Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/289/2025 du 16.04.2025 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1337/2024 ATAS/289/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 16 avril 2025 Chambre 4 |
En la cause
A______ représenté par Me Dushyantha Janith PIYADIGAMAGE, avocat
| recourant |
contre
SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS
|
intimée |
A. a. A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant) est né le _____ 1966 à Genève, de nationalité turque, au bénéfice d’un permis C, marié et père d’une fille née le ______ 2012.
b. Il a été employé jusqu’au 28 avril 2021 en tant qu’ouvrier pour B______ et assuré par celle-ci auprès de la SUVA Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA ou l’intimée) contre les accidents professionnels et non-professionnels ainsi que les maladies professionnelles.
B. a. Selon une déclaration d’accidents du 9 septembre 2020, alors qu’il était occupé, le 4 mai 2020, à faire la maintenance en changeant les couteaux d’une machine, l’un deux lui était tombé sur le dessus du pied droit. Il s’était rendu chez le médecin le 18 mai 2020. Le cas a été pris en charge par le GROUPE MUTUEL (perte de gain maladie). En outre, l’assuré avait informé son employeur qu’il s’agissait d’une fracture du pied.
b. Dans un rapport médical initial établi le 2 octobre 2020, il est indiqué que les premiers soins ont été donnés à l’assuré le 15 mai 2020 par le centre médical C______. L’assuré se plaignait de douleurs de la cheville droite depuis deux semaines, en péjoration avec douleurs au repos et à la marche. Le 31 août 2020, il rapportait avoir oublié de signaler qu’il avait reçu un objet métallique sur le coup de pied une semaine avant l’apparition des douleurs qu’il aurait eues pendant deux jours avec amélioration puis réapparition de la douleur pendant le travail. Le diagnostic d’ostéite ou algoneurodystrophie (ou SDRC) était posé. Devant la mauvaise évolution, l’assuré avait été adressé à un orthopédiste pour avis. Il était incapable de travailler à 100% dès le 18 mai au 18 octobre 2020.
c. Dans un rapport établi le 12 janvier 2021, le docteur D______, rhumatologue, a indiqué avoir vu l’assuré en consultation le 6 janvier 2021. Il posait les diagnostics de gonalgies droites sur fissure par insuffisance osseuse du condyle fémoral externe, ostéoporose périphérique radiographique, gonarthrose droite débutante, amyotrophie significative du membre inférieur droit, antécédents d’un SDRC sur fissure par insuffisance osseuse du tibia distal droit (mai 2020), arthrose vertébrale débutante, antécédents de fracture traumatique des côtes 7, 8 et 9 à gauche, bronchite chronique, tabagisme, antécédent anamnestique d’un ulcère digestif hémorragique opéré (2008).
Sous discussion, le médecin indiquait l’apparition deux ou trois mois auparavant, sans causes déclenchantes et pour la première fois, de douleurs à la face antérieure du genou droit. Elles n’étaient pas accompagnées d’un gonflement, chaleur ni de rougeurs. Elles étaient diurnes et nocturnes et d’évolution fluctuante. Les douleurs étaient augmentées à la marche et un peu calmées au repos. Leur intensité atteignait 9/10. La raideur matinale ne dépassait pas une dizaine de minutes.
d. Le 3 mai 2021, le Dr D______ a indiqué que l’évolution était fluctuante avec une lente amélioration pour le genou droit de l’assuré (intensité des douleurs de 5/10 en mars) alors que la cheville droite présentait encore des périodes douloureuses (intensité de 8/10). L’assuré poursuivait régulièrement sa physiothérapie. Lors des contrôles des 24 mars et 28 avril 2021, les gonalgies étaient supportables et permettaient à l’assuré de se déplacer sans cannes sur de petites distances, mais toujours en boitant. Par contre, les douleurs de la cheville droite restaient pénibles. L’assuré état toujours en incapacité totale du travail.
e. Le 2 décembre 2021, le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’assurance de la SUVA, a indiqué qu’en ce qui concernait le membre inférieur droit, la causalité naturelle était probable. Une contusion de la jambe et du pied droit compliquée d’un SDRC était, au degré de la vraisemblance prépondérante, causée par l’accident.
