Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/606/2024

ATAS/321/2025 du 08.05.2025 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/606/2024 ATAS/321/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 mai 2025

Chambre 5

 

En la cause

A______

représenté par Me Yves RAUSIS, avocat

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

 

A.           a. A______ (ci-après : l'assuré), né en ______ 1964, conducteur de taxi indépendant, a déposé une demande de prestations invalidité, qui a été reçue par l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI) en date du 3 novembre 2020. L’assuré décrivait comme atteintes à la santé : un blocage du dos, de l’hypertension, des problèmes de cœur, des problèmes au genou gauche et des pertes d’équilibre. Il mentionnait être en incapacité de travail à 100%, depuis le 24 janvier 2020, et être suivi par le docteur B______, spécialiste FMH en médecine générale.

b. À la demande de l’OAI, le Dr B______ a rendu un rapport médical daté du 25 novembre 2020, posant les diagnostics de lombosciatalgies gauche, HTA, SAS léger, thyroïdite, d’un syndrome anxiodépressif et de troubles du sommeil. Il mentionnait que l’assuré se sentait incapable de travailler, quel que soit le type de travail et que ses limitations fonctionnelles étaient des troubles de la concentration et des douleurs lombaires invalidantes.

c. L’OAI a obtenu les comptes de pertes et profits pour les années 2016 à 2019 de l’entreprise individuelle de taxi, correspondant à l’activité indépendante de l’assuré. Ce dernier a complété les informations concernant son activité indépendante dans un questionnaire daté du 8 février 2021, indiquant notamment qu’il exerçait son activité de 4h30 jusqu’à 12h30 et que, depuis le mois de janvier 2021, il bénéficiait de l’aide de l’Hospice général car il était en incapacité totale de travail.

d. Dans un rapport daté du 23 juin 2021, le Dr B______ a actualisé la situation médicale de l’assuré, indiquant notamment un pronostic mauvais, quant à la capacité de travail de ce dernier, des limitations fonctionnelles empêchant le port de charges lourdes et la station assise prolongée, ainsi que des facteurs qui faisaient obstacle à une réadaptation, soit de l’asthme et une dépression sévère.

e. À la demande du service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI, le Dr B______ a fourni des informations complémentaires par courrier du 6 octobre 2021, indiquant la médication suivie par l’assuré avec une réponse clinique peu satisfaisante, confirmant les limitations fonctionnelles somatiques précédemment indiquées et ajoutant, à titre de limitations fonctionnelles psychiatriques, une inhibition totale en raison de la dépression. La capacité de travail était de 0% et toute activité adaptée était impossible, en raison de douleurs diffuses invalidantes, mais surtout d’un syndrome dépressif sévère.

f. Sur interpellation de l’OAI, l’assuré a indiqué, par e-mail du 31 janvier 2022, qu’il était suivi par C______, psychologue FSP.

g. Par e-mail du 9 février 2022, la psychologue C______ a informé l’OAI que le patient lui avait été adressé par le Dr B______, qu’il s’agissait d’une période compliquée pour l’assuré, qui avait parfois « une humeur légèrement dépressive et une forte diminution de son énergie et de sa motivation » ; par ailleurs, la psychologue relevait ce n’étaient pas les « difficultés psychologiques passagères » qui étaient à l’origine de la demande de prestations invalidité de l’assuré.

h. Par courrier du 11 mai 2022 adressé directement au SMR, le Dr B______ a complété les informations qu’il avait déjà transmises, soit la prescription de médicaments anti-inflammatoires pour les lombalgies, d’un antidépresseur en réponse au syndrome anxiodépressif et d’un suivi en rhumatologie et psychologie. Il précisait que l’assuré ne pouvait pas porter de charges plus lourdes que 3 kg et ne devait pas rester assis plus de 30 minutes, ni debout plus de 15 minutes. Il ajoutait que l’assuré se sentait incapable d’assumer la moindre responsabilité, souffrant d’une inhibition totale, d’une frustration sévère, d’un repli sur lui-même et de troubles importants de la concentration. S’agissant de l’activité professionnelle, il modifiait son appréciation en indiquant que l’assuré pouvait effectuer une activité professionnelle à mi-temps, dans un domaine adapté à ses lombalgies, mais que le syndrome anxiodépressif l’en empêchait. Sa situation sociale économique et familiale se dégradait, sans que l’assuré parvienne à réagir. Il joignait à son courrier la copie d’un rapport diagnostic de polygraphie ventilatoire, rédigé le 29 et le 30 octobre 2020 par le docteur D______, spécialiste FMH en oto-rhino-laryngologie, concluant à un syndrome d’apnée du sommeil léger, avec possibilité d’une prise en charge associant à une réduction pondérale la réalisation d’une pharyngoplastie d’élargissement de l’isthme pharyngé, qui apparaissait souhaitable. Était également remis en annexe un rapport d’électroneuromyographie réalisé le 8 mars 2021 par le docteur E______, spécialiste FMH en neurologie, qui concluait à un syndrome du canal carpien de degré modéré, bilatéral, à prédominance droite.

