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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4067/2024

ATAS/552/2025 du 14.07.2025 ( LAA ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4067/2024 ATAS/552/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 juillet 2025

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

Représentée par Me Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER, avocate

 

recourante

contre

 

BALOISE ASSURANCE SA

Représentée par Me Michel D'ALESSANDRI, avocat

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), née le ______ 1989, travaille comme sage-femme depuis le 1er janvier 2014 pour les B______ (ci-après : B______) et est assurée à ce titre auprès de la BALOISE ASSURANCE SA (ci-après : l'assurance ou l’intimée) contre le risque accident.

b. Le 7 décembre 2021, l'assurée a fait une chute à vélo, après avoir été heurtée par une voiture qui n'a pas respecté sa priorité. Le rapport de police du 14 décembre 2021 mentionne une fracture et une luxation de l'épaule droite.

c. L'assurée a été en incapacité de travail totale depuis le 8 décembre 2021 et le cas a été pris en charge par l'assurance.

B. a. Le 8 décembre 2021, l'assurée a été opérée par le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, pour un diagnostic de fracture-luxation capitale deux parts de l’humérus proximal droit, lequel a pratiqué une ostéosynthèse de l’humérus proximal droit.

b. Le 3 juillet 2022, le Dr C______ a constaté des douleurs et une limitation de la mobilité. Il a prescrit une reprise de travail à un taux de 30% dès le 13 juillet 2022.

c. L'assurée a requis une garantie d’hospitalisation pour une intervention prévue le 30 août 2022 en raison d'une raideur de l'épaule droite post-traumatique.

d. Le 9 août 2022, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologique de l'appareil locomoteur et médecin-conseil de l'assurance, a estimé que l'ablation du matériel d’ostéosynthèse (ci-après : AMO), l'arthroscopie et l'arthrolyse de l'épaule droite prévues le 30 août 2022 étaient imputables à l’accident.

e. Le 30 août 2022, l'assurée a été opérée par le Dr C______ pour un diagnostic d'épaule raideur post-traumatique et postopératoire droite ayant résisté à un traitement conservateur et un antécédent d’ostéosynthèse de l'humérus droit. Il a prodigué une arthrolyse sous arthroscopie et une AMO. L'assurée a été en arrêt de travail total.

f. L'assurée a repris le travail à un taux de 30% dès le 10 octobre 2022 puis à 50% dès le 11 novembre 2022, à 80% dès le 13 février 2023, puis à 100% dès le 1er octobre 2023.

g. Par communications des 24 novembre 2022 et 15 juin 2023 l'office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI) a pris en charge les coûts d’un réentrainement au travail à 50%, du 11 novembre 2022 au 1er octobre 2023.

h. Le 6 novembre 2023, l'assurée a consulté le service urgences de l'Hôpital de La Tour en raison d'une luxation du membre supérieur droit (remise en place) survenue en nageant le samedi 4 novembre 2023. Elle avait aussi subi une luxation de l'épaule droite deux mois auparavant, auto-réduite, lors d’un mouvement d’anteflexion. Une pose de gilet orthopédique a été prescrite. L'assurée a été en arrêt de travail total du 6 au 12 novembre 2023.

i. Le 6 novembre 2023, le docteur E______, spécialiste FMH en radiologie, a effectué des radiographies de l'épaule droite.

j. Le 10 novembre 2023, les B______ ont annoncé une rechute de l'accident du 8 décembre 2021.

k. Le 17 novembre 2023, le docteur F______, spécialiste FMH en médecine interne, a attesté d'une reluxation de l'épaule droite, autoréduite et d'une incapacité de travail totale depuis le 6 novembre 2023.

l. Selon un rapport du 15 décembre 2023 de la docteure G______, médecin cheffe au service des urgences de l'hôpital de La Tour, l’assurée avait consulté ce jour-là ce service en raison de subluxation deux fois par jour depuis dix jours avec péjoration des douleurs, ; le diagnostic était celui d'instabilité de l'épaule droite et la capacité de travail était nulle depuis le 15 décembre 2023. Une imagerie du 17 décembre 2023 a exclu une luxation ou subluxation de l'épaule droite. Dès le 15 décembre 2023, l'assurée a été en arrêt de travail total.

m. Le 29 décembre 2023, l'assurée a écrit à l'assurance que l'instabilité de son épaule droite s'était aggravée et qu’elle devait être opérée le 16 janvier 2024.

n. Le 12 janvier 2024, le Dr C______ a informé l'assurance qu'il pratiquerait une stabilisation selon Latarjet de l’épaule droite.

o. À la demande de l'assurance, le docteur H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, médecin consultant de l’assurance, s'est déterminé le 12 janvier 2024 sur la prise en charge par l’assurance de l’intervention du 16 janvier 2024.