f. Selon un rapport établi par la CRR de Sion le 3 août 2021, l’assuré a séjourné dans son service de réadaptation de l’appareil locomoteur du 29 juin au 28 juillet 2021.
g. Le 24 février 2022, l’assuré a subi un nouvel accident qui a été annoncé à la SUVA. En s’encoublant sur une marche d’escalier, il avait chuté et s’était blessé à la cheville gauche.
h. Le 28 mars 2022, le Dr E______ a examiné l’assuré pour faire le point de sa situation suite à ce nouveau traumatisme. Les douleurs étaient décrites comme insupportables, tant diurnes que nocturnes concernant la jambe gauche. Le Dr E______ a posé les diagnostics de contusion osseuse du membre inférieur droit le 4 mai 2020 et de contusion de l’arrière-pied gauche le 22 février 2022, avec probable SDRC migrant.
Dans son appréciation, le médecin a indiqué que l’assuré avait été en incapacité de travail suite à un contrôle du 18 mai 2020 avec un long béquillage. Des bilans exhaustifs avaient été réalisés qui avaient mis en évidence une ostéopénie diffuse. L’assuré avait séjourné à la CRR en été 2021, avec, sur le plan de la récupération fonctionnelle, une bonne évolution et l’abandon progressif des cannes anglaises. Un bilan IRM du genou droit et de la cheville droite réalisé en fin d’année 2021 avait mis en évidence l’extinction de la situation de SDRC.
Malheureusement, le 24 février 2022, alors qu’on se dirigeait vers une stabilisation de l’état, l’assuré s’était encoublé sur une marche d’escalier et avait chuté avec un choc direct sur l’arrière pied gauche. Un bilan radiologique avait été réalisé en urgence qui n’avait pas mis en évidence de fracture. L’assuré avait des douleurs importantes et une impotence fonctionnelle. On pouvait considérer que l’état du membre inférieur droit était stabilisé et que l’exigibilité pour une activité lourde telle que ferrailleur n’était plus donnée.
i. Le 25 mai 2022 le Dr D______ a indiqué que suite à un faux pas dans un escalier le 24 février 2022, l’assuré avait développé d’importantes douleurs à la cheville gauche. Il s’agissait d’un probable SDRC du pied gauche.
j. Le 8 juin 2022, le Dr D______ a indiqué qu’au contrôle du 1er juin précédent, l’assuré signalait une amélioration de ses douleurs. L’assuré continuait régulièrement son traitement de physiothérapie. L’examen des chevilles ne montrait cependant pas de grands changements du côté gauche avec la présence toujours d’un gonflement (légèrement diminué), d’une chaleur et d’une rougeur de la cheville avec une percussion osseuse sensible. La cheville droite était calme.
k. Le 6 juillet 2022, le Dr D______ a indiqué qu’au contrôle du 29 juin 2022, l’assuré signalait une intensité des douleurs à 10/10, présente la nuit comme le jour. Il avait abandonné la marche avec les cannes et la marche était effectuée avec une boiterie antalgique de décharge. La cheville gauche était chaude, tuméfiée et avec une mobilité diminuée. L’IRM du pied gauche du 23 juin 2022 confirmait le diagnostic de SDRC étendu avec une arthrose du médiotarse et de la MTP1. La Dre F______ avait confirmé lors de sa consultation du 28 juin 2022 la présence d’un épisode dépressif sévère nécessitant l’introduction d’un antidépresseur.
l. Le 20 juillet 2022, le Dr D______ a indiqué que lors du contrôle du 13 juillet 2022, l’assuré avait signalé une amélioration des douleurs nocturnes avec la prise de d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (ci-après AINS). Par contre, les douleurs diurnes et à la marche restaient inchangées.
m. Le 25 janvier 2023, le Dr D______ a indiqué que l’état de la cheville droite était consolidé mais le SDRC de la cheville gauche restait actif.
n. Selon un rapport du 1er juin 2023, l’assuré a séjourné à la CRR du 28 mars au 10 mai 2023.
o. Le 20 septembre 2023, le Dr D______ a informé la SUVA qu’en résumé, l’état de santé de l’assuré s’était amélioré avec son séjour à la CRR en ce qui concernait le côté gauche. La situation était fluctuante s’agissant du côté droit. L’assuré pourrait travailler à 100% dans une activité ne surchargeant pas ses membres inférieurs.
