérieure en conformité avec les exigences de la CMNS (ch. 2), imparti à A______ Sàrl, C______ SA et D______ un ultime délai de six mois dès la notification du jugement pour s'exécuter (ch. 3), condamné les précités à une amende d'ordre de 50 fr. par jour pour chaque jour d'inexécution dès l'échéance du délai imparti sous chiffre 3 (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5), et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

B.                Par acte du 24 octobre 2023 à la Cour de justice, A______ Sàrl, C______ SA et D______ ont formé recours contre le jugement susmentionné. Ils ont conclu à l'annulation de celui-ci et, cela fait, à l'irrecevabilité de la requête de F______ Sàrl et G______.

Ces derniers ont conclu au rejet du recours, avec suite de frais.

Par avis de la Cour du 27 novembre 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.                Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants:

a. Le 28 octobre 2019, F______ SA et G______ ont saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une requête en validation de consignation de loyer, en exécution de travaux et en réduction de loyer (enregistrée sous n° C/2______/2019), dirigée contre A______ Sàrl, C______ SA et D______.

b. A l'audience de la Commission de conciliation du 16 décembre 2019, les parties sont convenues de l'accord suivant: "Les bailleresses s'engagent à effectuer les travaux suivants dans les locaux situés rue 1______ no. ______ à Genève: pose de nouveaux joints à écrasement sur le pourtour de la porte du local poubelle et des portes attenantes du couloir donnant sur le local poubelle, changement des fenêtres et cadres et pose d'un double vitrage de toutes les portes et vitrines de l'arcade y compris le vitrage donnant sur la cour intérieure en conformité avec les exigences de la CMNS d'ici au 30 avril 2020. S'il devait y avoir un problème de délai dans l'octroi du préavis de la CMNS, ce retard ne serait pas imputable aux bailleresses. Moyennant bonne et fidèle exécution de ce qui précède, les locataires renoncent à une réduction de loyer en lien avec les faits exposés dans leur demande du 28 octobre 2019. Les bailleurs renoncent à augmenter le loyer en lien avec les faits exposés dans leur demande du 28 octobre 2019. Le loyer sera réduit de 100% durant les travaux d'installation des fenêtres susvisées si ceux-ci impliquent la fermeture du magasin. Les bailleurs s'engagent à transmettre aux locataires au plus tard 30 jours à l'avance, le planning des travaux susmentionnés. Les locataires s'engagent à procéder à la déconsignation des loyers d'ici au 31 décembre 2019".

c. Le 23 novembre 2022, F______ SA et G______ ont déposé au Tribunal une requête par laquelle ils ont conclu à ce que soit constaté le caractère exécutoire de l'accord du 16 décembre 2019 par lequel "la bailleresse" s'engageait à effectuer les interventions suivantes: pose de nouveaux joints à écrasement sur le pourtour de la porte du local poubelles et des portes attenantes du couloir donnant sur le local poubelles; changement des fenêtres et cadres et pose d'un double vitrage de toutes les portes et vitrines de l'arcade y compris le vitrage donnant sur la cour intérieure, en conformité avec les exigences de la CMNS, à ce que "la partie bailleresse" soit menacée de la peine prévue par l'art. 292 CP en cas d'inexécution, et condamnée à une astreinte de 500 fr. par jour de retard dans l'exécution des travaux précités dès le premier jour consécutif à la réception du jugement condamnatoire.

Ils ont allégué avoir déconsigné les loyers. Ils ont démontré avoir relancé sans succès à plusieurs reprises (10 août et 25 septembre 2020, 2 août 2021, 21 septembre et 2 novembre 2022) A______ Sàrl, C______ SA et D______ s'agissant de l'exécution de l'accord précité.

d. A l'audience du Tribunal du 7 mars 2023, A______ Sàrl, C______ SA et D______ ont conclu au rejet de la requête. Ils ont allégué qu'ils avaient connu du retard en raison de la situation liée à la pandémie de COVID-19, puis avaient saisi la CMNS, comme le démontrait un échange de courriels des 4 juillet et 2 août 2022 qu'ils ont produit.

Il résulte du premier de ces messages que la régie en charge de l'immeuble concerné a adressé un dossier de photographies des vitrines dont le remplacement était projeté et a sollicité un rendez-vous. Selon un autre échange de courriels produit, le rendez-vous a été finalement fixé au 11 janvier 2023.

A encore été produit la liste des ensembles maintenus dans la commune de Genève au sens des art. 89 à 93 LCI établie par le service de l'inventaire des monuments d'art et d'histoire (comportant l'immeuble sis no. ______ rue 1______), et un devis portant sur le remplacement des vitrines, daté du 6 septembre 2022.