La première luxation de l'épaule droite était décrite au mois de septembre 2023 ; la documentation y relative, comme l’annonce à l’assurance, n’était pas au dossier ; l’immobilisation n’avait pas été suivie par l’assurée (selon avis de la Dre G______ du 15 décembre 2023) et l’épaule droite était instable depuis octobre 2023. La seconde luxation survenait le 4 novembre 2023. Il s’agissait alors « d’une luxation habituelle de l’épaule droite en raison du nombre quotidien de luxations de l’épaule droite ». En réponse à la question de l’assurance quant à la prise en charge de l’intervention du 16 janvier 2024, le Dr H______ répond comme suit : « En l’état du dossier médical mis à disposition, le diagnostic de status post instabilité de l’épaule droite du mois d’octobre 2023 est sans relation de causalité naturelle avec l’événement du 8 décembre 2021. Ce qui est justifié par la constatation d’une épaule droite stable lors de la chirurgie du 30 août 2022, alors justifiée par une raideur d’épaule droite. Ce qui est soutenu par l’absence de symptomatologie d’instabilité jusqu’au mois de septembre 2023, soit presque une année. La chirurgie prévue au 16 janvier 2024 est définie par la stabilisation de l’épaule droite selon la technique de Latarjet. Cette chirurgie prend donc en charge un diagnostic sans relation de causalité naturelle avec l’événement du 8 décembre 2021. Cette chirurgie est donc, également, sans relation de causalité naturelle avec l’événement du 8 décembre 2021 ».

p. Le 16 janvier 2024, l’assurée a été opérée par le Dr C______ qui a pratiqué une stabilisation selon Latarjet-patte en raison d’une instabilité glénohumérale antéro-inférieure récurrente droite et un antécédent de fracture luxation glénohumérale droite.

q. Le 23 février 2024, la caisse maladie de l’assuré, le GROUPE MUTUEL, a transmis, à la demande de l’assurance, le relevé de toutes les prestations décomptées dès le début du contrat le 1er janvier 2020.

r. À la demande de l’assurance, le Dr H______ a rendu un second avis le 1er mars 2024, lequel maintenait l’avis du 12 janvier 2024. Il indiquait avoir pris connaissance des nouvelles pièces transmises (rapport opératoire de l’intervention et extrait des prestations du GROUPE MUTUEL), lesquelles ne comportaient pas de nouvel élément de nature médicale.

s. Par décision du 8 mars 2024, l’assurance a nié un lien de causalité naturelle entre l’instabilité de l’épaule droite, y compris l’intervention du 16 janvier 2024, et l’accident du 8 décembre 2021, en se fondant sur les avis du Dr H______.

t. Par décision du 15 mars 2024, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assurée.

u. Dès le 4 mars 2024, l’assurée a recouvré une capacité de travail de 100%.

v. Le 9 avril 2024, l’assurée, représentée par une avocate, a fait opposition à la décision du 8 mars 2024, en relevant que le Dr H______ n’indiquait pas ce qui pouvait expliquer les luxations récurrentes de l’épaule droite en dehors de l’accident.

L’assurée a communiqué un rapport du Dr C______ du 16 avril 2024 selon lequel il existait un lien de causalité évident entre l’évènement du 8 décembre 2021 et l’instabilité de l’épaule du mois d’octobre 2023 ; l’assurée avait présenté une fracture luxation avec un épisode inaugurant d’instabilité glénohumérale en lien avec le traumatisme. Les suites de l’opération avaient été marquées par une raideur qui expliquait une épaule certes stable mais raide lors de l’intervention du 30 août 2022 et elle avait ensuite redéveloppé une instabilité justifiant le geste récent. Les radios initiales permettraient sans doute de convaincre n’importe quel juge.

w. Le 11 juin 2024, le GROUPE MUTUEL a transmis à l’assurance, à la demande de celle-ci, les copies des factures des B______ pour des prestations délivrées entre le 24 août 2020 et le 5 août 2021.

x. Le 9 juillet 2024, à la demande de l’assurance, le Dr H______ a été sollicité pour savoir si, au vu du rapport du Dr C______ du 16 avril 2024 et de l’extrait des prestations versées par la caisse maladie, il maintenait son avis. Le Dr H______ a conclu comme suit : « En l’état du dossier médical mis à disposition, le diagnostic de status post instabilité de l’épaule droite du mois d’octobre 2023 est sans relation de causalité naturelle avec l’événement du 8 décembre 2021. La récente documentation soutient mes conclusions. Ce qui est justifié par la constatation d’une épaule droite stable lors de la chirurgie du 30 août 2022, ainsi que le décrit le rapport opératoire. Ce qui est enfin montré par l’absence de symptomatologie clinique d’instabilité d’épaule droite jusqu’au mois de septembre 2023, soit presque une année. Ce qui est également, et à nouveau, affirmé, comme soutenu, par le dernier rapport du Dr C______ en date du 16 avril 2024. La conditio sine qua non en faveur de l’événement du 8 décembre 2021 doit ainsi être niée. En effet, en cas d’instabilité de l’épaule droite en lien avec l’événement du 8 décembre 2021, cette instabilité de l’épaule droite serait apparue bien avant le mois de septembre 2023. Ce qui n’est pas le cas. La chirurgie du 16 janvier 2024 est définie par la stabilisation de l’épaule droite selon la technique de Latarjet. Cette chirurgie prend donc en charge un diagnostic, l’instabilité de l’épaule droite, sans relation de causalité naturelle avec l’événement du 8 décembre 2021. Cette chirurgie est donc, également, sans relation de causalité naturelle avec l’événement du 8 décembre 2021 ».

y. Par décision du 6 novembre 2024, l’assurance a rejeté l’opposition de l’assurée, en se ralliant aux avis du Dr H______.