p. Le 15 novembre 2023, le Dr D______ a posé le diagnostic de SDRC de la cheville gauche. L’évolution était globalement plutôt favorable depuis le séjour à la CRR du 28 mars au 10 mai 2023. Au contrôle clinique du 8 novembre 2023, l’assuré se plaignait beaucoup plus du côté droit que du côté gauche. L’assuré avait rendez-vous avec un médecin spécialiste le 23 novembre 2023 pour une évaluation de la suite de la prise en charge du SDRC du pied droit (2020) et du pied gauche (2022). Il était probable que l’assuré ne puisse pas reprendre son activité habituelle mais il désirait pouvoir être recyclé dans une autre activité (périmètre de marche sans boiterie estimé par lui à 20 minutes).
C. a. Par décision du 7 décembre 2023, la SUVA a mis fin à ses prestations d’assurance pour les deux sinistres avec effet au 10 décembre 2023, sur la base d’un rapport établi le 27 novembre 2023 par le Dr E______.
b. L’assuré a formé opposition à cette décision le 11 décembre 2023.
c. Dans un rapport établi le 10 janvier 2024, le Dr D______ a indiqué que l’état de l’assuré était stationnaire avec la poursuite de la physiothérapie et la prise d’un antalgique au besoin. Il était capable d’exercer une activité à 100% à condition qu’elle ne surcharge pas ses membres inférieurs.
d. Le 13 février 2024, le Dr E______ a précisé qu’un SDRC était une pathologie évolutive dont le diagnostic était fondé sur les critères de Budapest qui n’étaient actuellement plus remplis. On ne pouvait donc plus considérer cette entité diagnostique comme étant responsable des limitations fonctionnelles actuelles de l’assuré qui perduraient, lesquelles étaient accompagnées par de nouvelles plaintes qui orientaient le diagnostic vers une atteinte vasculaire avec un périmètre de marche limité et une sensation de froid des membres inférieurs, où l’on constatait une différence de température à mi-jambe et une absence de pouls périphérique ouvrant le diagnostic différentiel d’une atteinte vasculaire périphérique. Force était de constater que dans la problématique actuelle, la causalité naturelle avec l’événement déclaré était possible sans plus. Le lien de causalité naturelle des limitations fonctionnelles de l’assuré avec le traumatisme, du fait de l’extinction sans séquelle des SDRC, était tout au plus possible, devant la présence vraisemblable d’une atteinte organique sans rapport avec l’événement déclaré.
e. Le 6 mars 2024, le Dr D______ a indiqué que dans son expertise, le Dr E______ avait mentionné la possibilité d’une origine vasculaire et/ou neurologique aux douleurs encore présentes au membre inférieur droit de l’assuré. Il avait en conséquence demandé une évaluation angiologique à la docteure G______, spécialiste FMH en angiologie, qui n’avait pas retenu d’insuffisance artérielle dans son rapport du 9 février 2024. Quant au docteur H______, spécialiste FMH en neurologie, il n’avait pas retenu d’anomalie à l’examen clinique et électrophysiologique du membre inférieur droit dans son rapport du 27 février 2024.
f. Par décision sur opposition du 7 mars 2024, la SUVA a rejeté l’opposition et confirmé sa décision du 7 décembre 2023, sur la base des conclusions du Dr E______. Il ressortait des explications convaincantes de celui-ci que les accidents avaient cessé de déployer leurs effets à la date de son examen et que les troubles qui persistaient dès cette date n’étaient plus d’origine accidentelle, mais dégénérative.
D. a. Le 22 avril 2024, l’assuré a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant à son annulation et à la condamnation de l’intimée à maintenir les prestations d’assurance au-delà du 10 décembre 2023 jusqu’à cessation des effets de l’accident du 4 mai 2020 ou prise en charge par l’assurance-invalidité, avec suite de frais et dépens.
b. Le 23 mai 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours.
c. Le 17 juin 2024 le recourant a répliqué.
d. Le 21 juin 2024, l’intimée a persisté dans ses conclusions.
e. Le 19 septembre 2024, le recourant a transmis à la chambre de céans des pièces nouvelles relatives à son traitement actuel.
f. Le recourant a été entendu par la chambre de céans le 13 novembre 2024.
g. Le 14 novembre 2024, l’assistance juridique a été octroyée au recourant pour cinq heures d’activité d’avocat supplémentaire, soit 20 heures au total.
h. Le 27 novembre 2024, le Dr D______ a indiqué à la chambre de céans, suite à des questions de cette dernière, que dans son rapport à l’intimée du 11 octobre 2023, il avait indiqué qu’il pensait que l’état de santé de l’assuré était stable.
