Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/712/2024

ATAS/242/2025 du 03.04.2025 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/712/2024 ATAS/242/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 avril 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

représentée par Me Pierre-Bernard PETITAT, avocat

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assurée), née en ______ 1967, ressortissante de Libye, est mariée depuis 1998, et mère de quatre enfants, nés en 2000, 2001, 2006 et 2012. Elle est arrivée en Suisse en 2002, date jusqu’à laquelle elle a résidé en Libye.

b. L’assurée a passé un bachelor en zoologie à la faculté des sciences, en Libye. En Suisse, elle s’est essentiellement occupée de ses enfants. Elle a néanmoins travaillé comme patrouilleuse scolaire de fin 2005 à juin 2008, pour un salaire mensuel de l’ordre de CHF 1'800.-. Elle dit avoir également fait quelques ménages sur appel.

Son mari a travaillé comme consultant dans le domaine du pétrole. Ses revenus permettaient d’assumer les charges de la famille. Il voyageait beaucoup pour son travail et ne pouvait que très peu s’occuper des tâches éducatives et ménagères. Il se chargeait en revanche de toutes les tâches administratives. Licencié en 2017, il est désormais au bénéfice de l’aide sociale.

B. a. En février 2021, une sclérose en plaque de type récurrente, de forme active, a été diagnostiquée à l’assurée.

b. Le 18 août 2022, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI).

c. Le 24 juillet 2023, la docteure B______, du département des neurosciences cliniques des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), a confirmé le diagnostic de sclérose en plaques en précisant que les premiers symptômes étaient apparus en janvier 2021 et le diagnostic posé en février 2021.

d. Le 17 août 2023, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR), a admis une totale incapacité de travail depuis janvier 2021.

e. Un rapport d’examen neuropsychologique a été établi le 4 septembre 2023 par Madame C______, psychologue au service de neurologie du département des neurosciences des HUG, concluant à un trouble neuropsychologique moyen à grave, entraînant une incapacité de travail de 70 à 90%.

f. Une enquête économique sur le ménage a été réalisée le 22 novembre 2023. L’enquêtrice a relevé des empêchements dans divers domaines ménagers, évalués à 31,3%, étant précisé que, compte tenu de l’aide exigible du mari et des fils de l’assurée, ce taux devait être ramené à 0%. À l’enquêtrice, l’assurée a indiqué que, sans atteinte à sa santé, elle n’exercerait pas d’activité lucrative.

g. Le 27 novembre 2023, l’OAI a adressé à l’assurée un projet de décision dont il ressortait qu’il se proposait de lui nier le droit à toute prestation.

h. Le 20 décembre 2023, l’assurée a contesté ce projet et plus particulièrement l’aide exigible retenue de la part de son mari et de trois de ses fils. Elle a indiqué que l’un de ceux-ci avait décidé de quitter le logement familial pour s’installer avec sa compagne en décembre 2023 ; un autre vivait une période délicate et était peu au domicile ; quant au benjamin, âgé de 11 ans, il était trop jeune pour accomplir des tâches ménagères et assumer des responsabilités. Quant à son mari, il lui apportait certes une aide précieuse dans l’accomplissement des tâches ménagères, mais il souffrait d’une hernie discale.

i. Par décision du 1er février 2024, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

L’OAI a constaté l’existence d’une atteinte à la santé invalidante à 100% dès janvier 2021.

Il a reconnu à l’assurée le statut de personne non active consacrant tout son temps à ses travaux habituels. S’agissant de la capacité de l’assurée à assumer ces derniers, il s’est référé à l’enquête ménagère diligentée sur place, qui arrivait à la conclusion qu’aucun empêchement dans la sphère ménagère ne pouvait être retenu, compte tenu de l’aide que pouvait apporter l’entourage familial de l’assurée.

Pour répondre aux arguments de cette dernière, l’OAI a expliqué de quelle manière avait été calculé le nombre d’heures nécessaires à la tenue du ménage et l’aide exigible des proches.

Il a par ailleurs tenu compte du départ du fils aîné – dont l’assurée avait indiqué qu’il avait quitté le domicile familial fin 2023 – en réduisant le nombre d’heures nécessaires à la tenue du ménage de 46h24 à 43h26 et en renonçant à toute aide de sa part.

