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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/14065/2021

ACJC/138/2022 du 31.01.2022 sur JTBL/772/2021 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.257; CO.257d
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14065/2021 ACJC/138/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 31 JANVIER 2022

 

Entre

A______ SARL, sise ______ [GE], appelante et recourante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 2 septembre 2021, comparant par Me Michael LAVERGNAT, avocat, rue de l'Arquebuse 14, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ LIMITED, sise ______ (Chypre), intimée, comparant par Me Robert HENSLER et Me Frédéric HENSLER, avocats, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3, en l'étude desquels elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/772/2021 du 2 septembre 2021, reçu par A______ SARL le 24 septembre 2021, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné cette dernière à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que de toute personne dont elle était responsable le dépôt de 65 m2, le dépôt de 9.81 m2 et le local n° 1______ de 43 m2 au rez inférieur de l'immeuble sis 2______ à D______/GE (ch. 1 du dispositif), autorisé B______ LIMITED à requérir son évacuation par la force publique dès le 30ème jour suivant l'entrée en force du jugement (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Le 30 septembre 2021, A______ SARL a formé appel et recours contre ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour l'annule et déclare irrecevable la requête déposée par B______ LIMITED. Subsidiairement, si le principe de l'évacuation devait être maintenu, elle a conclu à ce que la Cour sursoie à l'exécution de celle-ci tant que subsiste la pandémie de COVID-19, voire autorise l'évacuation dans le délai d'un an dès l'entrée en force de la décision.

b. Le 7 octobre 2021, B______ LIMITED a conclu à la confirmation du jugement querellé.

c. Les parties ont été informées le 17 novembre 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. a.a B______ LIMITED, en tant que bailleresse, et A______ SARL, en tant que locataire, ont conclu le 1er mars 2015 un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un dépôt d'une surface globale de 65 m2 au rez inférieur de l'immeuble sis 2______ à D______. La destination des locaux était une surface de stockage pour société active dans le commerce de spécialités gastronomiques et service traiteur.

Le montant du loyer net a été fixé en dernier lieu à 984 fr. par mois.

a.b Par avenant n° 1, une surface supplémentaire de 9.81 m2 a été louée pour un montant de 150 fr. par mois dans le même immeuble.

a.c Par avenant n° 2, un local supplémentaire de 43 m2 a été loué pour un montant de 550 fr. par mois.

 

b. Dès décembre 2019, la bailleresse a fait savoir à plusieurs reprises à la locataire que les voisins se plaignaient des odeurs de nourriture et de fumée de cannabis provenant des locaux loués et lui a demandé de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser ces nuisances, sous peine de résiliation des baux.

Les baux ont finalement été résiliés le 8 janvier 2021, avec effet au 28 février 2021, pour justes motifs, en application de l'art. 257f al. 3 CO. Ces résiliations ont été contestées par la locataire et la cause est actuellement pendante par devant le Tribunal des baux et loyers (C/3______/2021).

Le 8 janvier 2021 également, le bail a en outre été résilié pour son échéance du 28 février 2025, "à titre subsidiaire à la résiliation extraordinaire".

c. Dès décembre 2019, A______ SARL a cessé de payer régulièrement son loyer.

d. d.a Le 26 novembre 2020, A______ SARL a déposé auprès du Département du développement économique de l'Etat de Genève une demande d'exonération des loyers de novembre à décembre 2020, faisant valoir qu'elle avait des difficultés financières dans le paiement de son loyer des mois de novembre et décembre 2020. Elle déclarait sur l'honneur ne pas être en retard dans le paiement de son loyer au 31 octobre 2020 (demande Vesta 3a).