L’assuré avait été revu par le Dr E______ le 23 novembre 2023. Les résultats de cette évaluation lui avaient été communiqués le 7 décembre 2024. Lors de la consultation du 20 décembre 2024, il avait signalé à l’assuré que cette évaluation respectait selon lui les règles de l’art et que si les examens complémentaires qu’il avait proposés d’effectuer ne révélaient rien de nouveau, il ne voyait pas de raison de contester les conclusions de celui-ci.
i. Le 3 décembre 2024, l’intimée a persisté dans ses conclusions, annexant un rapport établi par le Dr E______ le 2 décembre 2024.
j. Le 10 décembre 2024, le recourant a transmis à la chambre de céans un arrêt de travail pour le mois de décembre 2024 et un rapport psychothérapeutique. Lors de l’audience, le recourant avait expliqué la fin brutale de son suivi par le Dr D______.
k. Le 18 décembre 2024, l’intimée a indiqué à la chambre de céans que les allégations du recourant, même si elles devaient être avérées, ne remettaient pas en cause la validité des éléments relevés par ce médecin. Les troubles psychiques du recourant n’étaient pas en lien de causalité adéquate avec l’accident du 4 mai 2021 ni avec celui du 24 février 2022.
l. Le recourant a transmis à la chambre de céans des arrêts de travail établi par sa psychiatre pour les mois de janvier à avril 2025.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance‑accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 de la LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [(LPA - E 5 10)].
2. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimée de cesser ses prestations au recourant au-delà du 10 décembre 2023, au motif que l’état de santé de celui-ci n’était plus en rapport de causalité avec les accidents couverts par elle dès cette date, mais dû à des troubles dégénératifs.
3.
3.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ; ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 ; 129 V 402 consid. 2.1).
La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).
Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 148 V 138 consid. 5.1.1). Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé: il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).
Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 et 118 V 286 consid. 1b et les références).
Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n. U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.
3.2 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n. U 206 p. 328 consid. 3b ; RAMA 1992 n. U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 ; RAMA 2000 n. U 363 p. 46).
3.3 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2).
3.4 Les notions de syndrome douloureux régional complexe (CRPS - Complex regional pain syndrome en anglais ou SDRC), algodystrophie ou maladie de Suedeck appartiennent aux maladies neurologiques, orthopédiques et traumatologiques et constituent ainsi une atteinte à la santé physique, respectivement corporelle (arrêt du Tribunal fédéral 8C_234/2023 du 12 décembre 2023 consid. 3.2). Ils désignent, en médecine, un état maladif post-traumatique, qui est causé par un traumatisme bénin, qui se transforme rapidement en des douleurs importantes et individualisées avec des sensations de cuisson, qui s’accompagnent de limitations fonctionnelles de type moteur, trophique ou sensori-moteur.
Pour la validation du diagnostic, il est communément fait référence aux critères dits « de Budapest », qui sont exclusivement cliniques et associent symptômes et signes dans quatre domaines : sensoriels, vasomoteurs, sudomoteurs/oedème, moteurs/trophiques (arrêt du Tribunal fédéral 8C_234/2023 du 12 décembre 2023 consid. 3.2 et la référence).
3.5 Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 143 II 661 consid. 5.1.2 ; 139 V 156 consid. 8.4.2). En présence d'une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l'assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a et A117 V 359 consid. 5d/bb ; arrêt du Tribunal fédéral U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2).
3.6 Un second événement accidentel, non assuré, peut donner lieu à une obligation de prester de la part de l'assureur-accidents compétent pour le premier accident pour autant que le second constitue la conséquence adéquate du premier (ATF 148 V 356 consid. 6.2 et 6.3 et les références). L'admission de la causalité adéquate suppose, en tout cas, que l'état antérieur post-traumatique ait conduit à un risque accru d'accident (ATF 148 V 356 consid. 7.3.1).