S’agissant du fils cadet – dont l’assurée avait allégué qu’il était difficile d’obtenir qu’il s’investisse –, l’OAI a considéré que, dans la mesure où il était âgé de 17 ans en 2023, une aide de sa part ne pouvait être considérée comme exagérée au vu de l’emploi du temps décrit à l’enquêtrice.

Par ailleurs, l’OAI a souligné qu’aucune aide exigible n’avait été retenue concernant le plus jeune fils.

Quant à la hernie discale du mari de l’assurée, il a été relevé que si l’intéressé avait effectivement fait part de quelques douleurs lombaires, il s’était néanmoins décrit comme étant en bonne santé. Qui plus est, l’assurée elle-même avait indiqué que l’Hospice général prévoyait d’imposer à son époux des travaux d’intérêt général à raison de 8 heures par jour.

L’OAI a donc repris ses calculs en réduisant le temps de ménage nécessaire pour la structure familiale corrigée. En découlait un nombre d’heures exigibles pour les différents membres de la famille de 13h22 par semaine, soit un peu moins de deux heures par jour, à répartir entre l’époux de l’assurée et deux enfants.

Concluant à un degré d’invalidité inférieur à 40%, l’OAI a constaté qu’il n’ouvrait droit à aucune prestation.

C. a. Par écriture du 29 février 2024, l’assurée a interjeté recours contre cette décision.

La recourante allègue que le 1er avril 2024, le plus âgé des deux fils restant encore au logis, quittera le domicile familial, ce dont elle demande qu’il soit tenu compte.

Elle ajoute que, son benjamin n’ayant pas encore 12 ans, la totalité de l’aide devra être assumée par son époux. Or, celui-ci souffre de plusieurs hernies discales.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 27 mars 2024, a conclu au rejet du recours.

Il rappelle que la légalité des décisions attaquées s’apprécie d’après l’état de fait existant au moment de la clôture de la procédure administrative. En l’occurrence, la décision litigieuse a été rendue le 1er février 2024. Dès lors, le fait que le fils cadet de la recourante quitte le domicile en avril 2024 n’a pas d’incidence.

Quant à l’exigibilité de l’aide de l’époux, elle a été fixée par l’enquêtrice en se fondant sur ses constatations, mais également sur les déclarations de la recourante et de son époux lors de l’enquête à domicile, dont il ressortait que le mari de la recourante apporte de facto une contribution non négligeable à l’accomplissement des tâches ménagères. Aucun élément au dossier ne permet de conclure que les efforts déployés seraient au-dessus de ses forces ou de ses capacités.

c. Au bénéfice de l’assistance juridique, la recourante a complété son recours en date du 29 mai 2024, en concluant à l’octroi d’une rente d’invalidité.

S’agissant du statut à lui reconnaître, la recourante conteste avoir indiqué à l’enquêtrice qu’elle n’exercerait pas d’activité lucrative si elle n’était pas atteinte dans sa santé. Elle explique à cet égard que ses problèmes de santé sont déjà anciens et qu’elle a toujours gardé espoir de reprendre un travail. Elle assure qu’elle l’aurait très vraisemblablement fait ou au moins aurait tenté de le faire si son état de santé ne s’était pas sérieusement dégradé, alors que son mari connaissait de son côté des difficultés professionnelles.

Enfin, elle conteste l’aide exigible retenue par l’enquêtrice en rappelant que le plus âgé de ses fils n’habite plus avec eux, que le cadet vit « une période de vie compliquée », de sorte qu’on ne peut compter sur lui « pour faire quoique ce soit » (sic) et que le dernier est trop jeune pour se charger de tâches ménagères. Elle allègue que l’aide de son mari ne se limite pas au ménage, qu’il se charge également de l’accompagner et de la soigner, ainsi que de l’éducation des enfants, mais qu’il lui est difficile d’effectuer certaines tâches en raison de ses hernies discales.

d. Par écriture du 24 juin 2024, l’intimé a persisté dans ses conclusions en rejet du recours.

