Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/51/2025 du 29.01.2025 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/2113/2024 ATAS/51/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 29 janvier 2025 Chambre 4 |
En la cause
A______ représenté par Maître Olivier FAIVRE
| recourant |
contre
SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS
| intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant) est né le ______ 1972, de nationalité suisse, marié et père d’un enfant.
b. Il a travaillé comme loueur de chapiteaux pour B______ dès le 1er septembre 2022.
B. a. Le 18 février 2024, son employeur a annoncé à la SUVA Caisse nationale suisse d’assurances en cas d’accidents (ci-après : la SUVA ou l’intimée), que le 6 février 2022, l’assuré était allé prendre une poutre métallique et qu’en se déplaçant avec celle-ci, il avait glissé sur un sol un peu givré et s’était fait une entorse à la cheville droite.
b. Dans un rapport initial établi par le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, celui-ci a indiqué que l’assuré avait subi, le 6 février 2023, une chute banale avec torsion de la cheville droite déjà accidentée. Sur la base d’un examen et d’une radiologie, il posait les diagnostics de contusions, plaque/vis du tibia en place sans résorption autour du matériel, discret remaniement arthrosique tibiotarsien sous forme de pincement postérieur, fragment arraché dans la partie postérieure du pilon tibial de 4 mm de diamètre corticalisé, micro-fragment osseux sous la malléole externe, un deuxième de 2 mm de diamètre adjacent au bord interne de l’astragale et un aspect proéminant et déformé de la malléole externe.
c. Le 23 février 2023, la SUVA a accepté la prise en charge des prestations d’assurance, avec le paiement de l’indemnité journalière dès le 9 février 2023 et des frais de traitement.
d. Le 6 avril 2023, l’assuré a fait l’objet d’une scintigraphie osseuse (SPECT SCAN) qui a mis en évidence une plaque vis au niveau de la cheville droite et une zone d’hypercaptation pouvant correspondre à une contusion osseuse, selon le rapport établi par le docteur D______, spécialiste FMH en radiologie.
e. Le 2 août 2023, la SUVA a informé l’assuré que compte tenu des nouveaux documents médicaux, elle examinait son obligation de prester et le droit à d’autres prestations, raison pour laquelle elle cessait préventivement le versement des prestations d’assurance au 1er juin 2023.
f. Le 3 octobre 2023, l’assuré a informé la SUVA qu’il avait déjà eu un accident en 2016. Il se trouvait sur un cerisier dont le tronc s’était cassé et il était tombé avec l’arbre, lequel était tombé sur sa cheville droite. Il s’était fait opérer aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG) et avait toujours une plaque à l’arrière de la cheville. Il n’avait pas déclaré ce cas, car il n’avait pas d’emploi à ce moment-là.
g. La SUVA a ensuite récolté les rapports médicaux reliés à l’accident du 16 juin 2016, notamment un rapport établi le 1er juillet 2016 par des médecins du département de chirurgie des HUG, l’assuré avait été pris en charge en urgence suite à une chute. Le diagnostic principal était une fracture-luxation de la cheville droite (avec fracture du péroné haut type Maisonneuve et fracture de la malléole postérieure) le 16 juin 2016. Il y avait également une fracture du plateau tibial postéro-interne sans déplacement. L’assuré a fait l’objet d’une intervention chirurgicale le 16 juin 2016 pour la mise en place de fixateurs externes de la cheville droite. Le 27 juin 2016, l’assuré avait subi une ostéosynthèse de la malléole postérieure ainsi qu’une révision et stabilisation de la syndesmose. Il avait quitté le service le 29 juin 2016, vu l’évolution favorable.