C. a. Le 6 décembre 2024, l’assurée, représentée par son avocate, a recouru à l’encontre de la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant à son annulation et à la condamnation de l’assurance à verser toutes les prestations légales dues à l’instabilité de l’épaule droite et à la rechute annoncée en novembre 2023, notamment l’intervention du 16 janvier 2024 et ses suites.

Elle avait repris son activité aux B______ dès le 10 septembre 2022, mais sans plus exercer ses tâches usuelles, soit sans manœuvres obstétricales ni manipulations de nouveau-nés et en travaillant comme trieuse à l’accueil : elle avait repris le travail avec des douleurs importantes et en respectant de nombreuses limitations de mouvement. En septembre 2023 et le 4 novembre 2023, elle s’était luxée l’épaule en nageant. La veille de l’intervention du 16 novembre 2024, elle avait été informée par l’assurance que l’intervention ne serait pas prise en charge. En mars 2024, elle avait sollicité une mutation au service de suite de couches car sa situation ne s’améliorait pas suffisamment pour envisager de reprendre pleinement son ancien poste.

Son épaule droite n’avait aucune mobilité dans les suites de la première opération et ne pouvait physiologiquement pas se déboiter. Il était inexact de dire qu’elle avait repris son poste de travail puisqu’elle avait sollicité un autre poste ; c’était quand elle avait repris son poste plus activement que l’instabilité avait été visible. Elle n’avait pas pu reprendre ses activité sportives mais seulement de la natation à titre de rééducation. Le Dr C______ avait attesté d’un lien de causalité évident dès lors qu’elle avait subi une fracture luxation de l’épaule droite, type de fractures qui prédisposait à des luxations. Elle a requis l’audition du Dr C______ et de témoins.

b. Le 5 février 2025, l’assurance a répondu que les avis du Dr H______ étaient convaincants et avaient pleine valeur probante.

c. Le 26 février 2025, la recourante a répliqué, en relevant que le test de mobilité passive, effectué sous anesthésie générale le 30 août 2022, ne déterminait pas la qualité de la mobilité active ; elle avait dû faire un gros travail de physiothérapie pour remobiliser l’épaule, en adaptant son poste de travail. Après avoir récupéré 80% à 90% de mobilité et force de l’épaule, soit un an après l’intervention du 30 août 2022, elle avait découvert que son épaule était instable puisque précisément elle ne pouvait pas effectuer ces mouvements auparavant. Elle avait subi une première luxation le 6 septembre 2023 et en avait informé le Dr C______.

Elle a produit :

-     Un échange de courriel avec le Dr C______ du 6 septembre 2023, informant celui-ci d’une luxation de son épaule en étirant le bras vers le haut et la réponse du Dr C______ expliquant qu’une instabilité était possible et que si cela se reproduisait, il faudrait stabiliser l’épaule.

-     Un rapport du Dr C______ du 7 février 2025, selon lequel l’avis du Dr H______ était « assez comique ». Ce n’était pas parce qu’une épaule était stabilisée qu’elle ne pouvait redévelopper des phénomènes d’instabilité une fois que toute la souplesse était retrouvée. Dès qu’un épisode d’instabilité survenait, l’épaule était plus instable que dans un état normal. Il estimait qu’une expertise sérieuse était nécessaire.

d. Le 11 mars 2025, l’intimée a dupliqué. Il était erroné de dire que la mobilité de l’épaule testée sous anesthésie générale ne déterminerait pas la qualité de la mobilité active. Le Dr C______ se prononçait en faveur de sa patiente et son rapport n’avait pas de valeur probante.

e. Le 9 mai 2025, la chambre de céans a entendu les parties ainsi que les Drs C______ et H______ lors d’une audience de comparution personnelle et d’enquêtes.

f. Le 2 juin 2025, la recourante a communiqué une attestation du 27 mai 2025 de l’infirmière adjointe de la responsable des soins au département de la femme, de l’enfant et de l’adolescent des B______, selon laquelle la recourante, dès sa reprise de travail partielle en juillet 2022 et en accord avec sa hiérarchie, avait occupé principalement le poste de trieuse afin de facilité son retour en emploi, sans implication physique dans les soins, ni manœuvre obstétricale et elle avait réintégré les soins petit à petit dès janvier 2023, puis le post partum en mars 2024.

g. Le 6 juin 2025, la recourante a transmis une attestation de I______, physiothérapeute, du 4 juin 2025, selon laquelle celle-ci avait suivi la recourante depuis août 2023, à qui elle avait montré un exercice pour se remettre l’épaule elle-même, dès lors que l’épaule se subluxait facilement et qu’elle restait instable ; elle lui avait conseillé de revoir le Dr C______, lequel avait estimé qu’une intervention était nécessaire.

h. Le 20 juin 2025, l’intimée a observé que I______ indiquait de façon erronée que l’épaule restait instable au terme des séances de physiothérapie et a persisté dans sa décision.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connait en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de la part de l’intimée en lien avec l’instabilité de son épaule droite, annoncée comme rechute, singulièrement sur la question de savoir si celle-ci est en lien de causalité avec l’accident.