Il rappelle que la volonté hypothétique de la recourante de reprendre un travail doit être corroborée par des indices extérieurs présentant un degré de vraisemblance prépondérante dont il estime qu’il n’est pas atteint en l’occurrence.

Quant à l’aide exigible de la part des membres de sa famille, l’intimé se réfère à l’enquête et à la décision litigieuse. Il indique avoir soumis les pièces médicales produites dans le cadre du recours concernant l’époux de la recourante au SMR, qui a constaté que l’intéressé était connu de longue date pour des lombosciatalgies persistantes sur hernie discale L5-S1 n’entravant pas l’exécution des tâches ménagères. D’ailleurs, dans le cadre de l’enquête ménagère, l’époux de l’assurée avait indiqué être en bonne santé habituelle, avec quelques douleurs lombaires.

Le SMR a également pris connaissance du bilan neuropsychologique du 4 septembre 2023 et confirmé sa prise de position précédente.

e. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.              

2.1 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

2.2 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, la décision querellée porte sur l’octroi d’une rente dont le droit naîtrait, cas échéant, postérieurement au 31 décembre 2021, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

3.             Le litige porte sur le droit de la recourante aux prestations de l’assurance-invalidité, plus particulièrement sur le statut et le degré d’invalidité à lui reconnaître.

4.              

4.1  

4.1.1 Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide, il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 144 I 28 consid. 2.3 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

4.1.2 Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 28 consid. 2.3 et les références ; 141 V 15 consid. 3.1 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 125 V 146 consid. 2c et les références)

4.2  

4.2.1 Selon l’art. 28a al. 2 LAI, dans sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2022, le taux d’invalidité de l’assuré qui n’exerce pas d’activité lucrative, qui accomplit ses travaux habituels et dont on ne peut raisonnablement exiger qu’il entreprenne une activité lucrative est évalué, en dérogation à l’art. 16 LPGA, en fonction de son incapacité à accomplir ses travaux habituels.

4.2.2 Le degré d’invalidité se détermine alors, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution – attestée médicalement – du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

L'évaluation de l'invalidité des assurés pour la part qu'ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l'établissement d'une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu'elle exercerait sans elle, qu'il y a lieu de comparer ensuite à l'ensemble des tâches que l'on peut encore raisonnablement exiger d'elle, malgré son invalidité, après d'éventuelles mesures de réadaptation. Pour ce faire, l'administration procède à une enquête sur place et fixe l'ampleur de la limitation dans chaque domaine entrant en considération.

En vertu du principe général de l'obligation de diminuer le dommage, l'assuré qui n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap doit en premier lieu organiser son travail et demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable. La jurisprudence pose comme critère que l'aide ne saurait constituer une charge excessive du seul fait qu'elle va au-delà du soutien que l'on peut attendre de manière habituelle sans atteinte à la santé. En ce sens, la reconnaissance d'une atteinte à la santé invalidante n'entre en ligne de compte que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies le sont par des tiers contre rémunération ou par des proches et qu'elles constituent à l'égard de ces derniers un manque à gagner ou une charge disproportionnée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_191/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6.2.2 et les références).

4.2.3 Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l’accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d’enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n’intervient pas dans l’appréciation de l’auteur du rapport sauf lorsqu’il existe des erreurs d’estimation que l’on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l’enquête (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 ; 129 V 67 consid. 2.3.2 publié in VSI 2003 p. 221 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 ; I 733/06 du 16 juillet 2007).

4.2.4 Le facteur déterminant pour évaluer l'invalidité des assurés n'exerçant pas d'activité lucrative consiste dans l'empêchement d'accomplir les travaux habituels, lequel est déterminé compte tenu des circonstances concrètes du cas particulier. C'est pourquoi il n'existe pas de principe selon lequel l'évaluation médicale de la capacité de travail l'emporte d'une manière générale sur les résultats de l'enquête ménagère. Une telle enquête a valeur probante et ce n'est qu'à titre exceptionnel, singulièrement lorsque les déclarations de l'assuré ne concordent pas avec les constatations faites sur le plan médical, qu'il y a lieu de faire procéder par un médecin à une nouvelle estimation des empêchements rencontrés dans les activités habituelles (VSI 2004 p. 136 consid. 5.3 et VSI 2001 p. 158 consid. 3c ; arrêts du Tribunal fédéral I 308/04 ; I 309/04 du 14 janvier 2005).