h. Le 5 décembre 2023, la docteure E______, du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur de HUG, a indiqué, que l’assuré l’avait consultée le 30 octobre 2023 en raison de douleurs de la cheville droite. Il était connu pour une prise en charge chirurgicale d’une fracture en inversion avec luxation de la cheville en 2016 dont l’évolution avait été favorable avec un retrait de la plaque en 2018. Il avait pu par la suite reprendre son activité. En février 2023, il avait glissé sur des feuilles mortes dans le cadre de son activité processionnelle et avait présenté une récidive de douleurs de la cheville droite qui l’empêchaient de travailler. Les douleurs étaient situées à la partie postérieure et d’aspect mécanique. À l’examen physique, l’état cutané de la cheville droite était sans particularité avec une cicatrice chirurgicale propre et calme. L’assuré avait une légère douleur à la palpation de la région rétro-malléolaire interne et externe. Le bilan réalisé chez l’assuré ne montrait pas de problème clairement visualisé sur les clichés standardisés. Le SPECT-CT, réalisé à l’extérieur, mettait en évidence une hypercaptation au niveau de la cheville droite et parlait en faveur d’une contusion osseuse. Une surface articulaire irrégulière en potentiel rapport avec un remodelé arthrosique avait en outre été noté.
i. Le 12 février 2024, l’employeur de l’assuré a annoncé une rechute de l’accident du 6 février 2023 survenue le 5 février 2024. Alors que celui-ci sortait de la maison par les escaliers, au moment de ce petit effort, sa jambe avait lâché et il avait chuté en tombant la tête la première en bas des escaliers. Il en résultait des hématomes au visage une déchirure musculaire à l’épaule.
j. Dans un rapport du 27 février 2024, le docteur F______, chirurgien orthopédique des HUG, a indiqué que l’IRM du pied et de la cheville du 27 février 2024 ne montrait pas de rupture de tendinopathie du tibial postérieur et que le bilan SALTZMAN avait mis en évidence une cheville non concentrique avec une arthrose tibiotalienne postéro-externe. Une infiltration de l’articulation tibiotalienne de l’assuré était prévue pour vérifier si ses douleurs étaient causées par l’arthrose post-traumatique.
k. Le 18 mars 2024, le Dr F______ a indiqué que l’assuré décrivait une stabilité des douleurs rétromalléolaires internes depuis février, lesquelles étaient d’environ de 6/10. Il présentait un manque de force lorsqu’il se mettait sur la pointe des pieds. Une IRM de la cheville du 27 février 2024 avait permis d’exclure une tendinopathie du tibial postérieur. Un traitement par infiltration de l’articulation tibiotalienne allait être effectué pour vérifier si les douleurs étaient causées par l’arthrose post-traumatique présentée par le patient.
l. Le 11 avril 2024, la docteure G______, médecin praticien, de la Médecine d’assurance Suisse occidentale de la SUVA, a indiqué, sur la base du dossier, que l’assuré présentait des lésions préexistantes à l’évènement du 6 février 2023 en lien avec un traumatisme survenu le 16 juin 2016.
L’accident du 6 février 2023 n’avait pas, au degré de la vraisemblance prépondérante, causé d’autres lésions structurelles pouvant lui être imputées, mais seulement décompensé un état antérieur de manière passagère. Cet évènement avait tout au plus entrainé une contusion/entorse de la cheville droite, qui avait totalement cessé de déployer ses effets depuis de nombreuses semaines, voire de nombreux mois. Lors de la consultation du 30 octobre 2023 aux HUG, il avait été retenu que l’assuré présentait une récidive des douleurs de la cheville droite qui l’empêchaient de travailler. Les douleurs étaient situées à la partie postérieure et étaient d’aspect mécanique. Une radiographie standard et une scintigraphie osseuse avaient été réalisées. Le bilan biologique permettait d’écarter une atteinte traumatique et mettait en évidence une arthrose de la tibiotalienne. L’évènement incriminé avait totalement cessé de déployer tous ses effets au plus tard le 30 octobre 2023. Les troubles qui persistaient au-delà étaient en lien avec l’évènement de 2016 et n’étaient pas à la charge de la SUVA.
m. Par décision du 17 avril 2024, la SUVA a informé l’assuré qu’elle mettait fin à ses prestations au 30 octobre 2023, sur la base des conclusions de la Dre G______.
n. Le 21 mai 2024, l’assuré, assisté d’un conseil, a formé opposition à la décision de la SUVA, au motif que ses troubles persistants étaient encore en lien avec l’accident du 2 février 2023.