i. Par avis médical du 29 juin 2022, le SMR a résumé la situation médicale de l’assuré, relevant que les explications données par le médecin traitant étaient restreintes et peu argumentées, ce dernier considérant que c’était le problème psychiatrique qui dominait, alors que la psychologue estimait que cette problématique n’était pas grave. Il était recommandé la mise en place d’un stage d’observation dans le but d’évaluer la capacité de travail de l’assuré.

j. Un mandat de réadaptation résumant la situation de l’assuré a été rédigé en date du 17 octobre 2022, faisant notamment état de son divorce prononcé en date du 17 janvier 2022.

k. Les Établissements publics pour l’intégration (ci-après : EPI) ont rendu un rapport d’observation professionnelle daté du 28 février 2023, après une période d’observation de 17 jours ouvrables, au mois de janvier 2023. En substance, il était relevé que l’assuré arrêtait régulièrement ses activités pour prendre des pauses, déambuler ou s’asseoir et que son état de fatigue était observable dès son arrivée, de même que l’absence de contact avec ses pairs. Il y avait une forte discontinuité dans le travail, qui se traduisait par des interruptions régulières et très fréquentes, ce qui empêchait toute concentration. En conclusion, l’assuré était principalement à l’aise avec les activités simples et pratiques ; il n’avait aucune connaissance de l’outil informatique et ne maîtrisait pas le français écrit, ce qui le dirigeait vers des tâches manuelles peu complexes. En raison des interruptions et arrêts très fréquents, il n’avait pas été possible de mesurer des rendements significatifs.

l. Par appréciation médicale du 7 mars 2023, la docteure F______, spécialiste FMH en médecine interne, a relevé que l’assuré présentait un état dépressif chronique, avec un trouble du sommeil, un ralentissement psychomoteur important, un trouble de la concentration et un repli sur soi. Son état psychique avait un impact négatif sur la perception de ses douleurs, au niveau du dos et des mains. En raison d’une lombosciatalgie chronique et d’un syndrome du canal carpien bilatéral, sa mobilité était réduite. En conclusion, l’assuré n’était actuellement pas en mesure de réintégrer le premier marché du travail et le pronostic à long terme était plutôt négatif, en raison de la durée de l’atteinte et de l’âge du patient.

m. Par avis médical du 27 avril 2023, le SMR a recommandé la mise en place d’une expertise bi-disciplinaire psychiatrique et rhumatologique.

n. Les experts G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et H______, spécialiste FMH en rhumatologie, tous deux experts médicaux de la SIM, ont rendu un rapport d’expertise daté du 11 octobre 2023.

À l’issue de l’évaluation consensuelle (rapport d’expertise, p. 10), il était retenu, sur le plan somatique, que l’examen rhumatologique était strictement normal, ne mettant en évidence qu’un léger syndrome de déconditionnement lié à l’inactivité, ce qui permettait une capacité de travail dans une activité habituelle ou adaptée de 100% depuis toujours. Sur le plan psychiatrique, la situation de l’assuré était celle d’une absence de psychopathologie spécifique, chez un assuré qui n’avait pas de traitement psychiatrique et psychothérapeutique intégré ; il était mentionné que « les chances de guérison d’une absence de psychopathologie spécifique sont naturellement excellentes » (sic). Les experts ne voyaient aucune limitation uniforme des activités, dans tous les domaines de la vie, l’expert psychiatre mentionnant, notamment, que l’impossibilité de conduire de manière professionnelle un taxi qui était alléguée par l’assuré apparaissait faiblement cohérente et plausible. La capacité de travail était de 100%, dans toute activité, depuis toujours, sur le plan rhumatologique et psychiatrique.

o. Par rapport du 31 octobre 2023, le SMR a considéré que les conclusions de l’expertise étaient convaincantes et que l’analyse était réalisée de manière détaillée et approfondie.

