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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/94/2024

ATAS/314/2025 du 02.05.2025 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/94/2024 ATAS/314/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 mai 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né en 1983, originaire du Kosovo, citoyen suisse depuis 2016, a fait l’école obligatoire au Kosovo. Il est marié et père de trois enfants. Sans formation particulière, il a travaillé comme ferrailleur depuis 2007.

b. Le 21 janvier 2019, l’assuré, en incapacité de travail depuis avril 2019, a déposé une première demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI), en invoquant les suites d’un accident à la main droite survenu le 1er décembre 2017 et des lombalgies.

c. Par décision du 3 juillet 2019, l’OAI lui a nié le droit à toute prestation, l’incapacité de travail ayant duré moins d’une année. L’assuré avait en effet pu reprendre son ancienne activité à plein temps le 1er juillet 2018.

B. a. Le 5 novembre 2019, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations en invoquant des névralgies cervicales, des brachialgies, des signes de radiculalgies C6-C7 bilatérales, des omalgies bilatérales, des dorsalgies ainsi que des lombalgies. Il expliquait que le diagnostic de spondylarthrite avait été posé par le docteur B______, rhumatologue.

b. Ont été versés au dossier, notamment :

-          un courrier du 2 juillet 2019, du docteur C______, spécialiste FMH en rhumatologie, au médecin traitant, évoquant une possible spondyloarthrite ;

-          un courrier adressé au médecin traitant le 1er octobre 2019 par le Dr B______, posant le diagnostic de spondylarthrite séronégative et préconisant la mise en place d’un traitement qui permettrait de contrôler le rhumatisme et de le mettre en rémission ;

-          un rapport rédigé le 26 novembre 2019, par le docteur D______, médecin traitant, expliquant que la spondylarthrite ankylosante axiale évoluait, avec des crises douloureuses plus fréquentes, très peu soulagées par les antalgiques et la physiothérapie ; le patient était décrit comme très limité dans les actes de la vie quotidienne et sur le plan professionnel ; le médecin concluait à une totale incapacité à exercer l’activité habituelle ; il soulignait que la situation tendait vers une aggravation des symptômes, avec une impotence fonctionnelle à l’effort s’installant de façon inquiétante ;

-          un rapport du Dr B______ du 25 juin 2019 [recte : 2020] confirmant le diagnostic de spondyloarthrite, précisant que le pronostic était conditionné par le traitement, qu’il ne pouvait donner d’indications sur l’évolution de la maladie, car il n’avait pas revu le patient en consultation depuis novembre 2019, raison pour laquelle il lui était également impossible de se prononcer sur la capacité de l’intéressé à exercer une activité adaptée ; les restrictions fonctionnelles découlaient essentiellement d’une hypomobilité du segment lombaire, aussi bien dans les flexions antérieures qu’en latéroflexion.

c. Le Service médical régional (ci-après : SMR) a pris note de l’apparition d’une nouvelle atteinte et sollicité des investigations supplémentaires.

d. Cette instruction a permis de recueillir, notamment :

-          un courrier du Dr B______ au médecin traitant du 8 décembre 2020, indiquant qu’il avait procédé à une nouvelle IRM, laquelle s’était montrée rassurante, puisqu’on ne retrouvait pas les lésions inflammatoires décrites dans l’examen antérieur, pratiqué en 2019 ; le patient répondait aux anti-inflammatoires ;

-          un rapport rédigé par le Dr B______ le 16 décembre 2020, après qu’il a revu le patient en octobre 2020 ; selon le médecin, l’assuré, s’il était dans l’incapacité totale de reprendre son activité habituelle, était en revanche apte à exercer à 100% une activité adaptée ;

