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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/22520/2021

ACJC/292/2022 du 02.03.2022 sur JTBL/1098/2021 ( SBL )

Normes : CPC.325.al2
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22520/2021 ACJC/292/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MERCREDI 2 MARS 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, recourante contre un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal des baux et loyers de ce canton le 23 décembre 2021, comparant par Me Nils DE DARDEL, avocat, boulevard Georges-Favon 13,
1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______, intimée, comparant par Me Serge PATEK, avocat, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


Vu le jugement JTBL/1098/2021 rendu le 23 décembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) dans la cause C/22520/2021-8-SD, sur requête en exécution de B______ SA, autorisant cette dernière, dès l'entrée en force du jugement, à faire exécuter par la force publique le procès-verbal de transaction du 23 mai 2018 (cause C/2______/2017) valant jugement d'évacuation de A______ du local situé au deuxième étage de l'immeuble sis 1______ à Genève;

Vu le recours formé par A______ contre ce jugement, assorti d'une requête en suspension de l'effet exécutoire du jugement;

Attendu, EN FAIT, que A______ a conclu le 12 mai 1998 avec B______ SA un contrat de bail portant sur un local situé au deuxième étage de l'immeuble sis 1______ à Genève, destiné à un atelier de peinture;

Que B______ SA a notifié à A______ le 3 octobre 2017 la résiliation du bail pour le 31 mai 2018, invoquant son besoin personnel sur les locaux afin d'y étendre les activités du groupe B______ dans les arts graphiques, l'imprimerie et la reliure;

Que A______ a judiciairement contesté la résiliation du bail; que la procédure s'est achevée par le procès-verbal de transaction du 23 mai 2018 à teneur duquel il était octroyé à la locataire une unique prolongation de bail au 31 octobre 2021, cette dernière s'engageant à quitter le local au plus tard à cette date, le procès-verbal valant jugement d'évacuation dès le 1er novembre 2021;

Que A______ a invalidé, par déclaration du 18 octobre 2021, le procès-verbal de transaction du 23 mai 2018 pour dol et erreur essentielle; qu'elle avait en effet découvert en août 2021 que les sociétés du groupe B______ n'exploitaient plus aucune activité dans les locaux de [l'immeuble sis] 1______;

Qu'elle a déposé le même jour auprès du Tribunal des baux et loyers une demande en révision du procès-verbal de transaction du 23 mai 2018 (inscrite sous n° de cause C/3______/2021), se prévalant de la découverte en août 2021 du départ des sociétés du groupe B______ de l'immeuble [sis] 1______; qu'elle a assorti sa demande de révision d'une demande de suspension de l'effet exécutoire du procès-verbal de transaction visé par la révision;

Que le Tribunal a refusé, par jugement du 21 décembre 2021, de suspendre l'effet exécutoire du procès-verbal du 23 mai 2018 au motif qu'il n'était pas rendu vraisemblable que les circonstances découvertes en été 2021 par A______ soient constitutives de faits nouveaux autorisant l'invalidation et la révision du procès-verbal de transaction en application de l'art. 328 al. 1 let. a ou let. c CPC et que la demande de révision soit recevable;

Que ce jugement a fait l'objet d'un appel de A______ qui est en cours d'instruction devant la Cour de justice (ci-après : la Cour);

Qu'elle a requis à titre préalable que l'effet suspensif soit accordé à son appel, lequel a été refusé par arrêt du 13 janvier 2022 au motif que la restitution de l'effet suspensif ne pouvait être octroyée à une décision rejetant une mesure, faute de portée;

Que parallèlement à la procédure en révision du procès-verbal de transaction du 23 mai 2018 introduite par A______, B______ SA a requis du Tribunal, le 19 novembre 2021, le prononcé de mesures d'exécution du procès-verbal de transaction du 23 mai 2018 l'autorisant à procéder à l'évacuation de la locataire, cas échéant avec l'assistance de la force publique (objet de la présente cause n° C/22520/2021);

Que c'est sur la base de cette requête qu'a été rendu le jugement JTBL/1098/2021 du 23 décembre 2021 susmentionné dont est recours;

Que ce jugement a fait droit à la requête d'exécution de B______ SA, en considérant en substance qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de la demande en révision en cours puisque la suspension de l'effet exécutoire avait été rejetée;