B.            a. Par projet de décision du 6 novembre 2023, l’OAI a refusé toute prestation invalidité à l’assuré, au motif qu’il présentait une capacité de travail entière, dans toute activité professionnelle.

b. Par courrier du 1er décembre 2023, l’assuré a contesté le projet de décision, soulignant que son état de santé l’empêchait d’exercer n’importe quelle activité dans le marché du travail, en raison de son âge ainsi que pour les empêchements qui avaient été confirmés par ses médecins traitants et par les EPI. À l’appui de sa contestation, il a joint un certificat médical d’arrêt de travail de 100% pour maladie, du 1er au 30 novembre 2023, signé par le Dr B______.

c. Par décision du 15 janvier 2024, l’OAI a constaté que les arguments avancés dans le courrier du 1er décembre 2023 étaient insuffisants, de même que le certificat d’arrêt de travail du 21 novembre 2023. Partant, l’OAI a confirmé le refus de toute prestation invalidité.

C.           a. Par acte de son avocat, posté le 16 février 2024, l'assuré a interjeté recours à l'encontre de la décision du 15 janvier 2024 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant, préalablement, à ce qu’une expertise soit ordonnée et principalement, à l’annulation de la décision entreprise et au renvoi de la cause à l’intimé « pour nouvelle décision », le tout sous suite de frais et dépens. Dans les grandes lignes, le recourant contestait les conclusions de l’expertise bi-disciplinaire, se fondant notamment sur les appréciations de ses médecins traitants ainsi que sur les observations faites pendant le stage auprès des EPI et estimait avoir droit à une rente invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 100%.

b. Par réponse du 27 mars 2024, l’OAI a conclu au rejet du recours, se fondant sur l’expertise bi-disciplinaire qu’il avait ordonnée et concluant que cette dernière devait se voir reconnaître une pleine valeur probante, car les indications sommaires et contradictoires des médecins traitants ne permettaient pas de remettre en question les observations des experts, de même que les conclusions du stage aux EPI, qui était empreint d’éléments limitants, qui sortaient du champ de l’assurance-invalidité.

c. Par réplique du 25 avril 2024, l’avocat de l’assuré n’a fait aucune observation sur la réponse de l’OAI et a renvoyé à ses conclusions figurant dans le mémoire de recours.

d. Par courrier du 28 mai 2024, la chambre de céans a informé les parties qu’elle avait l’intention de confier une mission d’expertise psychiatrique et rhumatologique aux docteurs I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et J______, spécialiste FMH en rhumatologie. À l’issue du délai qui leur avait été fixé, les parties n’ont fait valoir aucun motif de récusation à l’encontre des experts proposés.

e. Par courrier du 26 juin 2024, la chambre de céans a proposé aux parties un projet de mission d’expertise. À l’issue du délai qui leur avait été fixé, les parties n’ont fait valoir aucune remarque ou demande de modification du projet proposé.

f. Les experts ont rendu leur rapport respectivement en date du 20 janvier 2025 pour le Dr I______, et du 21 janvier 2025 pour le Dr J______.

Dans le cadre de leur appréciation consensuelle bi-disciplinaire, les experts n’ont retenu aucune pathologie durablement incapacitante du point de vue psychiatrique et ceci dans toute activité. Sur le plan rhumatologique, les experts ont considéré que la capacité de travail était nulle comme chauffeur de taxi dès le 1er janvier 2023 et qu’elle était, à partir de cette même date, de 50% dans un emploi adapté aux limitations fonctionnelles énoncées dans l’expertise du rhumatologue, précisant que la capacité de travail devait être réévaluée six mois après l’introduction du traitement proposé et la prise en charge par un rhumatologue.

g. Par courrier du 18 février 2025, le conseil du recourant s’est déterminé sur les rapports d’expertise. Il a notamment fait valoir qu’au vu de l’intensité des problèmes somatiques que rencontrait réellement le recourant, on pouvait se demander quelle était l’activité qu’il pouvait entreprendre, dès lors que l’expert rhumatologue mentionnait que le recourant devait pouvoir se reposer quatre heures par jour. Il s’est également demandé pour quelles raisons il était incapable de travailler, au degré reconnu par l’expert, depuis le 1er janvier 2023 seulement, tout en s’en remettant à justice et en restant dans l’attente de l’arrêt de la chambre de céans.