A______ SARL a envoyé copie de cette demande à la bailleresse et a requis de celle-ci l'exonération des loyers de novembre 2020, décembre 2020 et janvier 2021.

d.b La bailleresse lui a répondu le 21 décembre 2020 qu'elle attendait les instructions de l'Etat de Genève pour le traitement des dossiers.

d.c Le 9 février 2021, l'Etat de Genève a fait savoir à A______ SARL que sa demande d'exonération de loyer était refusée car elle ne répondait pas aux conditions requises.

e. Par avis comminatoire du 12 février 2021, B______ LIMITED a mis en demeure A______ SARL de lui régler dans les 30 jours le montant de 10'190 fr., à titre d'arriéré de loyer et de charges pour la période du 1er décembre 2019 au 28 février 2021 au total, portant sur les trois objets loués; elle l'a informée de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

f. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, B______ LIMITED a, par avis officiel du 26 mars 2021, résilié le bail pour le 30 avril 2021.

g. Par requête déposée le 21 juillet 2021, B______ LIMITED a introduit action en évacuation devant le Tribunal des baux et loyers et a en outre sollicité l'exécution directe de l'évacuation de la locataire et le paiement de la somme de 4'406 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 15 avril 2020.

A l'appui de sa requête, elle a notamment versé à la procédure un relevé de compte de la situation de la locataire, duquel il découle qu'au 1er janvier 2020, il y avait déjà un arriéré de loyer de 550 fr., et que la locataire n'avait pas payé les loyers d'avril 2020 et mai 2020, ainsi que de décembre 2020, janvier 2021 et février 2021.

h. Lors de l'audience du 2 septembre 2021, A______ SARL s'est opposée à la requête, faisant valoir que le cas n'était pas clair et qu'elle avait résorbé l'arriéré de loyer. Elle faisait de la vente à l'emporter au sein de C______ et son chiffre d'affaires avait chuté en raison de la pandémie de COVID-19 car "il ne s'était pas passé grand-chose à C______ dernièrement". Le cas n'était pas clair et le Tribunal devait "instruire notamment s'agissant de la clausula".

La bailleresse a persisté dans ses conclusions, relevant que l'arriéré s'élevait à 1'928 fr. Les retards de paiement étaient antérieurs à la crise du COVID-19.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche le congé est également contesté, il y a lieu de prendre en compte la durée prévisible pendant laquelle l'usage de l'objet se prolongerait si le congé était éventuellement invalidé, soit la période de protection de trois ans de l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239).

La locataire a contesté en l'espèce la résiliation du bail, de sorte que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. au vu du montant du loyer. La voie de l'appel est dès lors ouverte contre la décision d'évacuation, alors que celle du recours l'est contre la décision d'exécution de ladite évacuation.

1.2 L'appel et le recours ont été interjetés dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Ils sont ainsi recevables. Dirigés contre le même jugement, ils seront traités dans le même arrêt. Pour des motifs de simplification, la locataire sera désignée comme "l'appelante".

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Le recours peut être formé quant à lui pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

2. Le Tribunal a considéré que les conditions du cas clair étaient réalisées. Lorsque le congé avait été donné, l'appelante était en retard dans le paiement de son loyer. Le congé était valable, indépendamment de la question de l'impact de la pandémie sur l'activité de l'appelante et sur le paiement du loyer, car son commerce n'avait pas été fermé sur ordre des autorités et les retards de paiement remontaient à 2019, soit avant la pandémie. Même à supposer que les loyers payés en 2020 soient venus combler les loyers impayés en 2019, ce qui n'était pas établi, l'on ne pouvait envisager d'impossibilité au sens de l'art. 119 CO ni de disproportion manifeste des intérêts en présence puisque le commerce n'avait pas été contraint de fermer ses portes. Depuis l'expiration du terme fixé, l'appelante ne disposait plus d'un titre juridique l'autorisant à occuper les locaux loués, de sorte que son évacuation devait être ordonnée.

L'appelante fait valoir que le cas n'est pas clair. La sandwicherie qu'elle exploite n'avait pas été fermée en raison du COVID-19 mais son chiffre d'affaires avait chuté en raison de la fermeture de C______. La fermeture générale des établissements ordonnée dans le cadre de la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 constituait un changement important et imprévisible des circonstances qui pouvait laisser une place à une réadaptation du contrat par le juge dans le sens de la clausula rebus sic stantibus. L'intimée s'était montrée "intraitable" et abusait de son droit en résiliant le bail, ce d'autant plus que la cause s'inscrivait dans un contexte procédural complexe, puisque le bail avait déjà été résilié à deux reprises quelques temps auparavant. Le Tribunal n'avait pas traité les griefs qu'elle avait soulevés et avait violé son droit d'être entendue.