3.              

3.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraine la mort (art. 4 LPGA ; ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 ; 129 V 402 consid. 2.1).

La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable, le caractère soudain de l'atteinte, le caractère involontaire de l'atteinte, le facteur extérieur de l'atteinte et, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur ; il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 ; 129 V 402 consid. 2.1 et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 148 V 138 consid. 5.1.1). Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage parait possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 et 118 V 286 consid. 1b et les références).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

3.2 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n. U 206 p. 328 consid. 3b ; RAMA 1992 n. U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 ; RAMA 2000 n. U 363 p. 46).

3.3 Les prestations d'assurance sont également allouées en cas de rechutes et de séquelles tardives (art. 11 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents, du 20 décembre 1982 - OLAA ; RS 832.202). Selon la jurisprudence, les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en commun qu'elles sont attribuables à une atteinte à la santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée comme guérie. Il y a rechute lorsque c'est la même atteinte qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu'une atteinte apparemment guérie produit, au cours d'un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 123 V 137 consid. 3a ; 118 V 293 consid. 2c et les références).

Les rechutes et suites tardives se rattachent donc par définition à un événement accidentel effectif. Corrélativement, elles ne peuvent faire naitre une obligation de l'assureur-accidents (initial) de verser des prestations que s'il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre les nouvelles plaintes de l'intéressé et l'atteinte à la santé causée à l'époque par l'accident assuré (ATF 118 V 296 consid. 2c et les références ; RAMA 2006 n. U 570 p. 74 consid. 1.5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral U 80/05 du 18 novembre 2005 consid.1.1).

Il incombe à l'assuré d'établir, au degré de vraisemblance prépondérante, l'existence d'un rapport de causalité naturelle entre la nouvelle atteinte et l'accident. À cet égard, la jurisprudence considère que plus le temps écoulé entre l'accident et la manifestation de l'affection est long, et plus les exigences quant à la preuve, au degré de la vraisemblance prépondérante, du rapport de causalité naturelle doivent être sévères (arrêt du Tribunal fédéral 8C_302/2023 du 16 novembre 2023 consid. 6.1 et les références).  

3.4  

3.4.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

3.4.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

3.4.3 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4). 

Selon une jurisprudence constante, les médecins d'arrondissement ainsi que les spécialistes du centre de compétence de la médecine des assurances de la CNA sont considérés, de par leur fonction et leur position professionnelle, comme étant des spécialistes en matière de traumatologie, indépendamment de leur spécialisation médicale (arrêt du Tribunal fédéral 8C_626/2021 du 19 janvier 2022 consid. 4.3.1 et les références).

3.4.4 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaitre une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).

3.4.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

3.5 La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n'est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation de ces dernières d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 ; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

3.6 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, les autorités administratives et les juges des assurances sociales doivent procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raison pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Ils ne peuvent ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, ils doivent mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparait nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 283 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).

4.             En l’occurrence, l’intimée s’est fondée sur les avis du Dr H______ des 12 janvier 2024, 1er mars 2024 et 9 juillet 2024 pour exclure toute relation de causalité naturelle entre l’instabilité de l’épaule droite de la recourante, ayant justifié l’intervention du 16 janvier 2024, et l’accident du 8 décembre 2021.

Il convient d’examiner la valeur probante de ces avis, complétés par l’audition du Dr H______ par la chambre de céans le 9 mai 2025.

4.1 Le Dr H______ relève plusieurs arguments permettant, selon lui, d’exclure un lien de causalité naturelle entre l’instabilité de l’épaule droite et l’accident.

Il expose que la « première » luxation de l’épaule droite, est signalée en septembre 2023, soit un an après l’intervention chirurgicale du 30 août 2022 et que si une instabilité était en lien avec l’accident du 8 décembre 2021, elle serait apparue bien avant le mois de septembre 2023. Un lien de causalité serait donné si la luxation survenait assez rapidement. Or, le diagnostic d’instabilité de l’épaule droite n’apparaissait pas après l’intervention du 8 décembre 2021 et l’épaule droite était stable au 30 août 2022, comme affirmé par le Dr C______, lequel avait testé, sous anesthésie générale, la stabilité de l’épaule droite, ce qui était le meilleur examen orthopédique possible permettant de tester la stabilité d’une épaule. Ensuite, aucune instabilité de l’épaule droite n’était apparue avant septembre 2023, alors même que la recourante avait repris son activité habituelle de sage-femme, impliquant des manœuvres obstétricales et le port de nouveau-nés, ainsi que la natation. Postérieurement à la luxation de septembre 2023, la recourante avait pu exercer son activité professionnelle habituelle et ses activités sportives. Selon la Dre G______, le traitement de la luxation du 4 novembre 2023 (immobilisation de l’épaule droite et arrêt de travail) n’avait pas été suivi par la recourante. La luxation du 4 novembre 2023 était une « luxation habituelle de l’épaule droite en raison du nombre quotidien de luxations de l’épaule droite ». La luxation (du 8 décembre 2021) était sans lien avec les luxations subséquentes, mais tel pourrait être le cas si celles-ci survenaient assez rapidement, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Enfin, une lésion du labrum était un élément clé d’instabilité mais le rapport du 30 août 2022 ne l’évoquait pas.

