Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/223/2025 du 01.04.2025 ( AI )
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1562/2024 ATAS/223/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Ordonnance d’expertise du 1er avril 2025 Chambre 4 |
En la cause
A______ représentée par Maître Butrint AJREDINI
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1980, originaire du Kosovo, entrée en Suisse le 21 août 2001.
b. Elle est mariée et mère de trois enfants, nés en 2003, 2005 et 2011.
B. a. Elle a demandé les prestations de l’assurance-invalidité, le 18 décembre 2015, en raison d’une incapacité de travail de 100% dès le 16 avril 2015. Elle travaillait alors comme préparatrice automobile à 100% et souffrait de douleurs persistantes à la tête, au cou et à l’épaule gauche.
b. Dans un avis du 20 mars 2017, le service médical régional AI (ci-après : le SMR) a indiqué qu’il s’agissait d’une assurée de 36 ans, travaillant comme nettoyeuse, qui se trouvait en incapacité de travail depuis avril 2015 suite à un accident ayant impacté son rachis cervical sous forme de cervico-brachialgies et de céphalées occipitales à gauche. L’assurée avait été examinée lors d’un séjour à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : la CRR) au mois de novembre 2015 et sa capacité de travail était évaluée à 100% dans l’activité habituelle par une reprise progressive durant le 1er trimestre 2016. Toutefois, l’assurée était toujours en arrêt de travail et la Caisse nationale d’assurances suisse en cas d’accidents (ci-après : la SUVA) avait retenu que sa capacité était pleine dans son activité habituelle à partir du 15 novembre 2016. Le SMR rejoignait les conclusions de la SUVA.
c. Selon une note de travail d’intervention précoce du 22 juin 2016, l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI ou l’intimé) avait eu une discussion avec le mari de l’assurée pour évaluer les cours de français qui avaient été proposés à cette dernière. Sa situation ne semblait pas s’améliorer. Compte tenu des dires de son mari en rapport avec des malaises qu’elle pourrait avoir, il était décidé de ne pas donner suite à des formations afin de préserver son état de santé qui ne semblait pas encore stabilisé.
d. Par projet de décision du 21 août 2017, l’OAI a refusé à l’assurée le droit à une rente d’invalidité.
e. Par décision du 9 avril 2019, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assurée. Sur la base des éléments médicaux versés au dossier, le SMR était d’avis que dès le mois de mars 2016, elle avait retrouvé une pleine capacité de travail. Elle ne présentait ainsi pas d’incapacité de gain durable justifiant l’octroi d’une rente d’invalidité, en se fondant sur un rapport établi le 19 décembre 2018 par la docteure B______, spécialiste FMH en rhumatologie, qui indiquait n’avoir vu l’assurée qu’à une seule reprise en février 2018 et qu’elle avait constaté l’absence de sévérité des cervicalgies et retenu un syndrome douloureux chronique.
C. a. Selon un rapport établi le 10 août 2020 par les docteurs C______ et D______, l’assurée avait été hospitalisée à la clinique de Montana du 24 juin au 3 juillet 2020 pour un soutien psychologique et un éloignement des facteurs de stress. Le diagnostic principal était un trouble dépressif récurrent épisode actuel sévère, sans symptômes psychotiques. L’assurée présentait une péjoration de la symptomatologie anxio-dépressive en lien avec des problèmes personnels et des symptômes douloureux. Elle avait éprouvé des difficultés à reconnecter ses ressources. Il n’avait pas été noté d’amélioration notable sur le plan psychique.
b. Le 6 novembre 2020, l’assurée a formé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI, invoquant une incapacité de travail de 100% dès le 16 mars 2017 en raison d’une maladie.
c. Le 10 juin 2021, le Dr E______ a constaté une amélioration partielle de son état depuis juin 2021, dans le sens d’un trouble dépressif moyen suite au changement d’antidépresseur. Sur le plan psychiatrique, sa capacité de travail avait été de 0% du 14 juin 2019 au 31 mai 2021 et elle était de de 50% depuis juin 2021.
d. Le 7 avril 2022, le Dr E______ a constaté une évolution stationnaire depuis juin 2021, malgré plusieurs changements d’antidépresseurs (actuellement Venlafaxine 225 mg par jour et avant Fluoxétine 60 mg par jour et Duloxétine 120 mg par jour). L’état de santé de l’assurée n’était pas encore stabilisé et il fallait le réévaluer dans six mois, après un bilan de compétence.