4.2.5 Il existe dans l'assurance-invalidité – ainsi que dans les autres assurances sociales – un principe général selon lequel l'assuré qui demande des prestations doit d'abord entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les conséquences de son invalidité (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 et les références ; 140 V 267 consid. 5.2.1 et les références). Dans le cas d'une personne rencontrant des difficultés à accomplir ses travaux ménagers à cause de son handicap, le principe évoqué se concrétise notamment par l'obligation d'organiser son travail et de solliciter l'aide des membres de la famille dans une mesure convenable. Un empêchement dû à l'invalidité ne peut être admis chez les personnes qui consacrent leur temps aux activités ménagères que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies sont exécutées par des tiers contre rémunération ou par des proches qui encourent de ce fait une perte de gain démontrée ou subissent une charge excessive. L'aide apportée par les membres de la famille à prendre en considération dans l'évaluation de l'invalidité de l'assuré au foyer va plus loin que celle à laquelle on peut s'attendre sans atteinte à la santé. Il s'agit en particulier de se demander comment se comporterait une famille raisonnable si aucune prestation d'assurance ne devait être octroyée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références). La jurisprudence ne pose pas de grandeur limite au-delà de laquelle l'aide des membres de la famille ne serait plus possible. L'aide exigible de tiers ne doit cependant pas devenir excessive ou disproportionnée (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.1 et les références).

Toutefois, la jurisprudence ne répercute pas sur un membre de la famille l'accomplissement de certaines activités ménagères, avec la conséquence qu'il faudrait se demander pour chaque empêchement si cette personne entre effectivement en ligne de compte pour l'exécuter en remplacement (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; 133 V 504 consid. 4.2). Au contraire, la possibilité pour la personne assurée d'obtenir concrètement de l'aide de la part d'un tiers n'est pas décisive dans le cadre de l'évaluation de son obligation de réduire le dommage. Ce qui est déterminant, c'est le point de savoir comment se comporterait une cellule familiale raisonnable, soumise à la même réalité sociale, si elle ne pouvait pas s'attendre à recevoir des prestations d'assurance. Dans le cadre de son obligation de réduire le dommage (art. 7 al. 1 LAI), la personne qui requiert des prestations de l'assurance-invalidité doit par conséquent se laisser opposer le fait que des tiers – par exemple son conjoint [art. 159 al. 2 et 3 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC -RS 210)] ou ses enfants (art. 272 CC) – sont censés remplir les devoirs qui leur incombent en vertu du droit de la famille (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.2 et les références, in SVR 2023 IV n. 46 p. 156).

5.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

6.              

6.1 En l’espèce, les parties s’opposent tout d’abord quant au statut à reconnaître à la recourante, lequel a des conséquences sur la méthode de calcul applicable. Pour l’OAI, la recourante doit être qualifiée de personne non active, ce que l’intéressée conteste.

6.1.1 Tout au long de la procédure administrative devant l’OAI, la recourante a allégué être non active : dans sa demande de prestations déposée en août 2022, elle n’a mentionné à titre d’activité lucrative que celle exercée comme patrouilleuse scolaire de novembre 2005 à juin 2008. Que ce soit lorsqu’elle a contesté le projet de décision de l’intimé ou dans son recours initial, la recourante n’a invoqué que la composition de la cellule familiale. À l’enquêtrice, la recourante a indiqué que, sans atteinte à sa santé, elle n’exercerait pas d’activité lucrative. À cet égard, elle a expliqué avoir exercé l’activité de patrouilleuse scolaire, mais l’avoir cessée par choix personnel, pour s’occuper de ses enfants. Elle a ajouté avoir alors fait quelques heures de ménage avant d’arrêter également, car cela devenait trop difficile à gérer avec ses enfants. Elle a également mentionné que les recherches d’emploi avaient été abandonnées depuis de nombreuses années.