4.2 Le Dr C______ estime, quant à lui que la causalité entre l’accident et l’instabilité de l’épaule droite est certaine (probabilité de 100%). La première luxation du 8 décembre 2021 avait entrainé une fragilité de l’épaule droite qui expliquait les luxations survenues dès septembre 2023.

S’agissant du délai d’une année entre la luxation de septembre 2023 et l’intervention du 30 août 2022, le Dr C______ a expliqué qu’il n’était absolument pas surprenant et même complètement normal. Les luxations s’étaient produites au moment où la recourante avait récupéré de la mobilité. La recourante avait présenté une raideur à la suite de la première intervention, laquelle l’empêchait d’effectuer les mouvements à l’origine d’une luxation (end-range motions). Une épaule raide ne pouvait pas être instable. Après l’intervention du 30 août 2022 (arthrolyse), elle avait gardé une certaine raideur et la luxation n’était survenue que lorsque la recourante avait pu accomplir certains mouvements. Les lésions acquises lors de la fracture perduraient et il y avait une déformation plastique de la capsule après une luxation, qui cicatrisait de manière allongée, des lésions osseuses qui perduraient au niveau de la glène et de la tête de l’humérus, dont une lésion du labrum. Vu l’âge de la recourante, elle avait 25% de risque de nouvelle luxation. En outre, le labrum n’était pas cicatrisé correctement au 30 août 2022 (visible à la vidéo de l’intervention). La mobilité de l’épaule avait été testée sous anesthésie mais pas la stabilité, test qui était un non-sens. Lorsqu’il évoquait une épaule stable au 30 août 2022, il faisait référence à une épaule raide (rapport du 16 avril 2024), tout en précisant qu’une épaule qui est stable un jour peut être instable le lendemain.

4.3 La chambre de céans constate qu’aucune valeur probante ne peut être reconnue aux avis du Dr H______, dès lors qu’ils sont fondés sur un dossier incomplet, des éléments erronés et qu’ils contiennent des incohérences.

4.3.1 Le Dr H______ a en effet admis, lors de l’audience 9 mai 2025, qu’il n’avait pas eu toutes les imageries à disposition et qu’il était parti du principe que la recourante avait repris son activité de sage-femme dans les suites de la chirurgie du 30 août 2022, en effectuant des manœuvres obstétricales et des ports de nouveau-nés (avis du Dr H______ du 9 juillet 2024 et procès-verbal de comparution personnelle du 9 mai 2025).

Or, comme attesté par les B______ le 27 mai 2025, la recourante a repris le travail partiellement en juillet 2022 comme trieuse, sans implication physique dans les soins, ni manœuvres obstétricales ; elle avait réintégré les soins petit à petit dès janvier 2023 et le post partum seulement en mars 2024, toujours sans manœuvre obstétricale. La recourante a, dans le même sens, expliqué lors de l’audience qu’elle avait demandé à pouvoir effectuer quelques soins, qui ne sollicitaient pas trop d’efforts, en particulier sans manœuvres obstétricales, dès qu’elle avait pu travailler à un taux dépassant le 50%, mais qu’elle était restée principalement trieuse. Or, c’est le 11 novembre 2022 que son taux d’activité a atteint un 50% et dès le 13 février 2023 qu’il a augmenté à 80%. Ces faits sont ainsi établis et entrent en contradiction avec l’anamnèse effectuée par le Dr H______ (avis des 12 janvier 2024 et 9 juillet 2024), lequel a considéré que la recourante avait repris son activité habituelle de sage-femme après l’intervention du 30 août 2022, pour en déduire que l’épaule droite de la recourante ne pouvait être instable, les gestes exigés par l’activité de sage-femme étant incompatibles avec une épaule instable. Dans le même sens, le Dr H______ affirme que la recourante aurait repris dans les suites de l’intervention du 30 août 2022 ses activités sportives, alors qu’elle a expliqué avoir pu faire une promenade à vélo le 6 septembre 2023, alors qu’elle n’avait jusque-là pas pu reprendre le vélo pour ses déplacements pour aller au travail et qu’il est établi qu’elle a repris la natation en automne 2023.

Informé en audience que la recourante n’avait pas pu reprendre son activité de sage-femme postérieurement à l’intervention du 30 août 2022, le Dr H______ a estimé qu’il n’était pas capable de dire si ce nouvel élément modifiait son appréciation et que tel serait le cas si des éléments démontrant une instabilité médicale lui étaient présentés.