e. Le 5 mai 2022, la Dre F______ a estimé la capacité de travail de l’assurée à 0% dès le 16 mars 2017. Celle-ci rapportait depuis quelques mois une péjoration de ls symptomatologie avec des douleurs et des œdèmes aux membres inférieurs.
f. Le 10 décembre 2022, le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent sévères sans symptôme psychotique depuis le 14 juin 2019 et de traits de personnalité anxieuse et dépendante. Il avait constaté chez l’assurée un ralentissement psychomoteur, une aboulie, une anhédonie, des troubles de la concentration, une faible estime de soi et un isolement social depuis le 14 juin 2019. Elle procrastinait sur son canapé et regardait parfois la télévision. Elle ne faisait plus le ménage, ni les courses et n’avait pas de loisirs. Elle avait de faibles ressources et une aptitude faible à la communication. Sa capacité de travail était de 0% du 8 novembre 2017 au 31 mai 2018 et dès le 14 juin 2019. L’évolution était défavorable depuis lors malgré un suivi hebdomadaire psychologique et cinq antidépresseurs essayés. Le Dr E______ proposait de réévaluer sa situation dans six mois, car l’état de santé de l’assurée n’était pas stabilisé.
g. Une expertise de l’assurée a été confiée par l’OAI au G______, soit aux docteurs H______, psychiatrie, I______, médecine interne générale et J______, rhumatologue.
Selon l’évaluation consensuelle des experts du 9 janvier 2023, les diagnostics pertinents étaient :
- douleur de l’épaule gauche secondaire à une bursite sous-acromiale, sans atteinte de la coiffe de rotateurs (M75.5) ;
- syndrome du canal carpien gauche, sur légère atteinte sensitive (G56.0) ;
- douleur cervicale, sans support anatomique ;
- lombosciatalgies gauches, sans support anatomique ;
- trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger avec syndrome somatique (F33.01) ;
- syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) ;
- accentuation de certains traits de personnalité (Z73.1), notamment histrioniques ;
- obésité de classe I selon l’OMS (E66.9).
Les limitations fonctionnelles d’ordre rhumatologique étaient : pas d’effort du membre supérieur gauche au-delà de la ligne des épaules en abduction et en antépulsion ni d’effort de la main gauche forcé en préhension. Il n’y avait pas de limitation fonctionnelle actuellement d’ordre psychiatrique ou internistique.
La personnalité avait eu une incidence d’ordre psychiatrique pendant les périodes d’incapacité de travail, mais l’expertisée avait des ressources et des mécanismes adaptatifs avec des bénéfices secondaires importants dans la mesure où c’était toute la famille qui s’occupait d’elle.
Les incapacités de travail retenues étaient motivées par les limitations fonctionnelles d’ordre rhumatologique et psychiatrique.
La capacité de travail était de 0% sur le plan rhumatologique du 16 avril 2015 à mars 2016 puis à 100% depuis lors.
Elle était de 0% sur le plan psychiatrique du 14 juin 2019 jusqu’au 31 mai 2021 puis de 100%.
La capacité consensuelle était de 0% du 16 avril 2015 à mars 2016, de 100% d’avril 2016 au 14 juin 2019, 0% du 14 juin 2019 au 31 mai 2021 et 100% dès le 1er juin 2021.
La capacité de travail dans une activité adaptée était de 100% sur le plan rhumatologique depuis mars 2016 et de 0% sur le plan psychiatrique du 14 juin 2019 jusqu’au 31 mai 2021, puis de 100%.
La capacité consensuelle était ainsi de 0% du 14 juin 2019 au 31 mai 2021 et de 100% dès le 1er juin 2021.
L’assurée avait présenté une chute consécutive à une glissade à son travail le 16 avril 2015 avec des douleurs cervicales et du membre supérieur gauche. Les plaintes de l’assurée concernaient essentiellement les cervicalgies irradiantes dans le membre supérieur gauche jusque dans la main, des douleurs lombaires irradiant dans le membre inférieur gauche et des douleurs diffuses, de la fatigue et de la tristesse. Sur le plan rhumatologique, elle souffrait de l’hémicorps gauche, à la fois d’une douleur de type névralgie cervico-brachiale gauche et de type sciatalgie dans le membre inférieur gauche, sans aucun support anatomique, ni pour l’un ni pour l’autre. Une légère sensitive du canal carpien du côté gauche avait été observée par EMG. Par ailleurs, elle présentait une douleur de l’épaule gauche secondaire à une bursite sous-acromiale, sans atteinte de la coiffe des rotateurs.
