Décisions | Chambre des baux et loyers
ACJC/543/2022 du 19.04.2022 sur JTBL/871/2021 ( OBL ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
rpublique et | canton de genve | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/206/2021 ACJC/543/2022 ARRæT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des baux et loyers DU MARDI 19 AVRIL 2022 |
Entre
Monsieur A______, p.a. B______, ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 22 octobre 2021, comparant par Me Christian LUSCHER, avocat, rue Bovy-Lysberg 2, case postale, 1211 Genve 3, en l'tude duquel il fait lection de domicile,
et
Madame C______ et Monsieur D______, domicilis chemin ______, intims, reprsents tous deux par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genve 6, en les bureaux de laquelle ils font lection de domicile.
A. Par jugement JTBL/871/2021 du 22 octobre 2021, expdi par pli recommand le 25 octobre 2021, le Tribunal des baux et loyers a, sur incident d'irrecevabilit, principalement dclar recevable la demande forme le 6 janvier 2021 par D______ et C______ l'encontre de A______ (ch. 1 du dispositif), suspendu la procdure jusqu' droit jug sur la question du loyer maximal autoris par les autorits administratives comptentes (ch. 2), dbout les parties de toutes autres conclusions (ch. 2, recte : 3) et dit que la procdure tait gratuite (ch. 3, recte : 4).
En substance, les premiers juges ont considr que le litige portait sur une question distincte (soit le loyer du 1er dcembre 2015 au 30 novembre 2020) de celle faisant l'objet d'une transaction judiciaire entre en force (soit le loyer compter du 1er dcembre 2020), de sorte qu'il ne se heurtait pas l'exception de force juge. La requte tait ds lors recevable. Dans la mesure o une dcision venir en matire de fixation du loyer sur la base de la LDTR tait dcisive pour l'issue du litige, il se justifiait de suspendre la procdure jusqu' droit jug sur cette question.
B. a. Par acte dpos le 17 novembre 2021 la Cour de justice, A______ forme appel contre ce jugement, dont il sollicite l'annulation. Il conclut ce que la Cour, ceci fait, dclare irrecevable la demande en fixation judiciaire du loyer dpose par D______ et C______. Pralablement, il requiert une comparution personnelle des parties.
b. Dans leur rponse du 20 dcembre 2021, D______ et C______ ont conclu au dboutement de A______.
c. Par courrier du 11 janvier 2022, A______ a renonc rpliquer et a persist dans les termes de son appel.
d. Les parties ont t avises le 11 janvier 2022 par le greffe de la Cour de ce que la cause tait garde juger.
C. Les faits pertinents suivants rsultent de la procdure :
a. C______ et D______ sont tous deux locataires d'un appartement de six pices situ au rez-de-chausse de l'immeuble sis chemin 1______ E______ depuis le 1er dcembre 2015. L'appartement est proprit de A______.
b. A teneur du contrat de bail prcit, le loyer mensuel net tait initialement fix 2'300 fr., provision pour charges d'eau chaude et de chauffage de 200 fr. mensuels en sus.
c. Le 30 novembre 2020, les parties ont sign un procs-verbal de conciliation, suite la saisine, le 2 octobre 2020, par C______ et D______, de la Commission de conciliation en matire de baux et loyers, d'une demande de baisse de loyer fonde principalement sur la mthode absolue, subsidiairement sur des critres relatifs (cause C/2______/2020).
A teneur de cette transaction judiciaire, le loyer net de l'appartement prcit a t fix au montant de 2'200 fr. par mois compter du 1er dcembre 2020.
Cette transaction judiciaire n'a pas t remise en cause par-devant les instances judiciaires.
d. Par requte forme auprs de la Commission de conciliation en matire de baux et loyers en date du 6 janvier 2021, dclare non concilie le 8 mars 2021 et introduite par-devant le Tribunal le 18 mars suivant, C______ et D______ ont agi en fixation judiciaire de loyer, concluant ce que celui-ci soit initialement fix la somme de 20'430 fr. par an, hors charges, compter du 1er dcembre 2015.