3.7 Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4).
3.8 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n'est cependant pas absolu.
Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations d'assurance sociales, le fardeau de la preuve incombe en principe à l'assureur-accidents (cf. ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références).
Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, les autorités administratives et les juges des assurances sociales doivent procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raison pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Ils ne peuvent ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, ils doivent mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 283 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).
Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).
4.
4.1 Le recourant fait valoir que l’intimée s’était uniquement référée aux conclusions du Dr E______ et qu’il s’agissait-là d’un avis unique. Les rapports de la CRR eux-mêmes n’exprimaient pas un SDRC éteint et la situation n’était pas stabilisée pour eux.
La chambre de céans constate que dans son rapport du 27 novembre 2023, le Dr E______ a indiqué que le recourant avait séjourné à la CRR au printemps 2023 avec une bonne évolution et que les SDRC à gauche et à droite étaient en voie d’amélioration et de guérison, avec des critères de Budapest qui n’étaient, à la fin du séjour, plus donnés. Il a conclu que le lien de causalité naturelle entre les limitations fonctionnelles du recourant et le traumatisme en cause était tout au plus possible du fait de l’extinction sans séquelle des SDRC.
Or, le rapport de la CRR du 1er juin 2023 mentionnait que l’examen clinique d’entrée mentionnait un SDRC qui semblait plutôt actuellement au décours et que les critères n’étaient plus tout à fait remplis. Il précisait ensuite que les plaintes et limitations fonctionnelles s’expliquaient principalement par les lésions objectives constatées pendant le séjour, que la situation n’était pas stabilisée du point de vue médical et des aptitudes fonctionnelles, et qu’une stabilisation médicale était attendue dans le délai de trois à six mois, l’évolution étant typiquement longue dans ce type d’atteinte, qui était d’ailleurs bilatérale. L’examen du recourant à la sortie du séjour était globalement le même qu’à l’entrée.
Le service de réadaptation de l’activité locomoteur de la CRR retenait que le diagnostic principal était des thérapies physiques et fonctionnelles pour un SDRC de la cheville gauche secondaire au traumatisme du 24 février 2022. Les diagnostics secondaires étaient un traumatisme du pied gauche le 24 février 2022 et de la cheville gauche le 25 mai 2022, une contusion du pied droit le 4 mai 2020 avec le 10 août 2020 un SDRC de la cheville droite, puis une régression et apparition d’un œdème osseux (août 2020), avec régression complète des différentes altérations de signal médullaire (IRM de juillet 2021). En octobre 2020, était apparu un œdème médullaire osseux du condyle fémoral externe du genou droit ouvrant comme DD théorique une localisation secondaire du SDRC multifocal, de forme migrante, ou un BMEs du condyle externe survenu secondairement.
Sur cette base, le Dr E______ ne pouvait retenir que les critères de Budapest n’étaient plus donnés à la fin du séjour du recourant à la CRR le 10 mai 2023. Le rapport du Dr E______ repose ainsi sur un état de fait erroné et ses conclusions ne sont donc pas probantes.
Il résulte au contraire du rapport de la CRR que les SDRC étaient encore actifs, en particulier à la cheville gauche. En conséquence, on ne peut retenir comme établi au degré de la vraisemblance prépondérante que l’état de santé du recourant n’était plus, en mai 2023, en lien de causalité avec les accidents en cause, étant relevé qu’il n’est pas contestable que les SDRC étaient en lien avec ceux-ci.
4.2 Il convient d’examiner l’évolution de l’état de santé du recourant entre mai 2023, date de la fin de son séjour à la CRR, jusqu’à la décision sur opposition du 22 avril 2024, sur la base des pièces médicales au dossier.