A l'issue de cette audience, le Tribunal a reconvoqué la cause, A______ Sàrl, C______ SA et D______ étant invitées à déposer tous les documents dont elles disposaient en lien avec les démarches en cours auprès de la CMNS.

e. A l'audience du Tribunal du 23 mai 2023, A______ Sàrl C______ SA et D______ ont déposé une pièce nouvelle, à savoir un échange de correspondance avec la CMNS, initié le 10 mai 2023 par un message des précitées transmettant des offres, auquel il a été répondu par un courriel de celle-ci, daté du 20 mai 2023, comportant le passage suivant: "Pour être tout à fait clair, les propositions ne conviennent pas. Au vu de la situation et du diagnostic des vitrines (transmis […le] 5 octobre 2020, nous attendons la conservation des serrureries d'origine du côté rue. Evidemment une adaptation avec verres isolants reste envisageable […]. La situation du côté cour […] reste à déterminer. Merci de considérer ce qui précède et, surtout, de ne rien entreprendre sans l'accord de notre service et/ou du département".

Ensuite, les parties ont plaidé. Les premières ont persisté dans leurs conclusions, les secondes ont conclu principalement au déboutement de toutes les conclusions de la requête, subsidiairement à ce qu'aucune astreinte ou menace de la peine prévue à l'art. 292 CP ne soit ordonnée.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger à compter du 6 juin 2023.

EN DROIT

1. Seule la voie du recours est ouverte contre l'exécution d'un jugement d'évacuation (art. 309 let. a CPC et 319 let. a CPC).

Le recours, écrit et motivé, doit être déposé dans un délai de 10 jours à compter de sa notification (art. 321 al. 1 et 2 CPC), le Tribunal ayant rendu sa décision en procédure sommaire (art. 257 al. 2 CPC).

Le recours a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 221 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

2. Les recourantes soutiennent, pour la première fois devant la Cour, que la requête en exécution de la transaction relèverait de la compétence du juge de l'exécution, soit le Tribunal de première instance, et non de celle du Tribunal des baux et loyers.

2.1 Le Tribunal de première instance est compétent pour tous les actes de la juridiction civile contentieuse ou non contentieuse que la loi n’attribue pas à une autre autorité judiciaire ou administrative (art. 86 al. 1 LOJ). Il exerce notamment, sauf si la loi désigne une autre autorité, les compétences que le CPC attribue à au tribunal de l'exécution (art. 86 al. 2 let. c LOJ).

Selon l’art. 89 al. 2 LOJ, le Tribunal des baux et loyers exerce les compétences que le CPC attribue au tribunal de l’exécution, pour les jugements ordonnant l’évacuation d’un locataire rendus par le Tribunal des baux et loyers et par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice.

La Cour, dans son arrêt ACJC 553/2012 du 23 avril 2012, a retenu que le législateur n’entendait pas confier au Tribunal de première instance la compétence d’exécuter les procès-verbaux d’évacuation signés devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, et que s’il s’en était rendu compte, il aurait en toute vraisemblance précisé à l’art. 89 al. 2 LOJ que le Tribunal des baux et loyers était compétent pour exécuter ces procès-verbaux. Une interprétation littérale des art. 86 al. 1 et 2 et 89 al. 2 LOJ n'aurait en effet pas reflété la volonté réelle du législateur.

De l'avis de LACHAT (Procédure civile en matière de baux et loyers, édition 2019, n. 3.2), le législateur n'a mentionné expressément, à l'art. 89 al. 2 LOJ, que l'exécution des jugements d'évacuation, en raison d'un oubli, alors qu'il peut y avoir d'autres cas de mesures d'exécution en matière de baux.

2.2 En l'occurrence, l'exécution de la décision requise ne relève pas d'une évacuation d'un logement; elle concerne des travaux à réaliser dans un local commercial.

La lettre de la loi commanderait donc que la compétence pour statuer sur cette requête d'exécution indirecte appartienne au Tribunal de première instance.

Cependant, la Cour a déjà eu l'occasion de statuer dans le sens d'une interprétation large de la compétence des juridictions de baux et loyers (cf. ACJC/646/2019 du 6 mai 2019 au sujet des litiges relatifs aux baux et loyers opposant un bailleur principal à un sous-locataire, en particulier restitution des locaux, évacuation, exécution de l'évacuation, demande en paiement d'une indemnité pour occupation illicite).

La sécurité du droit la conduit à retenir également une interprétation large en matière d'exécution indirecte relevant de la relation contractuelle du bail.

Il existe manifestement, en effet, des avantages à ce que la juridiction spécialisée examine une requête d'exécution d'une décision rendue par elle; aucun argument concret ne plaide en revanche en faveur d'une compétence – qui ne serait que marginale – réservée au Tribunal de première instance. La Cour fait ainsi sienne l'opinion de LACHAT, selon laquelle le législateur, s'il avait envisagé le cas, en aurait fait mention à l'art. 89 al. 2 LOJ.

Dès lors, le Tribunal était compétent pour connaître de la requête en exécution qui lui était soumise.

Le grief des recourantes est ainsi infondé.