 

2.1
2.1.1.
Le droit d'être entendu, en tant que droit personnel de participer à la procédure, exige que l'autorité écoute effectivement, puis examine soigneusement et sérieusement, et prenne en compte dans sa décision, les arguments de la personne dont la décision touche la position juridique. Il implique l'obligation, pour l'autorité, de motiver sa décision, afin que son destinataire puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu. Le juge n'a en revanche pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties; il suffit qu'il mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2, JdT 2016 II 347; 129 I 232 consid. 3.2, JdT 2004 I 588, SJ 2003 I 513; arrêt du Tribunal fédéral 5A_598/2012 du 4 décembre 2012 consid. 3.1).

2.1.2 La procédure de protection dans les cas clairs prévue par l'art. 257 CPC permet à la partie demanderesse d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire, lorsque la situation de fait et de droit n'est pas équivoque (ATF 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1). En vertu de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a) et que la situation juridique est claire (let. b). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (art. 257 al. 3 CPC).

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit apporter la preuve certaine des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 138 III 123 consid. 2.1.2 p. 126, 620 consid. 5.1.1 p. 621, 728 consid. 3.3 p. 734). En règle générale (cf. cependant arrêt du Tribunal fédéral 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 141 III 23 consid. 3.2 p. 26; 138 III 123 consid. 2.1.2 p. 126; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

2.1.3 Selon l'art. 257d al. 1 et 2 CO, lorsque le locataire a reçu la chose louée et qu'il tarde à s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail. Le délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux (al. 1). A défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations ou de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (al. 2).

Si le cas est clair, afin d'obtenir rapidement l'évacuation forcée des locaux loués, le bailleur peut mettre en œuvre la procédure sommaire prévue par l'art. 257 CPC alors même que le locataire a éventuellement introduit une action en annulation du congé sur la base des art. 271, 271a et 273 CO; la litispendance n'est alors pas opposable au bailleur (ATF 141 III 262 consid. 3 p. 263).

Selon la jurisprudence, la résiliation fondée sur l'art. 257d al. 2 CO n'est contraire aux règles de la bonne foi, et donc annulable sur la base de l'art. 271 al. 1 CO, que dans des circonstances particulières. L'annulation entre en considération lorsque le bailleur a réclamé au locataire, avec menace de résiliation du bail, une somme largement supérieure à celle en souffrance, alors qu'il n'était pas certain du montant effectivement dû (ATF 120 II 31 consid. 4b p. 33). L'annulation entre aussi en considération lorsque l'arriéré est insignifiant, ou lorsque ce montant a été réglé très peu de temps après l'expiration du délai comminatoire, alors que, auparavant, le locataire s'était toujours acquitté à temps du loyer, ou encore lorsque le bailleur ne résilie le contrat que longtemps après l'expiration de ce même délai (arrêts du Tribunal fédéral 4A_472/2008 du 26 janvier 2009 consid. 5.3.1, RtiD 2009 II 681; 4C.430/2004 du 8 février 2005 consid. 3.1, SJ 2005 I p. 310/311).

2.1.4 Selon la règle pacta sunt servanda, les termes du contrat doivent en principe être respectés. Une exception à la règle est la clausula rebus sic stantibus, fondée par le Tribunal fédéral sur l'art. 2 CC et par la doctrine sur la compétence du juge de combler les lacunes. Selon la clausula, une adaptation du contrat peut entrer en ligne de compte lorsque les circonstances dans lesquelles il a été conclu se sont modifiées à tel point que le maintien du contrat ne saurait être exigé. Il peut s'agir de rapports contractuels de longue durée au cours desquels les circonstances de fait ou les conditions juridiques ont subi des transformations profondes.

Selon le Tribunal fédéral, une intervention du juge dans un contrat doit rester exceptionnelle : "Une intervention du juge dans le contrat entre en ligne de compte seulement exceptionnellement, à savoir, si, par des circonstances postérieures et imprévisibles, il s'est produit une disproportion si évidente entre la prestation et la contre-prestation, que l'insistance d'une partie sur sa prétention paraît abusive" (Winiger, Commentaire romand, n. 193-194 art. 18 CO).