Le 20 septembre 2023, le Dr D______ a estimé que l’état de santé du recourant s’était amélioré avec son séjour à la CRR en ce qui concernait le côté gauche et que la situation était fluctuante s’agissant du côté droit. Avec le médecin traitant, ils envisageaient l’introduction d’un antidépresseur antalgique, qui avait été évoqué lors du séjour à la CRR. Les restrictions découlant de l’atteinte à la santé étaient une limitation du périmètre de marche, la station debout, les escaliers et le port de charges, etc. L’activité habituelle ne semblait plus envisageable. L’assuré pourrait travailler à 100% dans une activité ne surchargeant pas ses membres inférieurs. Il n’y avait pas de limitations pour une activité pouvant s’effectuer en position assise, permettant d’étendre les jambes et de se lever de temps en temps. Le traitement prescrit était de la physiothérapie à sec et en piscine ainsi que des antalgiques, soit du Dafalgan, du Zaldiar ou du Tramadol, en fonction de l’intensité de la douleur, froid et une pommade AINS localement.
Le 1er octobre 2023, le Dr D______ a transmis à la SUVA les comptes rendus de ses consultations du 28 juin, 19 juillet, 23 août et 27 septembre 2023. Le 28 juin 2023, la situation était stable depuis la sortie de la CRR, mais les douleurs étaient un peu plus fortes, probablement en raison de l’augmentation des activités.
Le 15 novembre 2023, le Dr D______ a indiqué qu’au contrôle clinique du 8 novembre 2023, l’assuré se plaignait beaucoup plus du côté droit que du côté gauche. Le pronostic était plutôt bon du côté gauche, moins du côté droit. L’assuré avait rendez-vous avec un médecin spécialiste le 23 novembre 2023 pour une évaluation de la suite de la prise en charge du SDRC du pied droit (2020) et du pied gauche (2022). Il était probable que l’assuré ne puisse pas reprendre son activité habituelle mais il désirait pouvoir être recyclé dans une autre activité (périmètre de marche sans boiterie estimé par lui à 20 minutes).
Selon un rapport établi le 27 novembre 2023, le Dr E______ a retenu qu’à ce jour, les plaintes du recourant concernaient essentiellement le membre inférieur droit et que l’on pouvait se poser la question d’une claudication intermittente vasculaire. Le périmètre de marche était limité. Il y avait une tendance à la décoloration du membre inférieur droit jusqu’à la cheville, voire une cyanose. L’assuré avait des difficultés pour le port de charges, cela dans le cadre d’un tabagisme de longue durée et d’une hypertension artérielle.
Sur le plan assécurologique, avec des dossiers ouverts concernant les membres inférieurs droit et gauche, l’état était stabilisé. En ce qui concernait la problématique du genou droit, les lombalgies chroniques, voire l’insuffisance artérielle, la causalité naturelle avec les événements concernés était possible sans plus.
Les limitations fonctionnelles définitives étaient celles qui avaient été déterminées lors du précédent examen, sans changement. Se posait la question du lien de causalité naturelle de ces limitations fonctionnelles avec le traumatisme du fait de l’extinction sans séquelle des SDRC, ce lien était tout au plus possible. Des suites du traumatisme, il fallait considérer un statu quo ante avec une absence de limitations fonctionnelles claires et des douleurs neuropathiques sans substrat organique présent
Ce rapport n’est pas probant, dès lors que le Dr E______ répète, de façon erronée, que les critères de Budapest n’étaient plus donnés, ce qui est contestable, étant relevé qu’il résulte d’un rapport établi le 6 mars 2024, par le Dr D______ que celui-ci a fait procéder à des examens complémentaires dont les résultats excluent les hypothèses alternatives au SDRC du Dr E______ sur l’origine des plaintes du recourant au membre inférieur droit.
Le 27 novembre 2024, le Dr D______ a indiqué à la chambre de céans que dans son rapport à l’intimée du 11 octobre 2023, il avait fait part de son impression de stabilité de l’état de santé de l’assuré et proposé une nouvelle évaluation de son état de santé par le médecin d’arrondissement. Les consultations ultérieures des 8 et 29 novembre n’avaient rien révélé de nouveau. L’assuré avait été revu par le Dr E______ le 23 novembre 2023. Les résultats de cette évaluation lui avaient été communiqués le 7 décembre 2024. Lors de la consultation du 20 décembre 2024, il avait signalé à l’assuré que cette évaluation respectait selon lui les règles de l’art et que si les examens complémentaires que le Dr E______ avait proposés d’effectuer, à savoir des consultations angiologique et neurologique, ne révélaient rien de nouveau, il ne voyait pas de raison de contester les conclusions de celui-ci.