Il a produit un rapport établi le 15 mai 2024 par le Dr C______, qui indiquait que les examens médicaux réalisés n’avaient pas révélé de nécessité de traitement autre que conservateur. À ce jour, l’assuré présentait toujours une limitation douloureuse à la manipulation de sa cheville droite ainsi qu’une boiterie notable lors de la marche. L’accident du 2 février 2023 était clairement identifié comme étant la cause des limitations actuelles du recourant et de sa perte de rentabilité dans son travail.
o. Par décision sur opposition du 23 mai 2024, la SUVA a rejeté l’opposition et retiré l’effet suspensif à un éventuel recours contre sa décision, considérant que l’appréciation du Dr C______ ne suffisait pas à mettre en doute l’analyse de la Dre G______. De plus, selon la jurisprudence constante, un raisonnement fondé sur l’adage post hoc, ergo propter hoc ne permettait pas d’établir un lien de causalité naturelle au degré de la vraisemblance prépondérante exigée en matière d’assurance sociale.
C. a. Le 24 juin 2024, l’assuré a formé recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision sur opposition de la SUVA, concluant à l’apport du dossier de l’assurance-invalidité et à la mise en œuvre d’une expertise médicale pour déterminer les causes de son incapacité de travail, ainsi qu’à la restitution de l’effet suspensif. Principalement, il concluait à la condamnation de l’intimée à lui verser ses prestations d’assurance au-delà du 30 octobre 2023, jusqu’à droit jugé, avec suite de frais et dépens. Le Dr C______ et les différents spécialistes l’ayant vu confirmaient unanimement que les séquelles dont il souffrait encore à sa cheville droite étaient exclusivement en lien de causalité avec l’accident dont il avait été victime le 6 février 2023.
b. Par réponse du 18 juillet 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours. Le recourant se prévalait à nouveau du rapport établi le 15 mai 2024 par le Dr C______, qui n’amenait aucun élément objectif susceptible de remettre en cause les conclusions de la Dre G______, qui reposait sur un examen complet du dossier ainsi que sur une discussion médicale claire et cohérente du cas.
c. Par arrêt incident du 7 août 2024 (ATAS/606/2024), la chambre de céans a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif.
d. Le 27 août 2024, le recourant a fait valoir que l’appréciation médicale du 11 avril 2024 de la Dre G______ était largement lacunaire, sans connaissance complète du dossier médical ni entretien avec l’assuré. Elle ne se prononçait à tort que sur des questions de droit et aucune force probante ne pouvait lui être accordée. Ses conclusions étaient totalement contradictoires à celles des spécialistes qui l’avaient examiné.
e. Le 18 septembre 2024, l’intimée a persisté dans ses conclusions. Même si l’appréciation de la Dr G______ du 11 avril 2024 était relativement succincte, elle se fondait sur l’ensemble du dossier médical du recourant et en particulier sur les avis émis par des spécialistes qu’il avait consultés ainsi que sur l’imagerie médicale. L’examen du recourant par la Dr G______ n’aurait pas permis de mieux cerner sa situation sur le plan médical. La discussion était claire et très cohérente. Cette appréciation comportait les éléments essentiels permettant de lui voir reconnaître une valeur probante suffisante. Le rapport médical du Dr C______ ne résistait en revanche pas à l’examen. Le recourant ayant échoué dans sa tentative visant à mettre à mal appréciation médical de la Dr G______, sa requête visant à une expertise médicale devait être rejetée.
f. Le 1er octobre 2024, le recourant a fait valoir que l’avis de la Dre G______ ne pouvait être assimilé à une expertise au sens de l’art. 44 LPGA. Compte tenu des avis de ses médecins traitants, il convenait d’ordonner une expertise médicale.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est prima facie recevable (art. 56 et 60 de la LPGA; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10])
2. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimée de mettre fin à ses prestations au recourant liées à l’événement du 6 février 2023 au 30 octobre 2023.