Les locataires se prvalent en substance de la nullit du loyer fix leur entre dans les locaux du fait que, selon eux, des travaux de rnovation complte auraient t entrepris dans l'appartement sans que A______ ne sollicitt d'autorisation en bonne et due forme en la matire auprs du dpartement comptent.
e. Ensuite de la conclusion principale forme en premier lieu par A______ dans sa rponse du 16 avril 2021 et visant ce que le Tribunal dclare la demande irrecevable faute pour celle-ci de remplir les conditions de l'article 59 al. 2 let. e CPC et de se conformer au principe Ç ne bis in idem È consacr par cette disposition, le Tribunal a limit la procdure cette question par ordonnance du 19 avril 2021 et imparti un dlai C______ et D______ pour le dpt de leurs dterminations crites cet gard.
f. Par acte du 19 mai 2021, ces derniers ont requis la suspension de la procdure, motif pris de la dnonciation par leurs soins, les 18 et 25 mars 2021 auprs du Dpartement du territoire (DT), des travaux de rnovation entrepris selon eux sans autorisation dans l'appartement litigieux par A______. Dans leurs critures, C______ et D______ exposent que, dans le cadre de leur reprsentation par F______ SA (ci-aprs Ç F______ È) s'agissant de la cause C/2______/2020, celle-ci leur avait indiqu postrieurement la conclusion de la transaction judiciaire du 30 novembre 2020 que le montant du loyer initial tait probablement nul. A leurs dires, la question du montant du loyer concernant la priode antrieure au 1er dcembre 2020 n'avait ainsi jamais t discute.
g. Dans leurs dterminations subsquentes du 21 mai 2021, C______ et D______ ont conclu la recevabilit de la demande tout en sollicitant du Tribunal qu'il se prononce en premier lieu sur leur requte de suspension pralable. Ils ont argu ce faisant de la diffrence d'objet du litige entre la cause C/2______/2020 et la prsente procdure, notamment du fait que les priodes vises par les demandes ne sont pas les mmes, celles-ci concernant des dates postrieures, respectivement antrieures, au 1er dcembre 2020, date de la prise d'effet de la transaction judiciaire.
h. Par critures des 28 mai et 7 juin 2021, A______ s'est oppos la suspension de la procdure et a persist dans ses conclusions en irrecevabilit.
i. C______ et D______ ont rpliqu les 7 et 18 juin 2021.
j. Le 2 juillet 2021, le Tribunal a gard la cause juger sur les questions de la suspension et de la recevabilit de la demande.
1. 1.1 La dcision attaque est une dcision incidente de premire instance laquelle peut faire l'objet d'un recours immdiat (art. 237 al. 2 CPC).
Selon la jurisprudence constante du Tribunal fdral, les contestations portant sur l'usage d'une chose loue sont de nature pcuniaire (arrt du Tribunal fdral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).
L'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier tat des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 lit. a et al. 2 CPC).
En l'espce, les intims ont conclu la fixation initiale du loyer 20'430 fr. par an et la restitution du trop-peru d'un montant de 35'850 fr. La valeur litigieuse est ainsi suprieure 10'000 fr. La voie de l'appel est ouverte.
1.2 L'appel a t interjet dans le dlai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.
1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; Hohl, Procdure civile, tome II, 2me d., Berne, 2010, n. 2314 et 2416; Retornaz in : Procdure civile suisse, Les grands thmes pour les praticiens, Neuchtel, 2010, p. 349 ss, n. 121).
1.4 Selon l'art. 243 al. 2 let. c CPC, la procdure simplifie s'applique aux litiges portant sur des baux loyer d'habitations et de locaux commerciaux en ce qui concerne la consignation du loyer, la protection contre les loyers abusifs, la protection contre les congs ou la prolongation du bail. La maxime inquisitoire sociale rgit la procdure (art. 247 al. 2 let. a CPC).
2. L'appelant sollicite tout d'abord l'audition des parties par la Cour.
2.1 Aux termes de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel doit tre motiv.
2.2 En l'espce, l'appelant n'a pas expos pour quelle raison l'audition des parties devrait tre ordonne dans le cadre de l'appel. Il en dcoule que l'appel, rdig par un avocat, ne remplit pas les exigences de motivation sur ce point et qu'il ne peut tre donn suite cette conclusion qui est ainsi irrecevable (ACJC/1359/2016 consid 2.3).
3. L'appelant reproche ensuite au Tribunal d'avoir considr que la requte ne se heurtait pas l'autorit de chose juge et tait recevable. Il soutient en effet que l'identit des parties et des prtentions, attaches au mme immeuble, permet de conclure que la transaction judiciaire couvrait galement le montant du loyer pour la priode antrieure au 1er dcembre 2020.