Ce rapport ne se prononce pas clairement sur le diagnostic de SDRC, ni sur le lien de causalité entre l’état douloureux du recourant en novembre 2024 et les accidents couverts par l’intimée, de sorte.
4.3 En conclusion, le dossier ne contient pas de rapport médical attestant au degré de la vraisemblance prépondérante que l’atteinte à la santé du recourant aux membres inférieurs n’était plus en lien de causalité avec les accidents couverts par l’intimée au-delà du 10 décembre 2023. Il convient en conséquence d’annuler la décision querellée et de renvoyer la cause à l’intimée pour instruction complémentaire sur ce point.
5.
5.1 Selon l’intimée, un lien causalité adéquate devait être nié entre les accidents subis par le recourant et ses troubles psychiques, car les accidents en cause, en particulier celui du 24 février 2022, devaient être qualifiés de banals ou moyens et l’on ne pouvait pas considérer qu’ils avaient eu une influence déterminante dans l’apparition ou le développement de ses troubles psychiques. Seul un critère sur quatre nécessaires était réalisé.
Le recourant a fait valoir qu’il avait subi un accident traumatique, car son pied droit s’était fait écraser par une charge de plus de 30 kg. Après avoir perdu toutes possibilités de travailler debout, seule manière de travailler qu’il connaissait, et de prendre soin seul de lui-même, il avait chuté en raison d’un manque d’équilibre à cause de l’accident. Cela avait prolongé ses douleurs et son incapacité, soit l’usage complet de ses deux jambes. Cette atteinte avait débuté presque quatre ans auparavant et il était toujours en incapacité de travail. Il était âgé de 60 ans. Avec une infirmité non négligeable et un âge aussi avancé, il n’aurait d’autre choix que de se mettre à l’aide sociale. L’office de l’assurance-invalidité avait révisé son projet de décision du 30 janvier 2024 pour effectuer une nouvelle analyse du dossier. Cette perspective et les atteintes évidentes sur sa santé physique étaient manifestement aptes à provoquer et à entretenir l’atteinte psychique liée à l’accident de 2020.
5.2 En présence de troubles psychiques apparus après un accident, on examine les critères de la causalité adéquate en excluant les aspects psychiques (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa ; 115 V 403 consid. 5c/aa).
Dans la mesure où le caractère naturel et le caractère adéquat du lien de causalité doivent être remplis cumulativement pour octroyer des prestations d'assurance-accidents, la jurisprudence admet de laisser ouverte la question du rapport de causalité naturelle dans les cas où ce lien de causalité ne peut de toute façon pas être qualifié d'adéquat. En revanche, il n'est pas admissible de reconnaître le caractère adéquat d'éventuels troubles psychiques d'un assuré avant que les questions de fait relatives à la nature de ces troubles (diagnostic, caractère invalidant) et à leur causalité naturelle avec l'accident en cause soient élucidées au moyen d'une expertise psychiatrique concluante (ATF 147 V 207 consid. 6.1 et les références).
Dans le cas de troubles psychiques additionnels à une atteinte à la santé physique, le caractère adéquat du lien de causalité suppose que l'accident ait eu une importance déterminante dans leur déclenchement. La jurisprudence a tout d'abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants ou de peu de gravité (par ex. une chute banale) ; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s'attacher à la manière dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue objectif, sur l'événement accidentel lui-même (ATF 140 V 356 consid. 5.3 ; 115 V 133 consid. 6 ; 115 V 403 consid. 5). Sont déterminantes les forces générées par l'accident et non pas les conséquences qui en résultent ou d'autres circonstances concomitantes qui n'ont pas directement trait au déroulement de l'accident, comme les lésions subies par l'assuré ou le fait que l'événement accidentel a eu lieu dans l'obscurité (cf. ATF 148 V 301 consid. 4.3.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_595/2015 du 23 août 2016 consid. 3 et les références). La gravité des lésions subies - qui constitue l'un des critères objectifs pour juger du caractère adéquat du lien de causalité - ne doit être prise en considération à ce stade de l'examen que dans la mesure où elle donne une indication sur les forces en jeu lors de l'accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_398/2012 du 6 novembre 2012 consid. 5.2 in SVR 2013 UV n. 3 p. 8 ; 8C_435/2011 du 13 février 2012 consid. 4.2 in SVR 2012 UV n. 23 p. 84 ; 8C_622/2015 du 25 août 2016 consid.3.3).