h. Par courrier du 18 février 2025, l’OAI s’est déterminé en se fondant sur le préavis du SMR daté du 17 février 2025 et qui considérait que même si la récente IRM de novembre 2024 mettait en évidence une possible aggravation de l’état de santé de l’assuré, celle-ci était postérieure à la date de la décision ; par ailleurs, le SMR estimait que les conclusions de l’expert rhumatologue ne pouvaient être suivies en l’absence d’élément clinique objectif permettant de confirmer, de manière objective, ladite aggravation. En conclusion, l’OAI proposait que les observations du SMR soient soumises à l’expert afin qu’il se prononçât de manière détaillée sur les éléments objectifs qui avaient fondé son appréciation.

i. Par courrier du 24 mars 2025, la chambre de céans a interpellé l’expert rhumatologue J______ et lui a soumis le rapport du SMR du 17 février 2025 en lui demandant de bien vouloir détailler les éléments objectifs fondant une aggravation de l’état de santé du recourant.

j. Par courrier du 15 avril 2025, le Dr J______ s’est déterminé en expliquant qu’il remarquait que le SMR de l’OAI avait reconnu que l’état de santé de l’assuré avait évolué avec une aggravation de son état de santé sur le plan radiologique mais que, de manière étonnante, il considérait que cette aggravation n’avait aucune répercussion sur le plan clinique. Se fondant sur son expérience et sa pratique de rhumatologue, il a relevé que les patients qui étaient dans le même état de santé que l’assuré avaient mal lors des changements de position ou lors du port de charges et qu’ils étaient limités dans leurs déplacements à pied. Selon l’expert, les douleurs décrites étaient réelles et invalidantes et il maintenait ses conclusions ainsi que son appréciation sur la capacité de travail actuelle de l’assuré.

k. Par courrier du 16 avril 2025, la chambre de céans a transmis l’appréciation de l’expert tout en relevant que celui-ci maintenait intégralement son appréciation ; dès lors que l’appréciation médicale de l’expert n’avait pas changé, la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le refus par l’OAI de toute prestation invalidité.

3.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ‑ RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

En l’occurrence, à teneur de l’état de fait, l’éventuel droit à la rente de l’assuré est né avant le 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

5.              

5.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

5.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

6.             Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3)

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

7.              

7.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

7.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

7.3 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

7.4 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

7.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

7.6 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

7.7 Le but des expertises multidisciplinaires est de recenser toutes les atteintes à la santé pertinentes et d'intégrer dans un résultat global les restrictions de la capacité de travail qui en découlent. L'évaluation globale et définitive de l'état de santé et de la capacité de travail revêt donc une grande importance lorsqu'elle se fonde sur une discussion consensuelle entre les médecins spécialistes participant à l'expertise. La question de savoir si, et dans quelle mesure, les différents taux liés aux limitations résultant de plusieurs atteintes à la santé s'additionnent, relève d’une appréciation spécifiquement médicale, dont le juge ne s'écarte pas, en principe (cf. ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.3 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2023 du 9 octobre 2023 consid. 2.3 et les références).

7.8 Les constatations médicales peuvent être complétées par des renseignements d’ordre professionnel, par exemple au terme d'un stage dans un centre d'observation professionnel de l'assurance-invalidité, en vue d'établir concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Il appartient alors au médecin de décrire les activités que l'on peut encore raisonnablement attendre de l'assuré compte tenu de ses atteintes à la santé (influence de ces atteintes sur sa capacité à travailler en position debout et à se déplacer ; nécessité d'aménager des pauses ou de réduire le temps de travail en raison d'une moindre résistance à la fatigue, par exemple), en exposant les motifs qui le conduisent à retenir telle ou telle limitation de la capacité de travail. En revanche, il revient au conseiller en réadaptation, non au médecin, d'indiquer quelles sont les activités professionnelles concrètes entrant en considération sur la base des renseignements médicaux et compte tenu des aptitudes résiduelles de l'assuré. Dans ce contexte, l'expert médical et le conseiller en matière professionnelle sont tenus d'exercer leurs tâches de manière complémentaire, en collaboration étroite et réciproque (ATF 107 V 17 consid. 2b ; SVR 2006 IV n. 10 p. 39).