3.
3.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.
La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).
Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 148 V 138 consid. 5.1.1). Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé: il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).
Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 et 118 V 286 consid. 1b et les références).
Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.
Selon la jurisprudence, l'utilisation par un médecin du terme « post-traumatique » ne suffit pas, à elle seule, à reconnaître un lien de causalité entre un accident et des troubles. En effet, on peut entendre par une affection « post-traumatique » des troubles qui ne sont pas causés par l'accident mais qui ne sont apparus qu'après l'accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_493/2023 du 6 février 2024 consid. 4.2 et la référence).
3.2 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident.
Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 8C_331/2024 du 29 novembre 2024 consid. 4.2).
Selon la jurisprudence, fixer le délai du retour au statu quo sine en se référant à l'évolution prévisible de l'atteinte à la santé d'une manière abstraite et théorique ne suffit pas pour établir - au degré de la vraisemblance prépondérante - l'extinction du lien de causalité avec l'accident en cause (arrêts du Tribunal fédéral 8C_481/2019 du 7 mai 2020 consid. 3.4 ; 8C_97/2019 du 5 août 2019 consid. 4.3.1. et 4.3.2 ; 8C_473/2017 du 21 février 2018 consid. 5).
3.3 Un second événement accidentel, non assuré, peut donner lieu à une obligation de prester de la part de l'assureur-accidents compétent pour le premier accident pour autant que le second constitue la conséquence adéquate du premier (ATF 148 V 356 consid. 6.2 et 6.3 et les références). L'admission de la causalité adéquate suppose, en tout cas, que l'état antérieur post-traumatique ait conduit à un risque accru d'accident (ATF 148 V 356 consid. 7.3.1).
Les prestations d'assurance sont également allouées en cas de rechutes et de séquelles tardives (art. 11 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents, du 20 décembre 1982 - OLAA ; RS 832.202). Selon la jurisprudence, les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en commun qu'elles sont attribuables à une atteinte à la santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée comme guérie. Il y a rechute lorsque c'est la même atteinte qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu'une atteinte apparemment guérie produit, au cours d'un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 123 V 137 consid. 3a ; 118 V 293 consid. 2c et les références).
Les rechutes et suites tardives se rattachent donc par définition à un événement accidentel effectif. Corrélativement, elles ne peuvent faire naître une obligation de l'assureur-accidents (initial) de verser des prestations que s'il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre les nouvelles plaintes de l'intéressé et l'atteinte à la santé causée à l'époque par l'accident assuré (ATF 118 V 296 consid. 2c et les références ; RAMA 2006 n° U 570 p. 74 consid. 1.5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral U 80/05 du 18 novembre 2005 consid.1.1).
Il incombe à l'assuré d'établir, au degré de vraisemblance prépondérante, l'existence d'un rapport de causalité naturelle entre la nouvelle atteinte et l'accident. À cet égard, la jurisprudence considère que plus le temps écoulé entre l'accident et la manifestation de l'affection est long, et plus les exigences quant à la preuve, au degré de la vraisemblance prépondérante, du rapport de causalité naturelle doivent être sévères (arrêt du Tribunal fédéral 8C_302/2023 du 16 novembre 2023 consid. 6.1 et les références).
3.4 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Etant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).
3.5 Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).
Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4).
Selon une jurisprudence constante, les médecins d'arrondissement ainsi que les spécialistes du centre de compétence de la médecine des assurances de la CNA sont considérés, de par leur fonction et leur position professionnelle, comme étant des spécialistes en matière de traumatologie, indépendamment de leur spécialisation médicale (arrêt du Tribunal fédéral 8C_626/2021 du 19 janvier 2022 consid. 4.3.1 et les références).
Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).
Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations d'assurance sociales, le fardeau de la preuve incombe en principe à l'assureur-accidents (cf. ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). Cette règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative, qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3). Á cet égard, est seul décisif le point de savoir si, au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 146 V 271 consid. 4.4), les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus aucun rôle, ne serait-ce même que partiel (cf. ATF 142 V 435 consid. 1), et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_343/2022 du 11 octobre 2022 consid. 3.2 et les références).