-          un rapport du médecin traitant rédigé le 7 janvier 2021, concluant à une capacité de travail exigible de 100% [recte : 0%] dans l’activité habituelle depuis le 1er novembre 2020 et de 50% dans une activité adaptée (pas de port de charges, pas de station assise ou debout prolongée, pas de montées ou descentes d’escaliers, pas de rotation du buste, pas de travail au-dessus des épaules) depuis le 1er mars 2021 ;

e. Le 5 février 2021, le SMR, constatant que le rhumatologue traitant avait fait état d’une évolution favorable, avec une diminution de la raideur rachidienne n’impliquant plus de limitations des actes de la vie courante et qu’il avait attesté d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée, s’est écarté de l’avis contraire du médecin traitant, au motif que ce dernier n’apportait aucun élément médical permettant de justifier une diminution de la capacité à exercer une activité adaptée. Le SMR a donc admis une totale incapacité à exercer l’activité habituelle dès mars 2019, mais considéré que l’assuré avait recouvré une pleine capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles d’épargne du dos (pas de port de charges de plus de 10 kg, pas de station debout prolongée, pas de position penchée en avant ou en porte-à-faux du tronc, pas de mouvements répétés de rotation ou de flexion/extension du tronc et possibilité d’alterner les positions) et ce, dès le 1er octobre 2020 (date à laquelle il avait été vu en consultation par le Dr B______).

f. Le 17 juin 2021, le médecin traitant a informé l’OAI que son patient avait déposé un dossier de candidature au service de la voirie de la Ville de Genève et qu’il lui semblait que cette profession était adaptée, car elle respectait les limitations fonctionnelles induites par son état de santé.

g. Il ressort d’une note rédigée suite à un premier entretien de réadaptation professionnelle s’étant tenu le 30 novembre 2021, qu’il avait été décidé de faire bénéficier l’assuré d’une mesure auprès des Etablissements publics pour l’intégration (ci-après : EPI) de trois mois à titre d’orientation professionnelle (poste sédentaire et tenant compte du fait que l’assuré n’écrit pas le français et qu’il le parle difficilement) ; il était relevé que l’assuré avait postulé auprès de différentes communes de Genève pour des postes de concierge.

h. Le degré d’invalidité a été déterminé de manière théorique.

Le salaire avant invalidité, de CHF 56'972.- (moyenne des années 2013 à 2018, réactualisé en 2020), comparé à celui de CHF 68'906.- (Enquête suisse sur la structure des salaires [ESS] 2018, TA1 tirage_skill_level = 5'417.- CHF/mois pour 40 h./sem. = 5'647.- CHF/mois pour 41,7 h.l/sem = CHF 67'767.- par an en 2018 = CHF 68'906.- par an en 2021), montrait l’absence d’une perte de gain et, par voie de conséquence, un degré d’invalidité de 0%.

i. Le 24 février 2022, l’assuré a été avisé par téléphone que la division de réadaptation professionnelle avait décidé de le mettre au bénéfice d’une mesure d’orientation professionnelle, du 7 mars au 5 juin 2022. L’assuré avait alors répondu qu’il avait repris son métier de ferrailleur à 50%. Son épouse avait ensuite rappelé pour faire savoir à l’OAI qu’au vu du niveau de son mari, un poste sédentaire ne pourrait lui convenir et qu’une mesure aux EPI ne semblait pas adéquate.

j. Selon une note téléphonique du 11 octobre 2022, l’assuré n’a appelé l’OAI que le dimanche 6 mars 2022, il avait été victime d’un accident de luge, raison pour laquelle il ne s’était pas présenté aux EPI comme convenu. Il a transmis à l’OAI un certificat d’arrêt de travail couvrant la période du 5 mars au 5 avril 2022.

k. L’OAI a constaté qu’il avait été tenté à plusieurs reprises de joindre l’assuré par téléphone sans succès, que la mesure proposée n’avait pu être mise sur pied et que le dossier de réadaptation devait être clôturé. Selon la comparaison des revenus, il n’y avait pas de perte de gain.

l. Le 7 mars 2023, le médecin traitant a adressé à l’OAI un courrier dont il ressortait que l’état de santé de son patient était très fluctuant et que, depuis le 1er octobre 2022, son état de santé ne lui avait pas permis de se rendre au travail, pas plus que de participer à des formations.

m. Le 28 avril 2023, a été adressée à l’assuré une sommation.