En cas d'appréciation divergente entre les organes d'observation professionnelle et les données médicales, l'avis dûment motivé d'un médecin prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 531/04 du 11 juillet 2005 consid. 4.2). En effet, les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l'emportent, en principe, sur les constatations qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 9C_462/2009 du 2 décembre 2009 consid. 2.4). Au regard de la collaboration, étroite, réciproque et complémentaire selon la jurisprudence, entre les médecins et les organes d'observation professionnelle (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b), on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d'ordre professionnel recueillis à l'occasion d'un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l'assuré en cause. Au contraire, dans les cas où l'appréciation d'observation professionnelle diverge sensiblement de l'appréciation médicale, il incombe à l'administration, respectivement au juge - conformément au principe de la libre appréciation des preuves - de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d'instruction (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 IV n. 6 p. 17 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_833/2007 du 4 juillet 2008, in Plädoyer 2009/1 p. 70 ; arrêts du Tribunal fédéral I 35/03 du 24 octobre 2003 consid. 4.3 et les références, in Plädoyer 2004/3 p. 64 ; 9C_512/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5.2.1).

7.9 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

8.             En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé, susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels ; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_43/2023 du 29 novembre 2023 consid. 5.1 et 5.2 et les références).

9.              

9.1 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

9.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

10.         En l'espèce, la chambre de céans a déjà exposé dans son ordonnance d’expertise du 27 août 2024 les raisons pour lesquelles elle considérait que l’expertise administrative bi-disciplinaire ordonnée par l’OAI n’était pas probante. Point n’est besoin de revenir sur cette appréciation.

10.1 En ce qui concerne les deux rapports d’expertise judiciaire, la chambre de céans constate que les experts ont pris connaissance du dossier complet du recourant, étudié et discuté soigneusement les rapports pertinents y figurant, présenté des anamnèses détaillées et fouillées, et retranscrit précisément les informations livrées par le recourant, s’agissant particulièrement des traitements suivis, de ses plaintes et habitudes. Ils ont argumenté les diagnostics retenus et motivé leurs conclusions consensuelles quant aux limitations fonctionnelles et à la capacité de travail.

Les rapports d’expertise remplissent donc, a priori, les exigences jurisprudentielles pour se voir reconnaître une pleine valeur probante.

Il convient encore d’examiner s’il existe des indices concrets permettant de douter du bien-fondé de ces rapports.

10.2 S’agissant du rapport d’expertise psychiatrique, ses conclusions ne sont fondamentalement pas remises en question par les parties. La chambre de céans considère que ladite expertise présente une pleine valeur probante et fait sienne l’appréciation de l’expert I______ selon laquelle, en dépit d’une dépression de gravité légère, l’assuré dispose d’une entière capacité de travail dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée et qu’il n’existe pas de limitations fonctionnelles sur le plan psychiatrique.

10.3 En ce qui concerne l’expertise rhumatologique, l’expert estime que la capacité de travail de l’assuré est nulle dans son activité habituelle de chauffeur de taxi, dès le 1er janvier 2023 et de 50%, dès cette même date, dans un emploi adapté à ses limitations fonctionnelles.

Il retient un diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail de : lombalgies chroniques sur un canal lombaire étroit modéré L2-L3 (shizas B) et une arthrose inflammatoire L5 et S1 à droite (Modic 1) (ME 84.2) depuis janvier 2023. Les limitations fonctionnelles dans une activité adaptée sont les suivantes : pas de port de charges de plus de 5 kg ; pas de mouvements répétés du rachis ; travail en position assise avec la possibilité de changer de position toutes les 45 minutes ; éviter les déplacements à pied de plus de 30 minutes ; éviter de devoir monter sur des échelles et des échafaudages ; éviter de devoir marcher sur un terrain accidenté et pouvoir s’étendre au moins quatre heures par jour. L’expert ne note pas d’exagération des symptômes et considère que le tableau clinique est cohérent avec l’évolution et correspond à ce qui est attendu pour les diagnostics retenus. En revanche, il souligne que le traitement suivi par l’assuré n’est pas adéquat car il devrait impérativement être suivi par un rhumatologue et un kinésithérapeute ; de surcroît, le traitement antalgique devrait être intensifié et un traitement dégressif de cortisone devrait être entrepris.

L’expert critique l’appréciation du rhumatologue désigné à titre d’expert par l’intimé, relevant que son appréciation repose principalement sur l’IRM de 2019 qui était normale, alors que quatre ans après cet examen, il semblerait logique que l’expert s’appuie sur un nouvel examen. De surcroît, il relève que l’expert de l’OAI ne tient pas compte des remarques faites durant le stage aux EPI.

La chambre de céans constate que l’expert en rhumatologie a retenu les mêmes critiques que cette dernière, telles qu’elles sont mentionnées dans l’ordonnance d’expertise du 27 août 2024.