3. Les recourantes reprochent au Tribunal de ne pas avoir retenu, en fait, qu'ils avaient obtenu un devis le 6 septembre 2022.

Ce fait ressort en effet des pièces qu'elles ont produites; il n'est au demeurant pas contesté.

L'état de fait dressé ci-dessus en fait ainsi mention.

4. Les recourantes font grief au Tribunal d'avoir méconnu que la transaction dont l'exécution était requise comportait une prestation conditionnelle, dont la condition n'était pas réalisée, et d'avoir partant violé l'art. 342 CPC.

4.1 Les décisions et les transactions judiciaires qui leur sont assimilées sont exécutées conformément aux dispositions du chapitre 10 du CPC (art. 335 à 346), si elles ne portent pas sur le paiement d'une somme d'argent ou la fourniture de sûretés (art. 335 al. 2 CPC). S'il n'est pas possible d'exécuter directement la décision, une requête d'exécution doit être déposée auprès du tribunal d'exécution (art. 338 CPC). Le tribunal statue d'office sur la force exécutoire en procédure sommaire (art. 339 al. 2 CPC) et après avoir entendu la partie adverse (art. 341 CPC).

L'art. 342 CPC dispose que les décisions prévoyant une prestation conditionnelle ou subordonnée à une contre-prestation ne peuvent être exécutées que lorsque le tribunal de l'exécution constate que la condition est remplie ou que la contre-prestation a été régulièrement offerte, exécutée ou garantie.

Dans la procédure d'exécution, le débiteur de la prestation ne peut soulever des objections contre l'exécution que de manière très limitée. D'une part, il peut soulever des objections formelles, notamment contre la force exécutoire en tant que telle (cf. art. 336 CPC), ou des objections procédurales qui sont en rapport avec la procédure d'exécution. D'autre part, il peut soulever des objections de droit matériel - telles que notamment l'extinction, le sursis, la prescription ou la péremption de la prestation due -, mais uniquement dans la mesure où celles-ci reposent sur des faits qui ne sont survenus que depuis la notification de la décision (vrais nova) (art. 341 al. 3 CPC; ATF 145 III 255 consid. 5.5.2). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'art. 81 LP, à laquelle on peut se référer, la procédure sommaire d'exécution ne tend pas à statuer sur des questions délicates de droit matériel ou sur d'autres dans lesquelles le pouvoir d'appréciation du tribunal joue un rôle important (cf. ATF 136 III 624 consid. 4.2.3; 124 III 501 consid. 3a;
115 III 97 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_432/2019 du 13 décembre 2019 consid. 3.3.2, publié in RSPC 2020 p. 249).

4.2 En l'espèce, il est constant que les parties ont conclu un procès-verbal de transaction valant jugement exécutoire.

Selon le texte de l'accord, les recourantes se sont engagées à effectuer des travaux, d'une part la pose de joints – qui ne fait l'objet d'aucun développement par les parties -, d'autre part le changement des vitrines d'une façon conforme aux exigences de la CMNS, les travaux devant être effectués au 30 avril 2020. Contrairement à l'avis des recourantes, il n'y a pas là de prestation conditionnelle qui entraînerait l'application de l'art. 342 CPC.

Pour le surplus, il n'appartient pas au Tribunal de l'exécution d'examiner si, au moment où l'accord a été pris, il était exécutable dans le laps de temps arrêté, eu égard à la nécessaire procédure d'agrément auprès de la CMNS, ni comment la réserve exprimée en terme de responsabilité au sujet du "problème de délai dans l'octroi du préavis de la CMNS" pourrait être interprétée.

Pour s'opposer à l'exécution requise, les recourantes ne sont admises, en application de l'art. 341 al. 3 CPC, à invoquer que des faits, tels l'extinction, le sursis, la prescription ou la péremption, intervenus postérieurement à la transaction valant jugement exécutoire.

En l'occurrence, elles se sont prévalues des suspensions de travaux de chantier dues à la situation de pandémie (intervenues dès le 20 mars 2020, pour quelque semaines), ainsi que de ce que, en dépit de leurs démarches, elles n'étaient pas parvenues à réaliser des travaux agréés par la CMNS.

Ces motifs ne relèvent pas de ceux visés à l'art. 341 al. 3 CPC, ni ne s'y apparentent.

Ils sont donc dépourvus de pertinence, au regard de la disposition précitée, si bien que le Tribunal a, à raison, ordonné l'exécution requise.

Le recours ne comporte aucun grief, même formulé à titre subsidiaire, en relation avec l'amende de 50 fr. par jour d'inexécution, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter davantage à ce point.

Il s'ensuit que le recours sera rejeté.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

Rien en l'espèce ne commande de s'écarter de ce principe, contrairement à l'avis des intimés.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 23 octobre 2023 par A______ SARL, C______ SA et D______ contre le jugement JTBL/827/2023 rendu le 10 octobre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/23926/2022.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, Monsieur Damien TOURNAIRE juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.