Il en ressortait qu’il lui avait été demandé à plusieurs reprises, en dates des 13 octobre 2022, 7 décembre 2022 et 31 janvier 2023, de produire des documents médicaux justifiant un empêchement à suivre la mesure professionnelle mise en place. Un délai au 30 mai 2023 lui était octroyé pour communiquer ces documents, étant précisé qu’en l’absence de réponse de sa part, une décision serait rendue sur la base du dossier en la possession de l’OAI et que les prestations pourraient lui être refusées.

n. Le 24 octobre 2023, l’OAI a adressé à l’assuré un projet de décision dont il ressortait qu’il se proposait de statuer en l’état du dossier et de lui nier le droit à toute prestation pour défaut de collaboration.

o. Le 10 janvier 2024, le médecin traitant a adressé à l’OAI un courrier indiquant qu’il suivait régulièrement l’assuré, que la situation médicale de ce dernier n’évoluait pas favorablement et qu’il lui semblait indispensable qu’il puisse bénéficier de mesures professionnelles et/ou d’une rente.

Pour le reste, s’agissant de l’accident survenu le 5 mars 2022, il expliquait que l’employeur avait déclaré l’événement, non pas à l’assureur-accident, mais à l’assurance perte de gain, raison pour laquelle l’intéressé ne pouvait produire de déclaration d’accident.

p. Par décision du 4 décembre 2023, l’OAI a nié à l’assuré le droit à toute prestation.

A l’issue de l’instruction médicale, l’OAI a reconnu l’incapacité totale de l’assuré à exercer son activité habituelle à compter du 1er mars 2019. Il a en revanche considéré que, dans une activité adaptée à son état de santé, l’assuré avait recouvré une pleine capacité de travail dès le 1er octobre 2020.

L’OAI a noté que l’assuré avait été reçu par une conseillère en réadaptation qui lui avait proposé une mesure d’orientation. Celle-ci devait avoir lieu du 7 mars au 5 juin 2022, mais n’avait pu être mise en place, suite à un accident survenu le 5 mars 2022.

Le 13 octobre 2022, l’OAI avait réclamé à l’assuré une copie de sa déclaration d’accident, ainsi que tout document susceptible de justifier l’incapacité à suivre la mesure professionnelle mise en place. Malgré des rappels, en dates des 7 décembre 2022 et 31 janvier 2023, ainsi qu’une sommation, le 28 avril 2023, attirant son attention sur les conséquences d’une absence de réponse de sa part, l’assuré ne s’était pas conformé à son obligation de collaborer à l’instruction.

Dès lors, il était statué sur la base du dossier et le droit à toute prestation lui était nié pour défaut de collaboration.

C. a. Par écriture du 10 janvier 2024, l’assuré a interjeté recours contre cette décision en invoquant un « malentendu ».

Le recourant allègue avoir pris contact à plusieurs reprises avec l’OAI pour expliquer sa situation : si son employeur n’a pas fait de déclaration d’accident, c’est parce qu’il a considéré qu’il s’agissait d’un cas de maladie, ce qu’aurait confirmé son médecin.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 16 janvier 2024, a conclu au rejet du recours.

L’intimé explique avoir tenté de mettre en place une mesure auprès des EPI du 7 mars au 5 juin 2022.

Le recourant lui a alors indiqué par entretien téléphonique, puis par l’entremise de son épouse, qu’il exerçait à 50% son ancienne activité de ferrailleur et que la mesure aux EPI serait inadaptée, vu son niveau linguistique. La mesure a néanmoins été maintenue pour essayer de le réadapter. L’assuré ne s’est cependant pas présenté et a produit un certificat médical pour accident. Malgré plusieurs tentatives pour joindre l’assuré, aucune information n’a pu être obtenue avant octobre 2022. Finalement, après plusieurs rappels, un courrier du Dr D______ du 7 mars 2023, est parvenu à l’intimé, expliquant sans aucun détail médical, que l’assuré ne pouvait ni se rendre au travail, ni participer à une mesure et ce, depuis octobre 2022, soit plus de sept mois après ladite mesure.

Dans un courrier subséquent du 10 janvier 2024, le Dr D______ n’avait ni justifié médicalement l’arrêt de travail de mars 2022, ni fourni la moindre information pertinente. Il s’était contenté d’indiquer : « je ne reviendrai pas sur les antécédents médicaux […] à l’origine des restrictions fonctionnelles sur le plan professionnel et les actes de la vie quotidienne ».

L’intimé constate ainsi que, deux ans après la survenance de l’accident allégué, l’assuré n’a toujours pas produit le moindre rapport médical circonstancié à cet égard, malgré de réitérées demandes à ses médecins ainsi qu’à lui-même.

c. Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 23 mai 2024.