Force est de constater que ce n’est que lorsqu’elle a été représentée par un avocat, dans le complément à son recours, que l’intéressée a allégué pour la première fois qu’elle aurait travaillé, si sa santé le lui avait permis.

En principe, en présence de versions différentes et contradictoires, la préférence doit être accordée à celle que la personne assurée a donnée alors qu'elle en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le fruit de réflexions ultérieures. Certes, cette jurisprudence concernant les premières déclarations ou les déclarations de la première heure ne constitue pas une règle de droit absolue. Elle trouve toutefois application en l’espèce, aucune ne venant étayer le prétendu souhait de travailler de la recourante. Certes, elle a demandé une équivalence de son diplôme au début des années 2000. Cela étant, comme elle l’a indiqué à l’enquêtrice, pour finaliser cette démarche, l’assurée aurait dû faire des stages et passer des examens, raison pour laquelle elle a fini par laisser tomber, se rendant compte que son défaut de maîtrise de la langue française constituait un obstacle supplémentaire.

Eu égard à ce qui précède, il convient de confirmer le statut de personne non active retenu par l’intimé.

6.2 La recourante conteste ensuite les conclusions de l’enquête à domicile, notamment les empêchements retenus à hauteur de 31.3%, au motif qu’ils auraient été grandement sous-estimés par l’enquêtrice.

6.2.1 Force est cependant de constater que non seulement la recourante ne motive pas sa position plus avant, mais qu’au surplus, les conclusions de l’enquête reposent sur les explications de la recourante et de son époux. Qui plus est, l’enquêtrice a tenu compte des diagnostics émis (sclérose en plaque, atteinte du nerf ulnaire gauche et du nerf médian carpien gauche, diabète, maladie coronarienne et syndrome de Raynaud) et des limitations fonctionnelles en découlant (pas de port de charges, pas d’efforts physiques, pas de travail en hauteur, de nuit, impliquant une motricité fine à gauche, des déplacements fréquents, une position debout prolongée, pas d’environnement bruyant, nécessité de pauses fréquentes et non prévisibles, faible endurance attentionnelle, etc.).

Dans ces conditions, le grief selon lequel les empêchements auraient été sous-estimés ne convainc pas. On rappellera que, dans le cadre de l'évaluation de l'invalidité dans la part consacrée à l'accomplissement des travaux habituels, il est de jurisprudence constante que si l'assuré n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap, il doit en premier lieu, au titre de son obligation de réduire le dommage, adopter une méthode de travail appropriée, répartir son travail en fonction de ses aptitudes et de ses disponibilités et demander, dans la mesure du raisonnable, l'aide de ses proches (ATF 133 V 504 consid. 4.2 p. 509 s. et les références; arrêt [du Tribunal fédéral des assurances] I 761/81 du 15 septembre 1983 consid. 5, in RCC 1984 p. 143 s.).

6.3 C’est d’ailleurs là, également un grief de la recourante, qui fait valoir d’une part, que son fils né en 2006 – dont elle indiquait précédemment qu’il traversait une « période compliquée » – a quitté le domicile le 1er avril 2024, d’autre part, que son benjamin, âgé de 11 ans fin 2023, était trop jeune pour aider aux tâches ménagères, enfin, que son mari souffre de problèmes de santé qui rendraient l’aide attendue de sa part inexigible.

6.3.1 En premier lieu, s’agissant du fils qui a quitté le domicile familial en avril 2024 – soit postérieurement à la décision litigieuse –, on rappellera, à l’instar de l’intimé, que la légalité des décisions attaquées s’apprécie d’après l’état de fait existant au moment de la clôture de la procédure administrative. En l’occurrence, la décision litigieuse a été rendue le 1er février 2024. Dès lors, le fait que l’un des fils de la recourante ait quitté le domicile en avril 2024 n’a pas d’incidence.