Cet argument n’est pas convaincant. En effet, c’est bien en raison d’une prétendue capacité de travail de la recourante comme sage-femme postérieurement au 30 août 2022, que le Dr H______, qui n’a pas examiné la recourante, en a déduit que l’épaule de celle-ci était stable, les manœuvres obstétricales étant incompatibles avec une épaule instable. Or, cette démonstration est erronée compte tenu de l’absence de reprise de l’activité habituelle. En outre, comme expliqué par le Dr C______, après une arthrolyse (intervention du 30 août 2022), les patients gardent une certaine raideur et ce n’est que quand ils arrivent à accomplir certains mouvements et qu’ils reprennent leurs activités que la luxation survient. Dans le cas de la recourante, comme retenu par le Dr C______, l’épaule n’a pas subi de luxation avant septembre 2023 non pas parce qu’elle était complétement stable mais parce qu’elle était encore raide et que la recourante ne pouvait effectuer de mouvements suffisamment amples pour déclencher une luxation. Ce fait est corroboré par les explications de la recourante qui a précisé que dès que son épaule avait pu dépasser les 90° d’élévation, les luxations avaient débutées (procès-verbal de comparution personnelle du 9 mai 2025). L’exigence posée par le Dr H______ d’une preuve de l’instabilité de l’épaule dans les suites de l’intervention du 30 août 2022 (pour admettre un lien de causalité entre les luxations intervenues par la suite et l’accident) n’est ainsi pas pertinente et même incohérente, étant par ailleurs relevé que le Dr H______ n’a pas contesté la description des faits du Dr C______ dans les suites de l’arthrolyse, soit que la luxation ne peut survenir que dans un certain délai, alors que la personne reprend ses activités et qu’elle effectue certains mouvements (position extrême en abduction externe) et que le Dr H______ a même admis qu’un mouvement d’une certaine amplitude était nécessaire pour déclencher une luxation ou une subluxation. Or, le Dr H______ écarte complètement un élément essentiel du dossier, soit la raideur de l’épaule droite, encore présente après l’arthrolyse. Il estime, sans avoir étudié toutes les imageries, sans avoir examiné la recourante et sans avoir discuté avec le Dr C______ que la recourante, suite à l’intervention du 30 août 2022, pouvait effectuer tous les gestes de l’activité de sage-femme, de sorte que si une instabilité de l’épaule était en lien avec l’accident, elle serait survenue dans les suites de l’intervention du 30 août 2022. Or, comme relevé ci-avant, le Dr C______ a expliqué de façon convaincante que tel n’était pas le cas et que le délai d’une année entre l’arthrolyse du 30 août 2022 et les luxations était tout à fait normal. Au surplus, la causalité naturelle doit être évaluée au degré de la vraisemblance prépondérante et non pas, comme le requiert le Dr H______, par la preuve stricte d’une instabilité de l’épaule droite dans les suites de l’intervention du 30 août 2022.

4.3.2 Le Dr H______ souligne, dans son avis du 9 juillet 2024, que la récente documentation soutient ses conclusions. Il se réfère au rapport médical du Dr C______ du 16 avril 2024, transmis avec le mandat de l’intimée. Or, dans cet avis, le Dr C______ explique, au contraire, que la recourante avait présenté initialement un épisode inaugural d’instabilité glénohumérale, en plus de la fracture de son épaule et que l’épaule était ensuite stable mais raide lors de la chirurgie du 30 août 2022 et que la recourante avait, à la suite de celle-ci, redéveloppé une instabilité, laquelle était en lien de causalité évident avec l’accident (rapport du Dr C______ du 16 avril 2024).

La stabilité de l’épaule relevée par le Dr C______ a été mentionnée en lien avec la raideur de celle-ci, comme il l’a clairement expliqué lors de son audition, de sorte que le Dr H______ en conclut, à tort que l’épaule était stable postérieurement à la première intervention, de façon pérenne.

Enfin, le Dr H______ a considéré à tort, ce qui constitue un élément erroné du dossier, que le Dr C______ aurait testé la stabilité de l’épaule lors de l’intervention du 30 août 2022. Le Dr C______ a en effet relevé que tester sous anesthésie la stabilité d’une épaule était un non-sens, d’abord parce qu’elle comportait un risque de lésions nerveuses de l’épaule, ensuite parce qu’elle n’apportait aucune information puisque le patient dormait et ne pouvait communiquer les positions inconfortables ou douloureuses. Il n’avait donc pas testé la stabilité de l’épaule sous anesthésie, ce qui ressortait de son compte rendu opératoire du 30 août 2022. Celui-ci indique en effet que la mobilité de l’épaule est testée sous anesthésie mais pas la stabilité de celle-ci.