Le recourant a allégué que s’il n’a pu se présenter à la mesure mise en place, c’est parce que, lors d'une sortie à ski, il a glissé et chuté sur le dos. S’il ne s’est rien cassé, il a souffert du dos et des jambes durant au moins huit semaines, pendant lesquelles il a été mis en arrêt de travail.

A l’issue de l’audience, un délai au 14 juin 2024 a été accordé au recourant pour produire les justificatifs demandés.

d. Par courrier du 13 juin 2024, le recourant a demandé une prolongation du délai qui lui avait été accordé, au motif que, depuis le 11 juin 2024 – date à laquelle il avait été reçu par le Dr D______ –, ce dernier n’avait toujours pas rédigé le rapport pourtant sollicité plusieurs fois.

e. Le 19 juin 2024, le Dr D______ a établi une attestation certifiant qu’il suit régulièrement le recourant pour diverses affections de longue durée. Il a indiqué que, le 6 mars 2022, son patient a été victime d’une chute alors qu’il faisait de la luge avec ses enfants, ce qui lui a occasionné un traumatisme du bassin, de la colonne cervicale et lombaire, ainsi qu’une contracture des muscles paravertébraux. Par la suite, l’assuré a rencontré des difficultés pour se déplacer (marche difficile et douloureuse) et rester debout ou assis plus de 30 minutes. Il a fallu augmenter les traitements antalgiques en prescrivant des opioïdes, qui ont eu des effets secondaires sédatifs, limitant encore plus le patient dans ses déplacements. Ce dernier souffrait déjà d’une spondylarthrite ankylosante, dont l’accident avait grandement majoré les symptômes, entraînant une totale incapacité de travail de huit semaines à compter du 6 mars 2022.

f. L’intimé a soumis cette attestation au SMR qui, le 16 juillet 2024, a constaté que s’il figurait bien au dossier un certificat du Dr D______ du 7 mars 2022 attestant d’une incapacité de travail du 5 mars au 5 avril 2022 pour accident, il n’y avait ensuite ni déclaration d’accident, ni document détaillant les conséquences dudit accident.

Le docteur E______, rhumatologue, avait rendu une expertise pour l’assurance perte de gain en date du 24 novembre 2023. Il avait retenu les diagnostics de spondylarthrite ankylosante et de lombosciatalgies gauches non déficitaires, évoluant depuis avril 2023. L’expert avait estimé que, dans l’activité habituelle, la capacité de travail était nulle depuis le 1er novembre 2020, mais qu’en revanche, elle restait de 80% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles (activité légère, excluant le port ponctuel de charges de plus de 10 kg et celui, régulier, de charges de plus de 5 kg, les mouvements répétitifs du rachis en porte-à-faux, permettant l’alternance de la position assise et debout une à deux fois par heure). L’expert avait admis une reprise à 50% le 8 février 2021 et à 100% le 1er mars 2021, puis une incapacité de travail de 100% dès le 28 avril 2023. Il avait souligné que, dans un rapport du 5 avril 2022, le docteur B______, rhumatologue, faisait état d’une situation contrôlée.

Le SMR admet que l’assuré a été victime d’un accident de luge motivant une incapacité de travail de quatre semaines, du 5 mars au 5 avril 2022. A cet égard, le SMR relève qu’il n’y a pas de trace au dossier d’un certificat d’arrêt de travail de deux mois du Dr D______. Le Dr B______, rhumatologue traitant, a décrit le 5 avril 2022 une situation stabilisée sur le plan de la spondylarthrite. Lors de l’expertise de novembre 2023, l’assuré n’a pas évoqué d’accident, ni même d’arrêt de travail consécutif à ce dernier. Selon l’expert, il était même apte à travailler à 100% du 1er mars 2021 au 28 avril 2023. Dans ces conditions, seule une incapacité de travail d’un mois peut être admise suite à l’événement décrit dans le certificat du 7 mars 2022.