Il a été expliqué que s’agissant d’une cellule familiale composée de quatre personnes, le nombre d’heures retenues pour la tenue du ménage était estimé à 43h26 selon la statistique fédérale. L’aide exigible de l’ensemble des proches a été évaluée à 13.22h, soit un taux correspondant à celui des empêchements (30.8%), selon le tableau suivant :

 

 

Domaines particuliers (activités) selon ch. 3609 CIRAI

 

 

Pondération

 

Empêchements sans aide exigible de la famille

 

Empêchements après déduction de l’aide exigible des membres de la famille et des personnes vivant en ménage commun

 

 

Invalidité

1 Alimentation

30%

46%

0%

0.0%

2 Entretien du logement ou de la maison

20%

36%

0%

0.0%

3 Achats et courses diverses, tâches administratives

10%

45%

0%

0.0%

4 Lessive et entretien des vêtements

10%

25%

0%

0.0%

5 Soins et assistance aux enfants et aux proches

30%

10%

0%

0.0%

6 Soin du jardin et de l’extérieur de la maison et garde des animaux domestiques

0%

0%

0%

0.0%

Invalidité dans l’accomplissement des tâches ménagères, pour un 100% :

-   après la mise en œuvre de mesures d’adaptation raisonnablement exigibles pour améliorer la capacité de travail (méthode de travail adéquate, acquisition d’équipements et d’appareils ménagers appropriés)

(ch. 3613 CIRAI)

-   après déduction de l’aide exigible des membres de la famille et des personnes vivant en ménage commun

(ch. 3614 CIRAI)

0.0%

Pour cette constitution familiale, le nombre d’heures retenues par semaine pour la tenue du ménage est :

43.26 h

Empêchements avant obligation de réduire le dommage

13.22 h

30.8%

Obligation de réduire le dommage exigible des membres de la famille

13.22 h

30.8%

Empêchements après obligation de réduire le dommage

00.00 h

0.0%

Il convient de relever que l’aide exigible des proches correspond ainsi à moins de 2 heures par jour, à répartir sur tous les proches, ce qui n’apparaît de loin pas excessif.

S’agissant du fils aîné encore présent au moment de la décision litigieuse, dont l’aide a été remise en question par sa mère au motif qu’il était en étude et qu’il traversait une « période compliquée », il a été indiqué lors de l’enquête qu’il prenait tous ses repas à domicile, qu’il était en bonne santé et n’avait aucune activité extrascolaire. Sur le laps de temps de présence au domicile, on pouvait donc exiger de sa part qu’il mette la table, remplisse et vide le lave-vaisselle, effectue quelques emplettes en rentrant de l’école ou durant le week-end, étende le linge de temps à autre, fasse son lit, etc. D’ailleurs, aux dires de l’assurée elle-même, son fils mettait la table, la débarrassait, passait l’aspirateur, rangeait et nettoyait sa chambre.

Aucune aide exigible n’a été retenue concernant le plus jeune fils. Cela étant, il était admissible d’attendre de lui que, à 11 ans, il mette la table, la débarrasse, range sa chambre, fasse son lit, etc. tâches dont, au demeurant, sa mère a indiqué qu’elles lui étaient déjà demandées.

Quant à l’époux de la recourante, cette dernière a reconnu d’elle-même que son aide ne se limite pas au ménage, qu’il se charge également de l’accompagner et de la soigner, ainsi que de l’éducation des enfants. Certes, il est connu de longue date pour des lombosciatalgies persistantes sur hernie discale L5-S1, mais cela ne saurait suffire à exclure toute aide de sa part. D’autant que, lors de l’enquête ménagère, il a indiqué être en bonne santé habituelle, hormis quelques douleurs lombaires. Qui plus est, il s’avère que, de facto, il apporte une contribution non négligeable à l’accomplissement des tâches ménagères. Aucun élément au dossier ne permet de conclure que les efforts déployés seraient au-dessus de ses forces ou de ses capacités, étant rappelé, une fois encore, que l’aide des proches admise par l’intimé correspond à moins de 2 heures par jour, à répartir entre l’époux de l’assurée et ses deux fils.

Dans ces conditions, l’aide exigible retenue par l’intimé n’apparaît pas non plus critiquable.

7.             Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

Il convient de renoncer à la perception d'un émolument, la recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 69 al. 1bis LAI et 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

 

***


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renonce à percevoir l’émolument.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le