Sur le plan psychiatrique, elle présentait des tendances démonstratives / histrioniques, vraisemblablement liées à sa culture de base. Elle avait présenté un premier épisode dépressif après que la SUVA n’avait pas retenu d’incapacité de travail suite à son accident de 2015, avec un suivi chez le Dr E______, qui avait décrit des périodes de dépression sévère.
Les experts retenaient un trouble somatoforme avec un épisode dépressif léger actuellement chez une personne qui avait des ressources et des mécanismes adaptatifs, bien qu’elle dise ne rien faire à la maison, avec beaucoup de bénéfices secondaires, dans le sens où toute la famille s’occupait d’elle. Il y avait des signes cliniques d’un trouble dépressif léger chez l’assurée, qui avait un comportement démonstratif avec une attitude régressive et des bénéfices secondaires importants. Elle ne parlait aucune langue nationale, ce qui montrait un problème d’acculturation en Suisse, qui n’était pas d’ordre médical.
L’expert rhumatologue signalait d’importantes incohérences entre les plaintes de l’assurée et les constatations cliniques objectives au cours de l’expertise, qui ne montraient strictement aucun syndrome neurologique, hormis un très discret syndrome du canal carpien sensitif, ni argument radiologique, puisque l’IRM cervicale était revenue normale à plusieurs reprises. Par ailleurs, l’examen de l’épaule gauche ne montrait, après l’arthro-IRM, qu’une simple bursite sous-acromiale sans atteinte de la coiffe des rotateurs. Il n’y avait donc aucun élément objectif pour les douleurs présentées par l’expertisée. Tous les traitements s’étaient révélés inefficaces sur plusieurs années. Les douleurs étaient alléguées à 7.5/10 sur l’échelle visuelle analogique. L’assurée s’était montrée désinvolte, plutôt théâtrale. Son degré de souffrance n’était pas vraisemblable, puisqu’elle n’avait montré strictement aucun signe pendant cette expertise. La force de préhension à gauche au dynamomètre à 4 kg n’était pas vraisemblable avec une atteinte légère et sensitive du canal carpien gauche, puisqu’une valeur serait représentative d’une paralysie. L’assurée s’était rhabillée tout à fait normalement, en saisissant sans difficulté ses vêtements du côté gauche. Les limitations étaient uniformes mais pas cohérentes avec les diagnostics. Sur le plan rhumatologique, le poids des souffrances ne paraissait pas vraisemblable.
L’expert psychiatre estimait que les plaintes de l’expertisée étaient cohérentes et plausibles, notamment son côté démonstratif, relevant qu’elle avait également souri à quelques reprises. Sa fatigue, son trouble de la concentration et de la mémoire étaient plutôt légers et son comportement régressif.
Selon l’expert en médecine interne, il n’y avait pas d’incohérence. Les dires de l’assurée correspondaient aux différentes constatations cliniques et médicales.
L’assurée semblait se fixer définitivement sur ses douleurs et n’effectuait strictement aucun geste de la vie quotidienne. Elle restait allongée dans son lit toute la journée et pensait qu’elle n’allait jamais guérir, car elle avait tout essayé et qu’il ne lui restait plus qu’à mourir. Ses ressources externes étaient en revanche riches, puisqu’elle pouvait compter sur le soutien familiale proche représenté par son mari et sa fille.
En Suisse depuis 1998, l’expertisée ne parlait toujours pas suffisamment bien le français pour pouvoir être expertisée sans interprète. Elle n’avait pas de formation certifiante. Elle présentait un défaut d’acculturation expliquant en partie ses difficultés, ce qui sortait du champ médical.
h. Le 27 mars 2023, le SMR a considéré que l’expertise était convaincante.
i. Par projet de décision du 18 avril 2023, l’OAI a octroyé à l’assurée une rente entière d’invalidité du 1er mai au 31 août 2021.
j. Le 11 mai 2023, le docteur K______, spécialiste FMH en psychiatrie, a indiqué que l’assurée avait séjourné à la clinique du Grand Salève du 25 avril au 5 mai 2023, en admission volontaire, en raison d’une décompensation anxieuse et dépressive sur fond d’épuisement psychique prolongé. Elle présentait à l’entrée de la tristesse, de l’anxiété, de l’irritabilité, un sentiment de désespoir, une baisse de l’estime de soi, des troubles du sommeil et de l’appétit, une perception négative de l’avenir, des ruminations suicidaires sans projet. Le diagnostic principal était un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques.