2.2 En l'espèce, le Tribunal n'a pas violé le droit d'être entendue de l'appelante car, contrairement à ce que celle-ci soutient, il a examiné la question de l'application de la clausula rebus sic stantibus, qu'il a résolue par la négative en raison du fait qu'il n'y avait pas de disproportion manifeste des intérêts en présence, puisque le commerce de l'appelante n'avait pas été contraint de fermer ses portes en raison de la pandémie. Le Tribunal n'avait par ailleurs pas à examiner la question de savoir si l'intimée commettait un abus de droit, puisque l'appelante n'a pas soulevé cet argument en première instance.

Sur le fond, c'est à juste titre que le Tribunal a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer en l'espèce le principe de la clausula rebus sic stantibus, lequel est d'application exceptionnelle. Aucun élément du dossier ne permet de retenir que le maintien du contrat de bail ne pouvait pas être exigé ou qu'il existe une disproportion évidente entre la prestation de l'intimée, consistant en la mise à disposition des locaux, et celle de l'appelante, consistant dans le paiement du loyer. L'appelante ne plaide d'ailleurs pas l'annulation du contrat, puisqu'elle souhaite se maintenir dans les locaux.

A cela s'ajoute que l'appelante ne conteste pas que les arriérés de loyer existaient avant le début de la pandémie. Elle n'allègue en particulier pas que C______ aurait été fermée pour des raisons liées au COVID-19 dès décembre 2019.

En outre, aucune pièce du dossier n'atteste du fait que le chiffre d'affaires de l'appelante aurait chuté ni, a fortiori, des raisons d'une telle baisse.

Il convient à cet égard de relever que les locaux litigieux sont destinés à du stockage dans le cadre d'une activité de commerce de spécialités gastronomiques et service traiteur. L'appelante ne prétend pas que ce type d'activité a fait l'objet d'une interdiction en lien avec le COVID-19.

A supposer que l'appelante n'ait plus eu la possibilité de compter sur la clientèle des spectateurs de C______, elle pouvait offrir ses services à d'autres clients.

Il n'y a pas non plus lieu de retenir que l'intimée aurait abusé de son droit de réclamer le paiement du loyer convenu. Rien ne l'obligeait à accepter de conclure un arrangement avec l'appelante.

Le fait que le bail ait également été résilié par l'intimée pour justes motifs n'est quant à lui pas pertinent pour trancher la question qui est litigieuse dans le cadre de la présente procédure.

Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a considéré à bon droit que la résiliation du bail était valable et que l'évacuation de l'appelante devait être ordonnée.

3. Le Tribunal a octroyé à l'appelante un délai de 30 jours dès l'entrée en force du jugement pour lui permettre d'organiser son départ, relevant que l'arriéré de loyer était faible, voire nul.

L'appelante conclut à ce que ce délai soit prolongé "tant que subsiste la pandémie COVID-19" ou au moins pour un an dès l'entrée en force de la décision. Elle fait valoir qu'elle occupe les locaux depuis 2015 et que le délai octroyé ne lui laisse pas suffisamment de temps "pour procéder à une relocation et mettre le nouveau local aux normes sanitaires en procédant aux travaux et transformations que cela implique". Elle n'avait de plus "pas pu jouir du local durant les périodes de fermetures obligatoires ordonnées par les pouvoirs publics".

3.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est régie par le droit fédéral (cf. art. 335 ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

3.2 En l'espèce, le sursis à l'exécution du jugement de 30 jours fixé par le Tribunal est approprié, étant précisé que, du fait de la procédure d'appel, la locataire a déjà obtenu dès facto une prolongation de ce délai.

Les délais requis par l'appelante sont largement excessifs au vu des exigences de la jurisprudence et équivaudraient à une prolongation de bail. L'appelante ne fait état d'aucune recherche de nouveau local et, s'agissant d'un simple dépôt, rien ne permet de retenir que des transformations seraient nécessaires. Son activité n'a de plus pas fait l'objet d'une interdiction de la part des autorités, de sorte que cet argument ne convainc pas.

Il résulte de ce qui précède que le jugement querellé sera entièrement confirmé.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel et le recours interjetés le 30 septembre 2021 par A______ SARL contre le jugement JTBL/772/2021 rendu le 2 septembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/14065/2021-8-SE.

Au fond :

Confirme le jugement querellé.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.