Au vu de l’expertise de novembre 2023, le SMR admet une aggravation de l’état de santé de l’assuré à compter du 28 avril 2023 et une capacité à exercer une activité adaptée de 80% (100% avec une baisse de rendement de 20% liée à une diminution de vitesse dans l’exécution de certaines tâches impliquant le haut du corps et la prise éventuelle de pauses supplémentaires), avec les mêmes limitations fonctionnelles d’épargne du rachis lombaire.

g. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

1.4 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations de l’assurance-invalidité, plus particulièrement sur la question de savoir s’il a violé son obligation de collaborer et ce qu’il en découle.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ‑ RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, la demande de prestations ayant été déposée en novembre 2019 et le délai d’attente d’une année venant à échéance en mars 2020, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait antérieurement au 1er janvier 2022 (cf. art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

4.              

4.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

4.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

4.3 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

4.4 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

4.5 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

4.6 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

5.              

5.1 Selon l'art. 28 al. 2 LPGA, quiconque fait valoir son droit à des prestations doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir ce droit et fixer les prestations dues.

Aux termes de l'art. 43 LPGA, l'assureur examine les demandes, prend d'office les mesures d'instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin (al. 1, 1ère phrase). L'assuré doit se soumettre à des examens médicaux ou techniques si ceux-ci sont nécessaires à l'appréciation du cas et qu'ils peuvent être raisonnablement exigés (al. 2). Si l'assuré ou d'autres requérants refusent de manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner ou de collaborer à l'instruction, l'assureur peut se prononcer en l'état du dossier ou clore l'instruction et décider de ne pas entrer en matière. Il doit leur avoir adressé une mise en demeure écrite les avertissant des conséquences juridiques et leur impartissant un délai de réflexion convenable (al. 3).

L'art. 7b al. 1 LAI prévoit que les prestations peuvent être réduites ou refusées conformément à l'art. 21 al. 4 LPGA si l'assuré a manqué aux obligations prévues à l'art. 43 al. 2 LPGA. L’art. 21 al. 4 LPGA prévoit la possibilité pour l’assureur de réduire ou de refuser temporairement ou définitivement les prestations si l’assuré se soustrait, s’oppose ou ne participe pas spontanément – dans les limites de ce qui peut être exigé de lui – à un traitement ou à une mesure de réinsertion professionnelle raisonnablement exigible et susceptible d’améliorer notablement sa capacité de travail ou d’offrir une nouvelle possibilité de gain.

5.2 Selon la jurisprudence, l'application de l'art. 43 al. 3 LPGA dans un cas où des prestations sont en cours et où l'assuré qui les perçoit refuse de manière inexcusable de se conformer à son devoir de renseigner ou de collaborer à l'instruction de la procédure de révision, empêchant par là que l'organe d'exécution de l'assurance-invalidité établisse les faits pertinents, suppose que le fardeau de la preuve soit renversé. En principe, il incombe bien à l'administration d'établir une modification notable des circonstances influençant le degré d'invalidité de l'assuré, si elle entend réduire ou supprimer la rente. Toutefois, lorsque l'assuré refuse de façon inexcusable de la renseigner, il lui est impossible de démontrer les faits conduisant à une modification du taux d'invalidité. Dans un tel cas, lorsque l'assuré empêche fautivement que l'office AI administre les preuves nécessaires, il convient d'admettre un renversement du fardeau de la preuve (cf. consid. 2.2 non publié de l'ATF 129 III 181). Il appartient alors à l'assuré d'établir que son état de santé, ou d'autres circonstances déterminantes, n'ont pas subi de modifications susceptibles de changer le taux d'invalidité qu'il présente (arrêt du Tribunal fédéral 9C_961/2008 du 30 novembre 2009 consid. 6.3.3, in SVR 2010 IV n° 30 p. 94 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_372/2015 du 19 février 2016).

Cas échéant, l’assureur pourra rejeter la demande présentée par l’intéressé en considérant que les faits dont celui-ci entend tirer un droit ne sont pas démontrés (ATF 117 V 261 consid. 3b p. 264 et références citées).