3.6 Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
4. En l’espèce, l’intimée a mis fin à ses prestations au 30 octobre 2023, en se fondant sur l’appréciation de la Dre G______ qui travaille pour elle. Dans ce cas de figure, un doute même minime sur la fiabilité et la validité de ses constatations, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires, selon la jurisprudence précitée.
La Dre G______ a intitulé son rapport de « Brève appréciation » et il ne répond manifestement pas aux réquisits permettant de lui reconnaître une pleine force probante, dans la mesure où ses conclusions ne sont pas fondées sur les plaintes du recourant, une anamnèse détaillée, ni un examen clinique. La Dre G______ répondait seulement à quelques questions qui lui étaient posées par le gestionnaire du dossier.
Ce rapport n’établit donc pas, à tout le moins au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’incident du 6 février 2023 n’était plus causal, ne serait-ce que partiellement, des douleurs du recourant à la cheville droite au-delà du 30 octobre 2023.
La Dre G______ se référait à l'évolution prévisible d’une contusion, d'une manière abstraite et théorique, ce qui ne suffit pas pour établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, l'extinction du lien de causalité de l’atteinte persistante à la cheville du recourant et l'accident en cause, selon la jurisprudence précitée.
Il n’est en outre pas convaincant dans la mesure où la Dre G______ y indiquait que le bilan radiologique effectué par les HUG le 30 octobre 2023 permettait d’écarter une atteinte traumatique et mettait en évidence une arthrose de la tibiotalienne, ce qui ne correspond pas à la teneur ce rapport. Celui-ci mentionnait en effet qu’il ressortait de la radiographie du 30 octobre 2023 que la plaque postérieure était intègre et sans déplacement secondaire et qu’il n’y avait pas d’augmentation du médial clear space avec un diastasis de 4-5 mm, comparable au cliché de de contrôle. S’agissant du SPECT-CT, réalisé à l’extérieur, il mettait en évidence une hypercaptation au niveau de la cheville droite et parlait en faveur d’une contusion osseuse. Une surface articulaire irrégulière en potentiel rapport avec un remodelé arthrosique avait en outre été notée.
Le 18 mars 2024, le Dr F______ a indiqué que l’assurée décrivait toujours une stabilité des douleurs et qu’un traitement par infiltration de l’articulation tibiotalienne allait être effectué pour vérifier si les douleurs étaient causées par l’arthrose post-traumatique présentée par le recourant.
Même si l’utilisation du terme post-traumatique par le Dr F______ n’est pas forcément déterminante, elle suffit à jeter un doute sur l’origine des douleurs persistantes du recourant à la cheville droite.
Tel est également le cas s’agissant du rapport établi le 15 mai 2024 par le Dr C______, qui indiquait que l’accident du 2 février 2023 était clairement identifié comme étant la cause des limitations actuelles du recourant et de sa perte de rentabilité dans son travail.
Au vu de l’instruction insuffisante du cas, il se justifie de renvoyer la cause à l’intimée pour qu’elle mettre en œuvre une expertise indépendante.
5. S’agissant de la demande d’apport de la procédure de l’assurance-invalidité, il n’y sera pas donné suite en l’état, dès lors que le litige portant sur la question de la causalité, qui est spécifique à la LAA et qui n’est pas examinée par l’office de l’assurance-invalidité, sous réserve toutefois d’une appréciation contraire de l’expert qui sera désigné.
6. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision du 24 juin 2024 annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire, au sens des considérants.
Le recourant obtenant partiellement gain de cause et étant assisté d’un conseil, une indemnité de CHF 2’000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens et mise à la charge de l’intimée (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision sur opposition du 23 mai 2024.
4. Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants.
5. Alloue CHF 2'000.- au recourant à titre de dépens, à la charge de l’intimée.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Julia BARRY |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le