10.4 S’agissant des griefs du SMR à l’encontre du rapport d’expertise rhumatologique, ils se fondent principalement sur l’absence d’éléments objectifs permettant de mettre en évidence que l’aggravation de l’état de santé de l’assuré est antérieure à la date de la décision.

Appelé à se prononcer sur le préavis du SMR du 17 février 2025, l’expert met clairement en doute ladite appréciation, relevant qu’on peut difficilement admettre une aggravation de l’état de santé sur le plan radiologique et en déduire qu’il n’y a aucune répercussion sur le plan clinique.

Il considère que les douleurs décrites sont réelles et invalidantes et se produisent lors des changements de position lors du port de charges, limitant également les déplacements à pied.

Il sied de rappeler que la chambre de céans ne peut s’écarter sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante.

Lorsqu'une appréciation repose sur une évaluation médicale complète, il faut, pour la contester, faire état d'éléments objectivement vérifiables qui auraient été ignorés dans le cadre de l'expertise et suffisamment pertinents pour en remettre en cause les conclusions. En d'autres termes, il faut faire état d'éléments objectifs précis qui justifieraient, d'un point de vue médical, d'envisager la situation selon une perspective différente ou, à tout le moins, la mise en œuvre d'un complément d'instruction (voir notamment l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2014 du 9 janvier 2015 consid. 6.2.3).

Le rapport du SMR ne met en évidence aucune contradiction ou éléments objectifs ignorés par l’expert, qui justifierait de s’écarter de l’appréciation de ce dernier. Partant, la chambre de céans considère que l’OAI fait une appréciation différente de celle de l’expert judiciaire, portant sur le même état clinique, ce qui ne justifie pas de remettre en doute les conclusions de ce dernier.

10.5 En ce qui concerne le recourant, ce dernier se demande pour quelle raison ce n’est qu’à partir du 1er janvier 2023 que son incapacité de travail partielle devrait être reconnue. Or, la réponse se trouve dans le rapport d’expertise, p. 13, qui montre que ce n’est qu’à partir du stage aux EPI, dès le mois de janvier 2023, que l’incapacité du recourant a été dûment observée et objectivée alors même qu’auparavant, en 2021 et 2022, le Dr B______ avait surtout mis l’accent sur l’existence d’un syndrome dépressif sévère, qui rendait impossible, selon lui, toute activité professionnelle. Comme l’expert judiciaire l’a relevé (rapport d’expertise, p. 17), l’avis du Dr B______ est trop succinct pour pouvoir se prononcer ; dès lors, la date du 1er janvier 2023 peut être retenue.

S’agissant, enfin, des doutes du recourant concernant l’activité qu’il pourrait encore entreprendre en devant se reposer pendant quatre heures par jour, ils doivent être écartés dès lors qu’une activité lucrative à mi-temps paraît compatible avec une telle période de repos.

11.

11.1 Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans fait sienne l’appréciation de l’expert en rhumatologie selon laquelle l’assuré, dès le 1er janvier 2023, ne dispose d’aucune capacité de travail dans son activité habituelle et d’une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.

Étant précisé que, comme l’a relevé l’expert rhumatologue, la situation pourrait être réévaluée après la mise en place du suivi rhumatologique et kinésithérapeutique tel que proposé dans son rapport d’expertise.

Dès lors que l’OAI a retenu une capacité de travail complète et que le recourant n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur des éléments chiffrés permettant d’établir le revenu qu’il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide et de le comparer avec le revenu qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui, après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré, la cause sera renvoyée à l’OAI afin qu’il se détermine sur les revenus avec et sans invalidité et se prononce sur le taux d’invalidité retenu.

11.2 En ce qui concerne les frais de l’expertise judiciaire, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).

Cette règle ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2).

Tel n’est pas le cas en l’espèce, l’OAI ayant mandaté des experts en matière psychiatrique et rhumatologique, quand bien même les appréciations de ce dernier divergent de celles de l’expert judiciaire en rhumatologie désigné par la chambre de céans. Les frais d’expertise seront donc laissés à la charge de l’État.

11.3 Le recourant, assisté par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant partiellement gain de cause, a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 3'500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10] ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA ‑ E 5 10.03]).

11.4 Étant donné que, depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.

 

 

 

 

 

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision du 15 janvier 2024 et renvoie la cause à l’intimé, pour nouvelle décision, au sens des considérants.

4.        Octroie au recourant, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 3'500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le