L’office AI peut suspendre les prestations en cas de violation de l’obligation de collaborer. Une telle sanction suppose toutefois que les informations demandées en vain soient nécessaires pour clarifier la situation ou pour fixer les prestations, qu’elles ne soient pas accessibles autrement sans frais disproportionnés et que les renseignements refusés en violation fautive de l’obligation de collaborer soient pertinents pour fixer le taux d’invalidité de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_345/2007 du 26 mars 2008 consid. 4). Si l’office AI cesse de verser des prestations parce que l’assuré manque à son obligation de collaborer à une procédure de révision, la procédure est reprise par la suite en tant que procédure de révision si l’assuré accepte de nouveau de remplir cette obligation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_724/2015 du 29 février 2016 consid. 4 ; CIIAI ch. 7015).

6.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence)

7.              

7.1 En l’occurrence, l’intimé, bien qu’ayant reconnu, à l’issue de l’instruction médicale, l’incapacité totale de l’assuré à exercer son activité habituelle et toute autre jusqu’au 1er octobre 2020 – date à laquelle il a estimé qu’il avait recouvré une pleine capacité dans une activité adaptée –, lui a purement et simplement nié le droit à toute prestation au motif qu’il avait violé son obligation de collaborer en ne fournissant pas un certificat détaillé expliquant les raisons pour lesquelles il n’avait pu suivre la mesure de réadaptation professionnelle mise en place et qui devait débuter le 7 mars 2022.

7.2 La question de savoir si le recourant a ou non violé son obligation de collaborer peut rester ouverte dans la mesure où, quoi qu’il en soit, avant que n’ait été prise la décision de le faire bénéficier d’une mesure d’orientation ayant pour objet de l’aider à identifier une cible professionnelle correspondant à son état de santé, l’instruction concernant celui-ci avait été menée à son terme et avait permis d’établir que le degré d’invalidité était de 0% à compter d’octobre 2020. C’est en effet à cette date que le rhumatologue traitant avait examiné le patient et l’avait estimé apte à exercer à plein temps une activité adaptée.

Force est donc de constater que l’intimé a pu mener à bien l’instruction de la demande de prestations. Il pouvait en conclure que l’assuré avait droit à une rente entière d’invalidité pour la période du 1er mars 2020 – fin du délai de carence – au 31 janvier 2021 – trois mois après l’amélioration constatée par le rhumatologue traitant.

Ce n’est qu’au stade de la mise en place – ultérieure – d’une mesure d’orientation professionnelle que l’assuré a fait défaut.

Si le fait qu’il n’ait expliqué son absence au début de la mesure, le 7 mars 2022, qu’en octobre 2022 – soit plusieurs mois après – pouvait certes faire douter sérieusement l’intimé de son aptitude subjective à suivre la mesure et le conduire à renoncer à la mise sur pied de celle-ci, il n’en allait pas de même de la question de la reconnaissance du droit à la rente.

Sur ce point, l’intimé n’était pas en droit de considérer que le recourant refusait de se conformer à son obligation de collaborer à l’instruction de la procédure de manière inexcusable, ladite instruction ayant pu être menée à terme. C’est le lieu de rappeler que la sanction visant à nier le droit aux prestations suppose que les informations demandées en vain soient nécessaires pour clarifier la situation et que les renseignements refusés en violation fautive de l’obligation de collaborer soient pertinents pour fixer le taux d’invalidité de l’assuré, ce qui n’est manifestement pas le cas en l’occurrence.

Dans ces conditions, l’intimé n’était pas fondé à nier purement et simplement tout droit aux prestations à l’assuré, violant ainsi de manière manifeste le principe de proportionnalité.

Dans cette mesure, le recours est partiellement admis et le droit à une rente entière reconnu du 1er mars 2020 au 31 janvier 2021. Il est rejeté pour le surplus, la capacité subjective de l’assuré de suivre la mesure proposée faisant manifestement défaut, dans la mesure où seule une incapacité d’un mois a été démontrée suite à l’accident de luge survenu à la veille de la mise en place de ladite mesure et où le comportement de l’assuré (absence d’explications des mois durant, réticences exprimées avant la mise en place de la mesure) démontre qu’il n’avait pas la motivation nécessaire pour s’y soumettre.

8.             Étant donné que, depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite
(art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 500.-.

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Admet partiellement le recours.

3.        Reconnaît au recourant le droit à une rente entière d'invalidité du 1er mars 2020 au 31 janvier 2021.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour calcul des prestations dues.

5.        Rejette le recours pour le surplus.

6.        Met un émolument de CHF 500.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le