k. Le 17 mai 2023, l’assurée a formé opposition au projet de décision.
l. Le 4 septembre 2023, le SMR a estimé que des mesures d’instruction complémentaire étaient nécessaires sous la forme d’un complément d’expertise psychiatrique.
m. L’expert psychiatre a rendu son complément d’expertise le 15 février 2024 et considéré que le diagnostic de trouble dépressif sévère avait été retenu par le Dr K______ alors que les symptômes décrits ne correspondaient pas aux critères de la CIM-10. De plus, l’expertisée était restée très peu de temps hospitalisée et avait récupéré très rapidement, ce qui n’était pas habituel dans le cas d’une dépression sévère. Par ailleurs, le Dr E______ retenait un trouble dépressif récurrent sévère d’avril à août 2023 et moyen dès septembre 2023. Il ne décrivait pas les critères cliniques de ces troubles. En ce qui concernait les limitations fonctionnelles, l’expert était étonné par les troubles de la concentration, le ralentissement psychomoteur, l’aboulie et l’isolement sociale, qui étaient plutôt des symptômes ou des signes cliniques et non des limitations fonctionnelles selon la mini-ICF. Il était également très étonné et selon les dires de l’assurée, qu’elle voyait chaque fois le Dr E______ en compagnie de son mari qui faisait office de traducteur. Ceci n’était pas signalé par le Dr E______ et l’expert ne savait pas si le diagnostic était retenu sur la base des dires de son mari ou du constat clinique effectué d’une façon objective. Il était également étonné que pour un trouble sévère, l’assurée ne soit suivie qu’une fois par mois uniquement. Il y avait également d’autres incohérences, le Dr E______ signalait avoir prescrit plusieurs antidépresseurs alors que l'expertisée disait prendre la Fluoxétine depuis plusieurs années. Elle avait parlé à l’expert uniquement de ce traitement alors que dans son rapport de septembre 2023, le Dr E______ parlait d'autres médicaments qui apparemment n’étaient pas pris par l'expertisée. L’expert confirmait ses conclusions. En ce qui concernait les indicateurs standard, il existait une divergence considérable entre les douleurs décrites par l’assurée et son comportement. Ainsi, les douleurs intenses alléguées restaient vagues. Les plaintes présentées de façon démonstratives semblaient peu crédibles à l’expert. Des limitations importantes dans le quotidien étaient alléguées, toutefois l’entourage psychosocial restait intact. L’assurée avait des bénéfices secondaires dans le sens que son mari et ses enfants s’occupaient d’une façon importante d’elle. Elle signalait qu’elle ne pouvait rien faire, mais était tout de même capable d’avoir des contacts téléphoniques très réguliers avec ses enfants et son mari, lequel travaillait juste à côté de l’appartement, ainsi qu’avec sa mère. Concernant la thérapie médicamenteuse, elle était suivie depuis plusieurs années par le Dr E______, mais il y avait des incohérences entre ses dires et vraisemblablement la réalité, notamment le fait que le Dr E______ dise avoir essayé plusieurs médicaments sans citer lesquels alors que l’expertisée disait prendre la Fluoxétine 40mg depuis plusieurs années. Elle n’avait pas indiqué avoir pris d’autre médicament alors que ceci était le cas dans le rapport de septembre 2023 du Dr E______. L’expertisée disait que la Fluoxétine la calmait. On ne pouvait pas parler d’isolement social chez elle car elle avait toujours été très entourée par des gens avec lesquels elle pouvait parler sa langue, ce qui expliquai probablement pourquoi elle ne parlait aucune langue nationale en Suisse. Pour finir, les limitations n’étaient pas uniformes dans tous les domaines comparables de la vie.
n. Le 4 mars 2024, le SMR a considéré que le complément d’expertise était convaincant et a maintenu en conséquence ses précédentes conclusions du 27 mars 2023.
o. Par décision du 5 avril 2024, l’OAI a octroyé à l’assurée une rente entière d’invalidité du 1er mai au 31 août 2021. Son statut était celui d’une personne se consacrant à temps complet à son activité professionnelle. Il ressortait de l’instruction médicale que son incapacité de travail était de 100% dans toute activité dès le 14 juin 2019, début du délai d’attente d’un an, jusqu’au 30 mai 2021.