3.1 Aux termes de l'art. 59 al. 1 et 2 let. e CPC, le juge n'entre en matire que sur les demandes et les requtes qui satisfont aux conditions de recevabilit de l'action, parmi lesquelles figure l'exigence que le litige ne fasse pas l'objet d'une dcision entre en force (arrt du Tribunal fdral 4A_481/2017 du 25 juillet 2018 consid. 3.1). D'aprs l'art. 208 al. 1 CPC, la transaction (judiciaire) passe durant la procdure de conciliation est consigne au procs-verbal et signe par les parties. En vertu de l'art. 208 al. 2 CPC, elle a les effets d'une dcision entre en force : elle a force excutoire (art. 80 al. 2 ch. 1 LP) et est revtue de l'autorit de la chose juge (arrt du Tribunal fdral 4A_150/2020 du 17 septembre 2020 consid. 2.2 et les rfrences cites).
La transaction judiciaire au sens de l'art. 208 CPC est passe par les parties en cours de procdure, soit directement devant l'autorit ou le juge, soit hors de sa prsence, mais pour lui tre remise (arrt du Tribunal fdral 4A_150/2020 du 17 septembre 2020 consid. 2.2 et les rfrences cites).
La transaction judiciaire elle-mme, en tant qu'acte juridique des parties, met fin au procs (ATF 139 III 133 consid. 1.3). Le juge se borne en prendre acte; il ne rend pas de dcision judiciaire, mme si, formellement, il raye la cause du rle (art. 241 al. 3 CPC). Toutefois, l'invalidit de la transaction judiciaire ne peut tre invoque, notamment pour vice du consentement (art. 23 ss CO), que comme celle d'un jugement, par la voie de la rvision (art. 328 al. 1 let. c CPC; arrt du Tribunal fdral 4A_150/2020 du 17 septembre 2020 consid. 2.2 et les rfrences cites).
Il y a chose juge sur un mme objet quand, dans l'un et l'autre procs, les parties ont soumis au juge la mme prtention en se fondant sur les mmes faits (ATF 139 III 126 consid. 3.2.3; 136 III 123 consid. 4.3.1; 116 II 738 consid. 2a; 105 II 151/152 consid. 1 et les arrts cits; arrts du Tribunal fdral 4A_481/2017 du 25 juillet 2018 consid. 3.1; 5A_337/2008 du 15 juillet 2008 consid. 4.1). L'identit de l'objet du litige s'entend au sens matriel; il n'est cependant pas ncessaire, ni mme dterminant, que les conclusions soient formules de manire identique (ATF 139 III 126 consid. 3.2.3; 128 III 284 consid. 3b; 123 III 16 consid. 2a; 121 III 474 consid. 4a; arrts du Tribunal fdral 4A_481/2017 du 25 juillet 2018 consid. 3.1; 5A_337/2008 du 15 juillet 2008 consid. 4.1). Le Tribunal fdral a admis que, mme si elle s'en carte par son intitul, une nouvelle conclusion aura un objet identique celle dj juge, si elle tait dj contenue dans celle-ci, si elle est simplement son contraire ou si elle ne se pose qu' titre prjudiciel, alors que, dans le premier procs, elle se posait titre principal (ATF 123 III 16 consid. 2a; 121 III 474 consid. 4a; arrt du Tribunal fdral 5A_337/2008 du 15 juillet 2008 consid. 4.1). L'identit de l'objet s'tend en outre tous les faits qui font partie du complexe de faits, y compris les faits dont le juge n'a pas pu tenir compte parce qu'ils n'ont pas t allgus, qu'ils ne l'ont pas t selon les formes et temps ou qu'ils n'ont pas t suffisamment motivs (ATF 139 III 126 consid. 3.1; 116 II 738 consid. 2b et 3; 115 II 187 consid. 3b; arrts du Tribunal fdral 4A_481/2017 du 25 juillet 2018 consid. 3.1; 5A_337/2008 du 15 juillet 2008 consid. 4.1).
Le Tribunal fdral a eu l'occasion de s'exprimer sur cette question dans le cadre d'une procdure similaire portant sur un contrat de bail. Suite une demande de baisse de loyer fonde sur le taux hypothcaire, les parties avaient conclu une transaction judiciaire fixant le loyer compter du 1er juillet 2012. Les locataires avaient ensuite, dans une seconde procdure, sollicit la fixation judiciaire du loyer initial en raison de l'absence de formule officielle, qui avait t accorde par les tribunaux jusqu'au 30 juin 2012. Le Tribunal fdral a confirm les dcisions cantonales, en tant qu'elles fixaient le loyer du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012, tout en considrant que le loyer fix partir du 1er juillet 2012 tait couvert par la transaction revtant autorit de chose juge (arrt du Tribunal fdral 4A_150/2020 du 17 septembre 2020 consid. 2.3).