Selon la jurisprudence (ATF 115 V 403 consid. 5), lorsque l'accident est insignifiant (l'assuré s'est par exemple cogné la tête ou s'est fait marcher sur le pied) ou de peu de gravité (il a été victime d'une chute banale), l'existence d'un lien de causalité adéquate entre cet événement et d'éventuels troubles psychiques peut, en règle générale, être d'emblée niée.
Sont réputés accidents de gravité moyenne les accidents qui ne peuvent être classés dans l'une ou l'autre des catégories décrites ci-dessus. Pour juger du caractère adéquat du lien de causalité entre de tels accidents et l'incapacité de travail (ou de gain) d'origine psychique, il ne faut pas se référer uniquement à l'accident lui-même. Il sied bien plutôt de prendre en considération, du point de vue objectif, l'ensemble des circonstances qui sont en connexité étroite avec l'accident ou qui apparaissent comme des effets directs ou indirects de l'événement assuré. Ces circonstances constituent des critères déterminants dans la mesure où, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, elles sont de nature, en liaison avec l'accident, à entraîner ou aggraver une incapacité de travail (ou de gain) d'origine psychique.
Pour admettre l’existence du lien de causalité en présence d’un accident de gravité moyenne, il faut donc prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa ;
115 V 403 consid. 5c/aa) :
- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident ;
- la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques;
- la durée anormalement longue du traitement médical;
- les douleurs physiques persistantes;
- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident ;
- les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes;
- le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.
Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. De manière générale, lorsqu'il s'agit d'un accident de gravité moyenne (stricto sensu), il faut un cumul de trois critères sur les sept, ou au moins que l'un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2021 du 2 mai 2022 consid. 3.3 et la référence). Un seul d’entre eux peut être suffisant, notamment si l’on se trouve à la limite de la catégorie des accidents graves (ATF 129 V 402 consid. 4.4.1 et les références ; 115 V 133 consid. 6c/bb ; 115 V 403 consid. 5c/bb). Dans le cas des accidents de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité, pour que le caractère adéquat de l'atteinte psychique puisse être retenu, il faut un cumul de quatre critères au moins parmi les sept consacrés par la jurisprudence ou que l'un des critères se manifeste avec une intensité particulière (arrêt du Tribunal fédéral 8C_277/2019 du 22 janvier 2020 consid. 5 et la référence).
5.3 En l’espèce, l’accident du 24 février 2022, doit être qualifié de peu de gravité, car l’assuré a seulement raté une marche avec un choc direct sur la cheville gauche, des douleurs importantes et une impotence fonctionnelle. L’on peut donc d’emblée écarter un lien de causalité adéquate de cet accident avec son atteinte psychique.
Son accident du 4 mai 2020 peut être qualifié d’accident de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité, car le recourant a reçu une charge importante (35 kg) sur le pied droit, ce qui ne l’a pas empêché de continuer son activité, selon ses déclarations à l’intimée du 2 novembre 2020.
Cet accident ne revêt pas un caractère particulièrement impressionnant ou dramatique et il n’y a pas eu d’erreur dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident.
Afin de pouvoir examiner correctement les autres critères, soit la gravité des lésions, la durée du traitement médical, des douleurs physiques et de l’incapacité de travail, il est nécessaire d’établir au préalable si le second accident du recourant survenu le 24 février 2022 doit être mis en relation de causalité avec le premier accident du 4 mai 2020 et si l’on doit en conséquence tenir compte de ses conséquences dans l’examen des critères de la causalité adéquate. En fonction des conclusions médicales à ce sujet, la question de la causalité adéquate devra être réexaminée. Cette question doit également faire l’objet d’une instruction complémentaire
6. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision du 7 mars 2024 annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants.
Les frais du rapport complémentaire demandé par la chambre de céans au Dr D______ seront laissés à la charge de l’État.
Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 2’500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
A la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision sur opposition du 7 mars 2024.
4. Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants.
5. Alloue au recourant une indemnité de CHF 2'500.- à la charge de l’intimée.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Julia BARRY |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le