Que le recours interjeté par A______ contre ce jugement fait essentiellement grief au Tribunal d'avoir délibéré le jugement le 23 décembre 2021 dans une composition à trois juges, alors que le jugement fait état de la notification de l'arrêt de la Cour du 13 janvier 2022 et l'utilise dans son argumentation; que la recourante reproche ainsi à la présidente de la 8ème chambre du Tribunal d'avoir en réalité délibéré seule le jugement, à une date qui se situe après le 13 janvier 2022, car aucune autre délibération à trois juges que celle du 23 décembre 2021 ne figure au dossier;

Que la recourante reproche également au Tribunal d'avoir statué sur les mesures d'exécution de l'évacuation alors que la décision sur la suspension de l'effet exécutoire de la révision n'avait pas encore été définitivement tranchée, que la bailleresse n'avait invoqué aucun inconvénient majeur en cas de suspension de l'effet exécutoire et que la locataire, âgée de 73 ans, aurait été contrainte de cesser du jour au lendemain une activité de peintre qu'elle exerçait depuis 45 ans;

Que le recours est assorti d'une requête en suspension de l'effet exécutoire du jugement fondée sur les mêmes griefs que ceux invoqués sur le fond;

Que la partie intimée conclut au rejet de la requête en suspension de l'effet exécutoire au motif qu'il n'existait aucun problème de date de délibération du jugement de première instance car la date figurant sur le jugement est celle de l'audience et non celle de la délibération, celle-ci ayant à l'évidence eu lieu ultérieurement, le jugement ayant été notifié le 31 janvier 2022; que par ailleurs la locataire ne subira aucun préjudice en cas d'exécution de la décision d'évacuation, les locaux n'étant utilisés que pour une activité de loisir; que la locataire n'a de surcroît pas recherché de nouveaux locaux pour son activité pendant la prolongation du bail; qu'enfin, le sursis humanitaire au sens de l'art. 30 al. 4 LACC dont se prévaut la locataire, ne s'applique qu'à l'évacuation de logements;

Considérant, EN DROIT, que seule la voie du recours est ouverte contre les mesures d'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC);

Que le recours ne suspend pas la force de chose jugée, l'instance d'appel pouvant suspendre le caractère exécutoire du jugement (art. 325 al. 1 et 2 CPC);

Que la suspension du caractère exécutoire du jugement prévue par l'art. 325 al. 2 CPC implique que la partie recourante allègue et établisse la possibilité que la décision querellée lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que celui-ci ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 136 IV 92 consid. 4);

Que, saisie d'une requête de suspension du caractère exécutoire du jugement, l'autorité de recours procède à une pesée des intérêts en présence, notamment entre les préjudices respectifs des parties en fonction de la solution choisie, et doit se demander, en particulier, si la décision est de nature à provoquer une situation irréversible; qu'elle prend également en considération les chances de succès du recours (ATF 138 III 378 consid. 6.3 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1047/2017 du 3 mai 2018 consid. 3.3.2; 4A_337/2014 du 14 juillet 2014 consid. 3.1; 4D_30/2010 du 25 mars 2010 consid. 2.3);

Qu'en l'espèce, il se justifie de suspendre le caractère exécutoire du jugement entrepris afin de ne pas vider le recours de son objet, ce d'autant plus que le recours n'est pas dénué de chances de succès, prima facie et sans préjudice de l'examen au fond, au vu des griefs notamment formels soulevés par la recourante;

Qu'il convient également de tenir compte de la courte durée présumable de la présente procédure, jugée selon la procédure sommaire (art. 239 al. 2 CPC);

Qu'il n'est par ailleurs pas allégué que les loyers ne seraient pas payés et que l'intimée souffrirait d'un préjudice financier en cas de suspension de l'effet exécutoire du jugement entrepris;

Que la partie intimée n'allègue enfin pas de circonstances particulières permettant de penser qu'elle subirait un autre préjudice difficilement réparable si la suspension de l'effet exécutoire est prononcée;

Qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur requête de suspension de l'effet exécutoire du jugement entrepris :

Admet la requête de A______ tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement JTBL/1098/2021 rendu le 23 décembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/22520/2021-8-SD.

Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président ad interim; Mme Joëlle DEBONNEVILLE, greffière;

 

Le président ad interim  :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Joëlle DEBONNEVILLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1) est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.