A l'inverse, dans le cadre d'une procdure concernant un contrat de travail, le Tribunal fdral a considr qu'il y avait identit de prtentions dans la mesure o, mme si le libell de ces dernires tait diffrent (conclusions constatatoires en nullit de la rsiliation du contrat de travail et action en paiement d'une somme d'argent), la somme d'argent rclame avait t verse dans le cadre de la transaction judiciaire ayant clos la premire procdure. Admettre la seconde procdure aurait abouti cas chant un double paiement fond sur les mmes principes juridiques et les mmes faits. De plus, les parties avaient stipul dans la transaction judiciaire qu'elles n'avaient plus de revendications faire valoir l'une contre l'autre au titre de l'excution du contrat de travail (arrt du Tribunal fdral 4C.21/2002 du 4 avril 2002 consid. 4).
3.2 Il s'agit de dterminer en l'espce si les prtentions des intims faisant l'objet de la prsente procdure sont matriellement identiques celles ayant fond la premire procdure et ayant donn lieu la transaction judiciaire du 30 novembre 2020.
A cet gard, les parties sont identiques dans les deux procdures et il s'agit du mme appartement et du mme complexe de faits. En revanche, les prtentions formules par les intims ne sont matriellement pas identiques : dans la premire procdure, le loyer vis portait sur le futur, compter, sur la base de l'accord entre les parties, du 1er dcembre 2020. Dans la prsente procdure, les prtentions en fixation judiciaire du loyer portent sur la priode du 1er dcembre 2015 au 30 novembre 2020, soit une priode antrieure. Partant, ces prtentions sont matriellement distinctes quand bien mme elles portent sur le loyer du mme appartement.
L'appelant ne peut pas non plus tre suivi, lorsqu'il affirme que la transaction judiciaire couvrirait l'entier du loyer, soit galement le loyer compter du 1er dcembre 2015. En effet, les prtentions en baisse de loyer ont t formules pour le futur et n'ont pas port sur le loyer antrieur. Par ailleurs, la transaction judiciaire ne prvoit pas que les parties n'ont plus de prtentions faire valoir l'une envers l'autre au titre du contrat de bail. Considrer que la transaction judiciaire pourrait couvrir le loyer antrieur reviendrait lui confrer un champ d'application plus large que les prtentions formules, ce qui ne peut tre dduit du texte de la transaction. Par consquent, la transaction judiciaire doit tre considre comme portant exclusivement sur le montant du loyer compter du 1er dcembre 2020 pour cette raison galement.
C'est ainsi raison et conformment la jurisprudence du Tribunal fdral en la matire que le Tribunal a retenu que le montant du loyer entre le 1er dcembre 2015 et le 30 novembre 2020 n'tait pas couvert par l'autorit de chose juge et a dclar la requte des intims recevable.
Par ailleurs, le manque d'identit des prtentions a pour consquence que la proximit temporelle entre les deux procdures n'est pas contraire la bonne foi, puisque la seconde procdure porte sur un objet distinct et ne remet pas en question la premire.
Infond, le grief de l'appelant sera rejet.
4. L'appelant ne remet pas en cause l'opportunit de la suspension prononce par le Tribunal, de sorte qu'il n'y a pas lieu de revenir sur cette dernire. Partant, le jugement attaqu sera intgralement confirm.
5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prlev de frais dans les causes soumises la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).
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La Chambre des baux et loyers :
A la forme :
Dclare recevable l'appel interjet le 17 novembre 2021 par A______ contre le jugement JTBL/871/2021 rendu le 22 octobre 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/206/2021-4-OSL.
Au fond :
Confirme le jugement entrepris.
Dit que la procdure est gratuite.
Dboute les parties de toutes autres conclusions.
Sigeant :
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, prsidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Nicolas DAUDIN et Madame Zo SEILER, juges assesseurs; Madame Mat VALENTE, greffire.
La prsidente : Nathalie LANDRY-BARTHE |
| La greffire : Mat VALENTE |
Indication des voies de recours :
Conformment aux art. 72 ss de la loi fdrale sur le Tribunal fdral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le prsent arrt peut tre port dans les trente jours qui suivent sa notification avec expdition complte (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fdral par la voie du recours en matire civile.
Le recours doit tre adress au Tribunal fdral, 1000 Lausanne 14.