On peine dès lors à comprendre comment le Dr H______ peut affirmer que le test sous anesthésie effectué par le Dr C______ est « le meilleur examen orthopédique possible permettant de tester la stabilité d’une épaule » (avis du Dr H______ du 9 juillet 2024), étant rappelé que le Dr C______ est un spécialiste de la chirurgie de l’épaule, contrairement au Dr H______ et a clairement expliqué que ce test n’était pas pratiqué car il était propre à créer des lésions nerveuses de l’épaule et n’était pas probant.

4.3.3 Le Dr H______ se contredit également lorsque, d’une part, il admet qu’un mouvement d’une certaine amplitude est nécessaire pour déclencher une luxation et subluxation et, d’autre part, il conteste le fait qu’une épaule raide ne peut être instable au motif qu’on ne peut pas mélanger un problème de raideur et de stabilité.

En effet, si une épaule est raide, elle ne peut effectuer un mouvement d’une certaine amplitude, lequel est nécessaire pour déclencher une luxation ou une subluxation, comme expliqué de façon convaincante par le Dr C______ et comme admis d’ailleurs par le Dr H______.

4.3.4 Le Dr H______ estime qu’une lésion du labrum est un élément clé d’instabilité. Or, le Dr C______ a indiqué, d’une part, que la recourante avait présenté une lésion du labrum, comme cela survenait dans 85 à 97% des cas de fractures luxation de l’épaule et, d’autre part, que lors de l’intervention du 30 août 2022, il avait constaté que le labrum n’était pas cicatrisé correctement et qu’il était très important de le dire. Il a précisé que la documentation vidéo montrait cette lésion, ce qui n’a pas été contesté par le Dr H______, lequel n’a pas souhaité visionner les images, ni contesté par l’intimée. Dans ces conditions, il convient de retenir, comme affirmé par le chirurgien-traitant, que la recourante présentait une lésion du labrum, ce qui, comme admis par le Dr H______, favorise l’instabilité de l’épaule et renforce la version du Dr C______.

4.3.5 Questionné sur les éventuelles causes des luxations et subluxations survenues dès septembre 2023, le Dr H______ a répondu qu’il était mandaté pour examiner le lien de causalité entre l’accident et l’instabilité de l’épaule et non pas pour répondre à cette question. Dans un avis du 9 juillet 2024, il donne cependant une explication de la cause, en indiquant qu’il s’agit d’une luxation habituelle de l’épaule droite (celle du 4 novembre 2023) en raison du nombre quotidien de luxations de l’épaule droite.

Or, cette affirmation, peu compréhensible, ne répond pas à la question de la cause des luxations et subluxations survenues dès septembres 2023 et est erronée dès lors que la luxation du 4 novembre 2023 est survenue non pas dans un contexte de luxations quotidiennes mais après la seule subluxation du 6 septembre 2023, les luxations et subluxations quotidiennes étant apparues plus tard (procès-verbal de comparution personnelle du 9 mai 2025), soit dès le 5 décembre 2023 (rapport de la Dre G______ du 15 décembre 2023).

Ces imprécisions ne permettent pas de comprendre pourquoi, selon le Dr H______, la recourante aurait présenté, en dehors de tout lien avec l’accident, des luxations et subluxations de l’épaule droite dès septembre 2023, le Dr H______ n’invoquant en particulier aucun état antérieur à l’accident.

4.3.6 Le Dr H______ semble reprocher à la recourante de ne pas avoir respecté le traitement médical prescrit après la luxation du 4 novembre 2023. Il se fonde sur le rapport de la Dre G______ du 15 décembre 2023, laquelle mentionne, dans le rappel anamnestique, une luxation en nageant, remise seule « aurait dû s’arrêter et immobilisé mais ne l’a pas fait ». Cette mention qui est dans l’anamnèse semble être une information donnée par la recourante elle-même. À aucun moment le Dr H______ n’invoque d’ailleurs une prescription médicale que la recourante n’aurait pas respectée.

À cet égard et comme expliqué par la recourante, elle a présenté une subluxation le 6 septembre 2023 après avoir roulé à vélo le même jour, puis une luxation le 4 novembre 2023 qu’elle avait elle-même remise en place, geste que lui avait montré sa physiothérapeute et qu’elle avait effectué plus facilement car elle était dans l’eau (procès-verbal de comparution personnelle du 9 mai 2025 et attestation de I______ du 6 juin 2025). Elle avait toujours suivi les instructions des médecins. Le 6 septembre 2023, elle avait écrit au Dr C______ qui ne lui avait pas prescrit d’arrêt de travail, ce qui ressort en effet du mail du Dr C______ à la recourante du même jour et, après la luxation du 4 novembre 2023, elle avait consulté un médecin, fait une imagerie et avait bénéficié d’un arrêt de travail. Ces déclarations sont établies par la radiographie de l’épaule droite pratiquée le 6 novembre 2023 et le rapport de l’hôpital de La Tour du même jour, prescrivant une pose d’un gilet ortho et un arrêt de travail du 6 au 12 novembre 2023 que la recourante dit avoir respecté (écriture de la recourante du 26 février 2025 et procès-verbal d’audience du 9 mai 2025). Aucun élément au dossier n’établit que la recourante n’aurait pas suivi le traitement préconisé à la suite de la luxation du 4 novembre 2023, étant relevé que l’arrêt de travail n’était que de sept jours et que la recourante a repris ensuite son activité.