Dans son cas, l’incapacité de travail se confondait avec l’incapacité de gain et une comparaison des revenus n’était pas nécessaire pour l’évaluation de son taux d’invalidité qui s’élevait par conséquent à 100% dès le 14 juin 2020, à l’échéance du délai d’un an. Toutefois, la demande de prestation ayant été déposée le 6 novembre 2020, la rente ne pouvait lui être versée qu’à compter du 1er mai 2021 (demande tardive). Enfin, sa capacité de travail était entière dans toute activité dès le 1er juin 2021. Par conséquent, la rente entière était supprimée trois mois après l’amélioration de son état de santé, soit dès le 1er septembre 2021. Des mesures d’ordre professionnel n’étaient pas indiquées.
Par courrier du 17 mai 2023, l’assurée avait contesté essentiellement le fait que son incapacité de travail était nulle, même dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. L’OAI avait dès lors repris l’instruction médicale du dossier et mis en place un complément d’expertise psychiatrique. Sur cette base, il maintenait ses précédentes conclusions.
D. a. Le 6 mai 2024, l’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente d’invalidité entière dès le 1er mai 2021, avec suite de frais et dépens.
Elle contestait en substance les conclusions de l’expertise pluridisciplinaire du 9 janvier 2023 et en particulier la conclusion des experts selon laquelle sa capacité de travail était totale depuis le 1er juin 2021 dans la mesure où le trouble dépressif dont elle souffrait serait léger avec un syndrome somatique.
b. Par réponse du 5 juin 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours. L’expertise du G______ remplissait tous les réquisits pour se voir reconnaitre pleine valeur probante.
Les éléments apportés par la recourante ne permettaient pas de faire une appréciation différente du cas.
c. Le 13 juin 2024, la recourante encore contesté la valeur probante de l’expertise et sollicité l'enregistrement de l’entretien d’expertise.
d. Le 14 août 2024, la recourante, a, après avoir pris connaissance de l’enregistrement de l’entretien d’expertise, relevé d’importantes incohérences entre ce qui avait été mentionné dans le rapport d’expertise et ce qui ressortait de l’enregistrement sonore.
e. Le 4 septembre 2024, l’intimé a persisté dans ses conclusions.
f. Par courrier du 27 février 2025, la chambre de céans a informé les parties de son intention de mettre en œuvre une expertise psychiatrique et leur a communiqué le nom de l’expert pressenti, à savoir le docteur L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. ainsi que les questions qu’elle avait l’intention de lui poser, en leur impartissant un délai pour faire valoir une éventuelle cause de récusation et se déterminer sur les questions posées.
g. Par courrier du 11 mars 2025, l’intimé a indiqué qu’il n’avait pas de motif de récusation à faire valoir à l’encontre de l’expert ni de question complémentaire à poser.
h. Le 31 mars 2025, la recourante a fait valoir que pour garantir l’impartialité et l’objectivité de l’expertise, il semblait opportun qu’un autre expert soit désigné, car le Dr L______ avait, par le passé, adopté des positions qui ne reflétaient pas toujours une stricte neutralité et qu’il avait fréquemment rendu des conclusions favorisant les assurances sociales.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).
2.
2.1 En l’espèce, l’objet du litige est le droit de la recourante à une rente d’invalidité dès le 1er septembre 2021.
3.
3.1 Aux termes de l’art. 8 al. 1 LPGA, est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable.
En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.
Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).
Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).
L'évaluation des syndromes sans pathogenèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique ne fait pas l'objet d'un consensus médical (arrêt du Tribunal fédéral 9C_619/2012 du 9 juillet 2013 consid. 4.1). La reconnaissance de l'existence de troubles somatoformes douloureux persistants suppose d'abord la présence d'un diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) et s'appuyant lege artis sur les critères d'un système de classification reconnu (ATF 130 V 396 consid. 5.3). Les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux sont également applicables à la fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1)
Dans un arrêt du 3 juin 2015 (ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a jugé que la capacité de travail réellement exigible des personnes souffrant d’une symptomatologie douloureuse sans substrat organique doit être évaluée dans le cadre d’une procédure d’établissement des faits structurée et sur la base d’une vision d’ensemble, à la lumière des circonstances du cas particulier et sans résultat prédéfini. L’évaluation doit être effectuée sur la base d’un catalogue d’indicateurs de gravité et de cohérence.
Lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques, il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281; ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7), car les maladies psychiques ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées que de manière limitée sur la base de critères objectifs. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée.
Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1). Il convient également d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources).
Le Tribunal fédéral a développé dans sa jurisprudence relative à l’établissement de la capacité de travail exigible des personnes souffrant d’une symptomatologie douloureuse sans substrat organique les indicateurs suivants, qui s’appliquent également pour déterminer la capacité de travail exigible des personnes souffrant de troubles psychiques.
Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par l'atteinte de celles dues à des facteurs non assurés.
Il convient encore d'examiner le succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers. Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L’échec définitif d’un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d’espèce, on ne peut rien en déduire s’agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation.
La comorbidité psychique ne doit être prise en considération qu’en fonction de son importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple pour juger si elle prive l’assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble psychique avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel n’est pas une comorbidité, mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité.
Il convient ensuite d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l’assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d’autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées.
Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie.
Il s’agit, encore, de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé.
Il faut examiner en suite la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, pour évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons que l'atteinte à la santé assurée.
La reconnaissance de l'existence desdits troubles suppose d'abord la présence d'un diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) et s'appuyant lege artis sur les critères d'un système de classification reconnu (ATF 130 V 396 consid. 5.3).
Ce diagnostic doit être justifié médicalement de telle manière que les personnes chargés d’appliquer le droit puissent vérifier que les critères de classification ont été effectivement respectés. Il suppose l’existence de limitations fonctionnelles dans tous les domaines de la vie (tant professionnelle que privée). Les médecins doivent en outre prendre en considération les critères d’exclusion de ce diagnostic retenus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. et 2.2). Ainsi, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, en règle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à des prestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent la discordance entre les difficultés décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses difficultés dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (cf. ATF 131 V 49 consid. 1.2).
Le juge vérifie librement si l’expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l’atteinte à la santé et si son évaluation de l’exigibilité repose sur une base objective.
3.2 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).
En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C/973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
En cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).
3.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).
3.4 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).
4.
4.1 En l’espèce, la recourante conteste en substance les conclusions de l’expertise pluridisciplinaire du 9 janvier 2023 et en particulier la conclusion des experts selon laquelle sa capacité de travail serait totale depuis le 1er juin.
Elle a formulé plusieurs critiques contre les rapports établis par l’expert psychiatre.
La chambre de céans estime que les conclusions de ce dernier n’emportent pas conviction, en particulier pour les motifs suivants :
Il conteste en effet les limitations importantes dans le quotidien alléguées par la recourante, au motif que son entourage familial resterait intact, ce qui n’est pas convainquant, car la recourante ne fait plus rien dans son ménage. La question pertinente est donc de savoir s’il est exigible d’elle ou pas de se mobiliser davantage et en particulier de travailler. Certes, l’entourage social doit être examiné dans le cadre des ressources de la recourante, mais le seul fait qu’elle soit aidée dans les tâches ménagères par son mari et ses enfants ne suffit pas à considérer que ses ressources sont suffisantes.
De même le fait qu’elle présente de manière démonstrative des plaintes ne signifie pas qu’elles sont infondées et qu’elles ne seraient pas dues à une atteinte psychique, notamment un trouble dépressif récurrent. L’expert apparaît par ailleurs contradictoire en faisant état de problèmes psychosociaux importants, puis en retenant que l’encourage psychosocial restait intact au paragraphe suivant.
Les conclusions de l’expert sur la gravité du trouble dépressif sont en outre contredites par les rapports du Dr E______ et par le dossier. L’expert ne nuance en particulier pas ses conclusions, alors qu’il apparaît que l’état dépressif récurrent de la recourante est variable. Sa motivation est brève et peu convaincante.
Les pièces du dossier rendent vraisemblable que le trouble dépressif récurrent de la recourante a pu être sévère par moment, en particulier avant l’hospitalisation à Montana du 24 juin au 3 juillet 2020, avec un diagnostic de trouble dépressif récurrent épisode actuel sévère posé par les HUG, et non seulement par le psychiatre traitant de la recourante. De plus, à la suite de son hospitalisation à la clinique du Grand Salève, le Dr K______ a évoqué dans rapport du 25 avril 2023 un effondrement dépressif.
L’expert a indiqué être étonné qu’un trouble sévère soit retenu par le psychiatre traitant alors que la recourante n’était suivie qu’une fois par mois par ce dernier. Il ne tient ainsi pas compte que la recourante voyait, en délégation, une psychologue une fois par semaine.
L’expert a estimé qu’il y avait des incohérences, au motif que le psychiatre traitant signalait avoir prescrit plusieurs antidépresseurs alors que l’expertisée disait prendre la Fluoxétine depuis plusieurs années.
Il n’apparaît pas justifié de retenir ici une incohérence en s’en tenant aux dire de la recourante, dès lors qu’elle avait un discours extrêmement pauvre selon les propres dires de l’expert.
La recourante, a, après avoir pris connaissance de l’enregistrement de l’entretien d’expertise, fait valoir qu’il y avait des incohérences entre ce qui avait été mentionné dans le rapport d’expertise et ce qui ressortait de l’enregistrement sonore.
Toutes les critiques faites n’apparaissent pas fondées, certaines d’entre elle faisant état de divergences pouvant être imputées à un problème de compréhension, du fait que la recourante ne s’exprime pas très clairement et ne semble pas toujours comprendre les questions et les termes utilisés.
Pour les mêmes motifs, il contestable que l'expert ait retenu que sa collaboration était limite dans le sens que l’expertisée ne répondait pas toujours aux questions.
Au vu des pièces au dossier et des constats de la chambre de céans, il apparaît que les ressources de la recourante sont limitées, qu’elle s’isole et qu’elle ne fait quasiment rien de ses journées, ce qui remet en cause les conclusions de l’expert.
L’expertise psychiatrique ne peut ainsi se voir reconnaitre une pleine valeur probante et il se justifie en conséquence de faire procéder à une nouvelle expertise psychiatrique de la recourante.
Il se justifie d’ordonner une nouvelle expertise qui sera confiée au Dr L______.
4.2 Le recourant estime que la désignation du Dr L______ n’est pas opportune, car celui-ci aurait, dans le passé, adopté des positions qui ne reflétaient pas toujours une stricte neutralité et qu’il avait fréquemment rendu des conclusions favorisant les assurances sociales.
Les objections que peut soulever l'assuré à l'encontre de la personne de l'expert peuvent être de nature formelle ou matérielle; les motifs de récusation formels sont ceux prévus par la loi (cf. art. 36 al. 1 LPGA); d'autres motifs, tels que le manque de compétence dans le domaine médical retenu ou encore un manque d'adéquation personnelle de l'expert, sont de nature matérielle (ATF 132 V 93 consid. 6.5; arrêt 9C_180/2013 du 31 décembre 2013 consid. 2.3; JACQUES OLIVIER PIGUET, op. cit., n° 24 ad art. 44 LPGA).
S'agissant des motifs de récusation formels d'un expert, il y a lieu selon la jurisprudence d'appliquer les mêmes principes que pour la récusation d'un juge (ATF 137 V 210 consid. 2.1.3; 132 V 93 consid. 7.1; 120 V 357 consid. 3a), qui découlent directement du droit constitutionnel à un tribunal indépendant et impartial garanti par l'art. 30 al. 1 Cst. - qui en la matière a la même portée que l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 134 I 20 consid. 4.2) - respectivement, pour un expert, des garanties générales de procédure de l'art. 29 al. 1 Cst., qui assure à cet égard une protection équivalente à celle de l'art. 30 al. 1 Cst. (arrêts 8C_452/2020 du 7 octobre 2021 consid. 2.3.1; 5A_484/2015 du 2 octobre 2015 consid. 2.3.2 et les références).
Un expert passe ainsi pour prévenu lorsqu'il existe des circonstances propres à faire naître un doute sur son impartialité. Dans ce domaine, il s'agit toutefois d'un état intérieur dont la preuve est difficile à apporter. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire de prouver que la prévention est effective pour récuser un expert. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de l'expert. L'appréciation des circonstances ne peut pas reposer sur les seules impressions de l'expertisé, la méfiance à l'égard de l'expert devant au contraire apparaître comme fondée sur des éléments objectifs (ATF 132 V 93 consid. 7.1; 120 V 357 consid. 3a et les références). Compte tenu de l'importance considérable que revêtent les expertises médicales en droit des assurances sociales, il y a lieu de poser des exigences élevées à l'impartialité de l'expert médical (ATF 132 V 93 consid. 7.1 in fine; 120 V 357 consid. 3b in fine).
Selon la jurisprudence, le fait qu'un expert, médecin indépendant, ou une institution d'expertises sont régulièrement mandatés par un organe de l'assurance sociale, le nombre d'expertises ou de rapports confiés à l'expert, ainsi que l'étendue des honoraires en résultant ne constituent pas à eux seuls des motifs suffisants pour conclure au manque d'objectivité et à la partialité de l'expert (ATF 137 V 210 consid. 1.3.3 et les références; arrêt 9C_343/2020 du 22 avril 2021 consid. 4.3; cf. aussi arrêt 8C_112/2010 du 17 août 2010 consid. 4.1).