Le Dr H______ insinue ainsi un non-respect par la recourante d’instructions médicales qui ne ressort toutefois pas du dossier.

4.4 Au vu de ce qui précède, les avis du Dr H______ ne remplissent pas les critères jurisprudentiels précités pour qu’il leur soit reconnu une pleine valeur probante. Celui-ci a fait preuve d’une grande légèreté dans l’appréciation du dossier de la recourante, sans examen de l’imagerie et en construisant un raisonnement fondé sur des éléments erronés (la reprise de l’activité de sage-femme après l’intervention du 30 août 2022, un test sous anesthésie de la stabilité de l’épaule droite le 30 août 2022, une absence de lésion du labrum sans visionnement des images, une absence de raideur de l’épaule dans les suites des interventions des 8 décembre 2021 et 30 août 2022) et témoignent d’incohérences (reconnaissance qu’un mouvement d’une certaine amplitude est nécessaire pour déclencher une luxation et refus d’admettre qu’une épaule raide empêche l’instabilité). Confronté lors de l’audience du 9 mai 2025 à certaines erreurs et aux explications du Dr C______, le Dr H______ a confirmé son avis sans être en mesure de contester, par une version médicale divergente et plausible, les propos du Dr C______.

4.5 Au demeurant, selon les explications du Dr C______, la recourante a présenté une fracture-luxation de l’épaule droite le 8 décembre 2021, laquelle a fragilisé l’épaule et entrainé, dès que des mouvements d’une certaine amplitude ont été possible, des luxations subséquentes, phénomène connu et considéré par le chirurgien-traitant comme une évolution en lien certain avec l’accident, en particulier compte tenu du fait que le labrum était lésé et la capsule déformée, ce qui constituait des facteurs aggravants.

Dans ces conditions, il ne se justifie pas d’ordonner une expertise orthopédique judiciaire, laquelle aurait été nécessaire en présence d’avis médicaux divergents ou à tout le moins de deux théories médicales différentes. Or, tel n’est pas le cas, l’avis du Dr H______ n’étant pas divergent au sens médical de celui du Dr C______ mais fondé sur des éléments non pertinents ou erronés, de sorte qu’il est inapte à remettre en cause les constatations du Dr C______, selon lequel l’instabilité de l’épaule droite et l’intervention chirurgicale nécessitée par celle-ci sont dans un rapport de causalité certaine avec l'accident.

En particulier le cas d’espèce est différent du cas ayant donné lieu à un arrêt récent du Tribunal Fédéral (8C_686/2024 du 4 avril 2025) dans lequel une expertise auprès d’un chirurgien orthopédique a été jugée nécessaire vu les avis contradictoires – et impossibles à départager sans connaissances médicales spécialisées – du chirurgien-orthopédiste-traitant et du médecin-conseil de l’assurance, lesquels ne permettaient pas de se prononcer quant à l’existence d’un lien de causalité naturelle entre une déchirure méniscale du genou et un accident. Or, en l’occurrence, les avis des Drs C______ et H______ peuvent être facilement départagés, ce dernier n’ayant fourni aucun élément médical de nature à mettre en cause les explications convaincantes et motivées du Dr C______.

La survenance, dès septembre 2023, de luxations et de subluxations constitue ainsi une rechute de l’accident du 8 décembre 2021, laquelle a été annoncée comme telle à l’intimée le 10 novembre 2023. Au vu de l’avis du Dr C______, il convient d’admettre que la recourante a établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, l’existence d’un rapport de causalité naturelle entre l’instabilité de son épaule droite et l’accident.

4.6 Au surplus, l’intimée, après avoir nié tout lien de causalité entre l’instabilité de l’épaule droite de la recourante et l’accident, aurait dû examiner si elle était néanmoins tenue à prestation sous l’angle d’une lésion assimilée, les luxations survenues dès septembre 2023 entrant dans la catégorie des déboitements articulaires (art. 6 al. 2 let. b LAA). À cet égard, il lui appartenait de démontrer que les luxations étaient dues de manière prépondérante à l’usure ou à la maladie, en prenant en compte tous les évènements survenus depuis l’accident, dont l’intervention du 30 août 2022 (à cet égard, ATF 146 V 51), ce qu’elle n’a pas fait. Vu l’issue du litige, cette question peut cependant rester ouverte.

5.             Partant, le recours sera admis, la décision de l’intimée du 6 novembre 2024 annulée et il sera dit que la rechute annoncée 10 novembre 2023, soit les luxation et subluxations survenues dès le 6 septembre 2023, dont l’intervention chirurgicale du 16 janvier 2024, est à la charge de l’intimée.

La recourante obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 3'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’intimée du 6 novembre 2024.

4.        Dit que la rechute annoncée 10 novembre 2023 est à la charge de l’intimée, dans le sens des considérants.

5.        Octroie à la recourante une indemnité de CHF 3'000.- à charge de l’intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le