En l’espèce, la recourante se contente de mettre en cause l’impartialité de l’expert sans se prévaloir de faits concrets de nature à la remettre en cause, même légèrement, au vu de la jurisprudence précitée, de sorte que sa désignation sera confirmée.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant préparatoirement
1. Ordonne une expertise psychiatrique de A______.
2. Commet à ces fins le docteur L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.
3. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :
A. Prendre connaissance du dossier de la cause.
B. Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée.
C. Examiner et entendre la personne expertisée et si nécessaire, ordonner d'autres examens.
4. Charge l’expert d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :
1. Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type) ;
2. Plaintes et données subjectives de la personne expertisée ;
3. Status clinique et constatations objectives ;
4. Diagnostics psychiatriques (selon un système de classification reconnu)
Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogenèse)
4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail
4.1.1 Dates d'apparition
4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail
4.2.1 Dates d'apparition
4.3 Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?
4.4 L’état de santé de la personne expertisée s’est-il amélioré/détérioré depuis mai 2015 ?
4.5 Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée).
4.6 Y a-t-il une discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, l’allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l’absence de demande de soins médicaux, des plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, l’allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact ?
4.7 Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?
5. Limitations fonctionnelles
5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic ainsi que leurs dates d’apparition
5.2 Les plaintes sont-elles objectivées ?
5.3 Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par l’assuré).
5.4 Les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel mais aussi personnel) ? Quel est le niveau d’activité sociale et comment a-t-il évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?
6. Cohérence
6.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?
6.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?
6.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ? En d’autre termes, les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel, personnel) ?
6.4 Quels sont les niveaux d’activité sociale et d’activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères) et comment ont-ils évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?
6.5 Dans l’ensemble, le comportement de la personne expertisée vous semble-t-il cohérent et pourquoi ?
7. Personnalité
7.1 Est-ce que la personne expertisée présente un trouble de la personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence et si oui, lequel ? Quel code ?
7.2 Est-ce que la personne expertisée présente des traits de la personnalité pathologiques et, si oui, lesquels ?
7.3 Le cas échéant, quelle est l'influence de ce trouble de personnalité ou de ces traits de personnalité pathologiques sur les limitations éventuelles et sur l'évolution des troubles de la personne expertisée ?
7.4 La personne expertisée se montre-t-elle authentique ou y a-t-il des signes d'exagération des symptômes ou de simulation ?
8. Ressources
8.1 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur le plan somatique ?
8.2 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur les plans :
a) psychique
b) mental
c) social et familial. En particulier, la personne expertisée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?
9. Capacité de travail
9.1 Dater la survenance de l’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle pour chaque diagnostic, indiquer son taux pour chaque diagnostic et détailler l’évolution de ce taux pour chaque diagnostic.
9.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?
9.2.1 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?
9.2.2 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite/nulle ?
9.3 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ?
9.3.1 Si non, ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?
9.3.2 Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adaptée ? À quel taux ? Depuis quelle date ?
9.3.3 Dire s’il y a une diminution de rendement et la chiffrer.
9.4 Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis la dernière décision de l’OAI du 9 avril 2019 ?
10. Traitement
10.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation ?
10.2 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n'a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?
10.3 En cas de prise de traitement médicamenteux, soit antalgique, soit psychotrope, pouvez-vous vérifier la compliance ou la biodisponibilité à l’aide d’un dosage sanguin ?
10.4 En cas de refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie, cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de la personne expertisée à reconnaître sa maladie ?
10.5 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.
11. Appréciation d'avis médicaux du dossier
11.1 Êtes-vous d'accord avec le contenu et les conclusions des rapports d’expertise du Dr H______ des 9 janvier 2023 et 15 février 2024 ? pour quels motifs ?
11.2 Êtes-vous d’accord avec les rapports établis par le Dr E______ les 7 octobre 2020, 10 décembre 2020, 10 juin 2021, 7 avril 2022, 6 septembre 2023 ? pour quels motifs ?
11.3 Êtes-vous d’accord avec le rapport établi par le Dr K______ le 28 avril 2023 ? pour quels motifs ?
11.3 Êtes-vous d’accord avec le rapport établi le 10 août 2020 par les médecins de la clinique de Montana ? pour quels motifs ?
12. Quel est le pronostic ?
13. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?
14. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.
5. Invite l’expert à déposer, dans trois mois suivant la réception de la présente ordonnance, un rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre la présente ordonnance dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente ordonnance et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi.
La greffière
Julia BARRY |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme de la présente ordonnance est notifiée aux parties par le greffe le